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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3956/2023

ATA/464/2024 du 10.04.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3956/2023-EXPLOI ATA/464/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du10 avril 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représenté par Me Luca MINOTTI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé



EN FAIT

A. a. A______, dont le siège se trouve à B______, a pour but de créer et de commercialiser des produits de luxe, dont des montres, des articles de joaillerie, des objets d'art, des articles de maroquinerie, de parfumerie et autres, dans le domaine du luxe. Elle exploite une boutique à Genève.

b. À la suite d’un contrôle de l’entreprise par l’office cantonal de l’inspection et des relations de travail (ci-après : OCIRT), initié le 3 avril 2023, il est apparu que l’entreprise ne respectait pas le salaire minimum de ses neuf employés, qui avaient œuvré pour elle entre mars 2022 et mars 2023 pendant des périodes comprises entre deux et sept mois.

c. La société a fourni des décomptes de salaire corrigés pour l’ensemble des neuf employés et le contrat de stage pour deux d’entre eux, pour qui la situation était ainsi réglée.

d. Malgré les délais prolongés à cet effet, les salaires corrigés n’ont pas été versés aux employés. Ils ont en revanche été annoncés à la caisse de compensation et les cotisations sociales y relatives ont été acquittées.

e. Par décision du 27 octobre 2023, l’OCIRT a infligé à la société une amende de CHF 10'800.- pour non-respect du salaire minimum de sept employés. Ceux-ci travaillaient tous dans la boutique exploitée par l’intéressée. Aucun rattrapage salarial, même partiel, n’avait eu lieu. L’infraction était grave. La sous-enchère avait porté sur CHF 57'037.36.

B. a. Par acte expédié le 27 novembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision, concluant à ce qu’une « peine raisonnable » lui soit infligée.

Depuis le début de l’année 2022, sa boutique était fermée pour raison de travaux dans l’immeuble. Elle poursuivait son activité dans le halle d’un hôtel de la place. Son chiffre d’affaires ayant baissé de 90%, elle s’était vu obligée d’engager des stagiaires sans expérience ; son administrateur ne connaissait pas les subtilités de la loi. Son manque de liquidités actuel ne lui permettait pas de procéder aux rattrapages salariaux nécessaires. La sous-enchère se montait à CHF 52'601.58 nets. Sa collaboration avait été excellente. Elle avait signé des reconnaissances de dette pour les sept employés concernés. L’amende de CHF 12'000.- (sic) était arbitraire.

b. L’OCIRT a conclu au rejet du recours.

Le montant de la sous-enchère était de CHF 57'037.36, concernait sept des neuf employés et l’écart le plus important avec le salaire horaire minimum avait été de CHF 17.52. Ces points permettaient de qualifier l’infraction de grave. La mise en conformité constituait une circonstance atténuante, qui faisait toutefois défaut en l’espèce.

c. La recourante a renoncé à répliquer.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante conteste uniquement le montant de l’amende.

2.1 Selon l’art. 39N de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05), l'office peut prononcer une amende administrative de CHF 30'000.- au plus lorsqu'un employeur ne respecte pas le salaire minimum prévu à l'art. 39K LIRT. Ce montant de l'amende administrative peut être doublé en cas de récidive (al. 1). L'office peut également mettre les frais de contrôle à la charge de l'employeur (al. 2).

2.2 Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La chambre administrative ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus (ATA/131/2023 du 7 février 2023 consid. 5d ; ATA/1253/20 du 13 décembre 2022 consid. 3b).

2.3 L'autorité prend en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises, dans le respect du principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 8g ; ATA/668/2022 du 28 juin 2022 consid. 7e).

2.4 L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/131/2023 du 7 février 2023 consid. 5d ; ATA/1253/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3b).

2.5 Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a confirmé une amende de CHF 1'300.- pour une sous-enchère salariale de CHF 24'051.-, commise pendant dix mois, par un employeur dont la collaboration à l’instruction avait été excellente, qui avait procédé au rattrapage salarial et n’avait pas d’antécédents (ATA/1071/2023 du 28 septembre 2023 consid. 3.2). Elle a confirmé une amende de CHF 8'000.- portant sur une sous-enchère salariale de CHF 42'668.-, ayant duré plus d'un an et demi, dans le contexte d’une mauvaise collaboration et de l’absence de rattrapage salarial (ATA/521/2023 du 22 mai 2023 consid. 4.2).

Dans une affaire dans laquelle la sous-enchère salariale avait duré quatre ans, été commise au préjudice de cinq employées, constituait la première infraction commise par l’intéressée et consacrait une faute moyenne de cette dernière relativisée par les circonstances, la chambre administrative a réduit l'amende de CHF 28'000.- à 14'000.- (ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 9).

2.6 En l’espèce, le non-respect du salaire minimum tel que prévu par le droit cantonal concerne sept employés et a eu lieu pendant une durée allant de mars 2022 à mars 2023. Elle a pris fin uniquement en raison de l’intervention de l’OCIRT. La recourante a exposé avoir engagé la totalité de ses collaborateurs en qualité de stagiaires. Or, seuls deux d’entre eux revêtaient cette qualité. Elle a expliqué ce choix par la volonté de réaliser des économies. Ce choix a été opéré au détriment du respect des normes salariales protectrices. La sous‑enchère salariale s’élève à environ CHF 57'000.-. La faute de la recourante doit donc être qualifiée de grave. Sa collaboration a été bonne, celle‑ci ayant donné suite aux demandes de renseignement de l’OCIRT, ayant corrigé les fiches de salaires de ses employés et ayant également acquitté les arriérés de charges sociales. Elle n’a par ailleurs pas d’antécédents. En revanche, l’intéressée n’a pas procédé aux rattrapages salariaux, malgré les invites de l’OCIRT à cet effet. Enfin, bien qu’elle s’en prévale, la recourante n’a apporté ni devant l’OCIRT ni devant la chambre de céans aucune pièce démontrant, ni a fortiori rendant vraisemblable, sa situation financière difficile.

Au vu de ces éléments, l’amende de CHF 10'800.-, qui se trouve au demeurant dans le premier tiers de la fourchette prévue par l’art. 45 al. 1 LIRT, ne consacre aucun abus ni excès du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée ni une violation de la loi.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 novembre 2023 par A______ contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations de travail du 27 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Luca MINOTTI, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

N. DESCHAMPS

 

 

le président siégeant :

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :