Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/566/2024 du 07.05.2024 ( TAXE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3827/2023-TAXE ATA/566/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 7 mai 2024 2ème section |
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dans la cause
A______ recourant
contre
SERVICE DE LA TAXE D'EXEMPTION DE L'OBLIGATION DE SERVIR
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimés
A. a. A______, né le ______ 1983, a été naturalisé suisse le 26 novembre 2019, l’année de ses 36 ans.
b. Il a été exonéré de la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : TEO), à la suite de sa naturalisation, pour l’année d’assujettissement 2019.
B. a. Par décision de taxation de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE), pour l’année d’assujettissement 2020 du 27 mai 2022, le service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : STEO) a assujetti A______ à la TEO pour l’année 2020. Le montant dû a été fixé à CHF 6'164.30.
b. Le 22 juin 2022, A______ a élevé réclamation à l’encontre de cette décision, concluant à être exempté de taxe.
Les principes de la non-rétroactivité des lois et de la bonne foi, tout comme la sécurité du droit s’opposaient à ce qu’il soit taxé pour l’année 2020. La décision de taxation ne répondait pas à « un intérêt public prépondérant, proportionné, suffisant et démontré ».
c. Par courrier du 23 août 2022, le STEO a accusé réception de la réclamation du recourant et l’a informé que la perception était suspendue durant toute la durée de la procédure. Toutefois, des intérêts moratoires ou intérêts sur montant à restituer continuaient à courir.
d. Par décision sur réclamation du 17 octobre 2023, le STEO a rejeté celle-ci, maintenant l’assujettissement à la TEO de A______.
La nouvelle loi fédérale sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 12 juin 1959 (LTEO - RS 661) était entrée en vigueur le 1er janvier 2019 et s’appliquait également aux citoyens naturalisés, comme le Tribunal fédéral l’avait confirmé. La nouvelle loi ne créait pas de nouvelles obligations ou de nouvelles charges, car il s’agissait des mêmes obligations, à savoir le paiement de onze taxes. Elles étaient désormais réparties différemment dans le temps, en raison de la flexibilité dans l’étalement des années de service. Il avait été naturalisé en 2019, l’année de ses 36 ans. Il n’avait pas effectué de service militaire ou de service de remplacement (service civil) durant l’année 2020, de sorte que son assujettissement était maintenu.
C. a. Par acte du 15 novembre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de la décision sur réclamation précitée, concluant principalement à son annulation, ainsi qu’à « la jonction des causes en ce qui le concern[ait] » et la suspension de la procédure dans l’attente de deux arrêts du Tribunal fédéral dans des causes similaires (2C_979/2022 et 2C_995/2022) (sic).
Il n’avait jamais eu la possibilité de remplacer la taxe d’exemption par du service, ni militaire ni civil, au vu de son âge. Sous la nouvelle législation, cela aurait été très éventuellement possible, mais il n’en avait pas eu connaissance et cela ne lui avait pas été proposé.
La décision était contraire à l’égalité de traitement, au principe de non-rétroactivité des lois, n’était pas proportionnée et discriminante. Les droits acquis devaient être respectés. Toute autre solution avait pour conséquence que des situations différentes seraient traitées de manière similaire.
b. L’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC‑CH) a « pris position sur le recours », concluant à son rejet.
Le recours visait la décision de réclamation, le recourant estimant à tort avoir atteint l’âge de 30 ans avant l’entrée en vigueur de la LTEO au 1er janvier 2019. Or, celle‑ci s’appliquait à sa situation.
À la suite de ses vérifications auprès du commandement du recrutement, A______ n’avait jamais fait de demande de recrutement ultérieur selon l’art. 12 al. 2 de l’ordonnance sur les obligations militaires (OMi - RS 512.21). Il ne pouvait donc faire valoir une discrimination du fait de l’absence d’alternatives réelles à l’obligation de s’acquitter de la taxe d’exemption, n’ayant pas fait usage de la possibilité existante. Selon la jurisprudence, si un recourant voulait faire valoir qu’une TEO n’était pas due car discriminatoire au regard de sa volonté de servir, il devait prouver qu’il était disposé à servir à partir de ladite année au plus tard. Il fallait donc qu’il ait au moins cherché activement à accomplir un service militaire ou de protection civile. Selon le dossier du recourant, ceci n’avait visiblement pas été le cas.
c. Le STEO, soit pour lui l’AFC-GE, a également conclu au rejet du recours.
Le recourant avait été naturalisé suisse le 26 novembre 2019, à l’âge de 36 ans. Il n’avait pas effectué de service militaire ni de service de remplacement durant l’année 2020. Il était donc assujetti à la TEO 2020, conformément à la LTEO, et ce jusqu’à l’année de ses 37 ans.
En 2020, le recourant était astreint à l’obligation de servir. Il n’était toutefois incorporé ni dans une formation de l’armée, ni astreint au service civil. Il était donc tenu, durant cette période de payer une TEO. Compte tenu de son âge, il ne pouvait plus satisfaire à ses obligations militaires, ayant dépassé l’âge pour effectuer l’école de recrues. Néanmoins, le fait d’avoir dépassé cet âge ne déliait pas le recourant de demander à accomplir le service militaire ou le service civil, ce qu’il n’avait pas fait. Les modifications de la LTEO étaient entrées en vigueur au 1er janvier 2019. Il n’y avait pas de rétroactivité proprement dite dans ce cas, car la décision querellée assujettissait le recourant à la TEO 2020.
Compte tenu de son âge, il ne pouvait plus satisfaire à ses obligations militaires sous forme de service militaire, ayant dépassé l’âge auquel il pouvait accomplir l’école de recrues. Néanmoins, il pouvait demander à pouvoir accomplir le service militaire ou civil mais n’avait proposé ni l’un ni l’autre. Il demeurait donc soumis à l’obligation de servir jusqu’à l’année de ses 37 ans.
d. Les 9 et 25 janvier 2024, le Tribunal fédéral a rendu les arrêts dans les causes 9C_648/2022 et 9C_707/2022. Leur contenu sera détaillé dans la partie en droit en tant que besoin.
e. Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses précédentes conclusions.
Les militaires et civilistes qui n’avaient pas terminé leurs obligations de servir au moment où ils atteignaient la fin légale de l’âge requis pour accomplir celles-ci selon l’ancien droit, contrairement aux personnes soumises à la taxe, n’avaient pas été rappelées par le nouveau droit pour terminer leurs obligations. Il existait une claire inégalité de traitement.
L’autorité intimée soutenait qu’en 2019 ou 2020, il aurait pu demander à servir en remplacement de la taxe. Quand bien même il aurait eu connaissance de cette possibilité en 2022, il lui était désormais impossible de servir au vu de son âge. Cette possibilité confinait à l’impossible et était donc disproportionnée, au vu des jours de service à effectuer.
f. Dans sa duplique du 9 février 2024, l’AFC-GE a intégralement persisté dans les considérants et les conclusions de sa réponse du 20 décembre 2023 et a conclu à l’application des arrêts du Tribunal fédéral 9C_648/2022 du 9 janvier 2024 et 9C_707/2022 du 25 janvier 2024 à la présente cause.
g. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA ‑ E 5 10 ; art. 31 al. 1 LTEO ; art. 34 al. 1 et 37 al. 1 de l’ordonnance sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 30 août 1995 - OTEO - RS 661.1 ; art. 2 de la loi d’application des dispositions fédérales sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 14 janvier 1961 - LaTE - G 1 05).
2. Le recourant conclu à une jonction des procédures le concernant.
2.1 Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.
2.2 En l'espèce, il n’existe qu’une seule procédure en état d’être jugée par devant la chambre administrative, enregistrée sous A/3827/2023. Le recourant n’indique aucun autre numéro de cause qui serait pendant, de sorte que sa demande de jonction est sans objet.
3. Le recourant demande la suspension de la procédure dans l'attente des arrêts du Tribunal fédéral dans les causes « 2C_978/2022 et 2C_995/2022 », concernant des cas similaires. Or, ces numéros de cause n’existent pas dans la base de données du Tribunal fédéral. Cela étant, il existe deux cas similaires, tranchés par le Tribunal fédéral récemment, soit les causes 9C_648/2022 du janvier 2024 et 9C_707/2022 du 25 janvier 2024.
Sa requête est donc sans objet, le Tribunal fédéral ayant rendu des arrêts dans chacune de ces deux causes.
Dans les arrêts 9C_648/2022, qui est destiné à la publication, et 9C_707/2022 précités, le Tribunal fédéral a jugé des litiges similaires à la présente cause. Dans le premier arrêt, il a en effet confirmé l’assujettissement à la TEO pour l’année 2019 d’un homme né en janvier 1988 et naturalisé en septembre 2017 à l’âge de 29 ans. Dans le second arrêt, il a confirmé l’assujettissement à la TEO pour l’année 2019 d’un homme né en janvier 1984 et naturalisé en mai 2017 à l’âge de 33 ans. Le présent arrêt se référera ainsi largement à ces deux arrêts.
4. Le litige concerne la conformité au droit de la décision prononçant l’assujettissement du recourant à la TEO pour la période fiscale 2020. Le recourant se plaint du fait que l’assujettissement à la taxe serait contraire au principe de non‑rétroactivité des lois, contraire au principe d’égalité de traitement et disproportionnée.
4.1 L’art. 59 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) prévoit que tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire. La loi prévoit un service civil de remplacement (al. 1). Tout homme de nationalité suisse qui n’accomplit pas son service militaire ou son service de remplacement s’acquitte d’une taxe. Celle-ci est perçue par la Confédération et fixée et levée par les cantons (al. 2). Cette taxe est régie par le droit fédéral, en particulier par la LTEO et l’OTEO. De jurisprudence constante, cette taxe qui constitue une contribution de remplacement, a pour but de garantir une égalité de traitement entre les personnes soumises à l’obligation de servir qui effectuent le service militaire ou le service civil et celles qui en sont exonérées (arrêts du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 3.1 ; 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 3.1 et les références).
4.2 Selon l’art. 1 LTEO, les citoyens suisses qui n’accomplissent pas ou n’accomplissent qu’en partie leur obligation de servir sous forme de service personnel (service militaire ou service civil) doivent fournir une compensation pécuniaire. Cette taxe est fixée chaque année en application de l’art. 25 al. 1 LTEO.
Aux termes de l’art. 2 al. 1 let. a LTEO, sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l’étranger et qui, au cours d’une année civile (année d’assujettissement), ne sont, pendant plus de six mois, ni incorporés dans une formation de l’armée ni astreints au service civil.
4.3 L’art. 3 aLTEO, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018, prévoyait que l’assujettissement à la taxe commence au début de l’année en cours de laquelle la personne astreinte atteint l’âge de 20 ans (al. 1). Il se termine : pour les personnes qui ne sont pas incorporées dans une formation de l’armée et qui ne sont pas astreintes au service civil, à la fin de l’année au cours de laquelle elles atteignent l’âge de 30 ans (al. 2 let. a).
L’art. 3 LTEO, dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2019, prévoit que l’assujettissement à la taxe commence au plus tôt au début de l’année au cours de laquelle l’homme astreint atteint l’âge de 19 ans. Il se termine au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle il atteint l’âge de 37 ans (al. 1). Pour les assujettis visés à l’art. 2 al. 1 let. a qui n’effectuent pas de service de protection civile, l’assujettissement à la taxe commence l’année qui suit le recrutement. Il dure onze ans (al. 2).
4.4 Selon un principe général de droit intertemporel, les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci. Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l’interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire et de la protection de la bonne foi (art. 5 et 9 Cst.). L’interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l’application d’une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n’est possible qu’à des conditions strictes, soit en présence d’une base légale suffisamment claire, d’un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l’égalité de traitement et des droits acquis. La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les références citées).
Il n’y a toutefois pas de rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend règlementer un état de chose qui, bien qu’ayant pris naissance dans le passé, se prolonge au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Cette rétroactivité improprement dite est en principe admise, sous réserve du respect des droits acquis (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les arrêts cités).
En ce qui concerne les normes juridiques qui font dépendre la survenance de la conséquence juridique de plusieurs éléments de fait (état de fait dit composite), le Tribunal fédéral a jugé qu’il est déterminant de savoir sous l’empire de quelle norme l’ensemble des faits s’est produit de manière prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.2 et les arrêts cités).
À l’occasion de la modification de la LTEO du 16 mars 2018, le Parlement n’a adopté aucune disposition transitoire spécifique relative à l’art. 3 LTEO (arrêt du Tribunal fédéral 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.2). Partant, en l’absence d’une disposition transitoire explicite ou qui pourrait se déduire d’une interprétation du texte légal, il convient de se référer aux principes généraux relatifs du droit intertemporel qui viennent d’être rappelés (ATF 148 V 70 consid. 5.3).
4.5 En matière de prélèvement de la TEO, le Tribunal fédéral a jugé que celle-ci ne présentait pas les caractéristiques d’un état de fait durable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1005/2021 du 26 avril 2022 consid. 5.2). En effet, les éléments de base déterminants servant de fondement à la TEO sont : l’incorporation (ou non) dans une formation de l’armée, la soumission (ou non) à l’obligation de servir dans le civil et l’accomplissement (ou non) du service militaire ou civil pendant l’année d’exemption (art. 2 al. 1 LTEO), puis selon l’art. 3 al. 1 LTEO, l’âge de la personne astreinte à la taxe pendant l’année d’assujettissement et en enfin la date du début de l’assujettissement à la taxe selon les art. 3 al. 2, 3, 4 et 5 LTEO. À l’exception du début de l’obligation de remplacement consistant en le paiement d’une taxe, les autres éléments s’apparentent à des faits et des situations qui se produisent ou existent durant l’année d’assujettissement et qui sont limités dans le temps par celle‑ci. La circonstance que les faits pertinents existent encore à la fin de l’année d’assujettissement n’est pas déterminante, pas plus que les faits qui ne se produisent qu’après la fin de celle-ci (arrêts du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les références citées ; 2C_1005/2021 précité consid. 5.1).
4.6 Bien qu’il existe un lien entre la LTEO et la LAAM du point de vue de la durée de l’obligation de remplacement, la LTEO règle de manière autonome la durée de l’obligation de remplacement par la TEO (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 7.2). Partant, c’est uniquement à la lumière de la LTEO qu’il convient de répondre aux premiers griefs.
4.7 Sous le terme de droit acquis est désigné un ensemble assez hétérogène de droits des administrés envers l’État dont la caractéristique commune est qu’ils bénéficient d’une garantie particulière de stabilité. Des droits acquis peuvent être conférés par la loi lorsque celle-ci les qualifie comme tels ou lorsqu’elle garantit leur pérennité, soit si le législateur a promis dans la loi que celle-ci ne serait pas modifiée ou serait maintenue telle quelle pendant un certain temps (ATA/48/2024 du 16 janvier 2024 consid. 4.13 et l’arrêt cité).
Un droit acquis peut être créé dans les mêmes conditions que par la loi par une décision individuelle. En tant que telle, la répétition de décisions successives de contenu identique ne crée pas non plus de droit acquis. La catégorie la plus importante de droits acquis est constituée de ceux qui sont créés par un contrat entre l’État et les administrés. La stabilité particulière du droit est ici fondée sur le principe pacta sunt servanda (principe de la confiance ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, pp. 266 et 267).
4.8 En l’espèce, la nouvelle LTEO n’a pas été appliquée à un état de fait antérieur à son entrée en vigueur. Le recourant a en effet été soumis à la TEO, pour l’année d’assujettissement 2020, sur la base des éléments de fait survenus en 2020, ceci en application de la législation entrée en vigueur le 1er janvier 2019. Les éléments de base déterminants servant de fondement à la TEO se sont produits ou existaient en 2020, soit sous l’empire de la nouvelle loi : en 2020, le recourant, alors âgé de 37 ans, n’était ni incorporé dans une formation de l’armée, ni soumis à l’obligation de servir dans le civil, ni n’accomplissait du service militaire ou civil. Le fait que, sous l’ancien droit, il n’aurait pas dû être assujetti à la TEO, parce qu’il avait atteint l’âge de 30 ans en mars 2013 et qu’il a été soumis, en vertu du nouveau droit, à l’obligation de payer la taxe d’exemption de servir ne constitue pas une application rétroactive de la loi. L’élévation de la limite d’âge de 30 ans à l’âge de 37 ans se rapporte à l’âge actuel de la personne concernée dans l’année considérée, de sorte qu’il n’y a pas rétroactivité à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 7.2).
Les griefs du recourant en lien avec la violation du principe de la non-rétroactivité des lois seront ainsi écartés. Il en ira de même du grief de violation des droits acquis dès lors qu’aucune loi ou décision ne garantit au recourant la pérennité de la situation qui prévalait avant l’entrée en vigueur du nouveau droit.
5. Le recourant soutient qu’il lui était impossible d’effectuer un recrutement volontaire au sens de l’art. 12 al. 2 OMi. Il n’avait pas eu connaissance de cette possibilité. Dans la mesure où l’assujettissement dépendrait de la participation au recrutement, il ne devait pas être assujetti à la TEO.
5.1 Selon l’art. 9 LAAM, les conscrits participent au recrutement. Le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions pour les cas manifestes d’inaptitude au service (al. 1). Les conscrits passent le recrutement au plus tôt au début de leur 19e année et au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle ils atteignent l’âge de 24 ans (al. 2). Le Conseil fédéral peut prévoir un recrutement ultérieur si les services d’instruction obligatoires (art. 42) peuvent encore être accomplis dans les limites d’âge visées à l’art 13. Le recrutement ultérieur est soumis au consentement des personnes concernées (al. 3).
5.2 L’art. 12 al. 2 OMi prévoit qu’à leur demande, le « cdmt Instr » peut prévoir un recrutement ultérieur pour les Suissesses et les Suisses qui n’ont pas été convoqués au recrutement jusqu’à la fin de l’année au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de 24 ans ou qui n’ont pas fait l’objet d’une décision définitive quant à leur aptitude dans ce délai, pour autant que les conditions de l’art. 9 al. 3 LAAM soient remplies et que le besoin de l’armée soit avéré. La demande ne peut être déposée qu’une seule fois.
5.3 En l’espèce, c’est à tort que le recourant soutient que n’ayant pas effectué de recrutement au sens de l’art. 12 al. 2 OMi, il ne peut être soumis à la TEO. En effet, l’art. 2 al. 1 let. a LTEO soumet à l’obligation de s’acquitter de la taxe tout homme astreint au service domicilié en Suisse, qui n’était, pendant plus de six mois, ni incorporé dans une formation de l’armée ni astreint au service civil. Or, comme l’a retenu le Tribunal fédéral (arrêt 9C_648/2022 précité consid.8.1), le texte clair de cette disposition ne distingue pas les situations qui ont conduit à l’absence d’incorporation dans une formation de l’armée ou d’astreinte au service civil pendant plus de six mois. C’est en conséquence également à tort que le recourant s’en prend à la qualification de taxe de remplacement, ce grief étant fondé sur sa prétendue impossibilité de participer à un recrutement, puisque le motif pour lequel la TEO doit être payée n’est pas déterminant.
6. Le recourant soutient enfin que, n’ayant d’autre choix que de payer la TEO, il serait discriminé par rapport aux personnes qui ont eu la possibilité d’être recrutées. Cette situation serait contraire à l’égalité de traitement.
6.1 Aux termes de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (al. 1). Quant à l’art 14 CEDH, il prévoit que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. D'après la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de la l’homme (ci-après : CourEDH), l'art. 14 CEDH complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles. Il n'a pas d'existence indépendante puisqu'il vaut uniquement pour « la jouissance des droits et libertés » qu'elles garantissent (ATA/1091/2023 du 3 octobre 2023 consid. 3.3 et les arrêts cités).
6.2 Dans l’arrêt 9C_648/2002 (consid. 8.2), le Tribunal fédéral rappelle que, en relation avec les art. 8 et 14 CEDH, la CourEDH a, dans l’arrêt GLOR c. Suisse du 30 avril 2009, notamment jugé que, à la lumière du but et des effets de la taxe litigieuse, la différence opérée par les autorités suisses entre les personnes inaptes au service exemptées de ladite taxe et celles qui étaient néanmoins obligées de la verser, était discriminatoire. Aux yeux de la CourEDH, le fait que le contribuable avait toujours affirmé être disposé à accomplir son service militaire, mais qu’il avait été déclaré inapte audit service par les autorités militaires compétentes, était en l’occurrence essentiel. Selon la CourEDH, la discrimination résidait en particulier dans le fait que, contrairement à d’autres personnes qui souffraient d’un handicap plus grave, l’intéressé n’avait pas été exempté de la taxe litigieuse – son handicap n’étant pas assez important – et que, alors qu’il avait clairement exprimé sa volonté de servir, aucune possibilité alternative de service ne lui avait été proposée. À ce sujet, la CourEDH a notamment souligné « l’absence, dans la législation suisse, de formes de service adaptées aux personnes se trouvant dans la situation du requérant » (arrêt GLOR précité, par. 96).
Un intéressé ne peut pas se prévaloir d’une violation des art. 8 et 14 CEDH en lien avec l’arrêt GLOR précité, dans l’hypothèse où celui-ci ne s’était pas montré actif pour effectuer un service militaire ou un service civil (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 8.2.2 et les nombreux arrêts cités).
6.3 En l’espèce, sans que cela ne soit remis en cause par le recourant, il apparaît que ce dernier n’a jamais demandé à être mis au bénéfice d’un recrutement ultérieur au sens de l’art. 9 al. 3 LAAM, disposition concrétisée par l’art. 12 OMi, qui lui aurait permis, le cas échéant, d’accomplir un service militaire ou un service civil. Partant, le recourant n’a pas effectué de démarches visant à profiter de la possibilité d’effectuer un tel recrutement ultérieur, de sorte qu’il ne peut pas se plaindre d’une discrimination fondée sur les art. 8 et 14 CEDH ou encore sur l’arrêt GLOR précité. Les considérations théoriques sur la durée du service long ou court (qui auraient pour conséquences qu’un tel recrutement ultérieur ne serait pas possible) ne changent rien à cette conclusion. C’est bien la situation individuelle du recourant et les démarches qu’il a ou non concrètement effectuées qui sont déterminantes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 8.2.3).
La protection de l’art. 14 CEDH en lien avec une autre garantie conventionnelle n’a pas de portée indépendante par rapport à l’art. 8 Cst. (égalité) (ATF 137 V 334 consid. 6.3). Dans la mesure où le recourant ne peut pas se prévaloir d’une discrimination fondée sur les art. 8 CEDH et 14 CEDH, puisqu’il n’a pas fait de démarches concrètes visant à effectuer un recrutement ultérieur, il ne saurait davantage se plaindre d’une discrimination fondée sur l’art. 8 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 8.2.4).
La décision de taxation 2020 est en conséquence conforme au droit.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe, et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA et 31 al. 2 et 2bis LTEO).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 15 novembre 2023 par A______ contre la décision sur opposition du service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 17 octobre 2023 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______, au service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière : |