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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1317/2021

ATA/669/2021 du 29.06.2021 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1317/2021-FORMA ATA/669/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 juin 2021

1ère section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineure, agissant par ses parents, Madame et Monsieur B______

contre

SERVICE ÉCOLES ET SPORT, ART, CITOYENNETÉ



EN FAIT

1) A______ née le ______ 2005, a demandé son admission dans le dispositif sport, art, études (ci-après : SAE) par requête du 7 février 2021. Elle était scolarisée en onzième année du collège ______ et devait commencer sa douzième année au collège et école de culture générale ______ (ci-après : CECG). Elle pratiquait le tennis, ne disposait pas d’une Swiss Olympic Talent Card (ci-après : SOTC), était sélectionnée dans le cadre régional et pratiquait dans la catégorie U16. Elle s’entraînait dix heures et demi par semaine du lundi au vendredi et détaillait ses résultats et son planning.

Suite à la pandémie de la Covid-19, les compétitions avaient été supprimées dès le 1er novembre 2020, ce qui avait engendré une stagnation du classement. Les sélections de la SOTC pour 2021, qui devaient avoir lieu début novembre 2020, avaient été annulées. Elle n’avait donc pas pu en bénéficier pour 2021. Il convenait de tenir compte de ces paramètres. Madame C______, responsable régionale, se tenait à disposition.

2) Par courrier du 17 mars 2021, le service écoles et sport, art, citoyenneté – SAE (ci-après : SESAC-SAE) a informé Madame et Monsieur B______, parents d’A______ (ci-après : les parents) que le dossier de leur fille avait été évalué et que le niveau sportif requis n’était pas atteint, A______ étant classée en R2 selon le « SMS Ranking » du 5 février 2021.

3) Par courrier du 27 mars 2021, les parents ont relevé que leur fille pratiquait le tennis de manière intensive depuis huit ans, en parallèle à sa scolarité. Elle suivait des entraînements quotidiens avec son club, voire avec des coachs privés et l’association régionale de tennis Genève (ci-après : ARGT). S’y ajoutaient des compétitions hors de Genève. Son classement était en progression constante. Elle n’avait jamais bénéficié du statut SAE. Mme C______ leur avait indiqué que le SESAC-SAE tiendrait compte des circonstances de la Covid-19 dans l’évaluation des dossiers, notamment l’interruption des entraînements et des compétitions, mais aussi l’annulation des tests de la SOTC qui lui aurait permis d’obtenir les prérequis alors que les bénéficiaires 2019 du dispositif SAE avaient vu leur statut reconduit d’office. Ils détaillaient les difficultés liées à la Covid-19, la progression de leur enfant et sa passion pour le tennis.

4) Par décision du 31 mars 2021, le SESAC-SAE a constaté que les critères d’admission dans le dispositif SAE n’étaient pas remplis par A______ pour l’année scolaire 2021-2022 et a rejeté la requête.

5) Par acte du 16 avril 2021, les parents ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Ils ont conclu à l’annulation de la décision, laquelle violait l’interdiction de discriminer prévue aux art. 8 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), 15 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) et 3 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (loi sur l’égalité, LEg - RS 151.1) et à l’admission d’A______ dans le dispositif SAE 2021-2022.

Les filles nées en 2005 devaient atteindre le niveau R1 alors que les garçons de la même année pouvaient être classés R2 pour accéder au SAE. Les filles devaient ainsi travailler plus et effectuer davantage de tournois pour atteindre le classement R1. Le tennis était le seul sport individuel à avaliser une discrimination liée au genre pour accéder au dispositif SAE. Genève se plaignait du manque de filles dans le sport de compétition et notamment dans le tennis, mais ne leur donnait pas les moyens de concilier études et sport de haute compétition.

Par ailleurs, leur fille n’avait pas pu prendre part aux tests de condition physique en novembre 2020 pour l’obtention de la SOTC suite aux décisions du Conseil fédéral pour les raisons liées à la pandémie de la Covid-19. Ces tests n’avaient pas été repoussés, mais annulés. Comme beaucoup de compétiteurs, les jeunes de moins de 16 ans avaient été privés de compétitions du 16 mars au 5 juin 2020 et du 1er novembre 2020 au 28 février 2021, soit plus de six mois.

6) Le 18 mai 2021, le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP ou le département), responsable du SESAC-SAE, a conclu au rejet du recours.

Les critères retenus par le SESAC avaient été élaborés avec l’ARGT, association cantonale faîtière de la discipline et étaient basés sur la politique de la relève de Swiss Tennis, association faîtière suisse de la discipline. C’était en conséquence Swiss Tennis qui définissait les classements requis pour intégrer l’une des équipes nationales.

Les niveaux requis pour être admis dans le dispositif SAE, mis en place par le DIP, étaient inférieurs à ceux prévus par Swiss Tennis. Une fille née en 2005 pouvait être admise dans le dispositif SAE si elle était en niveau R1 alors qu’elle devait être en niveau N4 ou N3 pour être admise dans le cadre national C de Swiss Tennis.

Pour tenir compte de la situation liée à la Covid-19, d’entente avec l’ARGT, les niveaux requis pour l’année scolaire 2021-2022 avaient été ramenés à ceux qui étaient requis pour l’année 2020-2021 et n’avaient pas été adaptés pour évoluer avec les années de naissance, comme cela se faisait habituellement. En conséquence, pour une joueuse de tennis née en 2005, le classement requis était un niveau R1, que cela soit en 2020-2021 ou en 2021-2022.

La différence de niveaux requis entre les filles et les garçons s’expliquait, selon Swiss Tennis, par trois facteurs, à savoir : 1) au niveau mondial, les filles avaient environ deux ans d’avance au niveau tennistique par rapport aux garçons pour arriver « au top ». L’âge moyen des filles pour entrer dans le classement mondial des cent premières joueuses (classement WTA) était plus bas que celui des garçons ; 2) les filles étaient en avance sur les garçons du point de vue de leur développement biologique et arrivaient à un niveau de tennis adulte plus rapidement ; 3) la concurrence chez les filles était moins grande que chez les garçons et il leur était donc plus facile d’arriver à un haut niveau de tennis.

Les raisons à la base de la différence de niveau à atteindre dans la discipline du tennis étaient principalement d’ordre biologique. Si les filles étaient physiquement plus développées que les garçons et relativement plus fortes en tennis qu’eux, ayant deux ans d’avance environ, la tendance s’inversait par la suite, ce qui nécessitait que les hommes et les femmes bénéficient de classements sportifs distincts à l’âge adulte, précisément pour éviter les inégalités de traitement entre hommes et femmes. En conséquence, les filles nées en 2005 n’étaient pas désavantagées par rapport aux garçons du même âge et ne devaient pas « travailler plus » qu’eux comme le soutenait la recourante pour être admise dans le dispositif SAE. Une telle différence existait d’ailleurs aussi dans le ski.

Enfin, pour tenir compte de la pandémie de la Covid-19, le SESAC-SAE, en accord avec l’ARGT, avait assoupli les critères d’admission dans le dispositif tennis pour l’année scolaire 2021-2022. Cet assouplissement avait bénéficié à l’ensemble des candidats-es. L’égalité de traitement était respectée et l’intéressée avait été traitée de la même façon que les autres candidates nées en 2005.

Les critères d’admission étaient stricts et non sujets à interprétation. Au 26 février 2021, délai du dépôt des candidatures, A______ ne remplissait toutefois pas les performances sportives minimales requises pour la discipline sportive tennis féminin, ce qu’elle ne contestait pas.

7) La recourante n’a pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été imparti.

8) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 3 du Règlement sur le dispositif sport-art-études
du 26 août 2020 - RDSAE - C 1 10.32 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l’art. 24 al. 1 let. c de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), en référence aux finalités de l’école publique décrites à l’art. 10 LIP, le département met en place, dans chaque degré d’enseignement, des mesures intégrées à l’horaire régulier et complémentaires de soutien ainsi que des aménagements du parcours scolaire qui peuvent revêtir différentes modalités, destinées en priorité aux élèves dont les performances intellectuelles, sportives ou artistiques sont attestées par des organismes officiels reconnus par l’État.

Sous l’intitulé « Élèves à haut potentiel intellectuel, sportif ou artistique », l’art. 27 LIP prévoit que, pour permettre aux élèves dont les performances intellectuelles, sportives ou artistiques sont attestées par des organismes officiels reconnus par l’État de bénéficier d’aménagements de leur parcours scolaire, le département prend les mesures d’organisation adaptées selon les degrés d’enseignement, telles que l’adaptation de la durée de sa scolarisation ou l’admission en classe SAE.

b. Le canton contribue à la promotion des jeunes talents sportifs présentant un niveau d’aptitudes particulièrement élevé par le biais du programme sport-art-études et par le soutien à des centres nationaux et régionaux de performance
(art. 15 de la loi sur le sport du 14 mars 2014 - LSport - C 1 50).

c. Le dispositif a pour but de permettre aux élèves à haut potentiel sportif ou artistique de bénéficier d'un allègement ou d'un aménagement de l'horaire ou du parcours scolaire ou de formation professionnelle (art. 2 RDSAE).

L'accès au dispositif est réservé aux élèves pratiquant de manière intensive une discipline sportive individuelle ou collective reconnue par : a) le programme « Jeunesse et sport » de la Confédération ou b) l'association Swiss Olympic, dont en priorité les disciplines bénéficiant d'un concept de promotion de la relève (art. 3 al. 1 RDSAE).

La liste des critères sportifs et artistiques permettant l'admission et le maintien dans le dispositif est publiée chaque année sur le site Internet du département (art. 3 al. 3 RDSAE).

L'élève qui atteint les exigences minimales requises ne détient pas un droit à bénéficier d'une place dans le dispositif (art. 4 al. 5 RDSAE).

Le SESAC est chargé de la mise en œuvre du dispositif en collaboration avec les associations sportives faîtières nationales, régionales et cantonales, les écoles d'enseignement artistique visées à l’art. 106 LIP, ainsi qu’avec l’office cantonal chargé de la culture et du sport (art. 5 al. 1 RDSAE). Il détermine, en collaboration avec eux, les critères sportifs et artistiques d'admission dans le dispositif (art. 5 al. 4 RDSAE). Il évalue le dossier de l'élève au regard des critères sportifs ou artistiques d'admission ou de maintien et notifie aux parents ou à l’élève majeur une décision de constatation que ces critères sont remplis ou non (art. 5 al. 5 RDSAE).

d. Selon la brochure explicative, disponible sur le site de l’État, les critères sportifs minimaux à atteindre en tennis pour une fille née en 2005 pour l’admission dans le dispositif SAE pour l’année scolaire 2021-2022 est le niveau R1.

e. Dans une jurisprudence constante, la chambre de céans a confirmé les modalités mises en place par le DIP, selon lesquelles l’évaluation des candidatures se fait sur la base des résultats obtenus au cours de l’année écoulée à la date limite de dépôt des inscriptions. Le cadre de référence est ainsi objectivé et identique pour toutes les disciplines et pour les candidats de chaque discipline. Il est ainsi propre à assurer l’égalité de traitement entre les postulants (ATA/611/2020 du 23 juin 2020 ; ATA/752/2018 du 18 juillet 2018 consid. 3b ; ATA/1134/2017 du 2 août 2017 consid. 4 ; ATA/683/2016 du 26 août 2016 consid. 3 et les références citées).

3) a. En l’espèce, il ressort du dossier que la recourante avait atteint, au moment du dépôt des dossiers le 5 février 2021 le rang de R2 et ne satisfaisait pas, à ce titre, aux conditions d’admission dans le dispositif SAE, ce que les recourants ne contestent pas.

b. Les recourants invoquent les circonstances particulières liées à la Covid-19.

Les critères de sélection pour l’année 2021-2022 ont dûment été fixés en collaboration avec l’association sportive faîtière nationale concernée. Les conséquences de l’épidémie de la Covid-19 ont été prises en compte par l’assouplissement des exigences, ce que les recourants ne contestent pas. Le critère R1 pour les filles nées en 2005 apparaît par ailleurs d’autant moins critiquable que celles nées en 2006 doivent aussi le remplir. Le grief n’est pas fondé.

c. Les recourants invoquent une violation des art. 8 Cst., 15 Cst – GE et 3 LEg.

Selon l'art. 8 al. 2 Cst., nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique. Une discrimination au sens de l'art. 8 al. 2 Cst. est réalisée lorsqu'une personne est juridiquement traitée de manière différente, uniquement en raison de son appartenance à un groupe déterminé historiquement ou dans la réalité sociale contemporaine, mise à l'écart ou considérée comme de moindre valeur. La discrimination constitue une forme qualifiée d'inégalité de traitement de personnes dans des situations comparables, dans la mesure où elle produit sur un être humain un effet dommageable, qui doit être considéré comme un avilissement ou une exclusion, car elle se rapporte à un critère de distinction qui concerne une part essentielle de l'identité de la personne intéressée ou à laquelle il lui est difficilement possible de renoncer (ATF 143 I 129 consid. 2.3.1 ; 138 I 205 consid. 5.4). Le principe de non-discrimination n'interdit toutefois pas toute distinction basée sur l'un des critères énumérés à l'art. 8 al. 2 Cst., mais fonde plutôt le soupçon d'une différenciation inadmissible. Les inégalités qui résultent d'une telle distinction doivent dès lors faire l'objet d'une justification particulière (ATF 138 I 205 consid. 5.4 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_31/2012 du 17 août 2012 consid. 3.2).

En l’espèce, garçons et filles nés en 2005 ne doivent pas remplir les mêmes exigences. Toutefois, les distinctions opérées reposent sur des motifs objectifs, dûment explicités par Swiss Tennis et non contestés par les recourants. Dans ces conditions, la discrimination ne viole pas les art. 8 al. 2 Cst. et 15 Cst-GE, étant précisé que la LEg, outre son art. 1, s’applique dans le contexte des rapports de travail (art. 2 LEg) et n’est pas pertinente en l’espèce.

En rejetant la requête des recourants, le DIP a fait une correcte application du droit sans abuser de son large pouvoir d’appréciation.

Le recours sera rejeté.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante. Celle-ci, enfant mineure, ayant agi par ses parents, ces derniers se verront astreints au paiement dudit émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 avril 2021 par A______, enfant mineure, agissant par ses parents Madame et Monsieur B______, contre la décision du service écoles et sport, art, citoyenneté du 31 mars 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17  juin  2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur B______ ainsi qu'au service écoles et sport, art, citoyenneté.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :