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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4176/2020

ATA/1237/2022 du 07.12.2022 sur JTAPI/1002/2022 ( LDTR ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4176/2020-LDTR ATA/1237/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 7 décembre 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Sidonie MORVAN, avocate

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 septembre 2022 (JTAPI/1002/2022)


Attendu, en fait, que :

1) M. A______ est propriétaire de la parcelle n° 6'153 de la commune de B______, située en zone 1, laquelle abrite, au ______, rue B______, un immeuble (ci-après : l’immeuble) destiné à l'habitation et à des activités. La société C______ Sàrl, inscrite au registre du commerce genevois (ci-après : RC) depuis le 3 juin 2009, offre la mise à disposition de biens immobiliers en Suisse pour des périodes à durée variable, notamment via une plate-forme électronique.

2) Le 5 juillet 2012, le département du territoire (ci-après : DT) a délivré à M. A______ l’autorisation de construire DD 1______ (ci-après : l’autorisation) portant notamment sur l’aménagement de combles et des transformations intérieures dans son immeuble.

3) Par décision du 1er décembre 2020, déclarée exécutoire nonobstant recours en ce qu’elle portait sur l’interdiction d’exploiter, le DT a ordonné à M. A______ de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de trente jours en procédant à : la remise en location ordinaire des appartements T6, T10 et T25 de l’immeuble et à la production, dans le même délai, de tous justificatifs y relatifs, notamment les nouveaux contrats de bail à loyer et les avis de fixation de loyer initial ; la dépose d'une requête en autorisation de construire complémentaire afin de régulariser les modifications typologiques effectuées sans autorisation dans les appartements T21, T22, T23 et T24 de l’immeuble.

Le DT a également fait interdiction à M. A______ d'exploiter les résidences meublées T6, T10, T21, T22, T24 et T25 de l’immeuble, avec effet immédiat et jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit. La sanction administrative portant sur les changements d'affectation sans autorisation et les modifications typologiques réalisées sans droit ferait l'objet d'une décision séparée à l'issue du traitement du dossier I-2______ et demeurait réservée. À défaut d'exécution immédiate de l'interdiction d'exploiter, le précité s’exposait à de nouvelles mesures et/ou sanctions.

Les appartements T6 (2 pièces au 1er étage), T10 (2 pièces au 2ème étage) et T25 (3 pièces au 5ème étage) de l’immeuble avaient fait l'objet d'un changement d'affectation de logements en résidences meublées sans autorisation. L'appartement T23 (actuellement constitué de 4 pièces au 5ème étage) de l’immeuble avait fait l'objet de modification typologique non conforme à la DD 1______. Enfin, les appartements T21 (actuellement constitué d'un 4 pièces), T22 (actuellement constitué d'un 2 pièces) et T24 (actuellement constitué d'un 5 pièces) situés au 5ème étage de l’immeuble avaient fait l'objet d'un changement d'affectation de logement en résidence meublée sans autorisation et de modifications typologiques non conformes à l’autorisation.

4) Par jugement du 27 septembre 2022, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a : déclaré irrecevable le recours formé par M. A______ contre cette décision en tant qu’elle portait sur le dépôt d’une demande d’autorisation complémentaire en vue de régulariser les modifications typologiques des appartements T21, T22, T23 et T24 ; rejeté ce même recours en tant qu’il portait sur l’ordre de remise en location ordinaire des appartements T6, T10 et T25 et sur l’interdiction d’exploiter les appartements T6, T10, T21, T22, T24 et T25 avec effet immédiat et jusqu’au rétablissement d’une situation conforme au droit.

L’instruction avait mis à jour un faisceau d’indices que les logements T6, T10, T21, T22, T24 et T25 étaient exploités comme résidences meublées, en violation des art. 3 al. 1 et 7 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Le DT était fondé à ordonner la mise en conformité, en application de l’art. 129 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). L’atteinte à la garantie de la propriété de M. A______ n’apparaissait pas disproportionnée dans la mesure où celui-ci pouvait louer les logements précités dans le respect des conditions posées par la décision attaquée.

5) Le 31 octobre 2022, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre ce jugement, concluant à son annulation et au constat de la nullité, subsidiairement à l’annulation, de la décision du 1er décembre 2020.

Sur mesures superprovisionnelles urgentes et sur mesures provisoires, l’effet suspensif devait être restitué au recours en tant qu’il confirmait la décision lui faisant interdiction avec effet immédiat d'exploiter les résidences meublées T6, T10, T21, T22, T24 et T25.

Les appartements étaient loués : jusqu’au 10 novembre 2022 (T6) ; 1er décembre 2022 (T10) ; 15 décembre 2022 (T21) ; 16 décembre 2022 (T24) et 31 décembre 2022 (T22 et T25). Le retrait de l’effet suspensif au recours par la décision attaquée n’était aucunement motivé. Constatant cela, le TAPI avait restitué l’effet suspensif. Sur le fond, M. A______ contestait avoir changé l’affectation des logements. Le DT n’avait pas démontré un intérêt prépondérant, s’immisçait dans les relations de droit privé entre bailleur et locataire et tentait d’obtenir une exécution anticipée de sa décision. Forcer le départ anticipé de ses locataires lui causerait un préjudice irréparable ainsi qu’un dommage économique important et une grave atteinte à la garantie de son droit de propriété et à sa liberté économique, en portant une grave atteinte à sa réputation.

6) Le 14 novembre 2022, le DT s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif.

L’intérêt public à l’application de la LDTR primait l’intérêt privé du recourant.

La décision du 1er décembre 2020 lui permettait d’affecter les logements visés à de la location ordinaire, ce qui lui permettait de maintenir les occupants dans les logements et d’éviter des pertes économiques. Au surplus, M. A______ avait indiqué que les baux arriveraient à terme entre novembre et décembre 2022 de sorte que l’inquiétude de voir ses locataires sans logement en plein hiver n’avait pas lieu d’être.

7) Le 1er décembre 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions en restitution de l’effet suspensif. Le DT s’en était rapporté à justice devant le TAPI sur la restitution de l’effet suspensif et n’invoquait aujourd’hui pas d’urgence particulière. L’intérêt public général qu’il faisait valoir supposait que la décision fût entrée en force.

8) Le 6 décembre, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1) Interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est, prima facie, recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le
vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

3) Aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3), et ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités), de sorte que, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

5) Par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

6) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

7) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

8) En l’espèce, la décision attaquée date du 1er décembre 2020. Elle fait interdiction au recourant d’exploiter ses appartements et est partant susceptible de lui causer un préjudice.

Le TAPI avait restitué l’effet suspensif au recours.

Le DT expose que l’application de la LDTR doit prévaloir sur l’intérêt privé du recourant, sans toutefois motiver cette pesée au stade de l’effet suspensif ni décrire l’urgence qu’il y aurait à imposer l’exécution immédiate de sa décision.

La réplique du recourant est attendue pour le 6 janvier 2023 et la cause pourrait alors être gardée à juger, les parties n’ayant pas réclamé d’actes d’instruction.

Ainsi, et quand bien même tous les baux seront arrivés à échéance à fin décembre 2022 selon les indications du recourant, l’intérêt public à faire respecter la LDTR n’impose pas, dans le cas d’espèce, une exécution immédiate de la décision attaquée alors qu’un arrêt pourrait être prononcé à brève échéance.

L’effet suspensif sera restitué au recours,

9) Il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

restitue l’effet suspensif au recours formé par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 septembre 2022 confirmant la décision du département du territoire du 1er décembre 2020 déclarée exécutoire nonobstant recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de croit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Sidonie MORVAN, avocate du recourant, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

 

 

 

La présidente :


 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :