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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3827/2021

ATA/1350/2021 du 10.12.2021 ( ANIM ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3827/2021-ANIM ATA/1350/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 10 décembre 2021

sur effet suspensif

 

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Ghita Dinsfriend-Djedidi, avocate

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES



Attendu en fait que :

1) Le 26 octobre 2021, le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) a ordonné à M. A______ de (1) céder son chien de race Rottweiler, mâle, né le 11 novembre 2019, nommé B______ et enregistré sous l’identité RID 1______, à une personne officiellement domiciliée hors du territoire genevois et de faire quitter le canton à l’animal le 15 novembre 2021 au plus tard, (2) lui remettre le 15 novembre 2021 au plus tard les coordonnées du nouveau détenteur de B______, et (3) lui a interdit de réimporter l’animal sur le territoire genevois, le cas échéant de le céder ou de le confier (même sporadiquement) à une personne résidant ou voulant habiter dans le canton de Genève, l’informant qu’en cas de non-respect de ces dispositions il procéderait au séquestre provisoire de l’animal en vue de son séquestre définitif, sous la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Le dispositif prononçait « l’exécution immédiate » de la décision nonobstant recours.

2) Par acte remis à la poste le 8 novembre 2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation. Préalablement, l’effet suspensif devait être restitué au recours.

Le retrait de l’effet suspensif n’était pas motivé et le contraindrait à se séparer de son chien dans les dix jours suivant la décision, cela alors même que celui-ci n’était absolument pas considéré comme dangereux.

Sur le fond, il n’avait pas encore accompli les trois tentatives du test de maîtrise et de comportement (ci-après : TMC) et le SCAV admettait que B______ n’était pas dangereux, de sorte que la décision consacrait un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité.

3) Le 19 novembre 2021, le SCAV a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

B______ faisait partie des chiens listés interdits sur le territoire du canton, sauf dérogation exceptionnelle décidée au cas par cas, et conditionnée entre autres à la réussite par le propriétaire du TMC dans les trente jours suivant son arrivée dans le canton. Le recourant avait échoué au test, ne sachant pas fixer de cadre à son chien et estimant que celui-ci était « gentil et n’avait jamais posé de problème ». Il avait déjà dû effectuer des heures de cours dans le canton de Vaud, et un délai de plus de trois mois lui avait été laissé à son arrivée pour passer le TMC. Prévenu dès son arrivée qu’il devrait faire porter une muselière à son chien, il n’avait entrepris aucune démarche en ce sens. L’intérêt public à la sécurité devait primer l’intérêt privé du recourant à conserver son chien sur le territoire genevois.

Si le chien ne s’était pas montré agressif, le rapport démontrait qu’il n’était pas tranquille, que le recourant n’était pas clair dans ses instructions et que le chien ne revenait pas quand il l’appelait. Enfin, B______ ne lâchait pas son jouet quand il était censé le faire.

Dans le canton de Vaud, d’où il venait, le recourant n’avait réussi que partiellement le test de conduite, d’obéissance et de maîtrise (ci-après : TCOM) vaudois effectué le 26 février 2021. Il n’avait obtenu qu’une autorisation provisoire de détenir son chien et devait encore effectuer 72 heures de cours d’éducation canine dans un délai de deux ans pour obtenir une autorisation définitive.

4) Le 6 décembre 2021, le recourant a répliqué sur effet suspensif.

B______ n’était pas dangereux. Il ne sortait pas du jardin. Le port de la muselière ne pouvait être imposé que progressivement à un chien. Il était considéré par ses maîtres comme leur enfant, et l’obligation de s’en séparer abruptement les avait choqués, d’autant qu’il était difficile de trouver un nouveau maître dans un délai si bref, de sorte qu’il avait décidé avec sa compagne de retourner dans le canton de Vaud dès le 1er février 2022 pour pouvoir conserver leur chien, ce dont attestait un contrat de bail qu’ils produisaient.

S’il ne s’était pas présenté dans les 30 jours à l’examen, c’était parce qu’il avait dû assister aux funérailles de sa mère en Belgique.

Les chances de succès du recours n’étaient pas nulles.

5) Le 9 décembre 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) Le recours est prima facie recevable.

3) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

4) L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles, en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

5) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

6) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

7) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

8) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

9) En l'espèce, la décision impose principalement au recourant de se séparer de son chien dans un délai très bref, sous la menace d’un séquestre, ou à tout le moins de le confier à un tiers hors du canton de Genève dans l’attente de son déménagement dans le canton de Vaud dans plus de deux mois.

L’autorité fait valoir les faibles chances de succès du recours et l’intérêt prépondérant à la protection de la sécurité publique. Elle n’allègue toutefois pas que la prolongation de la détention du chien par le recourant le temps de la procédure présenterait un danger élevé et concret, ne se référant qu’à l’absence de tranquillité du chien et au défaut d’autorité du maître. Elle ne conteste pas que le délai imparti pour trouver un nouveau maître est très bref.

Aucune partie n’a par ailleurs soutenu à ce jour que le chien aurait été séquestré depuis le 15 novembre 2021.

Enfin, le recourant indique que le chien ne sort pas du jardin, et qu’il retournera avec lui se domicilier dans le canton de Vaud le 1er février 2022.

Certes, à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond, il peut être observé que parmi les conditions cumulatives fixées pour l’octroi d’une dérogation exceptionnelle à l’interdiction de détenir un chien listé comme dangereux, la loi exige que le chien ait réussi le test de maîtrise et de comportement dans le canton de Genève dans un délai de 30 jours dès son arrivée (art. 23 al. 3 let. h de la loi sur les chiens du 18 mars 2011 - LChiens - M 3 45).

La possibilité de passer trois fois ce test, invoquée par le recourant, semble prima facie sans incidence sur le fait que la condition de sa réussite n’est à ce jour, soit depuis le 1er juillet 2021, toujours pas remplie. Le fait que l’intimé ait octroyé un délai de trois mois au recourant pour passer le test semble, à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond, dénué de pertinence. Il s’ensuit que les chances de succès du recours ne paraissent pas grandes.

Cela étant, l’exécution immédiate de la décision attaquée aurait pour effet de contraindre le recourant à se séparer de son chien – alors même qu’il affirme qu’il quittera le canton dans moins de deux mois, ce qui pourrait rendre la procédure sans objet – voire à le confier, dans l’urgence, à un tiers hors du canton de Genève dans l’attente de pouvoir le récupérer une fois installé à nouveau dans le canton de Vaud.

Dès lors, sous l’angle de la pesée des intérêts, l’intérêt du recourant à la conservation de son chien le temps de quitter le canton pourra, dans les circonstances très particulières du cas d’espèce, être considéré comme prépondérant. Par ailleurs, l’obligation pour le recourant de confier dans l’urgence le canidé à un tiers, avant de le récupérer dans près de trois mois, risquerait d’entraver le renforcement du lien entre le chien et son propriétaire, nécessaire à l’éducation de celui-là, et s’avérer ainsi préjudiciable non seulement à l’animal mais aussi à l’ordre et à la sécurité publics.

L’effet suspensif sera restitué au recours et il sera donné acte de l’engagement du recourant de faire quitter le canton de Genève à son chien le 1er février 2022 au plus tard.

10) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

restitue l’effet suspensif au recours ;

donne acte au recourant de son engagement de faire quitter à son chien le canton de Genève le 1er février 2022 au plus tard ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Ghita Dinsfriend-Djedidi, avocate du recourant ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen Ruffinen

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :