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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1507/2022

ATA/43/2023 du 17.01.2023 sur JTAPI/835/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1507/2022-PE ATA/43/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Bernard Cron, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 août 2022 (JTAPI/835/2022)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______ 1984, est ressortissant d'Albanie.

 

b. Depuis le 1er mai 2021, il travaille en qualité de directeur technique de la société B______, inscrite le 31 mars 2021 au registre du commerce du canton de Genève. Il en est l’associé gérant avec signature individuelle et cofondateur avec Monsieur C______, associé gérant président avec signature individuelle. Chacun possède cent parts de la société à CHF 100.-. M. A______ perçoit un salaire mensuel brut de CHF 6'000.- treize fois l’an.

c. M. A______ ne fait l’objet d’aucune poursuite, a un casier judiciaire vierge et n’a jamais bénéficié de l’aide de l’Hospice général.

B. a. Le 25 octobre 2021, il a déposé une demande de régularisation de ses conditions de séjour auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Il était arrivé à Genève le 17 septembre 2016 pour des raisons professionnelles, le niveau des salaires en Albanie étant insuffisant. Il a produit divers documents.

b. Par courrier du 16 novembre 2021, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser sa demande et de prononcer son renvoi de Suisse.

c. Faisant valoir son droit d’être entendu, M. A______ a détaillé son parcours professionnel et sa motivation à participer activement au marché de l'emploi genevois. Il avait été engagé en janvier 2018 par D______ en qualité de carreleur pour un salaire mensuel brut supérieur à CHF 5'000.-. Il avait ensuite travaillé pour E______ jusqu’au 30 avril 2021, d’abord à temps partiel, puis à plein temps, en qualité de chef d’équipe avec un salaire mensuel brut, à
100 %, de plus de CHF 4'500.-. Il avait ensuite investi CHF 10'000.- dans B______, société à laquelle il était indispensable, notamment grâce à son expérience professionnelle, y compris internationale en Albanie et en Grèce. Le contrat de travail mentionnait son adresse en Albanie.

d. Par décision du 22 mars 2022, l'OCPM a refusé de délivrer à M. A______ l'autorisation de séjour sollicitée et a prononcé son renvoi de Suisse.

C. a. Par acte du 9 mai 2022l, M. A______ a formé recours contre la décision de l'OCPM auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), concluant à son annulation. Préalablement, il a sollicité son audition ainsi que celles de Messieurs C______ et ______ [recte : F______], gérant de E______.

 

Dès son arrivée en Suisse, en septembre 2016, il avait tout mis en œuvre afin d'améliorer ses conditions de vie et de s'intégrer parfaitement au tissu économique et social genevois. Il avait ainsi trouvé très vite un emploi et avait exercé plusieurs activités lucratives dans le domaine du bâtiment. Désireux d'être indépendant, il s'était associé à M. C______ afin de créer leur propre société. Spécialiste dans son domaine, son activité au sein de cette société était essentielle à son bon fonctionnement et avait contribué à la création d'emplois dans le canton.

 

Le revenu qu'il tirait de son activité lui permettait d'être financièrement indépendant. Il disposait d'un niveau A2 en français. En outre, il avait fait preuve d'un comportement irréprochable et partageait les valeurs culturelles et sociales propres à la Suisse. Il était donc parfaitement intégré.

 

Il disposait d'un important cercle d'amis. Son centre de vie, social et professionnel, se situait exclusivement en Suisse. Son renvoi en Albanie constituerait un réel déracinement, mettant en péril l'existence de sa société. Ses chances de réintégration en Albanie étaient presque nulles.

 

À l'appui de son recours, il a notamment produit son curriculum vitae, un contrat de travail entre lui et la société D______ ainsi que des décomptes de salaires, un certificat de travail émis par M. F______ vantant ses qualités professionnelles et une demande de la société B______ le concernant en vue d'obtenir une autorisation de travail.

b. Par jugement du 16 août 2022, le TAPI a rejeté le recours. M. A______ était arrivé en Suisse en novembre 2016. Au moment du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour, le 25 octobre 2021, il comptabilisait ainsi une durée de séjour d'un peu moins de six ans qui ne pouvait être qualifiée de très longue.

Même s’il était financièrement indépendant, il n'avait pas démontré qu'il maîtrisait le français, se contentant d’alléguer avoir un niveau A2. Son parcours dans le domaine du bâtiment ne pouvait être qualifié d'ascension professionnelle remarquable, quand bien même il avait ouvert sa propre entreprise de construction. Il pourrait notamment mettre à profit en Albanie les connaissances et l’expérience acquises durant son séjour en Suisse, étant relevé qu’il était jeune et en bonne santé, qu'il avait passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine et y avait été actif dans le marché de l'emploi. Il y avait conservé des attaches, dès lors qu'il avait sollicité l'octroi d'un visa de retour et effectué durant son séjour en Suisse des virements d'argent à destination de son pays d'origine.

D. a. Par acte du 19 septembre 2022, M. A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation, et, cela fait, au renvoi de la cause devant l’OCPM pour qu’une autorisation de séjour lui soit délivrée.

 

Le TAPI avait violé son droit d’être entendu en refusant l’audition des deux témoins. Ces deux personnes l’avaient côtoyé quotidiennement tant professionnellement qu’amicalement, depuis 2016. Elles pourraient témoigner non seulement de la durée de son séjour et de son intégration, mais aussi de son comportement vis-à-vis de la communauté genevoise et de son implication dans le tissu économique local. Il s’était associé à M. C______ afin de créer B______, y avait investi la moitié du capital social et y exerçait les fonctions d’associé gérant et de directeur technique, soit un poste clé pour la société. Il était spécialiste dans son domaine d’activité et disposait d’un réseau important de partenaires dans le marché de la construction Suisse, ce qu’aurait pu confirmer M. C______.

 

Le TAPI avait violé les art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Il n’avait fait aucune distinction entre sa situation et celle d’un ressortissant étranger exerçant dans le domaine de la construction en qualité de simple ouvrier. Le TAPI avait perdu de vue les réels sacrifices qu’il avait consentis en temps et en argent en faveur de la société B______. Le fait qu’il parvienne, en six ans seulement, à créer sa propre entreprise devait être qualifié d’ascension professionnelle exceptionnelle. En application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, sa présence sur le territoire suisse depuis 2016 devait être qualifiée de considérable justifiant l’octroi d’une autorisation de séjour. Son centre de vie sociale et professionnelle se situait exclusivement en Suisse. Il convenait de tenir compte des efforts importants qu’il avait fournis pour s’intégrer professionnellement, avec succès, étant précisé que le renvoyer en Albanie reviendrait à le priver d’une situation financière stable amplement méritée. Ses chances de réintégration dans son pays étaient quasiment nulles et justifiaient une autorisation de séjour pour cas d’extrême rigueur.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, le recourant a insisté sur sa spécialisation dans son domaine d’activité, soit la gestion de chantiers et d’équipes et l’exécution de travaux de chantier. Il pouvait se prévaloir d’une connaissance approfondie de l’économie et des usages suisses en sa qualité de responsable d’une bonne application des normes réglementaires et légales et d’une bonne gestion de la société et de ses employés.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.


 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant sollicite préalablement son audition ainsi que celle de deux témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Cela n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6).

2.2. En l’espèce, d’une part, le recourant a pu s’exprimer par écrit tant devant l’OCPM, le TAPI que la chambre de céans et produire toutes pièces utiles. D’autre part, il n’expose pas quelles informations supplémentaires, utiles à la solution du litige, son audition pourrait apporter qu’il n’aurait pas pu développer par écrit. Il n’a par ailleurs pas de droit à être entendu oralement par la chambre de céans. Il ne sera en conséquence pas donné suite à sa requête.

2.3 Le recourant sollicite l’audition de deux témoins aux fins de prouver la durée de son séjour, sa bonne intégration, ainsi que « son comportement vis-à-vis de la communauté citoyenne et son implication dans le tissu économique genevois ». Toutefois, même à considérer que les deux témoins viendraient attester de l’importance de son rôle au sein de la société qu’il a contribué à créer, d’un réseau professionnel développé et de son investissement sans faille, en temps et en argent, en faveur de sa société, l’issue du litige n’en serait pas modifiée au vu des considérants qui suivent. Dans ces conditions, il ne sera pas donné suite à la requête d’audition des deux témoins. Pour le surplus, le dossier est complet et en état d’être jugé.

2.3 Pour les mêmes motifs, le TAPI n’a pas violé le droit d’être entendu du recourant en ne procédant pas à ces auditions.

3.             Le recourant se plaint d’une violation des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a
al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (secrétariat d’État aux migrations,
[ci-après : SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 état au 1er janvier 2021 [ci-après : directives LEI] ch. 5.6).

Selon l'art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l'intégration de l'étranger, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c) et la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d)

3.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.4 La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8).

La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3, ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

3.5 S'agissant de l'intégration professionnelle, celle-ci doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l'arrêt cité).

3.6 En l’espèce, l’autorité intimée ne conteste pas que le recourant est arrivé en Suisse en 2016. Celui-ci invoque qu’en application des directives du SEM une présence de cinq ans devrait être retenue comme valeur indicative. Il ne cite toutefois aucune référence. Or, d’une part à teneur de la jurisprudence précitée, cette durée, inférieure à sept ou huit ans, ne peut être considérée comme très longue. D’autre part, elle doit être relativisée puisqu’ayant été effectuée sans autorisation et n’étant que tolérée depuis le dépôt de la requête, le 25 octobre 2021.

