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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3466/2023

ATA/425/2024 du 26.03.2024 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3466/2023-FPUBL ATA/425/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 mars 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Claude BRETTON-CHEVALLIER, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé



EN FAIT

A. a. A______ a été employée par le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP ou le département) en qualité d’éducatrice spécialisée au foyer B______, alors dénommé foyer C______, du 15 juin 2018 au 30 août 2021, après un arrêt maladie de près de six mois.

b. Le 3 décembre 2021, le département a déposé une plainte pénale au Ministère public pour violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0).

Le foyer avait ouvert en juin 2018 sous la direction de D______ jusqu’au 30 juin 2020, de E______ ad interim du 1er juillet au 31 octobre 2020, de F______ du 1er novembre 2020 au 31 octobre 2021 et de G______ ad interim depuis lors.

Plusieurs éducateurs spécialisés engagés sous le statut de remplaçants lui avaient dénoncé, dans un document non daté et non signé, les comportements inadéquats de la part d’autres collaborateurs à l’égard de plusieurs pensionnaires, soit H______, I______, J______, K______ et L______. Sept remplaçants avaient été entendus par le secrétaire général du département. Ils avaient indiqué que certains enfants n’avaient pas été suffisamment nourris, laissés seuls sans surveillance durant un temps prolongé, enfermés dans une chambre pendant plusieurs (deux ou trois) heures, fait l’objet d’actes de contention de manière disproportionnée, fait l’objet de violences physiques soit bousculés ou secoués, n’avaient bénéficié d’aucune intervention des adultes lors de phases d’automutilation et avaient fait l’objet d’un manque de soins d’hygiène. L’équipe d’éducateurs et d’infirmiers était alors constituée de M______, N______, O______, A______, P______ et Q______. Certains enfants avaient dû être hospitalisés en raison de leur état nutritionnel problématique ou, pour l’un d’eux, parce qu’il présentait des plaies. La directrice générale de l’office médico‑pédagogique (ci-après : OMP) avait également dénoncé ces faits, et provoqué l’ouverture de la procédure pénale P/1______/2021.

La plainte a donné lieu à l’ouverture de la procédure pénale P/2______/2021.

c. Le 11 octobre 2022, le Ministère public a ordonné la jonction avec de la procédure P/3______/2022 la procédure P/2______/2021, ouverte à la suite de la plainte déposée le 11 juillet 2022 par K______ et sa mère R______ pour des faits survenus dans le même contexte.

La plainte – avec constitution de partie plaignante – était formée pour lésions corporelles graves (art. 122 CP), exposition (art. 127 CP), omission de prêter secours (art. 128 CP), mise en danger de la vie d’autrui (art. 129 CP), remise à des enfants de substances pouvant mettre leur vie en danger (art. 136 CP), séquestration (art. 183 CP) et violation du devoir d’assistance et d’éducation. Elle était dirigée contre les auteurs directs, dont l’identité était inconnue, des maltraitances subies par K______ lorsqu’il était pensionnaire du foyer d’août 2018 à août 2020, ainsi que contre la conseillère d’État en charge du département, contre S______, directeur de l’OMP de 2005 à 2018, et les directeurs qui lui avaient succédé, contre les directeurs successifs du foyer, notamment T______, ainsi que contre tout autre fonctionnaire qui avait pu violer son devoir de dénoncer.

d. Le 26 juillet 2023, la police judiciaire a adressé à A______ un mandat de comparution pour son audition en qualité de personne appelée à donner des renseignements (ci-après : PADR).

Le mandat mentionnait comme motif la violation du devoir d’assistance et d’éducation et indiquait qu’elle avait le droit s’être accompagnée d’un avocat de son choix, à ses frais.

A______ a été entendue par la police le 13 octobre 2023.

B. a. Le 8 septembre 2023, A______ a demandé au département la prise en charge de ses frais de procédure et honoraires d’avocat dans le cadre de la procédure pénale.

b. Par décision du 21 septembre 2023, le département a rejeté la demande.

La procédure pénale avait été initiée à la suite de la dénonciation du département. La condition prévue à l’art. 14A al. 1 let. c du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) n’était pas remplie.

En l’état, la condition de l’art. 14A al. 1 let. b RPAC ne pouvait pas non plus être considérée comme remplie.

C. a. Par acte remis à la poste le 23 octobre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’État de prendre en charge ses frais de procédure et honoraires d’avocat. Subsidiairement, la prise en charge des frais devait être ordonnée sous réserve d’une éventuelle faute grave et intentionnelle. Plus subsidiairement, la procédure devait être suspendue jusqu’à droit connu dans la procédure pénale. Préalablement, l’apport de l’intégralité de la procédure pénale et de toutes ses évaluations lorsqu’elle travaillait au foyer C______ devait être ordonné.

Les graves dysfonctionnements auxquels elle avait dû faire face au foyer C______ dans le cadre de son travail avaient profondément affecté sa santé physique et psychique et l’avaient conduite à un état d’épuisement professionnel grave. Elle avait toujours travaillé à l’entière satisfaction de son employeur.

Il ressortait de son audition du 13 octobre 2023 que la première dénonciation qui avait donné lieu à l’ouverture de la procédure pénale émanait de parents de résidents. S’agissant « des faits [qui lui avaient été] concrètement reprochés […] lors de cette audition, ils ressort[ai]ent d’une dénonciation datant du 15 mai 2019 qui a[vait] été adressée à sa hiérarchie au sein de l’[office médico‑pédagogique] ».

« Il lui a[vait] notamment été reproché d’avoir : a) "tiré un résident X de la salle à manger jusqu’à sa chambre" ; b) "laissé grimper Y sur un meuble de salle de bain", c) "laissé boire Y de l’eau bouillante" ; d) "refusé d’amener des enfants à des thérapies" ». Pour chaque épisode, elle avait donné des explications circonstanciées, permettant d’exclure tout manquement à ses obligations professionnelles.

Elle n’avait pas été mise en prévention d’une quelconque infraction. Aucune procédure disciplinaire n’avait été intentée par le département contre elle.

Le département n’avait adressé aucune dénonciation au Ministère public avant le 3 décembre 2021, soit près de deux ans et demi après la dénonciation du 15 mai 2019 dont il avait pourtant eu connaissance – probablement sous l’effet de la médiatisation de l’affaire. La dénonciation qui avait donné lieu à l’ouverture de la procédure pénale apparaissait provenir de parents de résidents. L’État n’avait donc pas initié la procédure pénale.

L’État ne pouvait se dérober une seconde fois à ses obligations, après n’avoir pas su la protéger dans le cadre de son travail, ce qui avait provoqué chez elle un burn out, au motif qu’il aurait par la suite également adressé une dénonciation au Ministère public dont on ignorait si elle la mentionnait nommément.

Aucune faute grave et intentionnelle ne pouvait lui être reprochée. Si le département avait eu un doute, il aurait depuis le temps pris un certain nombre de mesures. Elle avait intégralement contesté les agissements qui lui avaient été reprochés à la police et ceux-ci n’avaient jamais fait l’objet de la moindre discussion avec sa hiérarchie.

b. Le 24 novembre 2023, le département a conclu au rejet du recours.

Il ignorait les motifs de l’absence pour cause de maladie de la recourante et le lien entre celle-ci et l’activité au foyer C______ n’était pas établi. Il n’existait pas d’évaluation concernant la recourante lorsqu’elle travaillait au foyer C______.

La procédure pénale P/2______/2021 avait été ouverte à la suite de la dénonciation pénale du département le 3 décembre 2021. Une plainte avait été déposée par un parent d’élève environ six mois plus tard, initiant la procédure P/3______/2021. Les deux procédures avaient été jointes par la suite sous la référence P/2______/2021. Il produisait sa dénonciation, la plainte et l’ordonnance de jonction.

C’était la dénonciation du département qui avait initié la procédure. Elle y était expressément nommée.

Elle pourrait obtenir une participation à ses frais d’avocate sur la base des art. 427 et 432 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0).

L’instruction pénale n’était pas terminée et il ne pouvait être exclu une violation de l’art. 219 CP ou de toute autre infraction. Le département suivait attentivement la procédure pénale et se réservait le droit d’entreprendre les démarches administratives qu’il estimait nécessaires.

c. Le 10 janvier 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions et son argumentation.

L’absence d’évaluations, et donc de suivi, démontraient les carences organisationnelles qui régnaient au sein du foyer C______.

Il ressortait des pièces produites par l’intimé que trois procédures pénales – P/1______/2021, P/2______/2021 et P/3______/2022 – avaient été ouvertes à la suite de dénonciations ou de plaintes. Or seules deux d’entre elles étaient documentées par l’intimé. Il lui était donc impossible de savoir si d’autres plaintes ou dénonciations avaient été jointes à la procédure la concernant.

Elle n’avait pas la qualité de prévenue et ne pourrait se prévaloir des art. 427 et 432 CPP.

Elle avait fait l’objet depuis deux ans d’accusations récurrentes et parfaitement injustifiées ainsi que d’une campagne médiatique de dénigrement systématique remettant en cause l’ensemble de ses compétence professionnelles et humaines, ce qui aurait dû inciter son employeur à prendre des mesures pour protéger sa personnalité. Elle n’avait jamais été entendue par sa hiérarchie et avait eu connaissance de la dénonciation par les media. L’absence de soutien de son employeur justifiait un devoir de protection accru en sa faveur.

d. Le 11 janvier 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les arguments et les pièces produits par les parties.

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante conclut préalablement à la suspension de la procédure jusqu’à droit connu au pénal.

2.1 Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA). L'art  14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b et l'arrêt cité).

2.2 La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/812/2021 du 10 août 2021 consid. 2a; ATA/1493/2019 précité consid. 3b).

2.3 En l’espèce, il sera vu plus loin que c’est parce que le département a initié la procédure que le recours devra être rejeté. Il s’ensuit que l’issue de la procédure pénale est sans effet sur le sort de la présente procédure, si bien que le demande de suspension sera rejetée.

3.             La recourante conclut préalablement à l’apport de l’intégralité de la procédure pénale. Elle a renoncé de fait à la production de ses évaluations, faute pour celles-ci d’exister.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

3.2 En l’espèce, les dates de la dénonciation et de la plainte d’un parent sont documentées, ce qui permet de résoudre la question de l’origine de la procédure. Comme exposé ci-après, une dénonciation de l’État postérieure à une plainte exclurait également le bénéfice de l’art. 14A RPAC. Le dossier est complet et il ne sera pas donné suite à la demande de la recourante.

4.             Le recours a pour objet la décision refusant à la recourante la prise en charge de ses frais de justice et honoraires d’avocat dans la procédure pénale en cours.

4.1 Selon la doctrine, l'État a une obligation de protection à l’égard de son personnel, qui ne doit pas se comprendre comme un simple pendant de l’art. 328 de la loi fédérale complétant le code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), mais plutôt comme celui du devoir de fidélité de l’agent public envers de l’État. La collectivité doit ainsi notamment protéger la personnalité du fonctionnaire contre des attaques injustifiées (Fritz LANG, Das Zürcher Personalgesetz vom 27. September 1998 in Peter HELBLING et Tomas POLEDNA, Personalrecht des öffentlichen Dienstes, Bern, 1999, p. 73, cité dans l’ATA/1040/2016 du 13 décembre 2016 consid. 7).

4.2 Selon l’art. 14A al. 1 RPAC, les frais de procédure et honoraires d'avocat effectifs à la charge d'un membre du personnel en raison d'une procédure de nature civile, pénale ou administrative initiée contre lui par des tiers pour des faits en relation avec son activité professionnelle sont pris en charge par l'État pour autant que, cumulativement, (a) le membre du personnel concerné ait obtenu au préalable l'accord du chef du département ou de la personne déléguée par lui quant à ladite prise en charge, (b) le membre du personnel n'ait pas commis de faute grave et intentionnelle et (c) la procédure ne soit pas initiée par l'État lui-même.

Selon l’al. 2, ces frais sont également couverts lorsqu’ils sont liés à une procédure initiée par un membre du personnel en relation avec son activité professionnelle pour autant que, cumulativement, (a) le membre du personnel concerné ait obtenu au préalable l'accord du chef du département ou de la personne déléguée par lui, quant à la procédure à intenter, (b) il n'ait pas commis de faute grave et intentionnelle et (c) la procédure ne soit pas dirigée contre l'État.

Par ailleurs, les frais de procédure et honoraires d'avocat liés à une procédure initiée par un membre du personnel contre un autre membre du personnel ne sont pas pris en charge (al. 3) et la prise en charge des frais de procédure et honoraires d’avocat intervient en principe sous forme d’avances en cours de procédure, sur la base d’une décision du département concerné (al. 4).

Selon l’al. 8, la personne bénéficiaire de la prise en charge cède à l'État les dépens qui lui ont été alloués. L'État procède par compensation sur le traitement selon l'art. 40 RPAC. L'État rembourse à la personne bénéficiaire les dépens auxquels cette dernière a été condamnée.

4.3 En 2006, alors que l’art. 14A RPAC, adopté le 14 décembre 2011 dans sa version initiale, n’était pas en vigueur, le Tribunal fédéral a rappelé que dans un arrêt du 9 octobre 2001, le Tribunal administratif (auquel a depuis lors succédé la chambre de céans) avait comblé une lacune de la législation cantonale qui ne prévoyait pas le remboursement des frais de défense d'un magistrat faisant l'objet d'une poursuite pénale pour des actes commis dans l'exercice de ses fonctions. Une telle prise en charge par l'État répondait au souci de préserver l'indépendance du juge et de le mettre à l'abri de pressions de la part de justiciables. Il n'était pas arbitraire de considérer que cette protection ne s'étendait pas aux fonctionnaires cantonaux, dont le risque d'atteinte à l'indépendance était sensiblement moins élevé. En cas d'attaque injustifiée, ceux-ci bénéficiaient d'ailleurs de l'appui de leur hiérarchie au sein du pouvoir exécutif et ne se trouvaient pas isolés face à des tentatives de déstabilisation. La protection accordée aux magistrats visait en outre la situation dans laquelle ils faisaient l'objet d'une plainte pénale émanant de tiers, soit de personnes pouvant avoir intérêt à les influencer, à faire peser une menace sur eux ou à compliquer et retarder l'instruction d'une cause. Dans ce sens, le remboursement des frais de défense pénale se justifiait en cas d'enquête pénale diligentée à la suite d'une plainte, mais pas lorsque la justice intervenait d'office ou, autrement dit, lorsqu'elle agissait motu proprio. Dans le cas soumis au Tribunal fédéral, le recourant n'avait pas été dénoncé par un tiers intéressé à exercer une quelconque pression sur lui pouvant justifier l'intervention de l'État. L'ouverture de l'enquête pénale dirigée à son encontre résultait de l'intervention du président du Tribunal administratif, soit d'une autorité judiciaire, qui avait été amenée à considérer que certains comportements révélés par une enquête disciplinaire pouvaient relever de l'application de la loi pénale. Dans un tel cas de figure, il n'était pas arbitraire de considérer que la justice pénale agissait d'office, par opposition à la dénonciation de la part d'un tiers. Il en irait de même dans l'hypothèse d'un magistrat qui serait dénoncé pénalement par le Conseil supérieur de la magistrature (arrêt du Tribunal fédéral 2P.96/2006 du 27 juillet 2006 consid. 2.3).

4.4 La chambre de céans s’est déjà prononcée sur la notion du tiers au sens de l’art. 14A al. 1 RPAC et a constaté qu’un tiers ne peut être qu’une personne non membre de l’administration (ATA/1040/2016 précité consid. 8).

Dans un autre cas, la procédure initiée par le service du médecin cantonal et a été considérée comme initiée par l’État (ATA/1335/2018 du 11 décembre 2018).

Dans le cadre d’une demande de prise en charge – fondée sur l’art. 9A al. 1 du règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol – F 1 05.07), soit une disposition pour ainsi dire identique à l’art. 14A al. 1 RPAC – la chambre de céans a rappelé que si le remboursement des frais de défense pénale se justifie en cas d’enquête pénale diligentée à la suite d’une plainte, tel n’est pas le cas lorsque la justice intervient d’office. La procédure pénale n’avait pas été initiée par un tiers, soit une personne extérieure à l’administration, mais par un organe de l’État, en l’occurrence la police. En l’absence d’une dénonciation déposée par un tiers intéressé à exercer une quelconque pression sur le recourant, son employeur n’avait pas à le protéger contre une attaque injustifiée venant de l’extérieur de l’État (ATA/417/2022 du 26 avril 2022 consid. 4c et les références citées).

4.5 En l’espèce, la procédure pénale dans laquelle la recourante a été entendue en qualité de PADR a été ouverte à la suite de la dénonciation du département.

Le dépôt ultérieur d’une plainte par R______ portant sur le même complexe d’agissements ne change rien aux considérations qui précèdent. La procédure dont cette plainte a provoqué l’ouverture a d’ailleurs été jointe à la procédure ouverte à la suite de la dénonciation du département, lequel reste l’initiateur de la procédure.

La solution ne serait pas différente si le département avait déposé plainte après un tiers pour les mêmes agissements. En telle hypothèse, en effet, il ferait valoir son intérêt à protéger l’État des agissements dénoncés et renoncerait par là même à son intérêt à protéger l’employé qui serait par hypothèse incriminé contre des pressions externes susceptibles d’entraver l’action ou le fonctionnement de l’État (ATA/417/2022 précité). L’éventuel dépôt d’autres plaintes, que la recourante ne rend d’ailleurs pas vraisemblable, serait ainsi sans effet sur le sort de la procédure, de sorte qu’il n’a pas à être instruit.

Le département était ainsi fondé à considérer que la procédure avait été initiée par l’État et non par un tiers au sens de l’art. 14A al. 1 let. c RPAC, et c’est de manière conforme au droit qu’il a refusé de prendre en charge les frais de procédure et les honoraires d’avocat de la recourante.

De même, pourra demeurer indécise la question de savoir si la qualité de PADR de la recourante et l’absence de mise en prévention à ce jour dans la procédure pénale suffit pour exclure que celle-ci est initiée « contre » elle au sens de l’art. 14A RPAC.

La recourante fait encore valoir les souffrances particulières qu’elle a subies en lien avec les événements survenus au foyer C______. Le texte clair de la disposition ne laisse pas de place au devoir accru de protection qui incomberait selon la recourante à l’État dans les circonstances particulières du cas d’espèce. Le département ne l’a pas accusée dans sa dénonciation. Elle ne fait pas valoir que le retentissement médiatique autour de l’affaire du foyer C______ lui serait imputable. Enfin, la présente procédure n’a pas pour objet le défaut de protection dont se plaint la recourante lorsqu’elle travaillait au foyer C______.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2023 par A______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 21 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Claude BRETTON-CHEVALLIER, avocate de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :