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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2317/2020

ATA/752/2020 du 14.08.2020 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2317/2020-EXPLOI ATA/752/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 14 août 2020

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Alessandro Brenci, avocat

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ



Attendu, en fait, que :

1) B______ et Madame C______ se sont vues notifier, par recommandé et remise en main propre, une décision du service du médecin cantonal (ci-après : la/le médecin cantonal-e), direction générale de la santé, département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département) du 29 juillet 2020, signée par la médecin cantonale. Aux termes de cette décision, B______, sise rue D______ à Genève, devait être fermée immédiatement, mesure restant en vigueur jusqu'à fourniture de sa part, soit pour elle Mme C______, d'un plan de protection des employés et des clients qui soit conforme aux règles en vigueur, notamment les recommandations de l'office fédéral de la santé public (ci-après : OFSP) et l'arrêté du Conseil d'État de la République et canton de Genève (ci-après : le Conseil d'État) du 24 juillet 2020. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

B______ avait affiché sur sa vitrine un document, signé par Mme C______, précisant « Ici, nous n'obligeons personne à porter de masque », estimant que c'était inutile, que la pandémie de coronavirus Covid-19 (ci-après : la Covid-19) touchait à sa fin actuellement à Genève et qu'il convenait de faire confiance à l'immunité collective. Ces faits violaient les règles édictées par le Conseil d'État et étaient de nature à augmenter la propagation du virus. B______ n'apportait aucun élément permettant de justifier une exception au dispositif sanitaire cantonal destiné à lutter contre l'expansion de la Covid-19.

2) Par acte mis à la poste le 3 août 2020, la société A______ (ci-après : A______), a interjeté recours contre cette décision par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

A______ a conclu à titre de mesures « superprovisionnelles » à ce qu'elle soit autorisée à rouvrir immédiatement sa boutique et « en tout état de cause » à ce que l'effet suspensif soit restitué à la décision du 29 juillet 2020, impliquant la réouverture de la boutique, subsidiairement à ce que tel soit le cas par le biais de mesures provisionnelles. Au fond, elle a conclu à la nullité de cette décision, subsidiairement à son annulation et, « préjudiciellement quant au fond », à l'annulation de l'arrêté du Conseil d'État du 24 juillet 2020 mentionné ci-dessus.

La décision entreprise ne tenait pas compte du fait que la vitrine de l'enseigne B______ comportait sept affiches, en lien en substance avec les problématiques de la « pandémie » et du port du masque, en ne se concentrant que sur l'une d'elles.

Cette décision était nulle dans la mesure où elle ne s'adressait pas à la bonne personne, à savoir la propriétaire de la boutique, A______, soit pour elle son administratrice, Madame E______. B______ était une simple enseigne et Mme C______ travaillait dans le magasin, sans avoir un quelconque rôle effectif dans la direction des affaires.

La décision de fermeture du magasin ne reposait sur aucune base légale. L'arrêté du Conseil d'État du 24 juillet 2020, faute de mention en particulier de l'art. 126 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03), ne permettait pas à l'autorité de prononcer une mesure de fermeture du local dans l'hypothèse ou surviendrait une violation dudit arrêté. Ainsi, si sanction il devait y avoir, seule une amende pourrait être infligée, conformément à l'art. 4 dudit arrêté. Si par impossible l'art. 126 LS était applicable, la décision querellée avait été adoptée par la mauvaise autorité, seul le département ayant compétence de la prendre, à l'exclusion du médecin cantonal, n'ayant qu'un rôle d'exécution et nullement de compétence décisionnelle par délégation.

La décision du 29 juillet 2020 était encore nulle, subsidiairement annulable, dans la mesure où elle ne rapportait aucune violation concrète de l'arrêté du 24 juillet précédent. Elle ne relatait en effet aucune infraction effective, que ce soit de la part de la direction, du personnel ou de la clientèle et sanctionnait en réalité la seule présence d'une affiche et l'expression d'une prise de position, d'une opinion, ce qui était contraire au principe constitutionnel de la liberté d'expression et n'était autre qu'un acte de censure. La phrase « ...nous n'obligeons personne à porter de masque » correspondait à la réalité puisque la boutique n'était nullement à l'origine de l'obligation. Elle laissait dès lors la liberté à chacun de se conformer à l'injonction de l'État, respectant ainsi l'arrêté du 24 juillet 2020 et la responsabilité individuelle de chacun.