Le recourant n’a par ailleurs toujours pas prouvé son niveau de français. Si certes, il n’a pas fait l’objet de condamnation pénale, n’a pas de poursuites et n’a pas bénéficié de prestations d’aide sociale, ces éléments peuvent, à teneur de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, être attendus de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constituent donc pas un élément extraordinaire en sa faveur (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2). Le recourant se prévaut d’un excellent réseau de connaissances. Les relations de travail, d'amitié, de voisinage que l'étranger noue durant son séjour en Suisse ne constituent pas, à elles seules, des circonstances de nature à justifier un cas de rigueur (arrêts du Tribunal fédéral administratif [ci-après : TAF] TAF F-3168/2015 du 6 août 2018 consid. 8.5.2 ; F-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.2.3). Par ailleurs, le recourant ne démontre pas un investissement particulier dans la vie associative genevoise.

La qualité de l’expérience acquise en Suisse dont il se prévaut grâce à la création de son entreprise, ses compétences professionnelles et sa gestion des employés ne suffisent pas à remplir le critère légal d’intégration socioculturelle exceptionnelle et professionnelle tel que défini, de façon stricte, par la jurisprudence. Sans remettre en cause ses qualités professionnelles, celui-ci a développé son savoir-faire dans le domaine du carrelage, de la construction de piscine et de la gestion des chantiers. Il ne s’agit ni de connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait utiliser dans son pays d'origine ni d’une ascension professionnelle si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation.

Il ne peut pas être retenu que le recourant, qui est venu et a travaillé en Suisse sans y être autorisé, remplit les critères d’intégration conformes à l’art. 58a LEI.

Concernant les possibilités de réintégration en Albanie, il pourra y faire valoir les compétences et expériences professionnelles acquises en Suisse, à l’instar aussi de ses éventuelles connaissances linguistiques en français. Comme détaillé dans la demande de son dernier employeur en vue de l’obtention d’un permis de travail, il était au bénéfice d’une expérience internationale, notamment avec la Grèce qu’il pourra aussi mettre en valeur. Selon son dernier contrat de travail, les expériences acquises en matière de gestion d’appels d’offres, de devis et de soumissions, d’études de faisabilité, d’établissement de dossiers d’exécution, de plans, de contrôle des délais ainsi que tout le volet de surveillance des chantiers, de direction d’équipe et de supervision du suivi économique et financier pourront être mises en valeur en Albanie. Il y est né, y a suivi toute sa scolarité, puis y a obtenu, à teneur de son curriculum vitae, un diplôme à l’issue de son école secondaire. Il y a travaillé en qualité d’indépendant du 1er février 2005 au 31 décembre 2013 dans le domaine de la construction et rénovation de bâtiments, plâtrerie, peinture, carrelage, construction de piscines ainsi qu’aménagements intérieur et extérieur. Il y a ainsi acquis une expérience professionnelle jusqu’à l’âge de 32 ans, au moment de son arrivée en Suisse. À teneur du même document, il bénéficie de compétences linguistiques en italien, grec et anglais en sus du français et de l’albanais. Son jeune âge (38 ans) et son bon état de santé constituent autant d’éléments qui lui permettront de se réintégrer dans son pays. Il a par ailleurs sollicité, il y a moins d’une année, en février 2022, un visa de trente jours aux fins de s’y rendre pour raisons familiales. Il y a donc des proches qui pourront l’épauler au moment de son retour. Son dernier contrat de travail, rédigé par la société qu’il dirige, mentionne d’ailleurs son adresse en Albanie. Il n'apparaît en conséquence pas que les difficultés auxquelles il devrait faire face en cas de retour en Albanie seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants albanais retournant dans leur pays.

Les investissements en temps et en argent effectués par le recourant en faveur de la création de sa société ne peuvent infléchir le résultat qui précède, sauf à cautionner des comportements contraires à la législation, le recourant n’ayant le droit ni de séjourner ni de travailler en Suisse. Il ne peut en conséquence pas être suivi lorsqu’il indique qu’un renvoi dans son pays reviendrait à le priver d’une situation financière stable amplement méritée.

Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en sa faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Il ressort en effet de la formulation de l'art. 30 al. 1 let. b LEI rédigé en la forme potestative, que l'étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission pour cas individuel d'une extrême gravité et, partant, à l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (ATF 138 II 393 consid. 3.1 et 137 II 345 consid. 3.2.1). Il appert également du libellé de l'art. 30 al. 1 let. b LEI (« cas individuel d'une extrême gravité ») que cette disposition constitue une disposition dérogatoire présentant un caractère exceptionnel.

Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès. Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à la demande d'autorisation de séjour déposée par le recourant et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

4.             Le recourant conteste son renvoi de Suisse.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 et les arrêts cités). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

4.2 En l’espèce, rien ne permet de retenir que l'exécution du renvoi du recourant ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible. Comme déjà relevé, sa situation n'est en tout cas pas si rigoureuse qu'on ne saurait exiger son retour en Albanie.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5. Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant qui succombe et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 septembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bernard Cron, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.