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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3233/2016

ATA/215/2017 du 21.02.2017 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 28.04.2017, rendu le 26.01.2018, REJETE, 8C_281/2017
Descripteurs : FONCTIONNAIRE ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; MESURE DISCIPLINAIRE ; SANCTION ADMINISTRATIVE ; PRESCRIPTION ; ENQUÊTE ADMINISTRATIVE ; SUSPENSION DE LA PROCÉDURE ; PROCÉDURE PÉNALE
Normes : LPAC.16.al1 ; LPAC.16.al1.letc ; LPAC.27.al1 ; LPAC.27.al2 ; LPAC.27.al3 ; LPAC.27.al4 ; LPAC.27.al5 ; LPAC.27.al6 ; LPAC.27.al7 ; LPAC.28 ; LPAC.29.al2 ; LPAC.32.al3 ; LPA.14 ; aLPol.37.al6
Résumé : Le Conseil d'État a le pouvoir de prononcer la révocation d'un fonctionnaire. Partant, c'est bien au moment où le Conseil d'État, en tant qu'autorité disciplinaire, a eu connaissance de la violation des devoirs de service de la recourante qu'il a pu décider de la suite à donner au dossier et, par conséquent, que le délai de prescription de l'action disciplinaire a commencé à courir. La prescription est toutefois suspendue pendant la durée de l'enquête administrative. Cette dernière s'ouvre sur ordre du Conseil d'État, de la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou d'un conseil d'administration et se clôture par la communication du rapport d'enquête. La responsabilité disciplinaire de la recourante étant prescrite et ne pouvant dès lors plus faire l'objet d'une sanction disciplinaire, la sanction prise à son encontre doit être annulée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3233/2016-FPUBL ATA/215/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 février 2017

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me David Metzger, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1966, a été engagée en qualité de teneuse de compte au service du tuteur général par le département de l’instruction publique, devenu le département de l'instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP), à compter du 27 mai 2002, sous statut d’auxiliaire.

2) Dès le 1er juillet 2002, Mme A______ a été affectée à un poste de gestionnaire au service du tuteur général, en qualité d'auxiliaire. À compter du 15 mars 2004, elle a occupé la fonction de gestionnaire au service du tuteur général, en qualité d'employée.

Le 1er juin 2005, elle a été nommée fonctionnaire.

3) Depuis lors, le service du tuteur général, devenu le service de protection de l'adulte (ci-après : SPAd), dépend du département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après: DEAS).

4) Le 18 juin 2014, le SPAd a adressé au procureur général une dénonciation à l’encontre d’un collaborateur.

La directrice du SPAd y a expliqué que Monsieur B______, protégé et suivi par le SPAd, avait sollicité un entretien avec Monsieur C______, intervenant en charge du suivi social de sa situation. La discussion s’était tenue le 11 juin 2014. M. B______ avait indiqué à ce collaborateur que Mme A______, responsable du suivi financier de sa situation, lui avait proposé de venir encaisser, au SPAd, la somme de CHF 500.- le 23 mai 2014 et de partager ensuite cette somme entre eux à raison de CHF 250.- chacun. Le protégé avait accepté cette « transaction ». Après avoir retiré la somme de CHF 500.- auprès de la caisse du SPAd, il avait rejoint l’intéressée à proximité du service pour lui remettre l’argent en mains propres. Il avait réfléchi à la suite de l’opération et l’avait trouvée « louche ». Il en avait discuté avec sa psychologue, laquelle lui avait conseillé de rapporter ces faits à son intervenant. Ce dernier avait suggéré à M. B______ de déposer plainte à l’encontre de Mme A______ pour ses agissements.

M. C______ ayant relaté ces faits à son supérieur, une recherche avait été effectuée. Elle avait démontré qu’un retrait avait été fait le 23 mai 2014. L’intervenant n’avait pas été informé de cette opération qui portait l’intitulé « contravention » alors que M. B______ n’était pas détenteur d’une automobile. Accompagné, celui-ci avait déposé plainte le 13 juin 2014 auprès du poste de gendarmerie de Lancy-Onex. En parallèle, des investigations avaient immédiatement été menées en interne de façon totalement confidentielle et à l’insu de la collaboratrice concernée afin d’évaluer si d’autres personnes protégées, suivies par Mme A______, avaient pu être victimes d’agissements similaires.

Le SPAd avait pu identifier quelques opérations de retrait à la caisse, pour trois autres personnes protégées et toujours pour des montants inférieurs à
CHF 1'000.-. M. C______, également en charge de ces situations, n’avait pas été informé au préalable de ces retraits et n’en connaissait pas la cause. La situation avait été rapportée à la hiérarchie et à la direction des ressources humaines du DEAS. Ces circonstances conduisaient à considérer que Mme A______ devait être relevée de ses tâches et responsabilités jusqu’à ce que des investigations complètes aient pu être menées et que la lumière soit faite sur les éléments qui semblaient sujets à question. La collaboratrice serait convoquée le lendemain matin auprès de la direction pour lui signifier la suspension de son activité avec effet immédiat.

5) Le 19 juin 2014 s’est tenu un entretien en présence de Mme A______, Monsieur D______, son supérieur hiérarchique, Madame E______, directrice des ressources humaines du DEAS et la directrice du SPAd.