Ledit arrêté ne disposait d'aucune validité et sa conformité à la réglementation supérieure, notamment sa constitutionnalité, devaient être contrôlées par la chambre administrative. Les mesures prévues par cet arrêté, en particulier le port du masque, restreignaient trois libertés fondamentales, à savoir la liberté personnelle, celle de se mouvoir, et la liberté économique. S'agissant de cette dernière liberté, le canton de Genève réservait un traitement plus strict et injustifié aux personnes soumises à sa juridiction comparativement à d'autres cantons, ce qui créait une distorsion de la concurrence inexplicable et une potentielle fuite de la clientèle et violait le principe de l'égalité de traitement. Vu ces atteintes à des libertés fondamentales, une loi votée par le parlement cantonal s'imposait (exigence de la base légale), étant relevé la compétence des cantons prévue par l'art. 2 de l'ordonnance du Conseil fédéral sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19 en situation particulière du 19 juin 2020 (ci-après : ordonnance Covid-19 situation particulière ou l'ordonnance 3 Covid-19 ; RS 818.101.26).

En substance, au vu des éléments connus à ce jour (statistiques du nombre de cas positifs non fiables, confusion et discours approximatifs et contradictoires des autorités sur l'utilité du port du masque), il fallait se demander « à quoi bon porter un masque »? ce d'autant plus en l'absence de consensus sur son efficacité. Dans ces conditions il revenait au Conseil d'État de prouver, sur la base d'une argumentation scientifique confinant à la certitude, que le port du masque avait réellement l'efficacité qu'il prétendait avoir, à savoir une barrière absolument certaine et sans risque contre la Covid-19. Or à ce jour, le port du masque n'avait pas pour effet de protéger la population du virus, bien au contraire. Ainsi le principe de proportionnalité n'était nullement respecté par l'arrêté du 24 juillet 2020.

Enfin, cette situation de grande incertitude sur l'efficacité réelle des masques avait un impact sur l'obligation de l'employeur de protéger la santé de ses employés. Autrement dit, comment pouvait-on dans cette situation protéger correctement le personnel.

Compte tenu, pour toutes ces raisons, de la nullité de la décision du 29 juillet 2020, il convenait de rétablir l'effet suspensif, étant relevé que A______ ne représentait pas une menace pour l'ordre public. En tout état, dans la mesure où A______ n'était pas concernée par la décision attaquée elle rouvrirait sa boutique et réservait tous droits en raison d'une fermeture indue.

3) Dans ses observations sur mesures provisionnelles du 6 août 2020, le département a conclu à leur confirmation.

Depuis le mois de février 2020, la Suisse était confrontée à l'épidémie mondiale de la Covid-19, qui se propageait extrêmement vite par gouttelettes, notamment en cas de toux, éternuements et de contacts étroits et prolongés entre les personnes. Le Conseil fédéral avait édicté plusieurs ordonnances afin de prendre les mesures urgentes pour lutter contre ledit virus et en limiter la propagation, tout en les adaptant au fur et à mesure en fonction de l'évolution de la situation. Il avait notamment adopté l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19 en situation particulière visant à prévenir la propagation du virus et briser les chaînes de transmission. Il y réservait la compétence des cantons et leur permettait également, en cas de nombre d'infections élevé localement ou de menace de le devenir, de prendre des mesures supplémentaires. Or, à Genève, le taux de contamination avait crû de manière drastique entre la semaine 26 (du 22 juin 2020) et la semaine 30 (du 20 juillet 2020), passant de 24 à 216 cas par semaine, démontrant ainsi que le virus y était toujours présent et qu'il convenait de prendre des mesures de protection supplémentaires. C'était dans ce contexte que le Conseil d'État avait adopté l'arrêté du 24 juillet 2020, exécutoire nonobstant recours.

Le 29 juillet 2020, il avait été constaté que B______ affichait sur sa vitrine un document, signé par Mme C______, indiquant explicitement « Ici, nous n'obligeons personne à porter de masque. Nous respectons le libre choix de chacun. » Il ne s'agissait nullement d'une simple expression d'opinion. La première de ces phrases démontrait au contraire que Mme C______ n'entendait pas faire respecter dans le magasin les obligations de l'arrêté du 24 juillet 2020. Ce document expliquait notamment, sans avancer aucune preuve tangible, l'absence d'un consensus scientifique pour démontrer l'utilité du port du masque, la prochaine fin de la pandémie, le sentiment d'insécurité créé par le masque, le fait qu'un tel objet, déjà manipulé, amplifierait le risque de contamination et qu'il fallait faire confiance à son corps et à son système immunitaire. Le 29 juillet 2020, via une vidéo postée sur YouTube, Mme C______ avait cherché à se justifier en prétextant la protection de ses employés, y indiquant à nouveau que la pandémie était terminée et qu'elle-même était contre le port du masque de sorte qu'elle entendait laisser ses employés libres de choisir leurs conditions de travail, ce qui était clairement contraire à l'arrêté du 24 juillet 2020. En conséquence de quoi, la médecin cantonale avait rendu la décision dont était recours.

La notification de cette décision directement à B______, soit pour elle Mme C______, n'avait aucune incidence sur sa validité, étant relevé que cette dernière était inscrite au registre du commerce et pouvait engager A______, laquelle en avait en tout état eu connaissance puisqu'elle avait formé recours dans le délai. La médecin cantonale était bien habilité à rendre cette décision, pour les motifs qu'il développait. L'affiche apposée sur la vitrine étant clairement de nature à démontrer que les mesures de protection ordonnées par les autorités ne seraient pas respectées, la fermeture du magasin s'imposait, étant relevé que cette sanction pourrait être levée aussitôt que la recourante aurait présenté un plan de protection et se serait engagée à respecter les mesures imposées, ce qu'elle n'avait en l'état pas fait. C'était donc à raison que la décision avait été déclarée exécutoire nonobstant recours, le respect des règles étant nécessaire à la protection de la santé publique.

4) A______ a répliqué le 10 août 2020, confirmant ses conclusions sur restitution de l'effet suspensif, respectivement sur mesures superpovisionnelles prises dans son recours.

Après un pic de contamination notamment en Suisse, on notait une diminution drastique du nombre de nouveaux cas de Covid-19 ce qui avait d'ailleurs permis l'allégement des mesures. Le port du masque prévu à « l'art. 4 al. 2 let. a » n'était qu'un exemple de mesure à mettre en place par les exploitants parmi tant d'autres, dont une distanciation de 1.5 m que la médecin cantonale n'avait pas même pris la peine de venir vérifier sur place. Le port du masque n'était par conséquent pas imposé. Mme C______ n'était pas inscrite au registre du commerce en lien avec A______ et n'y apparaissait qu'en raison d'un simple pouvoir de procuration, qui plus était de manière collective, à deux. D'un point-de-vue juridique, A______ n'était donc nullement concernée ou engagée par l'affiche litigieuse qui n'était qu'une opinion qui tendait à souligner la liberté de chacun. Mme C______ n'était au demeurant pas la seule à critiquer les mesures de l'État. A______ revenait sur les divergences scientifiques et la « cacophonie » régnant autour de l'efficacité du port du masque et les dangers afférents à sa manipulation.

¨ Il n'était pas possible dans le cas d'espèce de réparer le vice initial d'une notification de la décision querellée à la mauvaise destinataire. Les chiffres sur lesquels la médecin cantonale s'appuyait étaient en discordance avec les chiffres officiels fédéraux faisant référence et étaient partant tout simplement incompréhensibles. Ils ne représentaient dès lors aucune justification absolue. La médecin cantonale, qui n'avait qu'une compétence d'exécution, ne pouvait fermer la boutique, mesure qui était de la compétence du département. La médecin cantonale n'avait quant à elle déterminé aucun critère juridique, aucune condition légale, pour justifier ces mesures de coercition à l'égard de la population, ce qui ressortait de ses propos à la RTS le 5 août 2020 en lien avec la quarantaine imposée aux voyageurs de retour d'Espagne, et était profondément inquiétant à l'égard de l'État de droit.

Il y avait lieu de mettre dans la balance des intérêts à effectuer la nullité respectivement l'annulabilité de la décision querellée pour les raisons précédemment développées. La simple invocation de l'intérêt public, en l'occurrence la santé publique - pour autant qu'il soit dûment prouvé par l'État, ce qui n'était pas le cas vu l'argumentation présentée par A______ - ne pouvait « justifier une telle atteinte aux principes régissant l'État de droit, l'activité de l'administration et les garanties fondamentales, tant matérielle que formelles, accordées aux citoyens, y compris les personnes morales ». Du point de vue privé, il ne faisait aucun doute que les jours, voire les mois durant lesquels A______ devait fermer son exploitation, et ce au sortir de deux mois de confinement, sur la base d'une décision illicite, avait un impact considérable du point-de-vue économique. Le dégât d'image était également souligné, sans oublier le torrent d'insultes, voire d'allusions infondées subis par Mme C______. Les intérêts de A______ étaient dès lors gravement menacés. Aucune pièce de la procédure ne laissait penser que l'exécution immédiate de la décision serait plus importante que la restitution de l'effet suspensif et partant la réouverture de la boutique. Cette décision n'était qu'une réaction personnelle de la médecin cantonale qui avait été heurtée par le document apposé sur la devanture du magasin qui faisait état de la seule opinion de Mme C______. Force était de constater qu'aucun motif pertinent ne justifiait le retrait de l'effet suspensif.

5) Sur ce, la cause a été gardée à juger le 10 août 2020 sur mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1) Selon l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de celles-ci, par un juge.

2) Aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

3) Par ailleurs, l'art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles. Selon la jurisprudence, de telles mesures - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/898/2019 du 14 mai 2019 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018) ; elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, spéc. 265). L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ; elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

4) La loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (Loi sur les épidémies, LEp ; RS 818.101) règle la protection de l'être humain contre les maladies transmissibles et prévoit les mesures nécessaires à cet effet (art. 1). Elle a pour but de prévenir et de combattre l'apparition et la propagation des maladies transmissibles (art. 2 al. 1) et prévoit des mesures qui poursuivent notamment les buts de détection, évaluation et prévention de l'apparition et la propagation de maladies transmissibles, d'incitation de l'individu, certains groupes de personnes et certaines institutions à contribuer à prévenir et à combattre les maladies transmissibles, respectivement de réduction des effets des maladies transmissibles sur la société et les personnes concernées (art. 2 al. 2 let. b, c et f).

Selon l'art. 40 al. 1 LEp, les autorités cantonales compétentes ordonnent les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles au sein de la population ou dans certains groupes de personnes. Elles coordonnent leur action (al. 1). Selon son al. 2, elles peuvent en particulier prononcer l'interdiction totale ou partielle de manifestations (let. a), fermer des écoles, d'autres institutions publiques ou des entreprises privées, ou réglementer leur fonctionnement (let. b), interdire ou limiter l'entrée et la sortie de certains bâtiments ou zones, ou certaines activités se déroulant dans des endroits définis (let. c). Son al. 3 prévoit que les mesures ordonnées ne doivent pas durer plus longtemps qu'il n'est nécessaire pour prévenir la propagation d'une maladie transmissible. Les mesures sont réexaminées régulièrement.

L'art. 6 al. 1 LEp retient qu'il y a situation particulière dans les cas suivants, à savoir lorsque les organes d'exécution ordinaires ne sont pas en mesure de prévenir et de combattre l'apparition et la propagation d'une maladie transmissible et qu'il existe l'un des risques suivants : 1. un risque élevé d'infection et de propagation, 2. un risque spécifique pour la santé publique, 3. un risque de graves répercussions sur l'économie ou sur d'autres secteurs vitaux (let. a), respectivement que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a constaté la présence d'une urgence sanitaire de portée internationale menaçant la santé de la population en Suisse (let. b). Selon l'art. 6 al. 2, le Conseil fédéral peut, après avoir consulté les cantons : ordonner des mesures visant des individus (let. a), ordonner des mesures visant la population (let. b), astreindre les médecins et d'autres professionnels de la santé à participer à la lutte contre les maladies transmissibles (let. c), déclarer obligatoires des vaccinations pour les groupes de population en danger, les personnes particulièrement exposées et les personnes exerçant certaines activités (let. d).

Le Conseil fédéral a, sur la base de l'art. 6 al. 2 let a. et b, promulgué l'Ordonnance Covid-19 situation particulière du 19 juin 2020 pour ordonner des mesures visant la population, les organisations, les institutions et les cantons dans le but de lutter contre l'épidémie de Covid -19 (art. 1 al. 1), les mesures visant à prévenir la propagation du coronavirus (Covid -19) et à interrompre les chaînes de transmission (al. 2).

Sauf disposition contraire de l'ordonnance en question, les cantons demeurent compétents (art. 2). Son art. 3 pose pour principe que chaque personne respecte les recommandations de l'OFSP en matière d'hygiène et de conduite face à l'épidémie de Covid -19.

En sa section 3, sous le titre « Mesures visant les installations, les établissements et les manifestations accessibles au public », l'art. 4 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière, dont le titre est « plan de protection », prévoit que les exploitants d'installations ou d'établissements accessibles au public, y compris les établissements de formation, et les organisateurs de manifestations élaborent et mettent en oeuvre un plan de protection (al. 1). Selon son al. 2, les prescriptions suivantes s'appliquent : a. le plan de protection doit prévoir, pour l'installation, l'établissement ou la manifestation, des mesures en matière d'hygiène et de distance ; il est possible de ne pas respecter la distance si des mesures de protection appropriées sont prévues, comme le port d'un masque facial ou la présence de séparations adéquates ; b. si le type d'activité, les particularités des lieux ou des raisons d'exploitation ou économiques ne permettent ni de maintenir la distance requise, ni de prendre des mesures de protection pendant un certain temps, il doit être prévu de collecter les coordonnées des personnes présentes au sens de l'art. 5. Les prescriptions visées à l'al. 2 sont détaillées en annexe. En accord avec le département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR), le département fédéral de l'intérieur (DFI) met à jour l'annexe en fonction de l'état actuel des connaissances scientifiques (al. 3). Le plan de protection désigne une personne responsable de la mise en oeuvre du plan et des contacts avec les autorités compétentes (al. 4).

L'art. 7 al. 1 de ladite ordonnance prévoit que l'autorité cantonale compétente peut accorder des allégements par rapport aux prescriptions énoncées aux art. 4 al. 2 à 4, 5 et 6 si : a. des intérêts publics prépondérants l'exigent, et b. l'organisateur ou l'exploitant présente un plan de protection au sens de l'art. 4 qui prévoit des mesures spécifiques pour empêcher la propagation du coronavirus (Covid -19) et interrompre les chaînes de transmission. À l'inverse, en son art. 8 al. 2, l'ordonnance Covid -19 permet au canton de prendre des mesures temporaires applicables régionalement selon l'art. 40 LEp si le nombre d'infections est élevé localement ou menace de le devenir. Il consulte préalablement l'OFSP et l'informe des mesures prises. L'art. 9 al. 1 traite des contrôles et obligations de collaborer des exploitants et organisateurs comprenant une obligation de présenter leur plan de protection aux autorités cantonales compétentes qui en font la demande (let. a); de garantir aux autorités cantonales compétentes l'accès aux installations, établissements et manifestations (let. b). Selon son al. 2, si les autorités cantonales compétentes constatent qu'il n'existe pas de plan de protection suffisant ou que ce plan n'est pas mis en oeuvre, elles prennent des mesures appropriées. Elles peuvent fermer des installations et des établissements et interdire ou disperser des manifestations.

Sous sa section 4 traitant des mesures de protection des employés, l'ordonnance Covid -19 situation particulière indique que l'employeur garantit que les employés puissent respecter les recommandations de l'OFSP en matière d'hygiène et de distance. À cette fin, les mesures correspondantes doivent être prévues et mises en oeuvre (art. 10 al. 1). Si la distance recommandée ne peut pas être respectée, des mesures doivent être prises pour appliquer le principe STOP (substitution, technique, organisation, personnel) et notamment recourir au télétravail, à la séparation physique, à la séparation des équipes ou au port de masques faciaux (art. 10 al. 2).

Selon la directive de l'OFSP du 13 juillet 2020 à l'attention des cantons, en vertu de 1'art. 2 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière, les cantons demeurent compétents sauf disposition contraire de la présente ordonnance. Sont notamment concernées les tâches d'exécution des cantons (cf. art. 75 LEp et art. 103 al. 2, de l'ordonnance sur les épidémies, OEp [RS 818. 101.1\). L'art. 9 al. 1 de l'ordonnance définit en outre que les exploitants et les organisateurs doivent présenter leur plan de protection aux autorités cantonales compétentes qui en font la demande et garantir à ces dernières l'accès aux installations, établissements, manifestations. Sur la base de son art. 9 al. 2, les autorités cantonales compétentes prennent les mesures appropriées si elles constatent qu'il n'existe pas de plan de protection suffisant ou que ce plan n'est pas mis en oeuvre, et peuvent ordonner la fermeture des installations et des établissements et interdire ou disperser des manifestations (art. 40 LEp).

Dans le canton de Genève, le Conseil d'État a, par arrêté du 24 juillet 2020 relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19, déclaré exécutoire nonobstant recours, se référant à la LEp, notamment ses art. 40 et 83, à l'Ordonnance 3 Covid-19, à la LS, notamment ses art. 121 et 135 et à la directive de l'OFSP du 13 juillet 2020 à l'attention des cantons, ordonné diverses mesures obligatoires, dont en son art. 2, le port obligatoire du masque dans les commerces, de la part de la clientèle et du personnel en contact avec cette dernière s'il ne peut pas être protégé par un dispositif vitré ou équivalent (al. 3). Ces mesures s'appliquent jusqu'au 1er octobre 2020, sous réserve de prolongation en cas de besoin (art. 5).

5) En l'espèce, la décision querellée porte sur la fermeture du magasin à l'enseigne B______. L'intérêt privé de la recourante à ouvrir la boutique qu'elle exploite en ville de Genève est indéniable. Il doit toutefois être mis en balance avec celui de la santé publique, que les autorités sont chargées de protéger sur la base notamment des normes susmentionnées, le cas échéant par des mesures contraignantes pour la population. Il s'agit de protéger dans le cas présent tant la clientèle que les employés de la boutique concernés par les dangers d'une propagation de la Covid-19 dont il ne peut être disputé qu'elle sévit encore actuellement de par le monde, dont à Genève, et ce depuis plusieurs mois. Il sera relevé que la mesure querellée respecte de prime abord le principe de proportionnalité dès lors qu'elle laisse la possibilité à la recourante, respectivement aux personnes exploitant le magasin, ce qui figure dans la décision querellée et est rappelé dans les observations de l'intimé du 6 août 2020, quand bien même elles ne seraient pas d'accord sur le principe et l'efficacité de ce dispositif, d'imposer d'ores-et-déjà le port du masque à la clientèle et de présenter un plan de protection des employés pour pouvoir rouvrir ses portes dès constat par l'autorité de la mise en place de ces mesures. Il sera relevé à cet égard que bien qu'elle s'en prévale, la recourante n'indique pas quelle(s) (autres) mesure(s) alternative(s) elle aurait concrètement mise(s) en place en l'état dans la boutique dans laquelle tant les employés que la clientèle sont amenés à se déplacer.

Ainsi, en l'état et sur mesures provisionnelles, l'intérêt public l'emporte en l'espèce sur l'intérêt privé de la recourante. Certes, le recours soulève des griefs de nature formelle à l'encontre de la décision quant à la compétence de l'autorité qui l'a prononcée et son destinataire. La réponse à ces questions ne s'impose pas d'emblée et les chances de succès du recours ne sont pas manifestes. En conséquence, la requête en mesures provisionnelles sera rejetée.

6) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi;

communique la présente décision à Me Alessandro Breci, avocat de A______, ainsi qu'à la direction générale de la santé.

 

 

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :