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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1992/2023

ATA/647/2024 du 28.05.2024 sur JTAPI/1354/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.07.2024, 2C_337/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1992/2023-PE ATA/647/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mai 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Elizaveta ROCHAT, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 décembre 2023 (JTAPI/1354/2023)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1957, est ressortissante russe.

b. Sa fille, B______, son gendre, C______ et leur fille, D______ née le ______ 2016, tous trois de nationalité suisse, vivent à Genève.

c. Par courrier du 5 juin 2020, C______ a informé l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que sa belle-mère, qui était au bénéfice d’un visa multi-entrées Schengen délivré par l’ambassade suisse à Moscou valable jusqu’au 8 février 2022, devait retourner en Russie le 6 mai 2020. Toutefois, dès lors que les liaisons aériennes entre ce pays et la Suisse étaient interrompues en raison de la pandémie de Covid-19, la prolongation de son séjour de 90 jours – autorisée par le visa précité – jusqu’à la reprise des vols pour la Russie était requise.

d. Le 15 juin 2020 faisant office de décision, l’OCPM a accordé à A______ un délai de 90 jours pour quitter la Suisse.

e. Par requête du 24 août 2020, celle-ci a sollicité de l’OCPM la délivrance d’une autorisation de séjour.

Résidant à E______ (Russie), elle était veuve depuis 2012, année durant laquelle sa fille unique était partie s’installer en Suisse. Depuis 2013, elle venait régulièrement à Genève pour lui rendre visite. Elle avait créé des liens très forts avec sa petite‑fille, qui n’avait qu’un autre grand-père paternel, toutefois absent. Son âge qui avançait et la période angoissante de la pandémie lui avaient permis de réaliser que le fait de vivre en Russie loin de sa famille impliquait qu’elle n’aurait personne pour l’aider en cas de problème de santé notamment. Elle se sentait en sécurité à Genève, où elle n’envisageait pas d’exercer d’activité lucrative.

f. Le 24 août 2020, C______ a indiqué à l’OCPM qu’en cas de délivrance du titre de séjour requis, sa belle-mère serait logée chez son épouse et lui-même et tous deux prendraient en charge ses frais.

g. A______ a sollicité auprès de l’OCPM la délivrance de visas de retour en vue de se rendre en Russie le 18 mars 2021 pour obtenir des documents officiels concernant son appartement en Russie, le 21 mai 2021 pour obtenir des « papiers » officiels originaux en Russie et le 16 mai 2022 pour se rendre en Grèce avec sa famille.

h. Répondant à l’OCPM, B______ et son beau-fils ont indiqué, par pli du 11 mai 2021, qu’elle résidait seule dans un appartement dans la ville de E______. Mère et fille avaient toujours été extrêmement proches et leurs liens s’étaient resserrés lors du décès du père, respectivement époux, puis à la suite de la naissance de D______. La fille de la requérante avait contribué à l’entretien de celle-ci par le biais de divers versements. Les membres de la famille présents en Suisse étaient son gendre, sa fille et sa petite-fille. Sa sœur, née le ______ 1953, résidait à E______ mais elle n’avait plus de contacts depuis cinq ans avec elle et son frère, né le ______ 1949, vivait à F______ et elle n’avait plus de contacts avec lui depuis dix ans. Elle avait prévu de vivre avec sa fille et son gendre dans l’appartement appartenant à ce dernier. Dès lors que sa santé requérait une attention particulière, notamment après avoir eu le Covid-19, le fait d’être entourée de sa famille et de ne plus vivre seule en Russie était primordial.

Étaient notamment joints : le certificat de décès de son époux ; une attestation établie le 10 mai 2021 par le Docteur G______, à teneur de laquelle elle était sa patiente depuis plusieurs années en raison de « différentes pathologies chroniques » nécessitant des examens et des consultations régulières (radiographies, analyses de sang et expertises spécialisées). Après avoir contracté le Covid-19 en 2020, elle souffrait encore à ce jour de répercussions. Son état de santé demandait une attention particulière en raison de pathologies digestives, vasculaires et dermatologiques. Ainsi, il était indispensable qu’elle bénéficie d’une prise en charge adéquate, laquelle n’était pas disponible en Russie, et puisse être entourée par sa famille ; des fiches de salaire de B______ faisant état de revenus mensuels nets oscillant entre CHF 3'464.- et CHF 4'681.- pour un poste de consultante et de C______ pour un montant mensuel net de CHF 9'362.- pour un poste de directeur ; des billets d’avion au nom de A______ relatifs à des vols Moscou-Genève en mars 2016, en 2018, en janvier 2019 et en février 2020 ; des extraits de compte faisant état de virements de B______ en faveur de sa mère ; plusieurs photographies non datées de l’intéressée, notamment avec sa fille, son gendre et sa petite-fille, dont certaines avaient vraisemblablement été prises en Suisse.

i. À la demande de l’OCPM du 11 juillet 2022, le couple B______ C______ a indiqué, par pli du 2 août 2022, qu’A______ percevait une pension mensuelle oscillant entre CHF 100.- et CHF 150.- selon le taux de change, étant précisé qu’elle ne recevait alors rien, en raison des sanctions en cours. Elle s’était rendue régulièrement en Suisse avant 2018, comme le démontraient les visas et billets d’avion.

Étaient notamment annexés un formulaire O de prise en charge financière à hauteur de CHF 3'000.- par mois signé par C______ ; des fiches de salaire pour le mois de juin 2022 faisant un état d’un revenu net de CHF 4'213.- pour B______ et de CHF 9'362.- pour son mari ; un extrait du registre des poursuites relatif à C______ du 19 avril 2022 faisant état d’une poursuite à hauteur de CHF 1'314.35, réglée par le précité ; le formulaire établi par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) « rapport médical visant à établir les faits médicaux dans la procédure d’asile » complété le 27 juillet 2022 par le Dr G______, à teneur duquel le statut de la patiente, suivie depuis 2018, consistait en des lombosciatalgies, une insuffisance circulatoire des membres inférieurs, une fibromyalgie, une sinistrose et un état dépressif, un bon état général étant relevé pour le reste. La rubrique « Evolution » précisait « statu quo » et celle « Diagnostic » mentionnait le code « F70 F40.9 ». Le traitement adéquat depuis 2018 consistait en la prise d’antalgiques, d’antidépresseurs et de somnifères et un suivi des douleurs et psychologique était nécessaire. Le pronostic sans traitement demeurait réservé et consisterait, avec traitement, au statu quo. Le Dr G______ ne connaissait aucun médecin ni structure médicale susceptible d’assurer le traitement nécessaire en Russie. Irait à l’encontre d’un traitement médical dans ce pays son isolement social et géographique ; un engagement à ne pas exercer d’activité lucrative en Suisse signé le 2 août 2022, copie des pages de son passeport faisant état de ses déplacements.

j. Par courrier du 19 octobre 2022, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser de lui délivrer un titre de séjour et de prononcer son renvoi.

Les conditions de délivrance d’un permis de séjour pour rentier n’étaient pas réalisées, faute pour la précitée de présenter les garanties financières suffisantes. Les critères du cas de rigueur n’étaient pas davantage remplis et aucune violation du droit à la vie familiale et privée n’était à déplorer. Le formulaire médical complété par le Dr G______ n’indiquait pas si les pathologies avaient été diagnostiquées avant sa venue en Suisse et ne précisait ni les molécules ni la posologie du traitement prescrit, de sorte qu’il était impossible de déterminer si celui-ci était disponible en Russie. Elle était relativement jeune et avait été en état de voyager ces dernières années, notamment en 2021, et ne se trouvait pas dans un état de dépendance pour ses besoins quotidiens.

k. Dans ses déterminations, la précitée a relevé qu’elle souffrait d’un syndrome neuro-vertébral et d’une affection ophtalmologique réduisant sa vision, ces deux pathologies ayant été contractées en Suisse, comme démontré par les rapports des Docteurs H______ et I______. Ces deux nouvelles problématiques de santé venaient s’ajouter à l’insuffisance veineuse périphérique présente avant 2020, qui s’était aggravée en Suisse, qui nécessiterait une intervention chirurgicale ou une ablation thermique endo-veineuse. Son état de santé s’était donc dégradé et elle avait besoin de la présence de ses proches et de leur aide pour ses tâches quotidiennes.

Elle était psychologiquement fragile et très dépendante sur le plan affectif de sa fille, son gendre et sa petite-fille, comme constaté par son entourage et son médecin traitant, la Docteure J______. Elle avait toujours vécu avec sa fille jusqu’à ce que cette dernière vienne vivre en Suisse en 2012 et depuis qu’elle avait rejoint cette dernière, elle avait tissé des liens affectifs très forts avec sa petite‑fille, à laquelle elle transmettait sa langue et sa culture. Elle s’intéressait beaucoup à la langue et à la culture suisses et suivait des cours de français intensifs depuis février 2022.

Au vu de son état physique et psychique, elle ne pourrait plus s’occuper d’elle‑même en Russie ni faire le trajet jusqu’en Suisse pour venir voir sa famille. Quand bien même sa fille et son gendre subvenaient à son entretien depuis des années, ils ne pouvaient lui assurer une aide à domicile en Russie ni y séjourner régulièrement auprès d’elle, dès lors qu’ils travaillaient en Suisse et devaient s’occuper de leur fille. Son retour en Russie la placerait dans une situation d’extrême gravité qui lui était propre et non comparable à la situation générale en Russie. Sa fille, qui culpabilisait de ne pouvoir s’occuper d’elle en cas de renvoi, avait dû débuter un suivi psychologique.

Étaient notamment joints un résumé d’observations du Dr H______, spécialiste en chirurgie, du 22 octobre 2022 faisant état de lourdeurs et des douleurs jambières aggravées au printemps 2021 et prédominantes à droite, qui évoquaient une insuffisance veineuse périphérique avec présence d’un œdème et cyanose significative. Des fourmillements et des dysesthésies périphériques bilatérales évoquaient également la présence d’un syndrome neuro-vertébral qui se situait entre L5 et S1. Il fallait donner la priorité à ces phénomènes puis envisager le traitement de l’insuffisance veineuse périphérique chronique, par voie chirurgicale ou ablation thermique endoveineuse ; une attestation établie le 26 octobre 2022 par le Dr I______, ophtalmologue, selon laquelle l’intéressée, qu’il suivait depuis plusieurs années, souffrait depuis 2020 d’une affection ophtalmologique réduisant sa vision et nécessitant un contrôle ophtalmologique régulier ; un certificat médical du 28 octobre 2022 émanant de la Dre J______, médecin interne, à teneur duquel elle était « atteinte gravement dans sa santé et nécessit[ait] un suivi médical régulier ». Au vu de « la complexité de la situation médicale et de l’impossibilité d’obtenir une prise en charge adéquate en Russie », la patiente était dans l’obligation de résider à Genève afin de bénéficier du suivi médical par ses différents spécialistes, dont elle-même ; un certificat médical du Docteur K______, psychiatre, du 17 novembre 2022, selon lequel B______ bénéficiait d’un suivi psychologique depuis le 15 novembre 2022 ; une attestation de soutien de L______ du 11 novembre 2022 indiquant que A______, qu’il connaissait depuis 2013, avait toujours été très présente dans la vie de sa fille, de son gendre et de sa petite-fille, auxquels elle venait rendre visite plusieurs fois par an. Elle souffrait de problèmes veineux et dorsaux et, depuis peu, d’une pathologie aux yeux ainsi que, psychologiquement, à l’idée de devoir quitter sa famille. Il craignait qu’elle ne puisse se « débrouiller » seule en Russie. Elle avait fait beaucoup d’efforts pour apprendre le français et s’intégrer en Suisse et son renvoi provoquerait un très grand traumatisme ; des attestations de suivi de cours de français pour débutant A1.1 de février à juin 2022 et de septembre 2022 à février 2023.

l. Par décision du 12 mai 2023, l’OCPM a refusé de délivrer le titre de séjour requis, a prononcé le renvoi d’A______ et lui a imparti un délai au 11 août 2023 pour quitter la Suisse.

Reprenant les éléments figurant dans son courrier d’intention, cet office a précisé qu’aucun des nouveaux documents médicaux produits n’indiquait quel traitement (molécule et posologie notamment) était nécessaire, ni la durée y relative, étant relevé que les certificats médicaux établis par les Drs I______ et J______ ne mentionnaient pas quelles étaient les pathologies concernées. Elle pourrait en tout état effectuer l’intervention chirurgicale conseillée en Suisse par le biais d’un visa touristique.

m. Par courriel du 8 juin 2023, l’intéressée a informé l’OCPM qu’elle s’était cassé le sacrum lors d’une chute. Outre le fait que son rétablissement devrait durer plusieurs mois, cette chute était la conséquence de son état de santé et prouvait qu’elle avait besoin de la surveillance de sa famille.

Selon le rapport médical du 24 mai 2023 du Professeur L______, radiologue, relatif à un IRM lombaire, sacro-iliaques et du bassin réalisé le 24 mai 2023, avaient été constatés une « fracture horizontale non déplacée du sacrum au niveau S4 avec œdème intraosseux et périfocale associée compatible avec une fracture de stade aigu/subaiguë », un « remaniement dégénératif débutant à modéré de la colonne lombaire plus marquée au niveau L5-S1 » et une « coxarthrose bilatérale débutante à modérée ».

n. Le même jour, l’OCPM a informé A______ qu’il n’était pas en mesure de reconsidérer sa décision de refus, le fait d’avoir effectué une IRM ne permettant pas de déterminer le traitement médical nécessaire ni de vérifier s’il était disponible en Russie.

B. a. Par acte du 12 juin 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre de la décision de l’OCPM du 12 mai 2023, concluant, préalablement, à l’audition de sa fille, son gendre et des Drs H______, I______ et G______, principalement, à la délivrance d’un permis de séjour et, subsidiairement, à son admission provisoire.

En sus des éléments précédemment invoqués devant l’OCPM, elle a précisé qu’elle suivait des cours de français depuis son arrivée en Suisse en mars 2020. Depuis 2015, elle était venue sur le sol helvétique en moyenne quatre fois par an pour y séjourner la durée maximale autorisée. Elle s’intéressait à la culture helvétique et s’était rendue avec sa famille à Villars et à Bad Ragaz avant sa chute. Elle fréquentait l’église orthodoxe à Genève. Elle avait désormais des difficultés à se déplacer à cause de sa maladie veineuse, présentait une légère claudication dont l’origine restait à élucider, des douleurs constantes aux jambes avec des démangeaisons au niveau des tibias ainsi qu’une dilatation des veines à 11-12 mm alors que la norme se situait à 3 mm. Elle souffrait également d’arthrose de la hanche, de fourmillements dans les membres inférieurs et d’angoisses. Elle avait une vision très réduite de l’œil droit, qui avait été opéré d’une cataracte en 2016, et présentait un syndrome de traction vitréo-maculaire et une épithéliopathie maculaire. Son œil gauche, également atteint d’une cataracte naissante, voyait assez bien et cette grande différence de vision entre les deux yeux ainsi que la pathologie de son œil droit provoquaient des pertes d’équilibre et des vertiges. Elle avait besoin d’être accompagnée pour aller chez le médecin et faire ses courses et devait également être surveillée à la maison.

Elle habitait à près de 720 km de Moscou, d’où une liaison avec la Suisse n’était possible qu’en passant par Istanbul ou Dubaï, soit un trajet E______ – Genève de plus de 36 heures au mieux et de trois jours au pire, comme démontré par les exemples de vols joints, ce qui était impossible pour elle au vu de son état de santé. La fracture due à sa chute lui causait de fortes douleurs et mettrait plusieurs mois à guérir. Si elle avait été seule en Russie, personne n’aurait su qu’elle était tombée et elle aurait pu courir un risque vital. Elle était à la charge de sa fille et de son gendre depuis des années, sa rente ne couvrant ni ses charges, ni ses soins ni ses déplacements.

Ayant toujours beaucoup travaillé en Russie, son état de santé à 66 ans n’était pas comparable à celui d’une ressortissante suisse du même âge, comme confirmé par les tableaux d’espérance de vie en Suisse et en Russie joints. Elle ne vivait pas au centre de E______ et le centre de soins le plus proche de son domicile se trouvait à 20 minutes à pied et l’hôpital disposant d’équipements et de personnel qualifié était à 15 km, ces deux établissements n’étant pas desservis par les transports publics. Ainsi, en cas de renvoi, elle ne pourrait plus revenir en Suisse pour voir sa famille ni se soigner correctement et sa vie serait en danger sans surveillance quotidienne.

Dès lors qu’elle respectait l’ordre juridique et les us et coutumes suisse, s’intégrait en apprenant le français et ne présentait aucune menace pour l’économie helvétique puisqu’elle ne travaillerait pas, son renvoi était disproportionné et portait atteinte à la sphère privée de quatre personnes, dont trois ressortissants suisses et une enfant.

Étaient notamment produits une attestation d’inscription à un cours de français de niveau intermédiaire 1 (A2) de février à juin 2023 ; un résumé d’observations établi le 30 mai 2023 par le Dr H______ indiquant la discrète aggravation de la symptomatologie de stase résumée le 22 octobre 2022. Le syndrome neuro‑vertébral restait prioritaire car la mobilité était anamnestiquement restreinte à moins d’1 km et des paresthésies et dysesthésies apparaissaient clairement également en position couchée et au lever. Étaient relevés une claudication possible d’origine neurologique ou vasculaire et un retard de fermeture valvulaire à l’étage poplité était également à mentionner. En cas d’aggravation, seul un avis spécialisé pourrait localiser le problème ; un certificat médical du Dr G______ du 6 juin 2023 à teneur duquel l’état de santé précaire de l’intéressée « impactait » sa mobilité quotidienne. Avaient été constatés : des paresthésies dans les deux membres inférieurs vraisemblablement liés à des pathologies lombaires et dorsales, ostéochondrose, dessiccation, arthrose, discopathies et rétrécissement foraminal impactant sa capacité de déplacement, une coxarthrose bilatérale avec des chondropathies aggravant sa mobilité et exigeant « des traitements spécialisés ou des antalgiques rares » ; à la suite de sa chute, une fracture horizontale au niveau du S4 avec un œdème interosseux entraînant des douleurs simples dans toutes les positions et aigues en position debout prolongée. Son traitement médicamenteux consistait en du : Voltaren retard 100 mg, Sildarud 4 mg, Tramal retard 100 mg, Dafalgan 1g, Dalmadorm 15 mg, Venoruton forte 500 mg, du Temesta 2,5 mg et de l’Olmesartan 20/12,5 mg. Ainsi, compte tenu également des constatations du spécialiste en phlébologie et de l’ophtalmologue, actuellement et à l’avenir, elle ne pouvait être déplacée de manière intempestive, encore moins sur de longs trajets, et avait absolument besoin de la présence d’un proche aidant. Il était totalement illusoire de penser qu’elle pourrait rester seule dans un endroit où la pauvreté médicale était évidente. Ainsi, il était demandé qu’elle puisse bénéficier de cette aide rapprochée auprès de sa famille ; une attestation du Dr I______ du 9 juin 2023 indiquant notamment que la patiente, qu’il suivait depuis 2016, avait une acuité visuelle suboptimale avec notamment une anisométropie. Elle souffrait d’une acuité visuelle suboptimale à l’œil droit en raison d’une épithéliopathie maculaire. Elle avait reçu des injections intravitréennes à trois reprises, suite à un syndrome de traction citréo-maculaire avec un décollement séreux de l’épithélium pigmentaire ancien. Dès lors qu’elle conservait sur son œil gauche une acuité visuelle satisfaisante, il n’était pas recommandé d’intervenir sur sa cataracte naissante. Au vu de la différence interoculaire importante, qui réduisait sa binocularité et son estimation des distances et des hauteurs, elle n’était pas apte à voyager seule et à vivre de manière sécure et indépendante, ses difficultés de déplacements pouvant entraîner un risque de chute non négligeable. Un contrôle ophtalmologique trimestriel était nécessaire.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les conditions d’octroi d’un permis de séjour pour rentier ou sous l’angle du cas de rigueur n’étaient pas remplies. L’intéressée n’avait pas démontré qu’elle serait exposée, en cas de retour dans son pays, à des conditions plus difficiles que ses compatriotes restés en Russie et les troubles de la santé invoqués ne représentaient pas un danger tel qu’un retour en Russie serait inexigible.

c. Dans sa réplique, A______ a relevé qu’au vu de ses capacités visuelles et de déplacements fortement réduites, des douleurs quotidiennes et de fréquents vertiges, elle ne serait pas en mesure de mettre en place le réseau de praticiens nécessaires, notamment un gériatre, un phlébologue et un ophtalmologue, voire un psychiatre, ni de se déplacer seule dans les centres de soins à E______. Les conséquences d’un renvoi seraient pour elle bien plus graves que pour ses concitoyens confrontés à un retour en Russie mais qui y auraient des proches et seraient aptes à vivre seuls et à voyager en Suisse. Étant la seule parente en ligne directe ascendante présente dans la vie de sa fille, de son gendre et de sa petite-fille, elle formait leur « noyau nucléaire ».

d. Par jugement du 4 décembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

L’intéressée ne remplissait pas les conditions d’indépendance financière d’une rentière lui permettant de demeurer en Suisse. Elle n’avait pas non plus – hormis avec sa famille – tissé de liens particuliers avec la Suisse.

Par ailleurs, en l’absence d’intégration socio-professionnelle remarquable et de difficultés de réintégration, A______ ne remplissait pas non plus les critères d’un cas de rigueur. Ses problèmes de santé étaient soit déjà présents avant son arrivée en Suisse ou survenus dans ce pays, alors qu’elle y séjournait illégalement au lieu d’attendre l’issue de la procédure en Russie. Rien ne permettait de considérer que les soins et médicaments dont elle avait besoin ne seraient pas disponibles dans son pays d’origine. Aucun document n’attestait du besoin de l’intéressée d’aide de tiers dans l’accomplissement de gestes quotidiens. Vu la proximité alléguée des centres de soin de son domicile (20 minutes à pied), A______ pouvait, le cas échéant, s’y faire conduire, étant relevé que sa fille et son gendre étaient disposés à la soutenir financièrement. Rien ne s’opposait ainsi à son renvoi.

C. a. Par acte expédié le 23 janvier 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement, dont elle a demandé l’annulation. Elle a requis l’audition de sa fille et de son gendre et, principalement, l’octroi d’une autorisation de séjour et, subsidiairement, son admission provisoire.

Son état de santé s’était beaucoup dégradé. Elle souffrait de problèmes oculaires, de vertiges, de fourmillements, de claudication, d’une fracture du sacrum et d’une coxarthrose. Les auditions requises visaient à établir l’intensité du lien avec sa famille en Suisse. Sa fille et son beau-fils étaient des proches aidants. Elle ne pouvait se passer de leur soutien. Elle ne pouvait, en cas de retour dans son pays d’origine, compter sur l’aide de ses frère et sœur. Le TAPI retenait à tort que plusieurs pathologies dont elle souffrait seraient survenues déjà avant son arrivée en Suisse. Faute de bénéficier, au quotidien, de l’accompagnement de sa fille et de son gendre, son retour la placerait dans une situation de danger pour sa vie.

Elle a produit le certificat du Dr G______ du 16 janvier 2024 faisant état des différentes pathologies de sa patiente, de la liste des médicaments et affirmant qu’elle ne peut être déplacée « de manière intempestive » et nécessite impérativement la présence d’un proche aidant. Selon le rapport du Dr I______ du 17 janvier 2024, la situation ophtalmologique de sa patiente se péjorait progressivement. Il proposait des contrôles réguliers. La Dre J______ a certifié que sa patiente ne pouvait « actuellement » pas voyager et que sa prise en charge médicale n’était pas possible en Russie, par manque de spécialistes. Un retour dans ce pays aurait pour conséquence une mise en danger de sa vie.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante sollicite l’audition de sa fille et de son gendre.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, les auditions requises visent à établir l’intensité du lien entre la recourante et sa fille, son gendre et sa petite-fille ainsi qu’à démontrer sa dépendance affectives, financière et physique de ceux-ci. Il n’y a pas lieu de douter des liens affectifs existant entre la recourante et sa famille en Suisse, auprès de laquelle elle vit depuis près de quatre ans. Sa fille et son beau-fils subviennent financièrement à son entretien, ce dernier s’étant expressément engagé à le faire dans un écrit du 24 août 2020. En ce qui concerne la dépendance physique alléguée, la seule allégation de la recourante et, le cas échéant, sa confirmation par ses proches ne sauraient suffire pour l’établir. De toute manière, comme cela sera exposé ci-après, le dossier comporte suffisamment d’éléments pour statuer en connaissance de cause sur cette question. Ainsi, même si la fille et le gendre de la recourante venaient déclarer en audience que celle-ci était physiquement dépendante d’eux, cela ne serait pas susceptibles d’influer sur l’issue du litige.

Il ne sera donc pas procédé aux auditions requises.

3.             La recourante ne fait plus valoir qu’elle remplirait les conditions d’octroi d’un permis pour rentier. Elle fonde sa demande sur l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et invoque également l’existence d’un cas de rigueur.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

3.3 L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

3.4 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

3.5 L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

3.6 La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.7 Des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, la personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2).

En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (ATA/506/2023 du 16 mai 2023 consid. 7.7 ; ATA/41/2022 du 18 janvier 2022 consid. 9).

3.8 Le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a retenu que la Russie s'était dotée d'une assurance maladie obligatoire financée par l'Etat, les impôts et d'autres sources (arrêt 1779/2015 du 29 septembre 2017 consid. 7.4.4), qu’elle disposait d'un système de santé suffisamment développé pour retenir que les soins essentiels y étaient disponibles (arrêts D-2845/2019 du 19 mars 2020 et D-5590/2019 du 7 novembre 2019) et que rien n'indiquait que la guerre actuelle en Ukraine ait péjoré de manière déterminante les possibilités de soins en Russie (arrêt E-4185/2022 du 4 octobre 2022).

3.9 L'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266).

Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2 ; ATA/434/2020 du 30 avril 2020 consid. 2b). Un étranger majeur ne peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à des membres de sa famille résidant en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap ou d'une maladie grave qui doivent nécessiter une présence, une surveillance, des soins et une attention que seuls les proches parents sont généralement susceptibles d'assumer et de prodiguer (ATF 129 II 11 consid. 2).

3.10 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

3.11 En l’espèce, la recourante ne réside en Suisse que depuis environ quatre ans, soit une durée relativement courte. Son casier judiciaire est vierge, elle n’a pas de poursuites et suit des cours de français. Elle n’exerce toutefois aucune activité professionnelle et ne rend pas vraisemblable qu’elle se serait d’une quelconque manière investie dans la vie culturelle, associative ou sportive à Genève. Son intégration socio-professionnelle fait donc défaut. Elle ne soutient pas non plus qu’elle aurait tissé en Suisse – hormis avec sa famille – des liens d’amitié ou affectifs particuliers. Par ailleurs, elle dépend financièrement entièrement de sa fille et de son beau-fils.

Elle se prévaut de l’intensité de son lien avec ceux-ci et sa petite-fille ainsi que de ses problèmes de santé, qui justifieraient qu’un droit de séjour, découlant de l’art. 8 CEDH, lui soit reconnu.

Or, s’il est indéniable qu’elle entretient de liens personnels et affectifs avec sa famille en Suisse, auprès de laquelle elle vit désormais depuis plusieurs années, elle ne remplit pas les conditions très strictes auxquelles le droit à la protection de la vie familiale permet d’obtenir un titre de séjour. En effet, bien qu’atteinte dans sa santé, la recourante ne se trouve pas dans un état de dépendance de sa fille et de son beau‑fils au sens de la jurisprudence. Compte tenu de ses paresthésies, de la coxarthrose, de la fracture du sacrum, de la claudication vasculaire et de son acuité visuelle de l’œil droit suboptimale, la recourante rencontre, certes, des difficultés dans ses déplacements et le risque de chute est accru. Ces difficultés n’atteignent cependant pas un degré tel qu’elles nécessiteraient la présence quotidienne de proches. Les attestations médicales produites se bornent à affirmer le besoin de la présence d’un proche aidant, sans exposer d’une quelconque manière en quoi une telle présence serait indispensable à la recourante. Ces attestations ne citent en particulier pas quels gestes de la vie quotidienne l’état de santé de la recourante l’empêcherait d’accomplir elle-même. Celle-ci allègue qu’elle aurait besoin d’aide pour la prise de médicaments, la toilette, les courses et l’accompagnement en promenade et à la visite chez le médecin. Toutefois, ses problèmes physiques documentés ne rendent pas vraisemblable ni a fortiori n’établissent le besoin d’aide à la prise de médicaments et pour la toilette ; aucun médecin ne mentionne d’ailleurs une telle nécessité. Si le risque de chute de la recourante est accru, il ne ressort pas des attestations médicales figurant au dossier qu’elle ne pourrait plus se déplacer sans l’aide de tiers. L’éventuel accompagnement à la promenade ou à la visite chez le médecin ne relève, au demeurant, pas d’une aide ayant un caractère personnel justifiant qu’elle ne puisse être apportée que par des proches. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier – et n’est d’ailleurs pas allégué – que la fille de la recourante ou le mari de celle-ci auraient réduit ou adapté leurs horaires de travail afin d’assurer une présence accrue auprès de la recourante en raison de son état de santé. Ainsi, la situation de cette dernière n’est pas comparable à celle d’une personne souffrant d’un handicap ou d’un maladie grave ne lui permettant plus d'assumer elle-même ses besoins quotidiens essentiels (lever, toilette, préparation et ingestion des repas, etc.). La recourante ne peut donc déduire un droit à un titre de séjour de l’art. 8 CEDH.

Elle ne remplit pas non plus les conditions d’un cas d’extrême gravité. Outre l’absence d’intégration socio-professionnelle remarquable en Suisse, il n’apparaît pas que la réintégration de la recourante serait gravement compromise. En effet, elle a vécu jusqu’à l’âge de 63 ans à E______, en Russie. Elle a donc passé l’essentiel de sa vie dans son pays. Elle y a forcément conservé d'importantes attaches et créé un réseau. Elle y a en outre vécu sans sa fille de 2012 à 2020. Après seulement quatre années d’absence, son pays ne saurait lui être devenu étranger, au point de compromettre sa réintégration sociale. Par ailleurs, ayant désormais atteint l’âge de la retraite, la question de sa réintégration professionnelle ne se pose pas. Enfin, rien n’indique qu’elle ne pourra pas continuer à bénéficier du soutien financier de sa fille et de son beau-fils. En outre, la famille pourra poursuivre ses contacts réguliers grâce aux moyens de communication moderne et se voir à l’occasion de séjours touristiques que la famille restée en Suisse pourra effectuer à E______.

Enfin, comme retenu par le TAF dans sa jurisprudence, y compris récente, la possibilité d’accéder aux soins essentiels nécessaires existe en Russie. Les allégations contraires, notamment celles de la Dre J______, ne sont nullement étayées. La praticienne – pas plus d’ailleurs que d’autres médecins suivant la recourante ni elle-même – ne se réfère à aucun document scientifique, avis d’une consœur russe ou encore d’un organisme familier des systèmes de santé pour asseoir son assertion. Il n’y a donc pas lieu de s’écarter des constatations du TAF à cet égard. Il sera pour le surplus revenu sur ce point dans le cadre de l’examen de l’exigibilité du renvoi de la recourante.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant un titre de séjour à la recourante.

4.             Reste encore à examiner si le renvoi de la recourante est possible, licite et peut être raisonnablement exigé.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. Les autorités cantonales peuvent toutefois proposer au SEM d'admettre provisoirement un étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 et 6 LEI). L'exécution de la décision n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers, est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEI).

4.2 L'art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; arrêt du TAF E-7712/2008 du 19 avril 2011 consid. 6.1 ; ATA/801/2018 précité consid. 10c et l'arrêt cité). L'exécution de la décision ne peut être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

S'agissant plus spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d'origine ou de provenance, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (ATA/831/2023 du 9 août 2023 consid. 5.1 ; ATA/731/2015 du 14 juillet 2015 consid. 11b ; arrêt du TAF E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées).

Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance de l'étranger concerné, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de l'intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (ATA/801/2018 précité consid. 10d et les arrêts cités ; arrêts du TAF F‑1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

4.3 En l’espèce, comme déjà évoqué plus haut (consid. 3.11), il est admis de jurisprudence constante que la Russie dispose d’un système de soins permettant de couvrir les soins essentiels nécessaires. Même s’il n’y a pas lieu de minimiser les problèmes médicaux de l’intéressée, ceux-ci ne sont pas d'une gravité telle qu'il se justifierait de renoncer à son renvoi vers son pays d’origine. En effet, les examens médicaux subis, les diagnostics posés et les traitements prescrits ne sont pas révélateurs de maladies d'une gravité ou d'une spécificité telle qu'elles ne pourraient pas être traitées en Russie, pays disposant de structures médicales adéquates. Partant, il n’y a pas lieu de craindre qu’en cas de retour dans son pays, la recourante serait confrontée à l’absence d’accès aux soins essentiels mettant ainsi sa vie en danger. L’affirmation de la Dre J______ évoquant en cas de retour une mise en danger de la santé de la recourante ne peut ainsi être suivie.

Par ailleurs, dans la mesure où, selon les allégations de la recourante, le centre de soins le plus proche de son domicile à E______ se trouve à 20 minutes à pied et l’hôpital disposant d’équipements et de personnel qualifié se situe à 15 km, ces distances peuvent aisément être parcourues en taxi. Ayant passé toute sa vie à E______, sous réserve des quatre dernières années, la recourante, qui n’est pas atteinte dans ses capacités cognitives, ne devrait pas rencontrer de difficulté à organiser ces déplacements, ni d’ailleurs ceux nécessaires pour faire ses courses et achats de médicaments. Pour le surplus, le TAPI a retenu que les médicaments (notamment les antidouleurs, antispasmes musculaires, analgésiques, antirhumatisal, antiinflammatoires, anxiolytiques, antivarices et contre la pression artérielle élevée) dont l’intéressée avait besoin étaient disponibles en Russie, ce que celle-ci ne conteste, à juste titre, pas.

Partant, il n’y a pas à craindre qu’en cas de retour que l’état de santé de cette dernière se dégraderait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de son intégrité physique, au sens de la jurisprudence précitée.

Le renvoi de la recourante est donc possible, licite et raisonnablement exigible.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 janvier 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Elizaveta ROCHAT, avocate de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.