6) Par courrier du même jour, signé par la directrice du SPAd, remis en mains propres, Mme A______ a été libérée de son obligation de travailler. Cette mesure servait à garantir la bonne marche du service. Le SPAd envisageait de demander au conseiller d’État en charge du DEAS de valider cette mesure. Les faits en cause et l’état de la procédure nécessitaient que Mme A______ reste éloignée de son lieu de travail. Elle avait eu l’occasion de s'exprimer au sujet de la libération de son obligation de travailler, mais pouvait remettre d’éventuelles observations écrites.

7) Mme A______ a été en incapacité de travail totale du 19 juin 2014 au 31 mars 2016, puis a présenté à compter du 1er avril 2016 une capacité de travail à hauteur de 30 % dans un autre service que celui du SPAd.

8) Plusieurs échanges de courriers ont eu lieu par la suite entre le SPAd et Mme A______. À cette occasion, cette dernière a notamment contesté les faits qui lui étaient reprochés, mais a reconnu avoir perçu la somme de CHF 50.-, offerte par M. B______ à titre de remerciements. Sa suspension était pour le surplus injustifiée et contraire au droit.

9) Le 2 juillet 2014, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la libérer de son obligation de travailler datée du 19 juin 2014, concluant à sa nullité dans la mesure où le Conseil d’État n’avait pas rendu
celle-ci, ni même ratifié ultérieurement et d’une quelconque manière cette décision.

10) Par réponse du 31 juillet 2014, l'office du personnel de l'État (ci-après : OPE) a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet dans la mesure où il serait recevable, le courrier dont était recours ne constituant pas une décision incidente.

11) Le 29 juillet 2014, le conseiller d’État en charge du DEAS a rendu une décision aux termes de laquelle il libérait jusqu'à nouvel ordre Mme A______ de son obligation de travailler.

12) Le 16 septembre 2014, le SPAd a conduit un entretien de service sous la forme écrite, Mme A______ n'ayant pu s'y présenter pour cause de maladie.

13) Le 17 octobre 2014, Mme A______ a transmis ses observations suite audit entretien de service.

14) Par arrêt du 28 octobre 2014 (ATA/846/2014), la chambre administrative a constaté la nullité des décisions prises le 19 juin 2014 et le 29 juillet 2014 par la directrice du SPAd, respectivement le conseiller d'État en charge du DEAS. Le Conseil d'État était l'autorité compétente pour rendre une décision relative à la libération de l'obligation de travailler.

15) Le 28 novembre 2014, le SPAd a entendu trois personnes sous mandat de curatelle dont Mme A______ gérait les dossiers.

16) Le 17 décembre 2014, le SPAd a conduit un second entretien de service sous la forme écrite, Mme A______ n'ayant pu s'y présenter pour cause de maladie.

17) Le 24 décembre 2014, le conseiller d'État en charge du DEAS a rendu une décision incidente, après avoir préalablement imparti un délai à Mme A______ pour faire valoir ses observations, aux termes de laquelle il a bloqué avec effet immédiat le traitement de l'intéressée.

Le 6 janvier 2015, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative. Cette cause a toutefois été rayée du rôle le 13 février 2015 (ATA/167/2015), le conseiller d'État en charge du DEAS ayant annulé la décision du 24 décembre 2014.

18) Le 12 janvier 2015, le conseiller d'État en charge du DEAS a demandé au procureur général de constituer l'État de Genève en qualité de partie plaignante dans le cadre de la dénonciation du 18 juin 2014 à l'encontre de Mme A______.

19) Par arrêté du 4 février 2015, le Conseil d'État a ouvert une enquête administrative à l'encontre de Mme A______, prononcé la suspension de l’intéressée ainsi que la suppression de toute prestation à la charge de l'État. L'enquête a été confiée à Madame F______, juge à la Cour de justice.

L'enquête devait porter sur les faits suivants : trois personnes protégées suivies par le SPAd avaient déclaré que Mme A______ avait conservé pour son propre compte une partie des montants, prélevés sur leurs avoirs, qu'elle leur faisait remettre pour pourvoir à leur entretien. Ces agissements duraient, selon les déclarations des intéressés, depuis au moins deux ans. Les trois personnes en question, ainsi que le SPAd, avaient porté plainte.

20) Le 6 juillet 2015, l'enquêtrice a adressé son rapport au Conseil d'État. Ledit rapport retenait comme établi que Mme A______ avait contrevenu aux dispositions légales relatives au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux en sollicitant des avantages en espèces en raison de sa situation. Ce faisant, elle avait également manqué à ses obligations de s'abstenir de tout ce qui pouvait porter préjudice à l'État, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique devait être l’objet et de remplir le devoirs de sa fonction de façon consciencieuse et avec diligence.

Les faits pertinents ressortant du rapport seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

21) Par courrier du 9 juillet 2015, l’OPE a transmis à Mme A______ une copie du rapport d'enquête et lui a imparti un délai de trente jours pour s'exprimer par écrit sur celui-ci.

22) Le 10 août 2015, Mme A______ a transmis ses observations au Conseil d'État.

En substance, elle contestait l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés ainsi que le bien-fondé des mesures qui avaient été prises à son encontre. Elle concluait à ce qu'aucune sanction disciplinaire ne soit prise à son encontre.

23) Le 24 août 2015, le DEAS a sollicité auprès du Ministère public la consultation du dossier pénal ouvert suite à la dénonciation à l'encontre de Mme A______ ou la possibilité de recevoir un résumé des faits.

24) Le 14 décembre 2015, le DEAS a relancé le procureur en charge du dossier de Mme A______ afin d'obtenir un résumé de la procédure.

25) Le 23 février 2016, le Ministère public a dénié la qualité de partie plaignante à l'État de Genève, estimant que celui-ci n'était pas directement lésé par les agissements dénoncés.

26) Le 7 mars 2016, le Conseil d'État a interjeté recours auprès de la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après : la chambre pénale de recours), considérant que l'État de Genève était touché par les infractions en cause et partant directement lésé.

27) Le 13 avril 2016, Mme A______ a sollicité la levée immédiate de sa suspension ainsi que le versement de son traitement avec effet rétroactif à compter du 4 mars 2015 dans la mesure où sa responsabilité disciplinaire était prescrite et qu'elle ne pouvait plus faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire. L'enquête administrative avait été close par la reddition du rapport d'enquête survenue le 6 juillet 2015.

28) Le 27 avril 2016, le Conseil d'État a répondu à Mme A______ que l'enquête administrative n'avait pas été close pas la reddition du rapport, qu'elle était ainsi toujours ouverte et que la prescription était donc suspendue. Il pouvait par ailleurs suspendre provisoirement un membre du personnel dans l'attente du résultat d'une enquête administrative ou d'une information pénale. Il se réservait toutefois le droit de statuer sur la base des éléments figurant dans son dossier s'il n'obtenait pas prochainement l'accès au dossier de la procédure pénale.

29) Par arrêté du 24 août 2016, exécutoire nonobstant recours, le Conseil d'État a révoqué Mme A______ avec effet au 4 février 2015.

Il ressortait du dossier que trois personnes sous curatelle gérée par le SPAd, entendues d'abord par le SPAd, puis comme témoins par l'enquêtrice après avoir été exhortées à dire la vérité et rendues attentives aux conséquences d'un faux témoignage, avaient déclaré que Mme A______ s'était appropriée une partie de leurs revenus. Les déclarations de ces trois personnes, qui ne se connaissaient pas et qui n'avaient aucune raison de vouloir nuire à l'intéressée, concordaient sur son modus operandi. Les intéressés n'avaient jamais fait preuve d'animosité particulière à l'encontre de Mme A______. De plus, elles étaient au bénéfice d'une curatelle de représentation et de gestion, destinée à protéger leur patrimoine et rien dans le dossier ne permettait de déterminer qu'elles étaient atteintes dans leur santé mentale ni dans leur capacité à témoigner, ou que leur intervenant en protection de l’adulte (ci-après : IPA) les aurait influencées. Les explications données par Mme A______ n'étaient par ailleurs pas susceptibles de remettre en cause les faits retenus à son encontre dans le rapport d'enquête administrative.

Les faits qui lui étaient reprochés étaient particulièrement graves et ses agissements avaient irrémédiablement rompu le rapport de confiance. Ces violations étaient d'autant moins acceptables au vu de sa fonction qui impliquait une confiance particulière de la part de son employeur, puisqu'elle était autorisée à gérer des sommes significatives pour le compte des personnes protégées dont elle avait la responsabilité. De plus, le fait qu'elle ait mis en cause avec virulence l'honnêteté des personnes protégées concernées ainsi que celle de ses collègues, qu'elle avait accusé de mentir pour lui nuire, était propre à ruiner définitivement le rapport de confiance. Ces faits justifiaient donc sa révocation.

30) Par arrêt du 31 août 2016 (ACPR/544/2016), la chambre pénale de recours a rejeté le recours du Conseil d'État confirmant que le statut de partie plaignante ne pouvait être accordé à l'État de Genève dans la mesure où il n'avait été victime d'aucune infraction.

31) Par acte du 26 septembre 2016, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre l'arrêté du Conseil d'État du 24 août 2016, concluant principalement à ce qu'il soit dit que sa responsabilité disciplinaire était prescrite, que l'arrêté du Conseil d'État du 24 août 2016 soit annulé, qu'il soit ordonné la levée de sa suspension, que l'État de Genève procède au versement des arriérés de traitement à compter du 4 février 2015 avec intérêts à 5 % dès le 1er novembre 2015, à sa réintégration immédiate dans les services de l'État de Genève, à ce que la cause soit renvoyée au Conseil d'État pour nouvelle décision au sens des considérants ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité équitable de procédure s'élevant à CHF 10'000.-, à la charge de l'État de Genève.

Sa responsabilité disciplinaire était d'ores et déjà prescrite, de sorte qu'elle ne pouvait plus faire l'objet d'une sanction disciplinaire. Sur le fond, elle avait toujours rempli tous les devoirs de sa fonction consciencieusement et avec diligence de sorte que sa révocation avait été prononcée à tort.

32) Dans ses observations du 23 novembre 2016, le Conseil d'État a conclu au rejet du recours.

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, la prescription avait commencé à courir le 12 janvier 2015, date à laquelle le Conseil d'État, soit l'autorité compétente pour provoquer la révocation de Mme A______, avait demandé au procureur général d'être constitué en qualité de partie plaignante.

Même s'il devait être retenu que la prescription avait commencé à courir le 18 juin 2014, la responsabilité disciplinaire de la recourante n'était pas prescrite au moment où le Conseil d'État avait révoqué l'intéressée par arrêté du 24 août 2016.

Le Conseil d'État était en effet l'autorité compétente pour ouvrir l'enquête administrative, mais également pour la clore. Ni la remise du rapport de l'enquête administrative au Conseil d'État par l'enquêtrice ni la lettre adressée par l'OPE à Mme A______ en accompagnement du rapport d'enquête ne constituaient des actes de clôture. La prescription avait ainsi été suspendue entre le 4 février 2015 et le 24 août 2015 (sic) et la responsabilité disciplinaire n'était donc pas prescrite lors de la révocation.

Le fait pour le Conseil d'État de ne pas statuer à bref délai après la remise du rapport d'enquête ne pouvait avoir pour conséquence de clore l'enquête administrative sans aucun acte formel. Il n'était d'ailleurs pas resté inactif après avoir reçu les observations de Mme A______ le 10 août 2015.

Sur le fond, il a persisté dans les termes de son arrêté du 24 août 2016.

33) Le 13 janvier 2017, Mme A______ a persisté dans les conclusions de son recours.

Le 18 juin 2014, la supérieure hiérarchique la plus élevée au SPAd, de concert avec sa propre hiérarchie au DEAS, avait tous les éléments suffisants rendant plausible une prétendue violation des devoirs de fonction, de sorte que la découverte de cette dernière remontait au plus tard à cette date.

Contrairement à ce qu'affirmait le Conseil d'État, ce n'était pas lui qui avait la compétence de clôturer l'enquête administrative mais bien la personne à qui l'enquête était confiée. À la lecture des dispositions légales, il était clair que le législateur voulait que l'enquête administrative soit un processus rapide, délégué à une personne compétente autre que l'autorité elle-même et qui aboutisse à la remise d'un rapport, une fois l'enquête achevée. L'enquête administrative avait bien eu lieu du 4 février 2015 au 6 juillet 2015 au plus tard.

L'autorité intimée mélangeait la notion d'enquête administrative, à savoir le travail de recherche de la vérité effectué par la personne à laquelle cette mission avait spécifiquement été confiée, et la notion d'établissement des faits effectué de manière générale par l'autorité elle-même. Ainsi, du 18 juin 2014 au 4 février 2015, puis du 7 juillet 2015 au 24 août 2016, l'autorité intimée avait essayé d'établir les faits dans le cadre de son pouvoir général d'établissement des faits mais non dans le cadre de l'enquête administrative. L'activité de l'autorité intimée après le 6 juillet 2015 n'avait ainsi aucun impact sur le délai de prescription.

La prescription de la responsabilité disciplinaire n'avait donc été suspendue que du 4 février 2015 au 6 juillet 2015, de sorte que le délai de prescription d'une année avait été atteint.

Pour le surplus, la recourante n’avait pas été informée des démarches entreprises par le Conseil d’État auprès du procureur, ni des recours y relatifs.

34) Par courrier du 16 janvier 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

35) Par courrier du 24 janvier 2017, l'OPE a produit une écriture spontanée.

Il était inexact de lier la suspension de la prescription exclusivement à l'activité de l'enquêtrice, en particulier à sa remise du rapport au Conseil d'État. Ce dernier était l'autorité compétente pour ouvrir l'enquête administrative, définir son objet puis la clore. Il ressortait de la jurisprudence que le Conseil d'État pouvait par ailleurs ordonner un complément d'enquête ou entendre des témoins, même après avoir reçu le rapport. Dès que les preuves administrées lui permettaient de faire sa conviction, le Conseil d'État mettait un terme à l'instruction en clôturant l'enquête administrative par un acte formel et, le cas échéant, par le prononcé d'une sanction.

36) Le 25 janvier 2017, le juge délégué a informé les parties que l'écriture non autorisée de l'OPE était exceptionnellement acceptée et a octroyé un délai au 3 février 2017 à Mme A______ pour produire d'éventuelles observations, suite à quoi la cause serait à nouveau gardée à juger.

37) Le 13 janvier 2017, Mme A______ a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 30 al. 2 et 32 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 24 août 2016 du Conseil d’État de révoquer la recourante avec effet rétroactif au 4 février 2015, jour de l'ouverture de l'enquête administrative à son encontre.

3) a. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Selon l’art. 61 LPA, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limite à la violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA). Cette condition n’est pas réalisée en l’espèce.

b. En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1255/2015 précité consid. 7c ; ATA/748/2014 du 23 septembre 2014 consid. 7c ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées).

4) En tant que fonctionnaire nommée et en qualité de gestionnaire au SPAd, la recourante est notamment soumise à la LPAC et à son règlement d’application du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

5) Les art. 20 à 26 RPAC définissent les devoirs du personnel.

Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC).

Les membres du personnel se doivent, par leur attitude, notamment, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21 let. c RPAC).

Les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC).

6) Selon l’art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes :

a) prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie :

1° le blâme ;

b) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l’OPE ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par le secrétaire général du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement, par le directeur général :

2° la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée,

3° la réduction de traitement à l'intérieur de la classe ;

c) prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'État ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par la commission de gestion du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement par le conseil d'administration :

4° le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans,

5° la révocation.

En cas de révocation, le Conseil d'État, respectivement la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d'administration de l'établissement, peut stipuler que celle-ci déploie un effet immédiat si l'intérêt public le commande (art. 16 al. 2 LPAC).

7) Aux termes de l’art. 27 al. 1 LPAC relatif à la procédure pour sanction disciplinaire, les dispositions de la LPA sont applicables, en particulier celles relatives à l’établissement des faits (art. 18 et ss).

La responsabilité disciplinaire des membres du personnel se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l'enquête administrative (art. 27 al. 7 LPAC).

8) Après l’échéance du délai de prescription, la sanction d’une faute professionnelle n’est plus possible, même lorsqu’elle serait utile à la sauvegarde de l’intérêt général (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, RJJ 1998, p. 26).

9) La recourante soutient que sa responsabilité disciplinaire est prescrite de sorte qu'elle ne peut plus faire l'objet d'une sanction disciplinaire. Selon elle, le délai de prescription disciplinaire d'une année a commencé à courir le 18 juin 2014 et ce jusqu'au 4 février 2015, date de l'ouverture de l'enquête administrative, soit durant deux cent trente jours. Le délai a ensuite été suspendu durant l'enquête administrative, soit du 4 février 2015 au 6 juillet 2015, date à laquelle celle-ci s'est achevée par la remise du rapport d'enquête. Puis, le délai a recommencé à courir dès le 7 juillet 2015. Ainsi, lorsque le Conseil d'État a statué par arrêté du 24 août 2016, sa responsabilité disciplinaire était prescrite.

Le Conseil d'État soutient quant à lui que le délai de prescription d'une année n'a commencé à courir que lorsque l'autorité compétente pour infliger la peine disciplinaire, soit le Conseil d'État, a appris l'existence de violations des devoirs de service, soit le 12 janvier 2015 lorsqu'il s'est constitué partie plaignante auprès du Ministère public. Quand bien même le délai de prescription aurait commencé à courir le 18 juin 2014, il a été suspendu entre le 4 février 2015 et le 24 août 2016, soit entre l'ouverture et la clôture de l'enquête administrative.

10) Les parties divergent en premier lieu sur la notion de « découverte de la violation des devoirs de service » s'agissant des actes déterminant le dies a quo du délai de prescription et sur l'identité de celui devant « découv[rir] » ladite violation.

11) a. Le texte de l'art. 27 al. 7 LPAC ne précise pas qui doit avoir eu connaissance de la violation et à partir de quand celle-ci doit être considérée comme étant découverte.

b. Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la modification de la LPAC, ayant également entraînés des modifications dans la loi sur la police du 27 octobre 1957 (ci-après : aLPol) remplacée depuis le 1er mai 2016 par la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05), que le législateur souhaitait contraindre l'employeur à agir avec célérité en introduisant une prescription relative :

« Un commissaire (UDC) a proposé d'inscrire dans la loi une disposition consacrée à la prescription des sanctions disciplinaires. À son avis, le droit actuel est lacunaire, puisqu'il ne contient pas une telle disposition.

Au cours des débats, il est apparu que pour une majorité de la commission, une durée de trois ans est insuffisante. De surcroît, il est souhaitable de maintenir un double régime de prescription relative et de prescription absolue, de manière à contraindre l'employeur à prendre des mesures dans un délai relativement bref après la découverte de la violation des devoirs de service, pour éviter de laisser le fonctionnaire concerné dans l'incertitude.

En définitive, la commission a voté un sous-amendement proposé par un commissaire (L), lequel introduit une prescription relative d'une année et une prescription absolue de cinq ans. De surcroît, la prescription est suspendue pendant la durée de l'enquête administrative. En d'autres termes, si l'employeur suspend l'enquête administrative en attendant le résultat, par exemple, d'une enquête pénale, la prescription cesse de courir, ce qui garantit dans tous les cas la possibilité pour l'État de sévir, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui » (MGC 2006-2007/VI A – 4524).

c. La chambre administrative a déjà jugé de manière constante, dans des affaires où un fonctionnaire de police avait été sanctionné d'un blâme ou de services hors tours, que l'art. 37 al. 6 aLPol, dont la teneur est identique à l'art. 27 al. 7 LPAC, faisait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police (ATA/652/2015 du 23 juin 2015 consid. 7 ; ATA/747/2014 du 23 septembre 2014 consid. 4b et les références citées).

À teneur de l'art. 36 al. 2 aLPol, le chef de la police est compétent pour prononcer le blâme et les services hors tours.

d. Le Tribunal fédéral a récemment rappelé, s'agissant de la responsabilité des fonctionnaires fédéraux, qu'il n'est pas nécessaire que l'autorité disciplinaire soit informée pour que le délai d'une année commence à courir. Il s'agit, en effet, d'éliminer sans retard des situations contraires à l'ordre ou à l'exercice correct de l'activité de l'administration, afin d'éviter de nuire à l'intégrité de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6C_621/2016 du 13 juin 2016 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral a toutefois conclu qu'il n'est pas insoutenable de considérer que le délai d'une année de l'art. 37 al. 6 aLPol commence à courir seulement à partir du moment où l'autorité compétente pour infliger la peine disciplinaire apprend elle-même l'existence d'une violation des devoirs de service. À la nécessité pour l'administration d'agir sans retard, on peut opposer, de manière défendable, que la prescription d'un an ne saurait dépendre du seul comportement du supérieur hiérarchique, qui peut commettre une erreur d'appréciation sur la gravité des faits ou qui, pour d'autres motifs, tarderait à informer l'autorité compétente. Le délai de la prescription absolue de cinq ans permet en outre d'éviter que des sanctions soient prononcées pour des faits anciens dont la preuve est devenue difficile, voire impossible, et pour lesquels, au demeurant, une sanction aurait perdu de son sens (arrêt du Tribunal fédéral 6C_621/2016 précité consid. 2.5).

e. En l'espèce, à teneur de l'art. 16 al. 1 let. c LPAC, c'est le Conseil d’État qui a le pouvoir de prononcer la révocation d'un fonctionnaire. Partant, c'est donc bien au moment où le Conseil d’État, en tant qu'autorité disciplinaire, a eu connaissance de la violation des devoirs de service de la recourante qu'il a pu décider de la suite à donner au dossier et, par conséquent, que le délai de prescription a commencé à courir.

Comme l'a déjà relevé la chambre administrative, toute autre solution conduirait la hiérarchie du fonctionnaire à solliciter systématiquement de l'autorité compétente l'ouverture d'une enquête administrative pour permettre la suspension de la poursuite disciplinaire, ce qui serait souvent injustifié et/ou disproportionné (ATA/679/2009 du 22 décembre 2009 consid. 10).

Reste à déterminer à quel moment le Conseil d’État a effectivement eu connaissance des faits reprochés à la recourante. À teneur du dossier, il en a eu connaissance au plus tard au jour de la demande de constitution de l'État de Genève en qualité de partie plaignante auprès du Ministère public survenue le 12 janvier 2015. En effet, les différentes décisions rendues avant cette date l'ont été par le SPAd ou par le conseiller d'État en charge du DEAS, tout comme les différents échanges de correspondances intervenus avec la recourante ou les autorités pénales.

Il sera en conséquence retenu que le délai de prescription d’un an a commencé à courir le 12 janvier 2015.

12) Les parties s'accordent sur le fait que la prescription a été suspendue durant l'enquête administrative, ouverte le 4 février 2015.

13) Elles diffèrent en revanche sur la date de la clôture de l'enquête administrative et, partant, sur celle de la reprise du délai de prescription.

Si la recourante considère que la remise du rapport d'enquête a clos l'enquête administrative, l'intimé considère que seul le Conseil d'État disposait de la qualité pour clore celle-ci et qu'il ne l'a fait que dans son arrêté du 24 août 2016.

14) Le Conseil d’État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises. Il doit le faire dans les hypothèses visées à l’art. 16 al. 1 let. c (art. 27 al. 2 LPAC). L’intéressé est informé de l’enquête dès son ouverture et il peut se faire assister d’un conseil de son choix (art. 27 al. 3 LPAC). L'enquête doit, en principe, être menée à terme dans un délai de trente jours dès la première audition. En règle générale, il n'est procédé qu'à une seule audience au cours de laquelle les parties ainsi que d'éventuels témoins sont entendus. Les parties doivent communiquer d'emblée à l'enquêteur tous les moyens de preuve dont elles requièrent l'administration (art. 27 al. 4 LPAC). Une fois l'enquête achevée, l'intéressé peut s'exprimer par écrit dans les trente jours qui suivent la communication du rapport (art. 27 al. 5 LPAC). Le Conseil d'État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d'administration statue à bref délai (art. 27 al. 6 LPAC).

Dans l'attente du résultat d'une enquête administrative ou d'une information pénale, le Conseil d'État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d'administration peut, de son propre chef ou à la demande de l'intéressé, suspendre provisoirement un membre du personnel auquel il est reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l'autorité qu'implique l'exercice de sa fonction (art. 28 al. 1 LPAC). La suspension provisoire peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l’État ou de l’établissement (art. 28 al. 3 LPAC). À l’issue de l’enquête administrative, il est veillé à ce que l’intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale. Une décision de révocation avec effet immédiat peut cependant agir rétroactivement au jour de l'ouverture de l'enquête administrative (art. 28 al. 4 LPAC).

À teneur de l'art. 29 al. 2 LPAC, lorsque les faits reprochés à un membre du personnel peuvent faire l’objet d’une sanction civile ou pénale, l’autorité disciplinaire administrative applique, dans les meilleurs délais, les dispositions des art. 16, 21 et 27 LPAC, sans préjudice de la décision de l’autorité judiciaire civile ou pénale saisie.

15) a. Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu d’après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 138 II 557 consid. 7.1 p. 565 ;
138 II 105 consid. 5.2 p. 107 ; 132 V 321 consid. 6 p. 326 ; 129 V 258 consid. 5.1 p. 263/264 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d’interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 138 II 217 consid. 4.1 p. 224 ; 133 III 175 consid. 3.3.1 p. 178 ; 125 II 206 consid. 4a p. 208/209 ; ATA/422/2008 du 26 août 2008 consid. 7). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248 et les arrêts cités).

b. En l'espèce, le texte de l'art. 27 LPAC est clairement libellé s'agissant du déroulement de l'enquête administrative (interprétation littérale). L'ouverture est ainsi ordonnée par le Conseil d’État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration et l'enquête est confiée à une personne ayant les compétences requises (al. 2). L'enquête administrative doit être achevée dans un délai de trente jours, lequel commence après la première audition des parties et des éventuels témoins (al. 4). Si la disposition topique ne mentionne pas expressément la personne ou l'acte clôturant l'enquête administrative, elle indique que lorsque celle-ci est achevée, l'intéressé peut s'exprimer par écrit dans un délai de trente jours suivant la communication du rapport d'enquête (al. 5). À cet égard, contrairement à ce que prétend l'intimé, l'art. 27 al. 6 LPAC prévoit que le Conseil d'État statue à bref délai mais non qu'il est l'autorité compétente pour clore une enquête administrative.

Il ressort dès lors expressément de cette disposition que la communication du rapport d'enquête n'intervient qu'après l'achèvement de l'enquête administrative. Ainsi, l'enquête administrative s'ouvre sur ordre du Conseil d’État, de la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou d'un conseil d’administration et se clôture par la communication du rapport d'enquête.

c. L'interprétation littérale de cette disposition est d'ailleurs confirmée par les travaux préparatoires relatifs à la modification de la LPAC (interprétation historique). Comme susmentionné, ceux-ci reflètent d'une part la volonté du législateur de contraindre l'employeur à prendre des mesures dans un délai relativement bref après la découverte de la violation des devoirs de service
(MGC 2006-2007/VI A – 4524). D'autre part, s'ils ne révèlent pas expressément par qui ou par quoi la clôture de l'enquête administrative intervient, ils donnent quelques précisions sur le déroulement de ladite enquête :

« Le délai d'ordre de trente jours pour mener l'enquête à terme est maintenu. Il court au jour de la première et, en principe, unique audition. Pratiquement, ce laps de temps est justifié pour permettre à l'enquêteur de découvrir le dossier, de convoquer les parties et les témoins, de les entendre et de rédiger son rapport. La participation des parties est requise. Elles doivent communiquer d'emblée à l'enquêteur les moyens de preuve dont elles requièrent l'administration (art. 27 al. 4).

Un délai impératif de vingt jours est laissé à l'intéressé pour se déterminer sur le rapport d'enquête. Un tel délai reste compatible avec l'exercice correct du droit d'être entendu, dans la mesure à tout le moins où le dossier de l'enquête est accessible à l'intéressé postérieurement à (voire aux) l'audience(s) d'enquête (art. 27 al. 5) » (MGC 2005-2006/XI A – 10424).

À teneur des travaux préparatoires, l'enquête administrative arrive ainsi à terme, en principe à l'échéance d'un délai de trente jours, lorsque l'enquêteur a pu découvrir le dossier, convoquer les parties et les témoins, les entendre et rédiger son rapport.

d. Il ressort du texte des art. 27 al. 4 à al. 6 LPAC et 29 al. 2 LPAC ainsi que des travaux préparatoires que la procédure disciplinaire doit se dérouler de manière rapide. En effet, d'une part, les délais impartis pour effectuer l'enquête administrative puis s'exprimer sur le rapport d'enquête y relatif étant courts (trente jours – art. 27 al. 4 et 5 LPAC), l'autorité disciplinaire doit appliquer les dispositions des art. 16, 21 et 27 LPAC dans les meilleurs délais et statuer à bref délai (art. 27 al. 6 LPAC et 29 al. 2 LPAC). D'autre part, il ressort des travaux préparatoires susmentionnés que le législateur a souhaité contraindre l'employeur à prendre des mesures dans un délai relativement bref après la découverte de la violation des devoirs de service (MGC 2006-2007/VI A – 4524).

Ce constat quant à la rapidité de la procédure disciplinaire plaide également en faveur de l'interprétation selon laquelle l'enquête administrative se clôture par la remise du rapport d'enquête, soit dans un délai relativement bref.

À l'inverse, comme le relève à juste titre la recourante, l'interprétation de l'intimé selon laquelle l'autorité disciplinaire pourrait décider de la clôture de l'enquête administrative viderait de son sens le but de l'art. 27 al. 7 LPAC et serait contraire à la volonté du législateur de contraindre l'employeur à prendre des mesures relativement rapidement. En effet, dans cette hypothèse, l'autorité disciplinaire pourrait ordonner l'ouverture d'une enquête administrative et attendre plusieurs mois, voire plusieurs années avant de clore celle-ci, empêchant alors la prescription relative d'intervenir et laissant le fonctionnaire dans l'incertitude quant à sa situation. Ce cas de figure serait d'autant plus problématique lors de l'application de l'art. 28 al. 1 et al. 3 LPAC, lequel permet de suspendre un fonctionnaire ainsi que le versement de son traitement dans l'attente du résultat d'une enquête administrative.

e. Il convient encore de distinguer la procédure pour sanctions disciplinaires de l'enquête administrative. La section 1 du chapitre III de la LPAC est consacrée à la procédure pour sanctions disciplinaires. L'art. 27 LPAC, qui ressort de la section 1, traite ainsi de l'établissement des faits dans la procédure pour sanctions disciplinaires. À teneur de l'art. 27 al. 1 LPAC, les dispositions de la LPA et en particulier celles relatives à l'établissement des faits (art. 18 LPA et ss) sont applicables à la procédure pour sanctions disciplinaires. L'enquête administrative, prévue par l'art. 27 al. 2 à al. 5 LPAC, est quant à elle une procédure spécifique, pouvant ou devant être ordonnée par le Conseil d’État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou un conseil d’administration, dans le cadre d'une procédure pour sanctions disciplinaires.

Dans le cas d'espèce, une procédure pour sanctions disciplinaires s'est déroulée entre le 18 juin 2014 (voire même avant compte tenu des investigations déjà effectuées avant cette date par le SPAd) et le 24 août 2016. Au cours de
celle-ci, le SPAd, respectivement le DEAS et le Conseil d'État ont réuni les renseignements et procédé aux enquêtes nécessaires pour établir les faits et fonder leur décision. Dans ce contexte, une enquête administrative a été ordonnée et s'est déroulée du 4 février 2015 au 6 juillet 2015.

f. Enfin, il convient de rappeler que le délai de prescription de l'art. 27 al. 7 LPAC ne peut être suspendu que pendant la durée de l'enquête administrative. Toute autre suspension pour un autre motif que celui expressément énoncé par la loi est exclue. Ainsi, la procédure pénale ouverte contre la recourante ne suspend en l'espèce pas la prescription de la responsabilité disciplinaire.

g. Pour le surplus, l'intimé se contente d'affirmer que s'il ouvre une enquête administrative, il est de son pouvoir de la clore. Aucune argumentation spécifique n'est toutefois développée. La seule citation de doctrine (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1524 et 1525) n'est pas contraire à ce qui précède puisque s'il appartient effectivement à l'autorité disciplinaire d'ouvrir une procédure disciplinaire, il est de sa compétence de la clore par une décision. Autre est la question de l'enquête administrative confiée à un tiers pour établir les faits.

h. Compte tenu de ces développements, force est de constater que le délai de prescription relative de l'art. 27 al. 7 LPAC a commencé à courir le 12 janvier 2015 au plus tard, qu'il a été suspendu entre le 4 février 2015 et le 6 juillet 2015, et qu'il a recommencé à courir le 7 juillet 2015. La prescription était donc déjà acquise le 24 août 2016 lorsque le Conseil d'État a rendu son arrêté n° 4351-2016 prononçant la révocation de la recourante. La responsabilité disciplinaire de la recourante étant prescrite et ne pouvant dès lors plus faire l'objet d'une sanction disciplinaire, la sanction prise à son encontre devra être annulée (ATA/450/2011 du 26 juillet 2011).

16) a. Le résultat qui précède pourrait apparaître comme peu satisfaisant si les faits reprochés à la recourante devaient être retenus comme avérés, ce que la chambre administrative n’a pas à analyser compte tenu des développements ci-dessus.

b. Or, conformément à l'art. 29 al. 2 LPAC, dans la mesure où les faits reprochés à la recourante peuvent faire l'objet d'une sanction pénale, et font d'ailleurs l'objet d'une enquête pénale, l'intimé aurait pu rendre une décision disciplinaire dans les meilleurs délais, sans préjudice de la décision de l'autorité pénale saisie.

Elle ne l'a manifestement pas fait en prononçant la révocation de la recourante plus d'une année après la remise du rapport de l'enquête administrative lequel indiquait pourtant que Mme A______ avait commis des manquements graves à ses obligations, de nature à rompre à la fois la confiance placée par les administrés en l'État et celle placée par celui-ci dans son employée.

c. Par ailleurs, si l'intimé pensait réellement que l'issue de la procédure pénale était indispensable à sa prise de décision, elle aurait pu suspendre l'enquête administrative (application de l'art. 14 LPA selon le renvoi de
l'art. 28 al. 1 LPAC), ce qui aurait également permis de suspendre le délai de prescription. Cette possibilité ressort également expressément des travaux préparatoires susmentionnés (MGC 2006-2007/VI A – 4524), même si elle doit rester l'exception dans la mesure où l'autorité disciplinaire devrait être en mesure d'apprécier elle-même l'existence d'une violation des devoirs, sans la faire dépendre d'une éventuelle procédure pénale, celle-ci n'étant pas toujours nécessaire (ATA/27/2012 du 17 janvier 2012 consid. 4).

Le Conseil d’État a souhaité obtenir la qualité de partie plaignante et consulter le dossier pénal dès le 12 janvier 2015 soit avant même l’ouverture de l’enquête administrative. Il s’est toutefois abstenu de toute relance dans le cadre de la procédure pénale jusqu’à la remise du rapport d’enquête administrative et n’a rien entrepris non plus pour suspendre l’enquête administrative.

d. Ce faisant, en renonçant à statuer sur le plan disciplinaire pendant plus d’une année, l’intimé a laissé la recourante dans l’incertitude sur sa situation, ce qui va clairement à l'encontre des principes de droit disciplinaire.

17) Les conclusions de la recourante en levée immédiate de sa suspension et en paiement du rétroactif du traitement sont exorbitantes au litige, celui-ci étant circonscrit au prononcé, le 24 août 2016, de la révocation de la recourante. Elles ne sont en conséquence pas recevables.

18) Au vu de ce qui précède, la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties au sens de l'art. 32 al. 3 LPAC n'a plus d'objet.

19) La recourante étant au bénéfice de l'assistance judiciaire, aucun émolument ne sera perçu (art. 12 et 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et, vu l'issue du litige, une indemnité de CHF 1'000.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement le recours interjeté le 26 septembre 2016 par Madame A______ contre l'arrêté du Conseil d'État n° 4351-2016 du 24 août 2016 dans la mesure où il est recevable ;

constate que l'action disciplinaire à l'encontre de Madame A______ est prescrite ;

annule l'arrêté du Conseil d'État n° 4351-2016 du 24 août 2016 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à Madame A______ à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me David Metzger, avocat de la recourante ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :