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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2831/2022

ATA/601/2024 du 14.05.2024 sur JTAPI/344/2023 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2831/2022-ICCIFD ATA/601/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mai 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______
représentés par Me Jean-Blaise ECKERT, avocat recourants

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mars 2023 (JTAPI/344/2023)


EN FAIT

A. a. B______, né le ______ 1953, est marié à A______ depuis le 26 juin 1981. De leur union sont nés deux fils, C______ et D______.

b. Dès 1978, B______ a exploité E______, entreprise en raison individuelle (ci-après : l’entreprise individuelle) sise rue du F______, active dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits orthopédiques.

c. Par acte notarié du 18 juillet 2014, B______, C______, G______, H______ et I______ ont fondé J______ (ci-après : la société).

Le capital-social de celle-ci était constitué de 5'000 actions nominatives liées valant CHF 100.- chacune, soit 3'000 actions au nom de B______ et 500 au nom de chacun des autres actionnaires. Les cinq fondateurs étaient nommés administrateurs avec signature collective à deux. B______ deviendrait président du conseil d’administration et son épouse « fondée de pouvoirs » avec signature individuelle. La société reprendrait tous les actifs (CHF 1'286'010.-) et passifs (CHF 987'942.-) de l’entreprise individuelle, selon le bilan de cette dernière au 30 juin 2014. Le prix d’acquisition de ces éléments et du goodwill était fixé à CHF 4'250'000.-.

d. Le 22 juillet 2014, la société a été inscrite au registre du commerce (ci-après : RC). Son but social est la « conception, fabrication et commercialisation de produits dans les domaines de l'orthopédie et du paramédical ainsi que l'octroi de franchises et la prise de participations dans toutes les entreprises et sociétés à l'exclusion de participation prohibée par la LFAIE ». Ses administrateurs sont C______ et D______ (depuis avril 2020 pour le second), A______, G______, H______ et I______.

e. Par convention de reprise de biens du 15 septembre 2014, B______ a cédé l’entreprise individuelle à la société pour un montant de CHF 4'250'000.-, payable à raison de CHF 2'500'000.- après la signature et CHF 1'750'000.- plus intérêts selon une convention de prêt séparée, au plus tard au moment du rachat des actions de la société détenue par B______ par les quatre actionnaires. La date du transfert de propriété était fixée rétroactivement au 1er juillet 2014 (art. 4). B______ certifiait être le propriétaire du site d’exploitation sis rue du F______ et le mettre à disposition de la société sur la base d’un contrat de bail dûment approuvé par les parties concernées (art. 8).

f. Le 12 décembre 2014, l’entreprise individuelle a été radiée du RC « par suite de cessation de l'exploitation ».

g. Par convention du 16 janvier 2017, B______ a vendu 2'500 de ses actions à ses fils, pour le prix de CHF 740'000.-. Celui-ci avait été estimé selon la « méthode des praticiens ».

B. a. Par courrier du 24 février 2014, A______ et B______ ont informé l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) qu’il entendait vendre l’entreprise individuelle à la société, simultanément à la cession de son activité indépendante, en lui demandant confirmation qu’elle traiterait fiscalement cette opération selon la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts, intitulée « Instructions concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune du 28 août 2008 » (ci-après : circulaire n° 28 CSI).

Âgé de 60 ans, le contribuable souhaitait arrêter définitivement son activité indépendante et la céder progressivement à ses quatre employés cadres – dont C______ –, afin d'assurer la pérennité des activités et des employés de celle-ci. Il s’agissait de vendre l'exploitation et l’ensemble des actifs et passifs commerciaux à la société. Il y investirait 60% du capital-actions et les quatre employés concernés 10% chacun. Il en deviendrait le directeur et salarié. Cette cession s’effectuerait au premier semestre 2014 pour un prix de CHF 4'250'000.-, fixé selon « des méthodes d’évaluation reconnues » et financé par des fonds propres de la société, par un emprunt bancaire de CHF 2'000'000.- et par un prêt de CHF 1'750'000.- que le contribuable accorderait aux autres acquéreurs. Il cesserait son activité professionnelle dans cinq ans et ses quatre employés auraient alors la possibilité de racheter ses actions, pour un prix qui serait déterminé selon les mêmes méthodes d'évaluation que celles utilisées pour la vente de l’entreprise individuelle.

Les conditions d’une imposition privilégiée du bénéfice de liquidation de l’entreprise individuelle étaient remplies. Le bénéfice s’élèverait à CHF 3'672'500.‑, correspondant à la différence entre le prix de vente (CHF 4'250'000.-) et les fonds propres de l’entreprise individuelle (CHF 577'500.-) au 31 décembre 2013. Selon leurs calculs, le rachat fictif de prévoyance s’élèverait à CHF 4'548'960.- et le bénéfice de vente de l’entreprise individuelle à CHF 3'407'000.-. Ainsi, la totalité de ce bénéfice serait imposable en application des art. 38 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 45 al. 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08).

b. Le 22 mai 2014, l'AFC-GE a confirmé aux contribuables qu’elle donnait son accord aux « principes fiscaux » contenus dans leur requête, à l’exclusion des « éléments chiffrés », et que leur immeuble (sis ______, rue ______) et les participations dans les sociétés K______ et L______ pourraient être considérés comme faisant partie de la fortune commerciale du contribuable à prendre en compte dans le calcul du bénéfice de liquidation de l’entreprise individuelle.

c. Dans leur déclaration fiscale 2014, déposée le 9 février 2016, les contribuables ont notamment indiqué, sous la rubrique « autres revenus », un produit de cession de l’activité indépendante, ayant pris fin au 30 juin 2014, de CHF 3'980'366.-. Ils sollicitaient une imposition privilégiée des réserves latentes et de l'ensemble des éléments appartenant à la fortune commerciale du contribuable. Selon leurs calculs relatifs à la liquidation de l’entreprise individuelle, le « revenu moyen 2009-2013 » en découlant s'élevait à CHF 842'400.- (montant calculé sur la base des résultats des exercices 2009 à 2014), le rachat fictif à CHF 4’515'264.- et le bénéfice de liquidation à CHF 3'594’270.-.

Étaient joints un bilan de clôture de l’entreprise individuelle au 30 juin 2014, faisant état d’actifs totalisant CHF 1'309'786.55 et d’un passif de CHF 588'988.55 ainsi qu’un compte d’exploitation du 1er octobre 2013 au 30 juin 2014, selon lequel le revenu commercial net était de CHF 764'391.06.

d. Par pli du 6 novembre 2019, l’AFC-GE a informé les contribuables que le processus de taxation ICC/IFD 2014 suivait son cours. Il serait procédé à la fixation des prétentions fiscales pour cette période par le biais de la notification de bordereaux, dès qu’elle serait en mesure de les chiffrer.

e. Par bordereaux du 28 avril 2021, l'AFC-GE a taxé les contribuables à hauteur de CHF 1'967'043.35 pour l’ICC et de CHF 743'812.70 pour l’IFD pour l’année 2014. Les intérêts compensatoires négatifs s’élevaient à CHF 49'915.90.

La valeur des 3’000 actions de la société était fixée à CHF 1'713'000.-, celle du rachat fictif à CHF 4'480'124.- et le solde du bénéfice de liquidation de l’entreprise individuelle à CHF 4'228'119.-. Les calculs de la valeur du goodwill (CHF 6'600'000.-), des réserves latentes (CHF 3'075'826.-) et du bénéfice total de liquidation (CHF 9'675'826.- avant la déduction du rachat fictif) étaient annexés. Une estimation de la rémunération du contribuable (CHF 685'000.-), calculée en application de la méthode de détermination des salaires excessifs, avait été soustraite de la moyenne des bénéfices 2011 à 2014 (CHF 1'487'820.-).

f. Les époux A______ et B_____ ont élevé réclamation contre ces bordereaux.

Le calcul du bénéfice de liquidation de leur activité indépendante était basé sur une restructuration de l’entreprise individuelle alors que cette liquidation faisait suite à la vente de l’activité. Il devait être calculé sur la base du prix de cession, soit CHF 4'250'000.-, sous déduction des fonds propres de CHF 298'068.-. Le goodwill s’élevait donc à CHF 3'951'932.-. Il en résultait un bénéfice de liquidation de CHF 6'027'758.- et, après une déduction forfaitaire de 10% pour l’AVS, un bénéfice de liquidation imposable de CHF 5'424'982.- La valeur de rachat fictif (CHF 4'480'124.-) n’étant pas contestée, le solde du bénéfice de liquidation s’élevait à CHF 944'858.-. La cession de l’activité indépendante était intervenue sur la base du ruling accepté par l'AFC-GE, de sorte que celle-ci était liée par son accord.

Le calcul de la valeur fiscale retenue pour leur participation dans la société était incorrect, car celle-ci était surestimée. Au 22 juillet 2014, la valeur fiscale de la société correspondait à la valeur de ses fonds propres, soit CHF 500'000.-. À fin 2014, l'AFC-GE l’avait valorisé à CHF  2'855'000.-, tandis que sa valeur s’élevait alors au maximum à CHF 628'000.-, compte tenu d’un bénéfice d’environ CHF 50'000.- réalisé en 2014. En tant que nouvelle société, la société devait être évaluée selon la méthode des praticiens.

L'AFC-GE ayant pris plus de six ans pour les taxer, les intérêts moratoires étaient contestés.

g. Par décisions séparées du 5 août 2022, l'AFC-GE a admis partiellement cette réclamation concernant l’évaluation du goodwill de l’entreprise individuelle et l’a rejetée pour le surplus.

La valeur du goodwill était réduite à CHF 6'510'000.-, de sorte que le bénéfice total de liquidation s’élevait à CHF 9'585'826.-, le montant des réserves latentes n’étant pas contesté (CHF 3'075'826.- découlant du passage d’un bien immobilier et des droits de participation de la fortune commerciale à la fortune privée du contribuable). Le bénéfice de liquidation imposable était ainsi de CHF 8'627'243.-, après une déduction forfaitaire pour cotisations à l’AVS (10%). Après déduction du rachat fictif, dont le montant n’était pas contesté (CHF 4'480'124.-), le solde du bénéfice de liquidation était ramené de CHF 4'228'119.- à CHF 4'147'119.-.

Il s’en suivait une réduction de la valeur de la participation dans la société, laquelle était ramenée à CHF 1'665'000.-.

Au surplus, la réclamation contenait diverses erreurs. Si l’on se tenait aux chiffres indiqués, le montant du bénéfice de liquidation revendiqué devrait s'élever à CHF 7'112'192.-. Selon le bilan que la société avait joint à sa déclaration fiscale 2014, le montant du goodwill activé auprès d’elle se montait à CHF 4'036'366.- et non à CHF 3'951'932.-. La valeur nette des éléments effectivement transférés de l’entreprise individuelle à la société s'élevait ainsi à CHF 213'634.- (soit CHF 4'250'000.- - CHF 4'036'366.-).

Son accord du 22 mai 2014 ne s’étendait pas aux éléments chiffrés dans la demande des contribuables du 24 février 2014, en particulier pas au prix de vente de CHF 4'250'000.-.

Lors de la fondation de la société, B______ en était l'actionnaire majoritaire et C______ en détenait 10%. La détention directe de l’exploitation commerciale, exercée jusqu'au 30 juin 2014 au travers de l’entreprise individuelle, avait été transformée en une détention indirecte, par le biais de la création de la société. Le prix de vente fixé d'avance ne découlait donc pas de négociations usuelles entre tiers absolus, dont les intérêts économiques divergeaient. Compte tenu de la position dominante du contribuable dans la société qui avait racheté sa propre entreprise, il fallait confronter ce prix de cession à celui découlant d'une méthode de calcul reconnue par la jurisprudence. D’ailleurs, le contribuable adhérait à la méthode des praticiens, tout en contestant son application dans sa situation, puisque revendiquant l’application d’un prix fixé d'avance entre les parties. Toutefois, le prix des actions cédées à ses fils le 16 janvier 2017 avait été déterminé selon cette même méthode.

Contrairement à ce qui avait été retenu dans la jurisprudence, il avait été considéré, d’un point de vue économique, que, pour calculer la valeur de rendement de l’entreprise individuelle, il convenait de soustraire la rémunération annuelle du contribuable (CHF 685'000.-) de la moyenne des bénéfices des quatre derniers exercices (CHF 1'478'526.-). Un tel calcul s’appliquait aux sociétés de capitaux, mais également lors de l'évaluation d'une entreprise individuelle selon la méthode des praticiens. En revanche, les impôts directs ne pouvaient pas être pris en compte dans l'évaluation de cette entreprise. Pour calculer la moyenne des bénéfices des quatre derniers exercices de l’entreprise individuelle (CHF 1'478'526.-), elle avait pris en compte une période de 48 mois (au lieu des 45 retenus dans les bordereaux initiaux).

Les titres de la société avaient été évalués conformément à la circulaire n° 28 CSI. Avaient été pris en compte des fonds propres de CHF 551'044.- et des réserves imposées de CHF 2'473'634.-, soit la différence entre la valeur du goodwill repris (CHF 6'510'000.-) et celui comptabilisé par la société (CHF 4'036'366.-).

Si les contribuables maintenaient leur contestation du montant des intérêts fiscaux, ils devaient contacter son service du recouvrement.

C. a. Par acte du 7 septembre 2022, les époux A______ et B_____ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre ces décisions, en concluant implicitement à leur annulation et au renvoi du dossier à l'AFC-GE pour qu’elle corrige le bénéfice de liquidation de l’entreprise individuelle, adapte en conséquence la valeur fiscale des titres de la société et renonce à tout intérêt moratoire.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

c. Par jugement du 27 mars 2023, le TAPI a rejeté le recours.

La vente de l’entreprise individuelle à la société ne s’était pas déroulée entre tiers indépendants, de sorte que le prix convenu était réputé ne pas correspondre à celui du marché. Les recourants se contredisaient en affirmant que le prix correspondait « à près d’une fois » au chiffre d’affaires du contribuable et que cela serait « une norme pour son métier ». À défaut de chiffres de transactions tierces réelles, qu’il appartenait aux contribuables d’apporter, l’application de la méthode de multiples de l’EBITDA (bénéfice avant amortissements, intérêts et impôts) était exclue in casu, de sorte qu’il convenait de recourir à la méthode d’évaluation prévue par la circulaire n° 28 CSI, permettant d’aboutir à une estimation présumée correcte. L’application de celle-ci était d’autant moins critiquable que l’AFC‑GE avait tenu compte d’une moyenne des bénéfices de quatre exercices (2011 à 2014) au lieu des deux préconisés et d’une déduction pour la rémunération du recourant (CHF 685'000.-), alors que celle-ci n’était prévue que pour des cas de transformation d’une entreprise. Il fallait également refuser les déductions supplémentaires revendiquées par les époux pour des charges sociales liées à ce salaire et les impôts directs. Le montant de CHF 685'000.- ne représentait pas la rémunération effective du contribuable, mais celle qu’il aurait pu revendiquer en se fondant sur la méthode de détermination des salaires excessifs, ce qui était à son avantage. Le taux de capitalisation appliqué devait être confirmé. La valeur du goodwill (CHF 6'510'000.-) admise par l’AFC‑GE était confirmée, de même que la valeur des titres de la société.

Il s’était écoulé cinq ans entre le dépôt de la déclaration fiscale et les décisions de taxation. Les intéressés n’avaient pas relancé l’AFC-GE afin qu’elle les taxe plus tôt. Ils ne pouvaient donc pas se prévaloir d’une violation du principe de célérité, sous l’angle du principe de la bonne foi, faute d’avoir entrepris des démarches pour que l’autorité traite leur cause avec davantage de diligence. Il n’y avait pas lieu d’examiner si les intérêts moratoires étaient justifiés dans leur principe et leur quotité, les époux ne les remettant pas en cause.

D. a. Par acte du 28 avril 2023, A______ et B______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation, à l’annulation des décisions sur réclamation, à la réformation des taxations ICC/IFD 2014 et au renvoi du dossier à l’AFC-GE pour modification de celles-ci en corrigeant le bénéfice de liquidation en lien avec la cession de l’entreprise individuelle à la société, en adaptant la valeur fiscale des actions de la société en conséquence, en renonçant à tout intérêt moratoire en lien avec les taxations ICC/IFD 2014 et en annulant la double imposition du loyer de l’immeuble carougeois.

La méthode appliquée pour déterminer la valeur de cession de l’exploitation de l’entreprise individuelle à la société était contestée. Celle-ci devait en principe être appliquée pour déterminer la valeur des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune. L’AFC-GE l’avait toutefois appliquée pour l’impôt sur le revenu in casu. Selon la circulaire n° 28 CSI et le commentaire 2014 y relatif, la cession de l’exploitation de l’entreprise individuelle à la société, détenue à hauteur de 30% par des actionnaires tiers et de 10% par un actionnaire proche, devait être qualifiée de transfert substantiel. L’approche de l’AFC-GE visant à considérer que l’opération effectuée devait être assimilée à une transformation de la raison individuelle suivie d’une vente des actions durant le délai de blocage de cinq ans suivant la date de transformation et donnant lieu à une imposition des réserves latentes existant au moment de la transformation, était contraire au ruling qu’elle avait approuvé. Ce dernier portait sur la cession d’une exploitation à une société et indiquait clairement que le recourant serait actionnaire majoritaire de la société après la cession. Faute de fait nouveau, les engagements du ruling devaient être respectés. Si l’approche de l’AFC-GE était admise, il conviendrait de rectifier la taxation, étant donné que le délai de blocage ne concernerait alors que 30% des actions, voire 40% si on tenait compte des actions détenues par C______. Or, l’AFC-GE avait imposé la totalité des réserves latentes en 2014.

Le TAPI avait exclu l’application de la méthode du multiple de l’EBITDA par manque d’informations transmises au sujet de la vente d’entreprises comparables à l’entreprise individuelle. Une telle comparaison était toutefois impossible, les données financières des entreprises suisses n’étant pas publiques et les sociétés communiquant au sujet des prix de transaction étant rares. De plus, le secteur de l’orthopédie était très petit. Il existait en revanche des informations quant aux multiples appliqués dans le cadre de transactions portant sur des petites et moyennes entreprises, principalement en France où les données financières étaient publiées. Ces multiples étaient ensuite appliqués dans le cadre de transactions, conformément aux rapports réalisés en 2014 à ce sujet. Cette méthode de valorisation et le prix de cession avaient été revus et approuvés par M______ qui avait financé en partie cette transaction. Cette banque n’avait prêté que 47% du prix de cession. Or, si la valeur de l’exploitation reprise avait été supérieure en 2014, elle aurait octroyé un prêt plus élevé et le vendeur aurait pu ainsi réduire son crédit vendeur à la société. La transmission de l’entreprise individuelle était désormais terminée et le recourant n’était plus actionnaire de la société. Il l’était resté à hauteur de 60% selon une exigence de la banque par rapport au prêt octroyé et en raison de son implication dans l’entreprise individuelle. Le prix de cession avait fait l’objet d’une négociation entre le recourant, les cadres repreneurs et la banque. Le TAPI ne prenait pas en considération les recommandations adéquates de la circulaire n° 28 CSI et du commentaire 2014 y relatif. Le prix correspondait au montant qu’ils avaient encaissé, de sorte qu’il était représentatif de leur capacité contributive.

Le TAPI retenait à tort qu’ils avaient demandé à l’AFC-GE de traiter cette opération en application de la circulaire n° 28 CSI intitulée « Instructions concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune du 28 août 2008 », alors que l’annexe 2 de leur demande de ruling mentionnait la circulaire n° 28 de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH), intitulée « Imposition des bénéfices de liquidation en cas de cessation définitive de l’activité lucrative indépendante » du 3 novembre 2010 (ci-après : circulaire n° 28 AFC-CH).

La moyenne sur quatre ans permettait à l’AFC-GE de déterminer une valeur plus élevée du goodwill. L’application moyenne de bénéfices de deux exercices (2013 et 2014) aboutirait à un bénéfice moyen inférieur (CHF 1'441'997.-). Le bénéfice net annuel moyen pris en considération par l’AFC-GE ne tenait pas compte du loyer nécessaire à l’exploitation. Ainsi, le goodwill déterminé par l’AFC‑GE et confirmé par le TAPI tenait compte de la clientèle, du savoir-faire, des employés et des machines et équipements, mais pas du fait que l’entreprise ne pouvait pas être exploitée sans locaux. Il convenait donc de déduire un loyer de CHF 180'000.- qui correspondait au loyer payé pour cette activité à la suite de la reprise de l’activité par la société. Vu sa taxation 2014, son revenu brut s’élevait à CHF 1'004'339.-, soit un montant nettement supérieur à la rémunération estimée. La salaire pris en compte pour le calcul du rachat fictif s’élevait selon l’AFC-GE à CHF 842'400.-.

La rémunération prise en déduction du bénéfice net annuel était conforme au calcul du salaire excessif. L’AFC-GE n’avait pas tenu compte des charges sociales patronales sur cette rémunération qui seraient déduites du bénéfice de la société, ni des impôts directs sur le résultat annuel. Il était faux d’appliquer le taux de capitalisation au bénéfice avant impôts, car il était estimé pour déterminer une valeur de rendement sur la base d’un bénéfice après impôts. Si l’on entendait valoriser le goodwill d’une entreprise individuelle en recourant à la circulaire n° 28 CSI, il était indispensable d’adapter les comptes de celle-ci pour qu’ils soient comparables aux comptes d’une personne morale. Si le prix de cession effectif de l’entreprise individuelle ne devait pas être retenu, un nouveau calcul du goodwill tenant compte du loyer, de la rémunération totale du dirigeant (y compris des charges patronales) et des impôts devait être effectué. La valeur de sa participation dans la société était également contestée, dès lors qu’elle était basée sur le goodwill déterminé par l’AFC-GE. La réduction de celui-ci impliquerait un nouveau calcul de la valeur fiscale des actions de la société selon la valeur substantielle.

Il était incompréhensible que l’AFC-GE les ait taxés seulement le 28 avril 2021, sans leur poser de question au sujet du prix de cession et en possession d’un ruling signé. Compte tenu des montants pris en considération, un courrier leur expliquant sa motivation aurait dû leur être adressé. Cette latence de l’AFC-GE avait pour effet l’ajout d’intérêts moratoires dans les taxations d’environ CHF 71'000.-, ce qui n’était pas acceptable. Ils n’étaient pas responsables du retard pris par l’AFC-GE et avaient estimé de bonne foi que les taxations seraient effectuées conformément au ruling qu’elle avait approuvé.

Le loyer de l’immeuble carougeois mis à disposition de l’entreprise individuelle était taxé comme un revenu des rendements immobiliers et ajouté également au bénéfice de l’activité indépendante. Il en résultait une double taxation du revenu 2014 de CHF 135'000.-.

Était notamment jointe une étude de N______, soit une étude réalisée par O______ sur la période de 2008 à 2019 en France et en Allemagne, portant sur l’évaluation des PME non cotées. Il en ressortait notamment que cette dernière « n’est pas une science exacte. Leur actionnariat fermé, l’absence de transactions permanentes et publiques compliquent le travail d’évaluation. Le professionnel se réfère aux transactions du marché, et apprécie l’ajustement à pratiquer pour déterminer la valeur de la société non cotée en fonction d’un certain nombre de paramètre ». « Les Multiples d’EBITDA et d’EBIT [étaient] utilisés simultanément pour une même transaction dans 19% des cas (contre 25% dans la précédente enquête). Les secteurs d’activité influ[aient] assez peu sur les multiples retenus. Contrairement à la précédente enquête, il n’y a[vait] plus d’incohérence entre le multiple d’EBITDA et d’EBIT pour certains secteurs ».

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

L’adaptation de la méthode des praticiens consistant à calculer la moyenne des bénéfices commerciaux réalisés par l’entreprise individuelle sur quatre années au lieu de deux ou trois tel que préconisé par la circulaire n° 28 CSI, était notamment motivée par le fait que les bénéfices d’une entreprise individuelle dépendaient directement de la personne de son titulaire et pouvaient fortement varier d’une année à l’autre. Conformément à la jurisprudence, la méthode des praticiens, ainsi adaptée au cas particulier, pouvait donc être utilisée pour estimer la valeur d’une entreprise individuelle. Il en allait de même de la valeur d’exploitation et/ou du goodwill des deux entités.

In casu, le fait déterminant pour le type de transfert n’était pas le caractère substantiel de celui-ci, mais le fait qu’il n’ait pas été effectué entre tiers indépendants, au sens de la circulaire n° 28 CSI et de la jurisprudence.

Les art. 19 LIFD et 20 LIPP n’étaient pas applicables lorsque la restructuration était opérée en neutralité fiscale, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. La taxation ne reposait aucunement sur une prétendue violation du délai de blocage prévu par les art. 19 al. 2 LIFD et 20 al. 2 LIPP, de sorte qu’elle respectait le ruling du 22 mai 2014 quant à ses principes.

La méthode des praticiens avait pour but et pour effet de déterminer le prix de pleine concurrence qui aurait été convenu entre des tiers indépendants. La valeur de transfert résultant de la méthode des praticiens correspondait déjà au prix maximum qu’un vendeur indépendant de l’acheteur pouvait espérer négocier ; il n’y avait donc pas de raison que le prix de cession convenu de CHF 4'250'000.- soit supérieur à la valeur de transfert déterminée selon la méthode des praticiens, ce prix étant au contraire inférieur à cette valeur. Les pratiques bancaires relatives au financement de telles cessions avaient pour but de limiter le risque pris par la banque accordant le crédit en fonction de la surface financière de l’emprunteur, de sorte que les critères de financement examinés par celle-ci étaient dictés par ces buts-là, et donc différents des critères permettant de déterminer, au plan fiscal, quel prix de transfert aurait été convenu entre des tiers indépendants.

La moyenne des bénéfices de cette dernière sur quatre ans au lieu de deux ans, n’avait pas été prise en considération dans le but de déterminer arbitrairement son bénéfice le plus important possible, mais par souci de cohérence avec la jurisprudence. Selon la méthode des praticiens, le prix convenu par le recourant et la société était inférieur au prix de pleine concurrence qui aurait été convenu entre des tiers indépendants ; il constituait un prix de faveur et non un prix surfait. La société n’avait pas été constituée par la transformation de l’entreprise individuelle en société de capitaux, mais avait été créée indépendamment de cette dernière avant de l’acquérir. Il ne s’agissait donc pas in casu de valoriser les actions de la société, mais bien de valoriser l’exploitation de l’entreprise individuelle qui avait été transférée à la société. Elle n’aurait ainsi pas pu déduire la rémunération que le recourant retirait de l’entreprise individuelle, du bénéfice moyen d’exploitation de cette dernière.

La valorisation de l’exploitation transférée devait être faite pour elle-même, sans tenir compte des règles visant à retraiter les résultats comptables de l’entreprise individuelle afin de les rendre compatibles avec les règles régissant l’établissement des comptes de sociétés. En acceptant la déduction de la rémunération que le recourant retirait de son entreprise individuelle, elle lui avait déjà accordé un avantage qui n’était pas prévu par la loi, la circulaire n° 28 CSI et la jurisprudence. Cet avantage indu diminuait déjà à due concurrence le bénéfice moyen d’exploitation de l’entreprise individuelle, de même que la valeur du transfert effectué et de l’imposition de celle‑ci. Il n’y avait aucune raison d’accorder un avantage supplémentaire en déduisant les charges sociales patronales et les impôts directs du recourant du bénéfice moyen d’exploitation de son entreprise individuelle.

Pour la première fois, les contribuables faisaient valoir que le loyer convenu entre l’entreprise individuelle et le recourant aurait été taxé à double. L’avis de taxation mentionnait que le loyer de CHF 135'000.- n’était pas considéré comme une charge justifiée par l’usage commercial. Une entreprise individuelle n’ayant pas la personnalité juridique et se confondant avec la personne de son titulaire, cette dernière ne pouvait comptabiliser une somme versée au propriétaire à titre de loyer, en tant que charge justifiée par l’usage commercial, lorsque son titulaire était aussi le propriétaire des locaux utilisés pour l’activité commerciale de son entreprise individuelle. Cette somme faisant partie du bénéfice de l’entreprise individuelle, elle appartenait déjà au titulaire de cette dernière et ne pouvait donc pas lui être versée, de sorte qu’elle ne pouvait pas constituer une charge justifiée par l’usage commercial de ladite entreprise. Il était ainsi justifié de prendre en compte la somme de CHF 135'000.- dans le calcul du résultat total fiscal ordinaire de l’entreprise individuelle. Cette somme n’avait aucunement été taxée auprès du recourant en tant que revenu immobilier 2014. Le produit locatif de CHF 90'000.- taxé en tant que rendement immobilier du local précédemment utilisé par l’entreprise individuelle correspondait aux loyers qui lui avaient été effectivement versés par la société du 1er juillet au 31 décembre 2014.

Le jugement concernant les intérêts moratoires était conforme à la jurisprudence.

c. Les recourants ont répliqué en sollicitant l’audition d’un expert en évaluation d’entreprises pour déterminer si la méthode des praticiens était régulièrement utilisée dans le cadre de transactions.

Lors de la demande de ruling, le recours à des méthodes d’évaluation reconnues n’avait pas été contesté. L’AFC-GE aurait alors pu préciser qu’elle entendait appliquer la méthode des praticiens. Il était exact que, lors de la convention du 16 janvier 2017, le prix de vente des actions avait été déterminé sur la base de la méthode des praticiens, car cette transaction avait été effectuée entre membres de la famille uniquement. Tel n’était pas le cas de la vente de l’entreprise individuelle. À défaut de prendre en compte les charges sociales patronales, les impôts directs et le loyer dans la valorisation du goodwill, le bénéfice net pris en compte par l’AFC‑GE était supérieur au bénéfice net de l’exploitation. En valorisant sur la base de celui-ci, la méthode appliquée par l’AFC-GE aboutissait à une valeur de l’entreprise individuelle nettement supérieure à sa valeur réelle.

Le loyer ayant fait l’objet d’une double imposition, les calculs de celui-ci devaient être modifiés, de sorte que ceux des immeubles carougeois se décomposaient comme suit en 2014 :

L______ CHF 96'000.-

K______ CHF 18'000.-

C______ (6 mois) CHF 90'000.-

J______ (6 mois) CHF 90'000.-

Autres (parkings) CHF 2'040.-

Le loyer de CHF 135'000.- de l’entreprise individuelle était comptabilisé sur la période du 1er octobre 2013 au 30 juin 2014. Le total des loyers encaissés en 2014 retenus dans l’avis de taxation correspondait au total des loyers payés par leurs entités. Ils avaient déclaré d’autres revenus immobiliers pour un total de CHF 84'899.- Les revenus immobiliers selon l’avis de taxation immobilier et leurs revenus immobiliers bruts selon leur avis de taxation s’élevaient à CHF 390'000.-.

Étaient notamment joints les documents suivants :

- une « évaluation indicative - analyses dans le cadre de la restructuration et de la transmission » de l’entreprise individuelle du 7 juin 2013, effectuée par leur fiduciaire ;

- une « convention de crédit-cadre, financement d’entreprise N______ » du 17 septembre 2014, conclue entre la société (preneur de crédit) et M______ (donneur de crédit) pour un crédit de CHF 2'000'000.-, prévoyant notamment que 3'000 actions nominatives d’une valeur nominale de CHF 100.- de la société seraient mises en nantissement au nom de B______ ;

- un contrat de prêt entre B______ (prêteur) et la société (emprunteur) du 30 septembre 2014 portant sur un montant de CHF 1'750'000.- ;

- les conditions de financement d’acquisition de la société auprès d’M______ du 14 mars 2014, prévoyant en particulier la nécessité de fournir une convention d’actionnaires de la société au titre des conditions pour la signature des documents contractuels du crédit.

d. Les recourants ont complété leur réplique.

La cession de l’activité s’ancrait dans le contexte spécifique d’une succession et d’un management buy-out (ci-après : MBO), justifiant la fixation du prix convenu. La cession de l’exploitation de l’entreprise individuelle à la société, détenue à hauteur de 30% par des actionnaires tiers et de 10% par un actionnaire proche, devait être qualifiée de transfert substantiel. Il ne pouvait être considéré que la seule présence de parents, de part et d’autre d’une transaction, interdisait de qualifier cette dernière de transaction entre tiers indépendants.

La méthode du multiple de l’EBITDA avait été confirmée par l’évaluation selon la méthode de l’actualisation du cash flow libre qui avait été effectuée, les deux méthodes aboutissant à une évaluation de l’entreprise située entre CHF  4'244'000.- à CHF 4'247'000.-. La vente ne s’était pas non plus faite à un prix correspondant à la seule substance intrinsèque de l’entreprise (CHF 802'623.- selon l’AFC-GE), mais à un montant plus élevé (CHF 4'250'000.-).

Une application juste et complète de la méthode des praticiens conduisait à retenir l’application du modèle 2 de la circulaire n° 28 CSI pour le calcul de la valeur de rendement prenant en compte la moyenne des bénéfices fiscaux des exercices commerciaux 2012 à 2014 ; la comptabilisation de la valeur de rendement une seule fois au titre de la performance individuelle de l’actionnaire, l’admissions des déductions supplémentaires précitées. La prise en considération de ces éléments conduisait à l’obtention d’un bénéfice moyen de l’entreprise de CHF 531'326.-, d’une valeur de rendement de CHF 7'084'346.67, d’une valeur fiscale de l’entreprise de CHF 4'990'438.78 et d’une valeur fiscale du goodwill de CHF 4'187'815.78. La valeur de rendement étant alors de CHF 6'955'962.93, la valeur fiscale de l’entreprise était de CHF 3'879'292.97 et la valeur fiscale du goodwill de CHF 3'076'669.97. Le prix de cession de CHF 4'250'000.- retenu comme prix déterminant la valeur fiscale de l’entreprise et du goodwill était très proche de la valeur découlant de l’application correcte de la méthode des praticiens.

e. Le 16 janvier 2024, les recourants ont transmis une copie de la « convention de subordination de créances/cession de garantie » entre B______, la société et M______ du 17 septembre 2014, selon laquelle le remboursement dudit crédit‑vendeur de CHF 1'750'000.- octroyé par B______ était subordonné au remboursement annuel par la société du prêt d’M______.

f. L’AFC-GE a dupliqué, en concluant à l’irrecevabilité des griefs relatifs à la déduction d’un loyer de CHF 180'000.- dans le cadre de la valorisation de l’entreprise individuelle, et à la double imposition d’une partie du loyer, soit CHF 135'000.-.

Elle ne contestait pas que l’opération effectuée présentait certains aspects typiques d’un MBO. En revanche, le fait qu’un MBO ait été effectué in casu, n’impliquait pas que le prix convenu entre les parties était nécessairement représentatif d’un prix de pleine concurrence. La situation consistant à valoriser l’exploitation de l’entreprise individuelle cédée à la société ne correspondait pas à celle prévue par la commentaire 2014 de la circulaire n° 28 CSI, raison pour laquelle elle n’aurait pas dû déduire la rémunération que le recourant retirait de son entreprise individuelle du bénéfice de l’exploitation de cette dernière.

Les locaux commerciaux appartenant à la fortune commerciale du recourant, aucun loyer n’était déductible au titre de charges justifiées par l’usage commercial. Lors de la cession de l’entreprise individuelle à la société, les locaux carougeois n’avaient pas été transférés et étaient restés la propriété du recourant, en tant qu’éléments de sa fortune commerciale. Cette question pouvait toutefois rester indécise pour deux raisons : d’une part, le fait que le montant dudit loyer correspondait à celui qui avait été comptabilisé en charges dans l’entreprise individuelle, ne signifiait pas que ce loyer serait conforme au prix du marché, puisqu’il avait été déterminé par le recourant seul, en sa double qualité de titulaire d’une entreprise individuelle et de propriétaire desdits locaux ; d’autre part, ce nouveau grief ne lui avait pas été soumis précédemment, ni dans le cadre de la taxation, ni dans celui de la réclamation, de sorte que le TAPI n’avait pas pu le traiter.

Les recourants ne démontraient pas que les collaborateurs de l’entreprise individuelle étaient occupés exclusivement à des tâches administratives et logistiques. Ces derniers, en particulier les quatre cadres qui avaient constitué la société, à laquelle l’entreprise individuelle avait été cédée, étaient ainsi à l’origine de la création de valeur au sein de cette entreprise individuelle, avec le recourant. La valeur de l’entreprise individuelle ne dépendait pas de la seule performance du recourant. Il n’y avait pas lieu de prendre en considération une valeur de rendement non doublée, pour valoriser l’entreprise individuelle.

g. Le 2 février 2024, l’AFC-GE a rappelé qu’il convenait de distinguer le crédit accordé par M______, dont le contrat avait été négocié entre le recourant et la société, d’une part, et M______, d’autre part, et le contrat de cession de l’entreprise individuelle, lequel avait été négocié entre le recourant et la société. Le fait que les conditions du crédit accordé par M______ eussent été négociées avec cette dernière par le recourant et la société ne signifiait pas que la cession de l’entreprise individuelle aurait été négociée entre tiers indépendants.

h. Dans une nouvelle écriture, les recourants ont fait valoir que l’AFC-GE confondait les concepts de « marché ouvert » avec celui de MBO. Il ne pouvait être déduit de manière quasi-automatique que le fait qu’un vendeur cédait sa société à des cadres actifs dans la société vendue impliquait forcément un abandon par le vendeur d’une partie du prix qu’il aurait pu réaliser en vendant sa société à d’autres personnes que ses dirigeants.

L’AFC-GE confondait également le processus menant à un accord sur un prix de vente avec le prix de vente lui-même, ce qui l’amenait à établir une reprise fiscale à leur charge pour un montant qu’ils n’avaient pas perçu et dont il n’avait pas été prouvé ni allégué qu’il aurait pu être perçu si l’entreprise avait été vendue à d’autres acheteurs que ses cadres. Ils ne contestaient pas l’absence de transformation d’une entreprise individuelle en société in casu, mais la transposition telle quelle des dispositions de la circulaire n° 28 CSI à cet égard à leur situation. Le Tribunal fédéral ne retenait pas la méthode des praticiens pour une évaluation d’une raison individuelle. La jurisprudence citée par le TAPI concernait l’application de ladite méthode préconisée par la circulaire n° 28 CSI pour calculer la valeur et le goodwill d’une SA, notamment en cas de cessation d’activité.

i. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 53 LPFisc ; art. 45 LIFD).

2.             Dans leur réplique, les recourants sollicitent l’audition d’un expert en évaluation d’entreprise pour déterminer la fréquence de l’emploi de la méthode des praticiens pour évaluer les transactions.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées). Le droit d'être entendu n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_372/2021 du 26 janvier 2023 consid. 2.3).

2.2 En l'espèce, les recourants, ont pu se déterminer à plusieurs reprises dans le cadre de la présente procédure ainsi que produire tous les documents utiles afin de prouver la méthode qu’ils ont employée pour déterminer la valeur vénale de l’entreprise en raison individuelle cédée. L’AFC-GE a également pu faire valoir sa position à ce sujet, la détailler et l’expliquer. Dans ce contexte, l’audition d’un expert dans le but visé par les recourants n’apparaît pas pertinente en l’espèce, dès lors que la chambre de céans dispose d’un dossier complet, comportant toutes les informations nécessaires à ce sujet.

Il ne sera donc pas donné suite à la requête des recourants.

3.             Les recourants concluent nouvellement à l’annulation de la double imposition du loyer de l’immeuble carougeois.

3.1 Selon l'art. 68 LPA, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuve nouveaux qui ne l'ont pas été dans les précédentes procédures, sauf exception prévue par la loi. A contrario, cette disposition ne permet pas au recourant de prendre des conclusions qui n'auraient pas été formées devant l'autorité de première instance (ATA/1242/2017 du 29 août 2017 ; ATA/648/2016 du 26 juillet 2016).

Selon la jurisprudence, en procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_197/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.1).

D'après la jurisprudence constante de la chambre de céans, l'objet d'une procédure administrative ne peut pas s'étendre ou se modifier qualitativement au fil des instances. Il peut uniquement se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l'autorité de recours. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été traitées dans la procédure antérieure. Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/1380/2019 du 10 septembre 2019 consid. 3).

3.2 In casu, dans leur recours auprès du TAPI, les recourants avaient demandé l’annulation des décisions sur réclamation ainsi que le renvoi du dossier à l’AFC‑GE pour correction du bénéfice de liquidation de l’entreprise individuelle, avec une adaptation en conséquence de la valeur fiscale des titres de la société.

Dans leur recours devant la chambre administrative, ils font désormais valoir en sus une double imposition du loyer de l’immeuble carougeois.

Ce changement de grief tend cependant à élargir l'objet du litige avec une conclusion supplémentaire, non soumise au TAPI, visant à réduire l’assiette de l’impôt dû par les recourants.

Ce grief est par conséquent irrecevable.

4.             Le litige porte sur la question de savoir si le prix de CHF 4'250'000.- auquel le recourant a cédé à la société son entreprise individuelle était conforme au prix de marché. Les parties divergent principalement quant à la méthode à appliquer à cette fin.

4.1 De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/162/2021 du 9 février 2021 consid. 2b ; ATA/191/2020 du 18 février 2020 consid. 4b et les références citées).

4.2 Le présent litige concernant la période fiscale 2014, la cause est régie par le droit en vigueur durant cette période, à savoir respectivement les dispositions de la LIFD, de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et celles de la LIPP.

Par ailleurs, la question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 ; ATA/162/2021 précité consid. 2d).

5.             Les recourants contestent la méthode appliquée, soit la méthode des praticiens, par l’AFC-GE pour déterminer la valeur de cession de l’exploitation de l’entreprise individuelle à la société, ainsi que le fait qu’il ne s’agissait pas d’un transfert entre tiers indépendants. Ils lui reprochent de ne pas avoir appliqué correctement la circulaire n° 28 CSI, d’avoir retenu une moyenne de quatre années pour la détermination du bénéfice et du goodwill.

5.1 L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD ; art. 17 LIPP). Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine ou du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1).

Sont imposables tous les revenus provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD ; art. 19 al. 1 LIPP). Tous les bénéfices en capital provenant de l’aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d’éléments de la fortune commerciale font partie du produit de l’activité lucrative indépendante. Le transfert d’éléments de la fortune commerciale dans la fortune privée ou dans une entreprise ou un établissement stable sis à l’étranger est assimilé à une aliénation. La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à l’exercice de l’activité lucrative indépendante ; il en va de même pour les participations d’au moins 20% au capital-actions ou au capital social d’une société de capitaux ou d’une société coopérative, dans la mesure où le détenteur les déclare comme fortune commerciale au moment de leur acquisition. L’art. 18b LIFD est réservé (art. 18 al. 2 LIFD ; art. 19 al. 2 et 3 LIPP).

La détermination du bénéfice net imposable pour les contribuables tenant une comptabilité en bonne et due forme s’effectue selon les règles applicables aux personnes morales (art. 18 al. 3 LIFD et 19 al. 4 LIPP).

5.2 Le total des réserves latentes réalisées au cours des deux derniers exercices commerciaux est imposable séparément des autres revenus si le contribuable âgé de 55 ans révolus cesse définitivement d’exercer son activité lucrative indépendante ou s’il est incapable de poursuivre cette activité pour cause d’invalidité. Les rachats au sens de l’art. 33 al. 1 let. d LIFD sont déductibles. Si un tel rachat n’est pas effectué, l’impôt est calculé, sur la base de taux représentant le cinquième des barèmes inscrits à l’art. 36 LIFD, sur la part des réserves latentes réalisées correspondant au montant dont le contribuable prouve l’admissibilité comme rachat au sens de l’art. 33 al. 1 let. d LIFD. Sur le solde des réserves latentes réalisées, seul un cinquième de ce montant est déterminant pour la fixation du taux applicable, mais au moins au taux de 2% (art. 37b al. 1 LIFD ; art. 44A al. 1 LIPP).

L'ordonnance sur l'imposition des bénéfices de liquidation en cas de cessation définitive de l'activité lucrative indépendante (OIBL - RS 642.114), entrée en vigueur le 1er janvier 2011, règle l'exécution de l'art. 37b LIFD.

5.3 La mise en œuvre du principe de pleine concurrence suppose l’identification de la valeur vénale du bien transféré ou du service rendu. Lorsqu’il existe un marché libre, les prix de celui-ci sont déterminants et permettent une comparaison effective avec les prix appliqués entre sociétés associées (ATF 140 II 88 consid. 4.2 et les références citées).

La valeur vénale est la valeur marchande objective d'un actif à un moment donné. Il s'agit de la valeur qu'un acheteur paierait normalement dans des circonstances normales (arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.1 ; ATA/1013/2020 du 13 octobre 2020 consid. 2e).

5.4.1 S'agissant de l'évaluation de participations dans des sociétés non cotées, le Tribunal fédéral se réfère et applique la circulaire n° 28 CSI. Cette dernière concerne un domaine où les cantons jouissent d'un large pouvoir d'appréciation. La jurisprudence a souligné que ladite circulaire poursuivait un but d'harmonisation fiscale horizontale et concrétisait ainsi l'art. 14 al. 1 LHID. En tant que directive, ladite circulaire ne constitue certes pas du droit fédéral ou intercantonal, ne crée aucun droit ni aucune obligation et ne lie donc pas le juge. La circulaire n° 28 CSI est toutefois reconnue, de jurisprudence constante, comme présentant une méthode adéquate et fiable pour l'estimation de la valeur vénale des titres non cotés, même s'il n'est pas exclu que d'autres méthodes d'évaluation reconnues puissent, isolément, s'avérer appropriées (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.2 ; 2C_866/2019 du 27 août 2020 consid. 4.4).

5.4.2 La circulaire n° 28 CSI prévoit que la méthode d'estimation générale des titres non cotés des sociétés commerciales, industrielles et de services, dans la mesure où ils n'ont jamais été transférés, s'effectue par la moyenne pondérée entre la valeur de rendement doublée et la valeur intrinsèque déterminée selon le principe de la continuation. Cette méthode est généralement appelée « méthode des praticiens » (arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.3).

Pour les titres qui ont fait l'objet d'un transfert substantiel entre tiers indépendants, la valeur vénale correspond généralement au prix d'acquisition. Le prix obtenu lors d'un tel transfert n'est toutefois à prendre en considération que s'il permet de déterminer une valeur vénale représentative et plausible de la société, situation qui doit être examinée selon l'ensemble des circonstances. Si tel est le cas, la jurisprudence a précisé que la détermination par le biais de la méthode dite « des praticiens » n'a pas lieu d'être (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.4 ; 2C_132/2020 précité consid. 8.1.3; 2C_953/2019 du 14 avril 2020 consid. 4.3). 

Le terme « substantiel » n'a pas de signification uniforme en droit fiscal. Le sens et le but de ce terme dans les présentes instructions consistent à souligner qu’un prix obtenu lors d'un transfert n'est à prendre en considération que s'il permet de déterminer une valeur vénale représentative et plausible. Cela signifie que le prix de transfert est à examiner de cas en cas. Pour cette raison, il sera renoncé volontairement à quantifier « substantiel » par un certain pourcentage. Toutefois, on peut partir de l’idée qu’un volume de transactions de l’ordre de 10% par année peut être qualifié de substantiel (Commentaire circulaire n° 28 CSI, p. 5).

Pour une PME de onze actionnaires, une vente d’une participation de 13.3% – correspondant au 2e paquet d’actions le plus important – peut être considérée comme un transfert substantiel (Commentaire circulaire n° 28 CSI, p. 6).

Tous les prix de vente n'ont pas été fixés sur la base d'une formule d’estimation préétablie. La condition pour la détermination d’un prix justifié sur le plan fiscal est qu’un véritable prix du marché s’est formé sans que d'autres circonstances aient influencé cette libre formation des prix.

Une vente d'actions par un père à son fils ne peut être considérée comme un transfert entre tiers indépendants. Il peut cependant être présumé que le père ne vendrait pas à un prix surfait les actions à son fils qui travaille déjà dans l'entreprise. Pour cette raison, un tel transfert peut également être pris en considération pour la fixation de la valeur vénale sur le plan fiscal. La même réflexion peut être faite pour des ventes d’actions entre membres d’une même famille et dans le cadre de la planification d’une succession.

Des transferts entre actionnaires et/ou partenaires ne sont pas considérés comme transferts entre tiers indépendants. Il en va notamment ainsi quand la formation du prix n'est pas transparente et qu’elle ne résulte pas d’une méthode correspondant à des critères économiques reconnus. C’est régulièrement le cas lorsqu’une société opérationnellement active fait l’objet d’un transfert sur la base d’une convention d’actionnaires avec pour prix de vente la seule substance intrinsèque. Le même principe vaut pour l’acquisition par la société de ses propres droits de participation.

Ne sont pas considérés comme des « tiers indépendants » deux membres d'un conseil d'administration qui ont chacun un droit de signature individuelle et qui, en sus de leur activité dans ce conseil, ont d'autres relations d'affaires entre eux.

L’on ne saurait conclure à un transfert « entre tiers indépendants » du seul fait que des personnes proches n’ont pas consenti librement au transfert (divorce, résiliation du contrat de travail pour de justes motifs). Si le contribuable prétend le contraire, il lui appartient d’apporter la preuve que le prix du transfert correspond au prix du marché. À cette fin, il lui incombe de démontrer de manière détaillée comment le prix du transfert a été calculé (Commentaire circulaire n° 28 CSI, p. 6 et 7).

5.4.3 Pour déterminer le résultat annuel (n-1) s’agissant d’une société nouvellement constituée mais résultant d’une transformation, il faut tabler sur le bénéfice/la perte correspondants (éventuellement sur une moyenne de plusieurs périodes antérieures) de la raison individuelle ou de la société de personnes (bénéfice/perte, salaires, parts d'intérêts) ; ce facteur doit être réduit du montant de la rémunération du chef d'entreprise (n), ainsi que – si le résultat annuel ainsi rectifié est positif – de la charge fiscale déductible par la société de capital, charge chiffrée à 30% (Commentaire circulaire n° 28 CSI, p. 45).

5.4.4 Dans son ATA/236/2018 du 13 mars 2018, la chambre administrative a confirmé sa jurisprudence quant à l’application de la méthode des praticiens pour évaluer les réserves latentes imposables lors de la transformation d’une entreprise individuelle en société anonyme (consid. 6c).

L’arrêt précité relève qu’il ressortait de l’ATA/322/2010 du 11 mai 2010 (consid. 6) que pour calculer la valeur vénale permettant de déterminer le montant des réserves latentes imposables au titre de bénéfice en 1997 (année de la transformation de la société individuelle en société anonyme), l'AFC-GE était partie d'un bénéfice net moyen calculé sur quatre ans de résultats de la raison individuelle. Elle avait déterminé la valeur de rendement en appliquant le taux de capitalisation usuel, soit celui des obligations commerciales augmenté de 1 %. En ajoutant une prime de risque de 2%, elle avait tenu compte de la bonne santé de la société, et l'administré n'avait pas établi en quoi celle-ci pourrait être sujette à des risques de pertes futures particulières qui affecteraient la valeur de rendement estimée. En outre, en arrêtant la valeur vénale à CHF 943'315.-, montant pondéré car résultant d'une moyenne basée sur deux fois la valeur de rendement résultant de la capitalisation du bénéfice durable et d'une fois la valeur intrinsèque correspondant au capital net au 31 décembre 1997, et en déduisant la valeur comptable de la raison individuelle apportée à la société lorsqu'elle avait été constituée, l’AFC-GE avait déterminé correctement les réserves latentes imposables rétroactivement au titre de l'impôt sur le revenu.

Dans l’ATA/723/2012 du 30 octobre 2012, l'évaluation des réserves latentes n'était pas contestée, raison pour laquelle le détail de la méthode de calcul n'était pas exposé. Toutefois, il ressortait de l’état de fait que les réserves latentes existantes avaient été évaluées au moment de la restructuration de l'entreprise individuelle en société anonyme (consid. 3).

5.5 Par ailleurs, en cas de transfert d’une société de personnes à une personne morale, la circulaire n° 28 AFC-CH (n° 2.3 p. 3) prévoit que le début simultané ou ultérieur d’une activité lucrative dépendante ne s’oppose pas à l’imposition privilégiée du bénéfice de liquidation. Cette règle s’applique également lorsque l’indépendant qui a exploité son entreprise sous la forme d’une raison individuelle la transfère à une personne morale dont il devient un employé. Dans la mesure où le transfert n’est pas sans incidences fiscales (art. 19 al. 1 let. b LIFD) ainsi que pour les valeurs patrimoniales qui sont transférées à cette occasion à la fortune privée, les réserves latentes réalisées sont imposables selon l’art. 37b LIFD. Demeurent réservés le choix du report de l’impôt selon l’art. 18a al. 1 LIFD et l’affermage selon l’art. 18a al. 2 LIFD.

Si, dans les cinq ans suivant le transfert sans incidence fiscale de l’entreprise d’un indépendant à une personne morale, il y a une vente à un prix supérieur à la valeur fiscalement déterminante du capital propre transféré (violation du délai de blocage, art. 19, al. 2, LIFD), il faut décompter les réserves latentes et les imposer selon l’art. 37b LIFD en procédure de rappel d’impôt, si le transfert a eu lieu après l’entrée en vigueur de cet article et si les conditions de son application sont remplies au moment du transfert. Les rachats effectués depuis le transfert doivent être déduits au titre des avoirs de vieillesse de la prévoyance professionnelle (art. 6 al. 6 OIBL) pour calculer le rachat fictif.

5.6 En l’espèce, les recourants reprochent au TAPI de ne pas avoir appliqué la circulaire n° 28 AFC-CH au profit de la circulaire n° 28 CSI.

Or, il ressort de la circulaire n° 28 AFC-CH, en particulier du paragraphe susmentionné auquel se réfèrent les recourants, que celui-ci s’applique en cas de transformation d’une entreprise individuelle en société anonyme. Or, tel n’est pas le cas en l’occurrence puisque, par convention du 15 septembre 2014, la première a été cédée à la seconde, nouvellement créée. D’autre part, le TAPI a commencé sa subsomption en rappelant que la circulaire n° 28 CSI s’appliquait non seulement pour la détermination de l’impôt sur la fortune, mais également pour celle de l’impôt sur le revenu et que lorsqu’une vente d’entreprise intervenait entre tiers indépendants, le prix d’achat était pris en compte car il était réputé représenter la valeur vénale.

À cet égard, il sied de relever que les recourants persistent en vain à soutenir que le caractère « substantiel » du transfert permettrait de retenir que la cession de l’entreprise individuelle à la société a eu lieu entre tiers indépendants in casu. En effet, conformément au commentaire de la circulaire n° 28 CSI susmentionné, non seulement la vente d’actions d’un père à son fils ne peut être considérée comme un transfert entre tiers indépendants – sauf exception non réalisée en l’espèce –, mais tel n’est pas non plus le cas lorsque des membres du conseil d’administration ont d’autres relations d’affaires entre eux. Or, force est de constater que le recourant avait lui-même des liens avec son fils, mais également avec les trois autres actionnaires, puisqu’il les avait précisément choisis en raison de leurs fonctions en tant que cadres dans son entreprise individuelle, afin d’assurer la pérennité des activités de celle-ci. D’ailleurs, si le recourant entend lui-même se prévaloir de l’exception s’agissant de sa relation avec son fils, il admet, dans le même temps, que la méthode des praticiens avait été utilisée dans la convention du 16 janvier 2017, précisément en raison de leurs liens familiaux.

À cela s’ajoute que les recourants, supportant le fardeau de la preuve de leurs allégations, notamment s’agissant de la méthode de multiples de l’EBITDA qui aurait été employée lors de la vente du 15 septembre 2014 pour déterminer la valeur vénale de l’entreprise individuelle, n’ont pas été à même de fournir les éléments nécessaires. Reconnaissant eux-mêmes la difficulté de disposer des données de comparaison en la matière, ils se sont contentés de produire sur recours une étude de N______, sans en détailler les chiffres par rapport à la situation, tel que requis par la jurisprudence précitée du Tribunal fédéral. La convention de financement de la banque n’est pas davantage de nature à apporter des précisions à ce sujet. Le montant du prêt accordé ne permet pas de déterminer de quelle manière le prix de vente de l’entreprise individuelle a été fixé. De plus, il n’est fait aucune mention de la condition selon laquelle la banque exigeait que le recourant demeure pendant cinq ans au sein de la société. Lors de la convention du 16 janvier 2017, il n’a d’ailleurs vendu que 2'500 de ses 3'000 actions de la société à ses fils, de sorte qu’il conservait lui-même 10% du capital-actions.

En ces circonstances, l’AFC-GE n’avait d’autre alternative que de recourir à la méthode des praticiens, telle que préconisée par la circulaire n° 28 CSI et admise à réitérées reprises par la jurisprudence, notamment quant à la prise en considération d’une moyenne des bénéfices de quatre exercices au lieu de deux, à laquelle s’ajoute une déduction de la rémunération du recourant. Bien que prévue en cas de transformation, cette dernière a d’ailleurs été déduite à l’avantage des contribuables, sur la base d’une estimation fondée sur la méthode de détermination des salaires excessifs. Dans la mesure où il s’agit d’un avantage indu, que l’AFC‑GE reconnaît elle-même avoir accordé par erreur, le contribuable ne peut requérir une augmentation de cette déduction, tandis qu’il s’expose à un risque de reformatio in pejus (art. 54 LPFisc).

Pour les mêmes motifs, il ne se justifiait pas de déduire ses charges sociales patronales et ses impôts directs du bénéfice moyen d’exploitation de son entreprise individuelle.

Finalement, les recourants ne contestent pas le taux de capitalisation appliqué par l’AFC-GE.

Par conséquent, les premiers juges ont retenu à bon droit que la valeur du goodwill que l’AFC-GE avait admise sur réclamation (CHF 6'510'000.-) devait être confirmée, de même que la valeur des titres de la société.

6.             Dans un dernier grief, les recourants contestent les intérêts moratoires facturés par l’AFC-GE, la durée du délai écoulé entre la date du dépôt de leur déclaration d’impôts et la notification des bordereaux de taxation, soit un peu plus de cinq ans, ne leur étant pas imputable.

6.1 En vertu de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Cette disposition consacre notamment le principe de la célérité ou, en d'autres termes, prohibe le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 144 I 318 consid. 7.1 ; 135 I 265 consid. 4.4 ; 131 V 407 consid. 1.1 ; 130 I 312 consid. 5.1).

6.2 Le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause, lesquelles commandent généralement une évaluation globale. Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF 144 II 486 consid. 3.2 ; 135 I 265 consid. 4.4; 130 I 312 consid. 5.2). Il appartient en effet au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié. Le principe vaut dans tous les types de causes, étant précisé que le comportement du justiciable s'apprécie avec moins de rigueur en procédure pénale et administrative que dans un procès civil (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_44/2020 du 3 mars 2022 consid. 12.6.1 ; 2C_1014/2013 du 22 août 2014 consid. 7.1, non publié in ATF 140 I 271). Cette règle découle du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.), qui doit présider aux relations entre organes de l'État et particuliers. Il serait en effet contraire à ce principe qu'un justiciable puisse valablement soulever ce grief devant l'autorité de recours, alors qu'il n'a entrepris aucune démarche auprès de l'autorité précédente, afin de remédier à cette situation (ATF 125 V 373 consid. 2b/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_309/2021 du 3 septembre 2021 consid. 4 ; 2C_227/2016 du 13 février 2017 consid. 3.1 ; 2C_1014/2013 du 22 août 2014 consid. 7.1).

6.3 De jurisprudence constante, la chambre de céans a retenu que, même si l'AFC‑GE pouvait avoir manifestement tardé à rendre les décisions querellées, il appartenait au contribuable de l'interpeller pour s'inquiéter de l'avancement de sa taxation. Le grief de tardiveté dans l’établissement des taxations ne pouvait donc être invoqué, une fois celles-ci établies. En outre, le contribuable pouvait s’éviter de tels intérêts en s’acquittant du montant total de l’impôt réclamé, le trop-perçu étant remboursé en cas d’admissions des réclamations (ATA/1834/2019 du 17 décembre 2019 consid. 14 ; ATA/1518/2017 du 21 novembre 2017 consid. 7).

Selon le Tribunal fédéral, il importe peu de savoir si la complexité du dossier, liée notamment à sa connexité avec d'autres affaires, justifie un délai de plus de sept ans pour procéder aux taxations. Des contribuables qui n'ont jamais relancé ni mis en demeure l’autorité fiscale durant les temps morts de la procédure ne peuvent pas se prévaloir d'une violation du principe de célérité, sous l'angle du principe de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2022 du 8 décembre 2022 consid. 4.3 en lien avec les arrêts du Tribunal fédéral 2C_68/2022 et 2C_48/2022).

6.4 En l’occurrence, il ressort du dossier qu’en date du 6 novembre 2019, l’AFC‑GE a informé les recourants que le processus de taxation ICC/IFD 2014 suivait son cours. En dépit du fait qu’ils estimaient que le délai pris pouvait être long, ils n’ont toutefois pas relancé l’AFC-GE. Ils n’ont pas davantage augmenté leurs acomptes, dont l’excédent leur aurait été remboursé en cas d’admission de leur réclamation.

Par conséquent, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que, conformément à la jurisprudence susrappelée, les recourants ne pouvaient pas se prévaloir d’une violation du principe de célérité.

Ce grief sera dès lors également écarté.

Partant, mal fondé en tous points, le recours sera rejeté.

7.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 avril 2023 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Blaise ECKERT, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :