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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/991/2024

ATA/820/2024 du 09.07.2024 sur JTAPI/402/2024 ( LCR ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/991/2024-LCR ATA/820/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juillet 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2024 (JTAPI/402/2024)


EN FAIT

A. a. A______ est domicilié à B______ (France). Il est directeur d'une société anonyme sise dans le canton de Fribourg.

b. Par décision du 13 février 2024, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) lui a fait interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger en Suisse pour une durée de treize mois, en raison d'un excès de vitesse commis le 31 octobre 2022 à C______, au volant d'un véhicule muni de plaques fribourgeoises.

B. a. Par acte du 20 mars 2024, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant à sa « reconsidération ».

b. Par pli recommandé du 22 mars 2024, le TAPI a imparti à A______ un délai au 22 avril 2024 pour procéder au paiement d'une avance de frais de CHF 500.-, sous peine d'irrecevabilité de son recours.

c. Ce pli a été retourné au TAPI le 20 avril 2024 avec comme indication « avisé et non réclamé ». Selon le système de suivi des envois de la Poste, une tentative infructueuse de distribution de l'envoi avait eu lieu le 28 mars 2024.

d. Par jugement du 29 avril 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

La demande d'avance de frais avait été acheminée par pli recommandé à l'adresse mentionnée dans l'acte de recours. Ce pli n'avait pas été réclamé, si bien qu'il devait être considéré comme ayant été notifié le dernier jour du délai de garde, soit le 12 avril 2024.

L'avance de frais n'avait toutefois pas été payée, et rien ne permettait de retenir que A______, qui devait s'attendre à recevoir une communication du TAPI, avait été victime d'un empêchement non fautif de s'en acquitter à temps.

Ce jugement a été expédié par pli recommandé le 30 avril 2024. Il a été retourné au TAPI le 12 juin 2024 avec comme indication « non réclamé ». Selon le système de suivi des envois de la Poste, une tentative infructueuse de distribution de l'envoi avait eu lieu le 7 mai 2024.

Le TAPI a renvoyé le jugement par pli simple le 12 juin 2024.

C. a. Par acte posté le 20 juin 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à ce qu'il lui soit permis d'effectuer le paiement de l'avance de frais par-devant le TAPI.

La poste de B______ avait de sérieux problèmes pour la distribution « conforme » de lettres recommandées, soit avec appel obligatoire à l'interphone vidéo de la maison. De plus, après le décès de son père fin janvier 2024, qui avait impliqué de nombreux déplacements à l'étranger, il était allé à D______ fin mars préparer son mariage qui aurait lieu en juillet, puis à E______pour y fêter les 10 ans de sa fille. Il n'avait été à son domicile que les 29 et 30 mars 2024 et n'y avait pas trouvé d'avis de passage.

La motivation du TAPI, selon laquelle il aurait dû s'attendre à recevoir des communications judiciaires, ne devait pas prendre le pas sur les priorités familiales vitales. La situation ne se serait pas produite si les plis recommandés avaient été doublés de plis simples.

b. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre de céans examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/79/2024 du 23 janvier 2024 consid. 1 ; ATA/660/2022 du 23 juin 2022 consid. 1 ; ATA/751/2020 du 12 août 2020 consid. 1).

2.             Se pose la question du respect du délai de recours.

2.1 Selon l’art. 62 al. 1 let. a et b LPA, le délai de recours contre une décision finale est de trente jours. Il court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 1ère phr. LPA).

2.2 L'art. 11 ch. 1 de la Convention européenne du 24 novembre 1977 sur la notification à l'étranger des documents en matière administrative, ratifiée par la France et la Suisse (RS 0.172.030.5 - entrée en vigueur pour la Suisse le 1er octobre 2019), applicable en dehors des domaines fiscal et pénal, prévoit que tout État contractant a la faculté de faire procéder directement par la voie de la poste aux notifications de documents à des personnes se trouvant sur le territoire d’autres États contractants.

2.3 La notification d’un acte soumis à réception, comme une décision ou une communication de procédure, est réputée faite au moment où l'envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd., 2011, p. 302 s n. 2.2.8.3). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 137 III 308 consid. 3.1.2 ; 118 II 42 consid. 3b ; 115 Ia 12 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 ; 2A.54/2000 du 23 juin 2000 consid. 2a et les références citées). Celui qui, pendant une procédure, omet de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle s’il devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2009 du 1er mars 2010 consid. 3.2.1 et les références citées ; ATA/1032/2023 du 19 septembre 2023 consid. 2.2).

2.4 Si le retrait n'a pas lieu dans le délai de garde de sept jours, l'envoi est réputé notifié le dernier jour de ce délai (fiction de notification), y compris lorsque la Poste conserve l'envoi pendant un délai plus long que sept jours, en raison notamment d'un ordre donné en ce sens par le destinataire. La fiction de la notification est opposable au justiciable si celui-ci devait s'attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une communication des autorités, ce qui est en principe le cas dès qu'il est partie à une procédure pendante (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_660/2023 du 4 décembre 2023)

2.5 D’une manière générale, dans un tel cas, l’administré doit prendre des dispositions pour faire en sorte d’être atteint. Tel n’est pas le cas de celui qui, dans cette situation, part en vacances sans prendre de dispositions pour avertir l’autorité de son absence, ou pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l’arrivée, pendant cette période, d’une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n’est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l’échéance du délai de dépôt de l’avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l’échéance du délai de sept jours (ATF 134 V 49 consid. 4). C’est seulement en l’absence d’un empêchement non fautif du destinataire de la décision que la notification de celle-ci ne déploie pas ses effets ou que ceux-ci sont reportés (ATA/1032/2023 précité consid. 2.2.2) .

2.6 Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/153/2023 du 14 février 2023 consid. 2.3 et les arrêts cités).

2.7 Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/153/2023 du 14 février 2023 consid. 2.3 et les arrêts cités). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016 consid. 2c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée). L’empêchement doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/470/2022 du 3 mai 2022 consid. 2b ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9).

2.8 Un formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la mise en œuvre du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1). L'application stricte des règles sur les délais de recours ne relève en principe pas d'un formalisme excessif, mais se justifie dans l'intérêt d'un bon fonctionnement de la justice et de la sécurité du droit (ATF 149 IV 97 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 9D_6/2023 du 6 juin 2024 consid. 5.2 ; 9C_304/2023 du 21 février 2024 consid. 6.2.2).

2.9 En l'espèce, le jugement attaqué a fait l'objet d'une distribution infructueuse le 7 mai 2024. Par ailleurs, ayant interjeté un recours au TAPI le 20 mars 2024, le recourant devait s'attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une communication des autorités. La fiction de notification lui est donc opposable, la notification étant censée être intervenue sept jours plus tard, soit le 14 mai 2024.

Le délai légal de 30 jours a ainsi commencé à courir le 15 mai 2024 et expirait donc le jeudi 13 juin à minuit. Expédié le 20 juin 2024, le recours est ainsi tardif. Comme exposé ci-dessus, le fait d'être absent de la région genevoise pour des raisons personnelles ou familiales ne dispensait pas le recourant de prendre des mesures pour faire en sorte de recevoir les communications du TAPI, comme engager un mandataire, avertir le TAPI de son absence ou le contacter pour savoir si des envois lui avaient été adressés, ou encore faire réceptionner son courrier par un tiers de confiance. Son allégation concernant les dysfonctionnements de la poste de sa commune de domicile sont générales et purement hypothétiques, de sorte qu'elle ne saurait être prise en compte.

En outre, de jurisprudence constante, les autorités et juridictions administratives n'ont aucune obligation légale de doubler les envois recommandés par des plis simples (ATA/935/2019 du 21 mai 2019 consid. 6), ce que le recourant semble soutenir sans toutefois donner aucune base légale, réglementaire ou jurisprudentielle étayant son propos.

Le recours sera ainsi déclaré irrecevable, sans échange d’écritures conformément à l'art. 72 LPA.

3.             À titre superfétatoire, quand bien même le recours aurait été recevable, il eût dû être déclaré manifestement mal fondé au sens de l'art. 72 LPA.

En effet, selon l'art. 86 al. 1 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant. Si l’avance n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (art. 86 al. 2 LPA). Le texte de cette disposition ne prévoit pas de délai supplémentaire, étant précisé que l’exigence de l’avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non‑paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal (arrêt du Tribunal fédéral 2C_178/2022 du 16 mars 2022 consid. 5.3 ; ATA/153/2023 du 14 février 2023 consid. 2.1). Les règles posées ci-dessus en matière de réception des actes, de cas de force majeure et d'absence de formalisme excessif valent également pour la demande d'avance de frais.

Or, le recourant, qui comme déjà vu devait s'attendre à une communication du TAPI, s'est absenté de la région sans prendre les dispositions nécessaires, si bien que l'on ne saurait retenir un cas de force majeure. Il ne conteste par ailleurs pas ne pas avoir versé l'avance de frais demandée, pas plus que le caractère raisonnable du délai imparti. Il s'ensuit que son recours était, en toute hypothèse, manifestement mal fondé.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 20 juin 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2024 ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 200.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'office cantonal des véhicules ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :