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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4119/2019

ATA/207/2021 du 23.02.2021 sur JTAPI/809/2020 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;PERMIS D'HABITER;SÉPARATION DES POUVOIRS;LÉGALITÉ
Normes : Cst-GE.2.al2; Cst-GE.80; Cst-GE.109.al4; LCI.7; LCI.151; RCI.10A; RCI.38
Résumé : Recours contre un refus d’autorisation de construire complémentaire et une amende infligée par le département du territoire dans le cadre de l’aménagement de chambres dans les combles d’un hôtel. La décision est notamment fondée sur le non-respect du gabarit et des règles en matière de protection contre les incendies. Examen de l’art. 38 RCI au regard des principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4119/2019-LCI ATA/207/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 février 2021

3ème section

 

dans la cause

 

Messieurs A______ et B______
représentés par Me Mark Muller, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 septembre 2020 (JTAPI/809/2020)


EN FAIT

1) Messieurs B______ et A______ (ci-après : les propriétaires) sont les propriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de Genève-Cité sur laquelle est érigé un immeuble à l'enseigne de l'hôtel « C______ » (ci-après : l'hôtel), sis au ______.

2) Le 19 mai 2015, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le 1er juin 2018 le département du territoire (ci-après : le département ou DT) a délivré aux propriétaires une autorisation de construire n° DD 2______ qui concernait notamment l'aménagement de cinq chambres dans les combles de l'hôtel.

3) Par courrier du 20 novembre 2017, le département a informé les propriétaires que les travaux réalisés suite à la DD 2______ n'avaient pas été annoncés et qu'ils n'avaient, au demeurant, pas été suivis par un mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ), de sorte qu'il leur était interdit d'exploiter les chambres ainsi que les parties liées à l'autorisation jusqu'à la complète régularisation de la situation.

4) Le 1er mars 2018, la société « D______ », mandatée par les propriétaires, a communiqué au département, sous la plume d'un architecte MPQ, une analyse des travaux eu égard à l'autorisation DD 2______, de laquelle est notamment ressorti que :

- étaient non conformes à l'autorisation la modification des dimensions et positions des salles de bains, lesquelles induisaient des changements importants dans les dimensions des couloirs ainsi que le non-respect du gabarit (ceci étant lié à une différence de près de 2 m entre le plan et la coupe au moment du dépôt de la demande d'autorisation de construire) ;

-          étaient illicites la hauteur insuffisante du garde-corps de l'escalier, les climatiseurs (non autorisés) dans les chambres, la largeur de couloir insuffisante dans trois des cinq chambres et les panneaux solaires en toitures dépourvus de ligne de vie ;

-          étaient notamment non vérifiées les valeurs prescrites par l'office cantonal de l'énergie (ci-après : OCEN), en termes d'isolation, probablement pas respectées.

Le projet réalisé ne correspondait fondamentalement pas au projet autorisé, essentiellement dans son gabarit et dans sa matérialisation. Bien qu'il était possible de rétablir une situation conforme, les travaux seraient particulièrement lourds.

5) Par courrier du 19 avril 2018, le département a ordonné aux propriétaires de régulariser leur situation en déposant une demande d'autorisation complémentaire.

6) Par rapport du 12 juin 2018, la société « E______ » a identifié plusieurs éléments non conformes aux normes et directives de protection incendie, notamment le fait que, selon les cotations sur les plans ainsi que selon les relevés sur place, les voies d'évacuation horizontales étaient d'une largeur inférieure à 1,2 m à plusieurs endroits et que l'escalier n'était pas conforme aux normes.

7) Le 19 juin 2018, les propriétaires ont déposé une demande d'autorisation complémentaire, enregistrée sous DD 3______, accompagnée d'un courrier de D______ qui présentait d'une part la manière dont avaient été mis en évidence sur plans les écarts entre la DD 2______ et les travaux réalisés et d'autre part, les travaux projetés dans le cadre de la demande complémentaire.

D______ a également annoncé le dépôt de deux rapports ou documents complémentaires, l'un réalisé par un ingénieur thermicien et l'autre par un ingénieur du feu au sujet de la conformité ou non de la construction vis-à-vis des normes en vigueur et des éventuelles modifications à apporter pour les atteindre.

8) a. Le 21 juin 2018, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a favorablement préavisé le projet avec dérogation selon l'art. 11 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Le 3 juillet 2018, l'OCEN a requis la production de pièces supplémentaires et relevé que l'intervention réalisée au niveau des combles ne permettait pas d'atteindre le standard de haute performance énergétique (ci-après : HPE) prévu par la loi.

Le 4 juillet 2018, la police du feu a également préavisé favorablement sous certaines conditions, faisant notamment référence à celles, nombreuses, posées dans son préavis pour l'autorisation initiale.

b. Les 10 et 12 juillet 2018, respectivement, la commission d'architecture (ci-après : CA) et la Ville de Genève ont préavisé défavorablement le projet.

9) Par décisions du 12 mars 2019, le département, soit pour lui l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) a, dans une première décision, refusé la demande complémentaire d'autorisation de construire et dans sa seconde, infligé aux propriétaires une amende de CHF 50'000.-, en renonçant exceptionnellement à ordonner une remise en l'état complète en application du principe de proportionnalité.

Le gabarit autorisé avec dérogation de la CA, soit 30 cm de plus, n'avait pas été respecté. La distribution des chambres avait été modifiée et des climatisations individuelles avaient été installées dans les chambres de l'hôtel. Ainsi, le département ne pouvait que faire sien le préavis négatif rendu par la CA le 10 juillet 2018, ce d'autant plus que l'OCEN avait demandé le 3 juillet 2018 la modification du projet et la production de pièces complémentaires.

Il était ordonné aux intéressés de supprimer la climatisation et de rendre la construction conforme au préavis de l'OCEN du 17 décembre 2014 dans un délai de six mois. En sus, les propriétaires devaient prendre contact avec le service de la police du feu, afin qu'il puisse être statué sur la délivrance du permis d'occuper et ainsi lever l'interdiction d'exploiter en vigueur jusqu'à la réalisation des points susmentionnés.

10) Par courriel du 18 mars 2019, l'un des propriétaires a contacté le service de la police du feu en indiquant que les travaux étaient parvenus à leur terme et a sollicité un rendez-vous à bref délai afin d'évoquer la question de la délivrance du permis d'occuper.

11) Par courrier du 5 avril 2019, un inspecteur de la police du feu a informé les propriétaires que lors d'un contrôle effectué le 3 avril 2019, il avait été constaté que certains dispositifs de prévention et de lutte contre l'incendie étaient insuffisants ou ne fonctionnaient pas (installation d'une poignée et serrure
anti-panique sur la porte de sortie de secours, obturation du plafond dans l'escalier au niveau des combles). Un délai de trente jours leur était imparti pour y remédier et fournir un dossier photographique démontrant l'exécution des travaux.

Selon le rapport d'inspection du 3 avril 2019, avaient été analysés le dispositif de prévention et de lutte contre l'incendie et les centrales d'alarme pour l'évacuation, la détection incendie et les asservissements.

12) Le 12 avril 2019, l'OAC a adressé à l'architecte mandaté par les propriétaires un courriel auquel était annexé le préavis relatif à l'autorisation de mise en service de la police du feu daté du 20 septembre 2017. Conformément à l'ordre donné le 12 mars 2019 et afin de pouvoir finaliser le processus du permis d'occuper de l'autorisation DD 2______, l'OAC a demandé à ce que lui soient fournies les preuves de la conformité des conditions de l'OCEN ainsi qu'une preuve (par exemple par reportage photographique) de la suppression de la climatisation.

13) Par courrier du 25 avril 2019, les propriétaires, sous la plume de leur architecte, ont transmis à l'OAC les documents attestant de la mise en conformité eu égard aux exigences de l'OCEN et de la police du feu.

14) Par courriel du 14 mai 2019, l'OAC a signalé que la mise aux normes sur le plan énergétique n'était pas complètement aboutie et a demandé à ce que lui soit apportée la preuve des dernières modifications, ce que l'architecte a fait par courrier du 22 juillet 2019.

15) Le 15 août 2019, le DT a proposé à l'architecte de D______ une visite des locaux dans le cadre de l'obtention du permis d'occuper. En vue de la visite, le DT sollicitait la production d'un jeu de plans d'exécution au 1:100.

16) Par courriel du 16 août 2019, D______ a précisé que son mandat n'avait porté que sur le dépôt du rapport de constat, la demande complémentaire et la transmission des demandes du DT aux clients en vue d'une mise en conformité. Le projet de base et la demande d'autorisation initiale n'avaient pas été effectués par ses soins, à l'instar du suivi du chantier. Elle n'était donc pas en mesure de fournir un jeu de plans d'exécution au 1:100 ni d'être présente lors de la visite.

17) Par courriel du 19 août 2019, un inspecteur de l'OCEN a indiqué qu'après lecture des pièces annexées au courrier du 22 juillet 2019 et après une visite sur place, les réserves émises par l'OCEN n'étaient plus d'actualité, dès lors que les travaux réalisés répondaient aux exigences de son préavis.

18) Par courriel du 23 août 2019, l'OAC a informé l'architecte des propriétaires qu'aucun permis d'occuper ne pouvait leur être délivré compte tenu d'une part du refus de l'autorisation complémentaire et d'autre part de l'absence de conformité de la construction à l'autorisation DD 2______. L'occupation des locaux se ferait sous sa responsabilité en tant que MPQ responsable de la situation antérieure.

19) Le 26 août 2019, l'architecte de D______ a contesté le courriel précité. Son mandat avait pris fin le 12 mars 2019 lors du refus d'autorisation de la DD complémentaire. Le DT avait alors renoncé à ordonner une remise en état complète, ce qui valait acceptation de la chose en l'état selon les visites et les plans « de la chose telle que réalisée ».

Dans sa décision le DT avait exigé de rendre la construction conforme au préavis de l'OCEN dans les six mois. Le nécessaire avait été fait. En conséquence, le refus du DT était inadmissible. Son refus de la DD complémentaire invalidait de facto son engagement de MPQ pour la suite du dossier. « La demande par le département d'un formulaire de mise en conformité signé par un MPQ devient absconse du fait même du refus du département de la DD 3______ et de l'acceptation de la chose en l'état contre paiement de l'amende administrative ».

20) Par courriel du 28 août 2019, le DT a pris acte de la fin du mandat de MPQ de l'architecte de D______. Rappelant la teneur de l'art. 6 al. 2 LCI, le DT a attiré son attention sur le fait qu'elle répondait de la direction des travaux à l'encontre du DT jusqu'à réception, par l'autorité, de l'avis d'extinction de son mandat.

La teneur de sa dernière correspondance était en conséquence modifiée en ce sens que l'occupation des locaux du 6ème étage se faisait, depuis le 26 août 2019, sous la responsabilité des propriétaires.

21) Par courriel du 30 août 2019, le DT a confirmé aux propriétaires qu'en l'état il n'entendait pas délivrer de permis d'occuper bien que les mesures de sécurité de l'hôtel aient été validées par la police du feu et l'OAC.

22) Le 2 septembre 2019, les propriétaires ont sollicité une reconsidération de la position du DT.

Le permis d'occuper n'exigeait pas que celui-ci constate la conformité à une autorisation de construire. Il devait être « possible, dans les considérants du permis d'occuper, de rappeler brièvement l'historique du dossier, sans d'ailleurs nécessairement mentionner le refus de la complémentaire. Il s'agirait principalement de relever que la remise en état par rapport aux plans autorisés n'a pas été exigée - quitte à éventuellement évoquer une modification mineure - que les exigences de votre courrier du 12 mars 2019 ont été remplies et que, dès lors, les conditions sont réunies pour que l'hôtel, en son état actuel, puisse être exploité. Une décision différente serait difficilement compréhensible. En effet, soit le bâtiment répond aux exigences de l'OAC, ce qui est le cas, et il doit pouvoir bénéficier d'un permis d'occuper, soit il n'est pas conforme auxdites exigences, et l'OAC doit exiger du propriétaire qu'il prenne des mesures, ce qui ne peut plus se produire en l'espèce ».

23) Par décision du 3 octobre 2019, l'OAC a formalisé sa position.

Il était rappelé la teneur des décisions du 12 mars 2019, étant au demeurant précisé que la production de documents supplémentaires permettrait au département de « statuer » sur la délivrance d'un permis d'occuper. Aucune autorisation en force ne validait l'état actuel de la construction, de sorte qu'aucun permis d'occuper ne pouvait être délivré aux propriétaires.

24) Par acte du 4 novembre 2019, les propriétaires ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné au département de délivrer un permis d'occuper.

En substance, ils faisaient grief d'une violation des principes de la légalité et de la bonne foi, dès lors que le département avait violé la disposition légale régissant l'octroi d'un permis d'occuper et avait commis un excès négatif de son pouvoir d'appréciation.

25) Le département a conclu au rejet du recours.

26) Par courrier du 2 juin 2020 adressé au département, le TAPI a relevé que la conformité des travaux litigieux avec les normes de protection incendie demeurait douteuse. En effet, lors du dépôt de la requête visant à régulariser les travaux non autorisés, l'architecte avait produit un rapport, daté du 12 juin 2018, de la société E______ qui relevait un certain nombre de problèmes. L'OAC avait ensuite procédé à une visite des lieux le 3 avril 2019, à l'issue de laquelle avaient été demandées deux modifications visant la conformité aux dispositifs de prévention et de lutte contre l'incendie. Le dossier n'indiquait pas les vérifications effectuées par l'OAC lors de cette visite, et notamment si elles avaient porté sur les lacunes relevées par le rapport du 12 juin 2018. En particulier, les travaux de mise en conformité partielle ne semblaient pas avoir entraîné des modifications lourdes alors que, pourtant, E______ avait relevé à plusieurs endroits une largeur insuffisante des voies d'évacuation horizontales.

Par ailleurs, la police du feu avait validé toutes les mesures de sécurité de l'hôtel, mais il apparaissait qu'elle n'avait pas forcément été impliquée dans l'examen détaillé de la situation, puisque dans son courriel du 18 mars 2019 adressé aux propriétaires, elle indiquait fonder son appréciation de la situation sur l'autorisation initiale et n'avoir pas connaissance d'un autre dossier.

Le département était invité à se déterminer sur les éléments précités.

27) Par courrier du 22 juin 2020, auquel étaient annexés divers documents, le département a répondu que le contrôle effectué par le représentant de la police du feu le 3 avril 2019 n'avait pas pour but de porter sur les lacunes révélées par E______ et n'avait pas été prévu à la suite du rapport établi par cette société.

Il ressortait du rapport établi le 1er mars 2018 par D______, que les voies d'évacuations n'étaient pas conformes ni au plan déposé ni aux prescriptions de sécurité incendie, de sorte qu'il n'était pas nécessaire que le représentant de la police du feu examine et/ou relève cette anomalie. La remise en état partielle n'avait porté que sur la suppression des climatisations et le changement du garde-corps des ouvertures extérieures créées pour le renvoi des climatisations. Pour les autres aspects, le département avait spécifié dans ses observations du 8 janvier 2020 les motifs pour lesquels il avait renoncé à requérir le rétablissement d'une situation conforme au droit.

28) Par observations du 24 juillet 2020, les propriétaires ont soutenu que la police du feu et le service de l'inspection avaient indiqué à leur conseil, par courriel du 30 août 2019, qu'ils avaient validé toutes les mesures de sécurité de l'hôtel. Le rapport établi le 12 juin 2018 par E______ avait été transmis au département le 18 juin 2018 avec la demande complémentaire.

Une seconde visite relative au respect des normes de sécurité incendie avait eu lieu le 3 avril 2019. Le département avait requis qu'ils procèdent à deux installations de sécurité-incendie, à savoir une poignée et une serrurerie
anti-panique et l'obturation du plafond dans l'escalier au niveau des combles, à l'exclusion de toute autre mesure. Ils pouvaient ainsi de bonne foi comprendre que ces mesures de remise en état étaient exhaustives, dès lors que le département avait été dûment informé des constructions relatives au respect des normes incendie effectuées par E______. La preuve de la remise en l'état avait été amenée par courrier du 2 mai 2019 adressé à la police du feu.

Ainsi, ils avaient effectué tous les travaux et installations exigés par le département. L'attitude contradictoire du département ne devait pas leur porter préjudice, alors qu'ils s'étaient exécutés de bonne foi en vue d'obtenir un permis d'occuper les locaux.

29) Par jugement du 24 septembre 2020, le TAPI a rejeté le recours.

L'argumentation des propriétaires selon laquelle la délivrance d'un permis d'occuper n'avait pas de lien avec la conformité à l'autorisation de construire, contrevenait au texte légal.

Par ailleurs, le principal problème posé par leur hôtel était la largeur des couloirs qui ne répondait pas aux normes de sécurité en matière incendie. Les propriétaires n'ignoraient pas les conclusions auxquelles était parvenue E______ sur ce point, de sorte qu'ils ne pouvaient exciper avoir de bonne foi remédié à tous les problèmes de sécurité, lesquels résultaient tous des modifications qu'ils avaient pris la liberté d'effectuer par rapport à l'autorisation DD 2______.

La formulation de la décision du 12 mars 2019 était toutefois ambiguë. En effet, sans promettre textuellement la délivrance du permis d'occuper, elle faisait le lien entre la possibilité de rendre une telle décision et les travaux de mise en conformité décrits dans cette décision. Toutefois, même à considérer que le département ait adopté un comportement contradictoire, et que partant, le principe de la bonne foi ait été mis à mal, il n'en demeurait pas moins que l'intérêt public, soit celui relatif à l'application conforme du droit, devait l'emporter sur la protection de la bonne foi et l'intérêt privé des intéressés.

Ainsi, une éventuelle violation du principe de la bonne foi n'obligeait pas le département à leur délivrer le permis d'occuper.

30) Par acte du 29 octobre 2020, les propriétaires ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité. Préalablement, ils ont conclu à ce qu'un transport sur place soit ordonné et que Monsieur F______ soit auditionné, puis à ce que la décision du 3 octobre 2019 ainsi que l'acte attaqué soient annulés et qu'un permis d'occuper leur soit délivré.

Dès réception de l'acte querellé, ils avaient procédé à des travaux au sein de l'hôtel, étant à ce titre rappelé que l'entreprise E______ avait constaté que les points relevés dans son rapport du 12 juin 2018 avaient été résolus et avait en conséquence conclu dans son dernier rapport que les locaux respectaient les normes de protection incendie. En effet, les voies d'évacuations et de sauvetages ainsi que les zones qui ne respectaient pas la largeur minimale avaient été corrigées. Par ailleurs, ils avaient renoncé à recourir contre les décisions du 12 mars 2019 sur la base de l'assurance du département que le permis d'occuper leur serait délivré.

L'art. 38 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) avait été adopté par le Conseil d'État sans que la LCI ne lui ait délégué cette compétence. En sus, la LCI ne prévoyait pas de norme de « délégation » indiquant qu'une construction devait être conforme à une autorisation de construire pour que le permis d'occuper soit délivré. Dès lors, l'art. 38 RCI imposait des conditions en violation du principe de la séparation des pouvoirs.

Par ailleurs, le département avait excédé négativement son pouvoir d'appréciation. En effet, il devait soit ordonner la remise en état de la construction et, le cas échéant, délivrer le permis d'occuper, soit renoncer à ordonner la remise en l'état de la construction en l'acceptant en l'état et par conséquent leur délivrer un permis d'occuper, étant à ce titre rappelé que l'OAC avait décidé de renoncer à exiger la remise en l'état des combles de l'hôtel. En sus, l'OAC avait conditionné la délivrance du permis d'occuper à d'une part, la suppression de la climatisation et à la conformité de la construction aux préavis de l'OCEN et d'autre part, à la prise de contact avec la police du feu à l'issue des travaux. Ils avaient effectué les travaux nécessaires, de sorte que le département avait lui-même reconnu que les conditions susmentionnées étaient remplies.

En outre, de par son attitude contradictoire, le département violait le principe de la confiance, corolaire du principe de la bonne foi. En effet, à la lecture du courriel du 12 avril 2019, ils ne pouvaient que comprendre que le respect des deux conditions précitées leur permettrait d'obtenir un permis d'occuper. Dès lors, l'OAC ne pouvait pas renoncer à exiger la remise en état de la construction puis, refuser de délivrer un permis d'occuper au motif qu'aucune autorisation de construire ne validait l'état actuel de cette même construction.

Au surplus, s'ils avaient contesté la décision du 12 mars 2019, ils auraient eu la possibilité de faire annuler le refus de l'autorisation de construire complémentaire et de condamner le département à délivrer ladite autorisation, de sorte que le permis d'occuper leur aurait été octroyé. Ainsi, la renonciation à recourir sur la base de l'assurance du département, selon laquelle le permis d'occuper allait être délivré, leur causait un préjudice irréparable.

Les arguments des propriétaires seront pour le surplus repris en tant que de besoin dans la partie en droit.

31) L'OAC a conclu au rejet du recours.

Les principes de la légalité et de la bonne foi n'avaient pas été mis à mal. Par ailleurs, renoncer à la mise en état ne signifiait pas qu'un projet était conforme à la législation et/ou à l'autorisation de construire. Le DT avait renoncé à une remise en état notamment au vu du rapport de D______ indiquant que les travaux seraient lourds et d'un courrier des propriétaires précisant qu'ils n'avaient pas les moyens d'y procéder. Une construction pouvait subsister sans qu'elle ne soit pour autant autorisée. En sus, les propriétaires ne pouvaient raisonnablement déduire des décisions des 12 mars 2019 qu'une décision serait nécessairement positive, ce d'autant plus qu'aucune assurance à cet effet ne leur avait été donnée. Au surplus, même à considérer que les prescriptions liées à la sécurité incendie étaient respectées, il n'en demeurait pas moins que ces modifications étaient insuffisantes à rendre le projet conforme à l'autorisation initiale délivrée aux propriétaires.

32) Par réplique du 14 janvier 2021, les propriétaires ont précisé leurs précédentes écritures. Ils ont demandé à ce que soit ordonné à l'OAC de produire un préavis de la police du feu.

Ils se sont prévalus d'une violation de leur droit d'être entendu en ce sens que le TAPI n'avait pas réellement examiné leur grief relatif à l'absence de base légale, de sorte que la motivation autour de celui-ci était insuffisante et ne leur permettait pas de se rendre compte de la portée du jugement querellé.

Un rapport de la société E______ attestait de la conformité des couloirs et du respect de l'ensemble des prescriptions de sécurité incendie, de sorte que l'intérêt public ayant conduit le TAPI à faire prévaloir l'intérêt public sur leurs intérêts privés n'existait plus. En sus, dans la mesure où les normes de protection incendie étaient respectées, il n'existait plus de raison à faire prévaloir un quelconque intérêt public sur leur intérêt à se voir délivrer un permis d'occuper.

33) Le 15 janvier 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants se plaignent de violation de leur droit d'être entendus sous différents aspects.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 144 I 11 consid. 5.3). Ce droit n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. Le droit d'être entendu n'implique pas non plus une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_83/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.2 ; ATA/484/2020 du 19 mai 2020). Enfin, le droit d'être entendu ne contient pas d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 145 IV 99 consid. 3.1 ; 141 III 28 consid. 3.2.4).

c. Le droit d'être entendu comprend, notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il suffit toutefois que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136  I 229 consid. 5.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_970/2013 du 24  juin 2014 consid. 3.1 et 6B_1193/2013 du 11 février 2014 consid. 1.2).

d. En l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les recourants et conformément à la jurisprudence susmentionnée, le TAPI n'avait pas l'obligation de discuter tous les griefs invoqués.

Par ailleurs, il appert que l'absence de motivation autour d'un grief ne les a pas empêchés de se rendre compte de la portée de l'acte querellé, preuve en est qu'ils ont recouru contre celui-ci et qu'ils ont pu faire valoir tous les griefs utiles. Partant, sur ce point aucune violation du droit d'être entendus des recourant n'est à relever.

Ces derniers sollicitent par-devant la chambre de céans différents actes d'instruction, soit l'audition de M. F______ ainsi qu'un transport sur place. Or, ils ont pu exposer leur situation par écrit à plusieurs reprises tant devant le TAPI que devant la chambre de céans et détailler leurs argumentaires au travers de leur acte de recours ainsi que de leur réplique et produire les pièces pertinentes à l'appui de leurs positions. En sus, les recourants n'expliquent pas en quoi l'audition de M. F______ et le transport sur place permettraient d'apporter un élément supplémentaire et pertinent par rapport aux pièces produites ou à leurs observations écrites.

Ainsi, la chambre de céans, disposant d'un dossier contenant toutes les pièces utiles à la résolution du litige, ne donnera aucune suite favorable aux actes d'instruction sollicités par les recourants.

3) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA). Les juridictions administratives n'ont pas de compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

4) Le litige porte sur le refus de l'autorité intimée de délivrer un « permis d'occuper ou d'utiliser » aux recourants suite aux travaux effectués dans leur hôtel.

5) Les recourants allèguent une violation du principe de la légalité. La LCI ne prévoirait pas de norme de « délégation » indiquant qu'une construction devait être conforme à une autorisation de construire pour que le permis d'occuper soit délivré. Dès lors, l'art. 38 RCI imposerait des conditions en violation du principe de la séparation des pouvoirs.

a. L'art. 2 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) consacre expressément le principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif incombe au Grand Conseil (art. 80 Cst-GE). Le Conseil d'État est chargé de l'exécution des lois et adopte à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE). En l'absence de délégation législative expresse, il ne peut pas poser de nouvelles règles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations (ATF 138 I 196 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_33/2018 du 28 juin 2018 consid. 3.2 ; ATA/608/2018 du 13 juin 2018 ; ATA/52/2015 du 13 janvier 2015 et les références citées ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 253 ss n. 2.5.5.3). Seule la clause générale de police peut justifier une entorse à ce principe, mais il faut que l'ordre public soit menacé de manière grave, directe et imminente, sans qu'aucune autre mesure légale ne puisse être prise ou aucune norme adoptée en temps utile (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 667 ss n. 4.2.3.9).

b. Les ordonnances législatives d'exécution sont le complément d'une loi au sens formel. Elles sont des règles obligatoires, unilatérales, générales et abstraites permettant d'exécuter une loi formelle dont le contenu doit être précisé. Elles ne peuvent énoncer que des règles secondaires (ATF 134 I 322 consid. 2.4 ; 128 I 113 consid. 3c ; 115 Ia 277 consid. 7 ; ATA/1296/2017 du 19 septembre 2017 ; ATA/637/2014 du 19 août 2014). Même en l'absence de délégation législative, le Conseil d'État est habilité, en vertu de l'art. 109 al. 4 Cst-GE, à adopter des règles d'exécution (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3ème éd., 2013, p. 588 ss n. 1731 ss).

c. Les ordonnances législatives de substitution sont le substitut d'une loi au sens formel. Elles peuvent contenir des règles juridiques nouvelles ou règles primaires. L'exécutif qui les édicte ne tire pas sa compétence de la Constitution, mais d'un acte formel du législateur, qui se dessaisit de son pouvoir en faveur de l'exécutif. Cette délégation se fait sur la base d'une clause de délégation autorisant expressément l'exécutif à adopter des règles primaires (ATA/637/2014 du 19 août 2014 et l'arrêt cité). La validité d'une telle clause est subordonnée à la réalisation de quatre conditions, établies par une longue jurisprudence du Tribunal fédéral, qui ont valeur constitutionnelle (ATF 137 II 409 consid. 6.4 et les références ; 118 Ia 245 consid. 3b ; 115 Ia 277 consid. 7 ; ATA/426/2017 du 11 avril 2017 ; ATA/52/2015 du 13 janvier 2015 et les arrêts cités ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3ème éd., 2013, p. 588 ss n. 1733 ss).

6) a. Les constructions ou installations neuves ou modifiées, destinées à l'habitation ou au travail ne peuvent être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant le dépôt au département d'un dossier de plans conformes à l'exécution et d'une attestation de conformité établie par un mandataire professionnellement qualifié, cas échéant le requérant, dans les cas prévus par les art. 2 al. 3 2e ph. (art. 7 al. 1 let. a LCI). L'attestation certifie que les constructions ou installations sont conformes à l'autorisation de construire, aux conditions de celle-ci, ainsi qu'aux lois et règlements applicables au moment d'entrée en force de l'autorisation de construire (art. 7 al. 2 LCI). Suivant la nature du dossier et si le mandataire ou le requérant l'estime nécessaire, l'un ou l'autre peut joindre à sa propre attestation celles des autres mandataires spécialisés intervenus dans le cadre de la réalisation des travaux et/ou l'attestation du propriétaire selon laquelle il n'a sollicité aucune réalisation contraire à la loi (art. 7 al. 3 LCI).

Selon l'art. 7 al. 4 LCI, nul ne peut, sans y avoir été autorisé par le département, occuper, faire occuper ou utiliser à un titre quelconque des constructions ou installations neuves ou modifiées ouvertes à un large public.

b. Sont notamment considérés comme constructions ou installations ouvertes à un large public, au sens de l'art. 7 al. 4 LCI les hôtels de vingt lits et plus (art. 38 al. 1 let. e RCI).

La demande de permis d'occuper ou d'utiliser doit être adressée par écrit au département (art. 38 al. 2 RCI).

Le permis d'occuper ou d'utiliser n'est délivré que si les locaux satisfont aux conditions prévues par les lois et règlements (let. a), la construction est conforme aux plans approuvés et aux conditions fixées dans l'autorisation de construire (let. b), les travaux extérieurs et intérieurs de la construction sont achevés (let. c) (art. 38 al. 3 RCI).

7) La teneur des art. 7 LCI et 38 RCI a été modifiée au 1er septembre 2010.

a. Selon l'art. 7 aLCI, dans son ancienne version, nul ne pouvait, sans y avoir été autorisé par le département, occuper, faire occuper ou utiliser à un titre quelconque des constructions ou installations neuves ou modifiées, destinées, notamment, à (b) la réception du public. Cette autorisation n'était donnée, si la construction remplissait les conditions requises, que sur présentation d'un extrait du cadastre attestant l'immatriculation de la nouvelle construction et, le cas échéant, qu'après paiement des amendes infligées lors de la construction.

L'art. 38 RCI n'a pas modifié la procédure et les exigences à l'obtention du permis d'occuper.

b. La modification législative avait pour objectif de remplacer certains permis d'habiter ou d'occuper délivrés par le département par une attestation, signée par le mandataire professionnellement qualifié, cas échéant le requérant, certifiant la conformité des constructions ou installations à l'autorisation de construire, aux conditions de celle-ci, ainsi qu'aux lois et règlements applicables. La responsabilisation des mandataires dans les procédures d'autorisation de construire ainsi que la simplification et l'accélération de ces dernières étaient les buts recherchés (MGC 2007-2008/V A 3955).

La modification de l'art. 7 LCI n'a pas porté sur les constructions ou installations, neuves ou modifiées, ouvertes à un large public. Pour ces dernières, la règle demeure qu'elles ne peuvent être occupées ou utilisées à un titre quelconque sans l'autorisation du département (MGC 2007-2008/V A 3956).

c. Le permis d'occuper ne subsiste que pour des constructions de nature particulière dans la mesure où elles sont accessibles par un large public et poseraient donc des problèmes de sécurité (François BELLANGER, L'impact du droit public sur les transactions immobilières - Questions choisies en droit genevois, in Jürg MORGER [éd.], La densification du territoire et son impact sur les transactions immobilières, 2019, p. 225-253 [pp. 252]).

Les constructions ou installations ouvertes au public, mais qui n'atteignent pas les seuils fixés à l'art. 38 RCI, sont soumises à la procédure de l'art. 7
al. 1 LCI (art. 37 al. 3 RCI), de sorte qu'une attestation de conformité suffit désormais (Jean-Baptiste ZUFFEREY, Construire, oui mais où et quoi, in
Jean-Baptiste ZUFFEREY [éd.], Journées suisses du droit de la construction 2019, 2019, p. 1-32 [p. 29]).

8) L'objectif du permis d'occuper est de vérifier que les travaux sont suffisamment achevés pour garantir la sécurité et la santé des habitants, qu'ils sont conformes aux plans approuvés ainsi qu'aux conditions posées dans le permis de construire et non pas de vérifier une nouvelle fois si les dispositions réglementaires sont respectées ; cet examen a déjà eu lieu lors de l'octroi du permis de construire, au terme d'une procédure dûment mise en oeuvre, qui a créé un droit subjectif en faveur du requérant et qui ne saurait être remis en cause dans le cadre d'un recours contre le permis d'habiter, sinon par le biais d'une révocation du permis de construire délivré initialement (RDAF 2012, p. 215, arrêt n. 103).

Le permis d'habiter se présente comme un instrument de surveillance de la conformité des travaux au permis de construire. Le fait que cela soit souvent la même autorité qui accorde le permis de construire, puis le permis d'habiter corrobore le fait que les deux portent sur le même ouvrage, mais sous des angles différents, une fois afin de contrôler le respect des prescriptions matérielles de la construction et une fois en vue de vérifier qu'elles ont été respectées au cours de la construction (Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit du territoire, de l'énergie et de l'environnement/le permis d'habiter : un acte « déclaratif » vis-à-vis du permis de construire ; in Le droit public en mouvement, mélange en l'honneur du Professeur Etienne POLTIER ; 2020, p. 1084).

L'octroi ou le refus du permis d'habiter ne fait que constater que les conditions d'octroi du permis de construire ont, ou non, été respectées. Un refus du permis d'habiter n'est dès lors pas possible si la construction respecte ces conditions. À l'inverse, si lors de l'examen final de la construction, l'autorité constate que certains éléments n'ont pas été autorisés, elle devrait immédiatement initier une procédure de régularisation par l'octroi d'une autorisation complémentaire subséquente ou au travers d'un ordre de remise en état partielle. En effet, elle ne saurait se contenter de tolérer un projet différent en alléguant que les éventuelles divergences seront traitées par le biais de la procédure du permis d'habiter (Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit, p. 1087).

Le permis d'habiter ou d'occuper n'est que déclaratif et n'a pas d'impact sur la validité du permis de construire, les deux permis ayant une existence autonome l'un de l'autre. Le régime déclaratif correspond à ce que l'on trouve d'ordinaire dans les réglementations des cantons romands, Genève semblant aller plus loin et requérant au stade du permis d'occuper un contrôle du respect non seulement des exigences inscrites dans le permis de construire, mais aussi des règles matérielles de la construction, notamment sous l'angle de la sécurité et de la salubrité pour les « locaux des constructions ouvertes à un large public exclusivement » (Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit, p. 1080).

9) En l'espèce, selon l'art. 151 LCI, le Conseil d'État fixe par règlements les dispositions relatives, notamment, (a) à l'application de la LCI, (b) aux précautions à prendre contre les risques d'incendie, (c) à la sécurité et la salubrité des constructions et installations de tout genre, qu'elles soient définitives ou provisoires. Les exigences posées à l'art. 38 al. 4 let. a RCI découlent en conséquence de la délégation législative contenue à l'art. 151 LCI précité. Les normes que l'art. 38 al. 4 RCI contient sont de règles secondaires découlant des normes primaires de la LCI décrivant notamment les conditions matérielles à l'obtention d'un permis de construire, dont le respect est nécessaire avant la délivrance d'un permis d'occuper compte tenu de la nature déclarative de ce dernier. Pour le surplus, la délivrance d'un permis d'occuper à la condition que la construction respecte les normes matérielles découle des exigences légales selon lesquelles le département peut ordonner le retrait du permis d'occupation lorsque l'état d'une construction n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ses dispositions légales ou réglementaires (art. 129 let. c et 130 LCI). L'art. 38 RCI n'impose en conséquence aucune nouvelle obligation aux citoyens étant rappelé que l'art. 2 al. 3 LCI exige, lors de la demande d'une autorisation, le dépôt de plans établis et signés par un MPQ.

Le grief de violation du principe de la légalité n'est pas fondé.

10) Les recourants allèguent une violation des art. 7 LCI et 38 RCI, les conditions pour la délivrance du permis d'occuper étant, selon eux, remplies.

a. En l'espèce, il n'est pas contesté que le type de construction est ouverte à un large public et répond aux conditions de l'art. 38 al. 1 let. e RCI.

La nouvelle procédure simplifiée ne trouve pas application et une autorisation du département reste en conséquence nécessaire (art. 7 al. 4 LCI).

b. Le permis d'occuper ayant une nature déclarative et faisant suite à une autorisation de construire dans le cadre de laquelle le respect des règles matérielles de la construction, notamment en terme de sécurité et de salubrité, est vérifié, c'est à bon droit que le département a examiné l'existence, ou non, d'une autorisation de construire, préalablement à la délivrance du permis d'occuper.

c. Il n'est pas contesté que, selon le rapport du 1er mars 2018 de l'architecte mandaté par les propriétaires, plusieurs éléments étaient soit non conformes à l'autorisation délivrée, soit illicites, soit non vérifiés. Était notamment illicite la largeur de couloir dans trois des cinq chambres dans les combles. Selon ce rapport « le projet réalisé ne correspond[ait] fondamentalement pas au projet autorisé, essentiellement dans son gabarit et dans sa matérialisation ».

Un rapport d'E______, du 12 juin 2018, a constaté notamment que les voies d'évacuation étaient d'une largeur inférieure à 1,2 m à plusieurs endroits.

d. Une demande d'autorisation complémentaire a été déposée le 19 juin 2018 laquelle devait être complétée, selon l'architecte de D______, ultérieurement par deux formulaires complémentaires voire des rapports, l'un réalisé par un ingénieur thermicien et l'autre par un ingénieur du feu au sujet de la conformité ou non de la construction vis-à-vis des normes en vigueur et des éventuelles modifications à apporter pour les atteindre.

Deux jours après le dépôt de la demande complémentaire, la DAC a préavisé favorablement, sans être en possession des deux formulaires ou rapports annoncés.

La police du feu a préavisé favorablement, reprenant les nombreuses conditions posées dans son préavis pour la première autorisation de construire. Un inspecteur de la police du feu a par ailleurs effectué un contrôle le 3 avril 2019, formalisé par un courrier du 5 avril 2019 aux propriétaires. L'inspecteur a constaté que « certains dispositifs de prévention et de lutte contre l'incendie étaient insuffisants ou ne fonctionnaient pas ». Les propriétaires avaient trente jours pour y remédier, soit installer une poignée et une serrure anti-panique conforme à la norme EN 179 et obturer le plafond dans l'escalier au niveau des combles. Ces deux mesures ont été effectuées par les propriétaires. Le rapport d'inspection de la police du feu du 3 avril 2019, ne portait toutefois que sur le dispositif de prévention et de lutte contre l'incendie, et les centrales d'alarme pour l'évacuation, la détection incendie et les asservissements.

Les préavis de la CA et de la commune étaient défavorables.

Dans son préavis du 3 juillet 2018, l'OCEN a sollicité une modification du projet et la production de pièces supplémentaires. L'intervention au niveau des combles ne permettait pas d'atteindre le standard HPE prévu par la loi.

Dans sa décision du 12 mars 2019 portant sur l'infraction de non-conformité à la demande initiale et infligeant une amende de CHF 50'000.- aux propriétaires, l'OAC leur a imparti un délai de six mois pour « supprimer la climatisation et rendre la construction conforme au préavis de l'OCEN du 17 décembre 2014 ».

Par une seconde décision, du même jour, la DD complémentaire a été refusée. Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

En conséquence, la construction est aujourd'hui formellement illégale, à savoir qu'elle n'est actuellement pas autorisée, ni par la DD 2______ puisqu'elle n'y correspond pas, ni par la DD complémentaire, qui a été refusée. La question principale consiste surtout à déterminer si la construction est illégale matériellement, soit si elle est contraire aux prescriptions légales qui régissent sa réalisation ou son exploitation. Il s'agit principalement du droit fédéral, cantonal ou communal de l'aménagement du territoire, du droit des constructions, du droit de l'environnement principalement (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites », in Jean-Baptiste ZUFFEREY [éd.], Journées suisses du droit de la construction 2019, 2019, p. 212-245 [p. 213].

Or, si les propriétaires arrivent à démontrer avoir répondu aux exigences posées par le DT à la suite des préavis de l'OCEN et de l'inspectorat de la police du feu sur les seuls points abordés dans le rapport du 3 avril 2019 et donc avoir donné suite à la décision d'infraction du 12 mars 2019 et à la lettre de l'inspecteur de la police du feu du 5 avril 2019, il est établi que les prescriptions notamment en matière de sécurité du public en cas d'incendie, singulièrement les difficultés posées par la largeur des corridors dans les combles, n'étaient pas respectées le 12 mars 2019.

En l'état, les travaux effectués ne sont pas conformes à la DD initiale, ce que les recourants ne contestent au demeurant pas. Ils n'ont pas recouru contre le refus de délivrance d'une autorisation complémentaire le 12 mars 2020. En l'absence de toute autorisation de construire conforme aux exigences légales et à la construction effectivement réalisée, c'est à bon droit que le DT a refusé le permis querellé.

Conformément à l'art. 10A RCI, il appartiendra aux propriétaires d'obtenir une autorisation de construire complémentaire. En l'occurrence, les préavis, notamment de l'OCEN et de la CA, étaient défavorables. Les recourants ayant entrepris depuis lors des démarches pour respecter les exigences du préavis de l'OCEN et les deux conditions posées par la police du feu, il leur appartiendra de d'entreprendre les démarches nécessaires afin que le département puisse contrôler le respect des prescriptions matérielles de la construction.

Le règlement concernant les prescriptions sur la prévention des incendies constitue une base légale suffisante pour imposer aux propriétaires une largeur minimale d'escalier. Pour qu'un permis d'habiter soit délivré, il ne suffit pas que les travaux aient été exécutés de manière conforme aux plans mis à l'enquête et autorisés ; il faut également qu'ils respectent la réglementation en vigueur et les conditions attachées au permis de construire. Une mise en conformité peut donc être imposée (TF 21.1.2011; 1C_408/2010 = DC 2011, p. 164 No 320 in Journées suisses du droit de la construction 2013, DC n° 181).

À ce titre, une instruction pourrait s'avérer nécessaire. La dernière attestation produite par E______ devant la chambre de céans et datée du 20 octobre 2020, mentionne que les voies d'évacuation respecteraient aujourd'hui la largeur de 1,2 m. On ignore depuis quand. Or, il ressortait déjà du « préavis IC - permis d'occuper / d'habiter) de la DAC qu'après avoir consulté les « plans conformes à l'exécution du 15 août 2019, [le permis d'occuper] n'est pas délivré car les plans ne correspondent pas aux plans du dossier d'autorisation ».

e. Les recourants soutiennent que le fait que le département n'ait pas exigé la remise en état les dispenserait d'obtenir une autorisation de construire.

Dans le cas où une régularisation par une autorisation a posteriori n'est pas possible et où la remise en état s'avère disproportionnée, la construction concernée conserve le statut d'une construction illicite. L'octroi du permis d'habiter/d'occuper ne résulte que d'un contrôle limité (sécurité, habitabilité) et ne constituerait pas une validation des travaux réalisés liant l'autorité (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, op.cité, p. 212-245 [pp. 217 et 223]).

Cet argument n'est en conséquence pas fondé.

11) Les recourants reprochent à l'autorité intimée un excès négatif de son pouvoir d'appréciation et d'avoir violé le principe de la bonne foi.

a. Le formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1).

b. Découlant directement de l'art. 9 et 5 al. 3 Cst. valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_934/2016 du 13 mars 2017 consid. 3.1 ; 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1). Selon ce principe, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent être compris dans le sens que son destinataire pouvait et devait leur attribuer selon les règles de la bonne foi, compte tenu de l'ensemble des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (ATF 135 III 410 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1 in RDAF 2005 71 ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 569 s).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATA/321/2018 du 10 avril 2018 consid. 4 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2016, 7ème éd., p. 141 ss et p. 158 n. 69).

c. En l'espèce, la chambre de céans doit au préalable examiner si le renseignement contenu dans la décision attaquée était erroné et pouvait donc le cas échéant contraindre l'autorité intimée à consentir aux recourants un avantage contraire à la réglementation en vigueur.

Il ressort de la décision du 12 mars 2019 que « la production de documents supplémentaires permettait au département de statuer sur la délivrance du permis d'occuper ». À cet égard, le département n'a pas formellement promis aux recourants de leur délivrer un permis d'occuper, mais il leur a indiqué qu'après réception des documents, il se prononcerait sur la délivrance d'un tel permis. Par ailleurs, il appert qu'aucun renseignement erroné n'a été donné aux recourants, ce d'autant plus qu'après une analyse des pièces produites par les intéressés, le département est arrivé à la conclusion que leur hôtel n'était pas conforme eu égard notamment aux normes de sécurité incendie. Dès lors que l'autorité intimée n'a pas donné de renseignement erroné, les recourants ne peuvent se prévaloir d'une obligation de celle-ci à leur consentir un avantage contraire à la réglementation en vigueur.

Au surplus, il apparaît que l'autorité intimée n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation, dès lors que l'application stricte de la LCI se justifie par un intérêt digne de protection, soit l'intérêt public à ce que la sécurité soit garantie aux occupants de l'hôtel en cas d'incendie.

Ce grief sera également écarté.

Le recours, en tout point mal fondé, sera rejeté.

12) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et il ne leur sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 octobre 2020 par Messieurs B______ et A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 septembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Messieurs B______ et A______, pris solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mark Muller, avocat des recourants, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au département du territoire-oac.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :