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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1222/2012

ATA/94/2013 du 19.02.2013 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 19.04.2013, rendu le 14.05.2013, IRRECEVABLE, 8C_279/2013
Descripteurs : ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; MESURE DISCIPLINAIRE ; SANCTION ADMINISTRATIVE ; PRESCRIPTION ; ENQUÊTE ADMINISTRATIVE ; POLICE
Normes : Cst.29.al2 ; LPol.36.al2 ; LPol.37.al6 ; LPol.37.al1 ; LPol.37.al2 ; LPol.36.al1.letb ; RPol.15 ; LPA.61.al2
Résumé : La cheffe de la police est l'autorité disciplinaire compétente pour infliger des services hors tour. Elle ne peut ouvrir qu'une enquête disciplinaire. L'action disciplinaire se prescrit par un an à compter du moment où l'autorité disciplinaire compétente a eu connaissance de la violation des devoirs de service et qu'elle a été en mesure de décider de la suite à donner au dossier. En l'espèce, la cheffe de la police n'a eu connaissance des circonstances de l'accident de la circulation et partant des violations aux devoirs de service que lors de la réception du rapport d'accident, le rapport de renseignement établi précédamment ne comportant que des informations principalement relatives à la vitesse du véhicule. Le délai de prescription n'était pas atteint.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1222/2012-FPUBL ATA/94/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 février 2013

 

dans la cause

 

Madame X______
représentée par Me Robert Assaël, avocat

contre

LA CHEFFE DE LA POLICE

 



EN FAIT

1) Madame X______, née le ______ 1985, a été nommée gendarme au sein de la police genevoise, stationnée au poste de gendarmerie d’Y______.

2) Alors qu’elle était en service et transportait à l’arrière du véhicule qu’elle conduisait un prévenu menotté et un autre policier, Monsieur Z______, le dimanche 6 mars 2011, peu avant 4h00 du matin, Mme X______, a pris en chasse une voiture. Elle a circulé en ville à une vitesse élevée (avec une pointe à 136 km/h selon les données enregistrées sur le tachygraphe du véhicule, soit à une vitesse excessive de 122 km/h après déduction d'une marge de sécurité de 14 km/h), sans ceinture de sécurité et sans avoir enclenché la sirène, et elle a heurté une voiture de tourisme venant en sens inverse à l'avenue de la Roseraie.

3) Le 7 mars 2011, la brigade transports et environnement de la gendarmerie a établi un rapport de renseignements portant sur l'analyse de l'enregistreur de données du véhicule de service utilisé la veille par Mme X______.

L'analyse des 12 derniers kilomètres parcourus permettait de déterminer que trois pistes paramétrées, à savoir frein de service, feux de croisement et feux bleus, avaient été actionnées de manière fractionnée. Dans les 700 derniers mètres avant l'accident, la vitesse chutait à 54 km/h (650 m) pour remonter à 136 km/h ( 193 m), et passer dans les 70 derniers mètres de 119 km/h à 73 km/h au moment de l'impact. L'enregistreur de données avait cessé de fonctionner quelques dixièmes de secondes après le choc. Conformément aux directives de l'office fédéral des routes, une marge de sécurité de 14 km/h devait être déduite des vitesses enregistrées.

4) Le 23 mars 2011, la brigade de sécurité routière de la gendarmerie a établi un rapport d'accident en lien avec les faits du 6 mars 2011.

Mme X______ conduisait un véhicule de police participant à la poursuite d'une voiture circulant à vive allure sur l’avenue de la Roseraie en direction de la rue Lombard. Peu après la rue Alcide-Jentzer, alors que l'avenue de la Roseraie décrivait une courbe à droite et que la visibilité était masquée par un chantier bordant la chaussée sur sa droite par rapport à son sens de marche, Mme X______, circulant à une vitesse de 105 km/h (après déduction d'une marge de sécurité de 14 km/h), avait été surprise par la présence d'une voiture de tourisme circulant en sens inverse. Au vu de sa vitesse, le véhicule de police s'était déporté vers la gauche de la chaussée. La conductrice n'avait pas pu s'arrêter sur la moitié de la distance sur laquelle portait sa visibilité. Malgré un freinage d'urgence et une tentative d'évitement, Mme X______ avait heurté violemment l'automobile venant en sens inverse, qui circulait normalement en direction du quai Capo-d'Istria.

Les deux policiers ne portaient pas leur ceinture de sécurité, et avaient été grièvement blessés, tandis que le prévenu l'avait été légèrement. Les feux bleus du véhicule avaient été enclenchés, mais non la sirène.

La conductrice avait commis deux fautes de circulation, à savoir une conduite à une vitesse inadaptée aux circonstances et l'absence de port de la ceinture de sécurité.

5) Ces deux rapports ont été adressés à la cheffe de la police ainsi qu'au Ministère public (ci-après : MP) le 29 mars 2011.

6) L’office cantonal des automobiles et de la navigation (ci-après : OCAN), a retiré le permis de conduire de Mme X______ le 19 avril 2011 pour une durée de trois mois.

7) Le 14 juin 2011, la cheffe de la police a sollicité du procureur en charge du dossier certains documents qui lui permettraient d’ouvrir ou de suspendre une procédure disciplinaire à l’encontre de Mme X______ dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

8) Le 14 juillet 2011, la cheffe de la police a informé Mme X______ de sa décision d’ouvrir une enquête disciplinaire. La procédure était suspendue jusqu’à droit connu dans la procédure pénale. Le comportement de Mme X______ constituait un manquement susceptible d’une sanction disciplinaire.

9) Le 2 novembre 2011, Mme X______ a été entendue dans le cadre de l’enquête disciplinaire. Elle a reconnu les manquements qui lui étaient reprochés, concernant la conduite des véhicules de service, la conduite d’urgence et les règles déontologiques.

Un individu avait été intercepté sur les lieux d’un cambriolage. Elle devait le transporter au poste de Plainpalais. Elle conduisait le véhicule de service. Son collègue et supérieur, M. Z______, était assis à l’arrière à côté du prévenu.

En chemin, en croisant une patrouille de collègues arrêtée sur le bord de la route, elle avait décidé de s’arrêter pour prêter main-forte à ses collègues. Le véhicule interpellé par ces derniers prenait la fuite au même moment. Elle s’était mise à poursuivre le fuyard, tout comme ses collègues. M. Z______ avait immédiatement informé la centrale de la situation. Mme X______ avait allumé les feux bleus mais pas la sirène. Dans la course-poursuite, en empruntant la rue de la Roseraie, elle avait ralenti, sachant qu’il y avait un virage. En revanche, elle ignorait la présence de travaux. Lorsqu’elle s’était engagée dans la courbe, elle s’était retrouvée face à un véhicule de tourisme venant en sens inverse. Malgré un freinage d’urgence, elle n’avait pas pu l’éviter et l’avait percuté. Tout au long de la prise en chasse du fuyard, elle avait gardé en ligne de mire la voiture de patrouille qui la précédait et pensait que ses collègues avaient « ouvert » la route. Elle connaissait cet endroit et à aucun moment, M. Z______ ne lui avait demandé de ralentir ou de faire attention.

10) L’inspection générale des services de la police (ci-après : IGS) a établi un rapport d’enquête disciplinaire le 7 novembre 2011.

Les deux passagers du véhicule de tourisme, le brigadier Z______ et Mme X______ avaient été grièvement blessés lors de la collision. Le détenu assis à l’arrière droit du véhicule de service avait, quant à lui, été légèrement blessé.

Après analyse de l’enregistreur de données du véhicule de service accidenté, la vitesse maximale enregistrée au moment où la gendarme progressait à la hauteur des travaux et entamait la courbe était de 119 km/h après les déductions. La vitesse enregistrée au moment de la collision avec la voiture de tourisme était de 73 km/h, vitesse réduite à 59 km/h après les déductions. Seuls les feux bleus du véhicule de service étaient enclenchés, mais pas la sirène (avertisseur à deux sons alternés).

Mme X______ avait admis avoir contrevenu aux ordres de service réglementant la conduite des véhicules de service et la conduite en urgence, ainsi qu’au code de déontologie de la police genevoise.

11) Le 13 février 2012, Mme X______ a été entendue dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre.

A aucun moment elle n’avait estimé sa conduite inadaptée aux circonstances. Son collègue et supérieur M. Z______ lui aurait fait une remarque si tel avait été le cas. Elle connaissait bien son supérieur, qui lui avait toujours fait des remarques opportunes lorsque c’était nécessaire.

Elle ne savait pas si le détenu avait été attaché. Elle n’avait pas accroché la ceinture de celui-ci et était partie du principe que cela avait été fait.

Elle avait pris conscience de son comportement et de ses manquements. Elle avait compris ses fautes et s’engageait à ne pas recommencer.

Un délai de dix jours lui a été imparti pour formuler par écrit ses observations.

12) Le 13 mars 2012, en se fondant sur le rapport de renseignements du 7 mars 2011, sur le rapport d’accident de la circulation du 23 mars 2011, sur le rapport de renseignements du 10 mai 2011 de la gendarme X______, sur le rapport d’enquête administrative du 7 novembre 2011 rédigé par l’IGS, sur l’audition de la gendarme du 13 février 2012 et en l’absence d’observations écrites formulées par celle-ci, la cheffe de la police a décidé d’infliger à la gendarme X______ 4 services hors tour, sur la base de l’art. 36 al. 1 let. b et al. 2 de la loi sur la police du 26 octobre 1957 (LPol - F 1 05).

La faute de la gendarme était d’une certaine gravité, car elle avait accepté de faire courir un risque inconsidéré à un prévenu placé sous la protection de la police en le mêlant à une « course-poursuite ». Une telle course était dangereuse et la gendarme n’avait pas attaché sa ceinture, ni enclenché la sirène. Elle avait atteint des vitesses excessives hors de toute proportionnalité (pointe à 136 km/h, avant déduction), et de graves conséquences pouvaient lui être reprochées concernant ses propres blessures, celles des occupants de la voiture en sens inverse et dans une moindre mesure s’agissant de celles de son collègue, qui n’avait pas attaché sa ceinture de sécurité.

Mme X______ avait reconnu ses manquements quant au port obligatoire de la ceinture de sécurité et l’interdiction absolue de mêler un prévenu à une « course-poursuite » dans un véhicule de service. S’agissant de la vitesse excessive du véhicule, la cheffe de la police a retenu qu’en dépit de l’infraction de son supérieur hiérarchique, le brigadier chef de groupe Z______, elle aurait dû réaliser que sa vitesse était excessive, puisqu’elle circulait à plus du double de la vitesse autorisée, de nuit, en pleine ville et à proximité d’un hôpital, dans une courbe et sans avoir enclenché la sirène.

La responsabilité principale de l’accident mettant en danger un prévenu menotté était imputable à Mme X______. Il convenait néanmoins de tenir compte de circonstances atténuantes, à savoir que son chef de groupe était présent et ne l’avait pas dissuadée d'agir. De plus, elle avait également subi personnellement de graves conséquences. Enfin, elle était jeune, disposait d’une faible expérience et n’avait pas d’antécédent au moment des faits. Elle semblait avoir saisi la portée de ses actes et entrepris de ne plus les réitérer.

13) Le 12 avril 2012, à la demande de Mme X______, le chef du service juridique de la police a transmis son dossier à son conseil, sauf les rapports des 7 mars, 23 mars et 10 mai 2011. En effet, en raison de l’enquête en cours diligentée à l’encontre de Mme X______ par le MP, les rapports en question étaient soumis au secret de l’instruction pénale. Une demande de « n’empêche » du 14 juin 2011 avait été refusée par le MP. Une demande d’accès au dossier pénal avait été adressée à une date inconnue au Procureur général en personne et était en attente de réponse.

14) En date du 13 avril 2012, le conseil de Mme X______ a requis du MP l’accès aux rapports de renseignements des 7 mars et 10 mai 2011 et au rapport d’accident du 23 mars 2011, dans la mesure où la décision administrative rendue à l’encontre de Mme X______ se fondait sur les rapports en question.

15) Le MP a répondu, en date du 25 avril 2012, en se fondant sur l’art. 101 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), qu’il appartenait le cas échéant à la juridiction administrative saisie de demander l'apport des pièces du dossier pénal.

16) Le 27 avril 2012, Mme X______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de Justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 13 mars 2012, en concluant à son annulation et à l'octroi d'une indemnité de procédure. A titre préliminaire, elle a requis la production par la police des rapports de renseignement des 7 mars et 10 mai 2011 et du rapport d'accident du 23 mars 2011.

Suite à l’accident du 6 mars 2011, elle avait été en arrêt de travail à 100 % jusqu’au 25 avril 2011. Elle avait subi une fracture de trois côtes, une entorse à la cheville et une lacération du foie. Elle avait également été choquée par l’accident. Le 13 mars 2012, la cheffe de la police avait rendu sa décision en se fondant notamment sur les rapports de renseignements du 7 mars et 10 mai 2011 et du rapport d’accident du 23 mars 2011. Elle n’avait pas eu accès à ces documents malgré ses demandes et celles du service juridique de la police au MP.

L’art. 37 al. 6 LPol prévoyait une prescription relative d’une année après la découverte de la violation des devoirs de service, et une prescription absolue de cinq ans après la dernière violation.

L’accident avait eu lieu le 6 mars 2011 et la police en avait été informée le jour même. Le 7 mars 2011, la brigade transport et environnement avait analysé l’enregistreur de données du véhicule de service conduit par Mme X______ et avait pu constater les violations à ses devoirs de service. Un rapport de renseignements avait été établi le même jour. La découverte de la violation desdits devoirs datait du jour de l’accident, voire au plus tard du lendemain. La prescription était donc parvenue à échéance le 7 mars 2012. La sanction disciplinaire ayant été prononcée après cette date, la décision querellée devait être annulée.

Enfin, le principe de proportionnalité n'avait pas été respecté. Même si la cheffe de la police avait mentionné les graves conséquences de l’accident pour la recourante, elle n’avait pas examiné l’application de l’art. 54 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), applicable en l’espèce, puisque la recourante a été blessée et totalement empêchée de travailler pendant presque deux mois après l’accident. La cheffe de la police avait certes retenu que la responsabilité de la recourante était diminuée en raison de la présence de son chef qui ne l’avait pas dissuadée d’agir de la sorte, de son jeune âge, de sa faible expérience, de l’absence d’antécédent et de l’atteinte personnelle subie. Elle avait toutefois omis de prendre en considération que la recourante, dès sa première audition, avait toujours collaboré et n’avait jamais minimisé les faits. L’absence de réaction de son chef l’avait de surcroît confortée dans son comportement qu’elle pensait être adapté. Il ne s’agissait pas d’une « course-poursuite ». Une sanction n'était pas justifiée.

17) Le 8 juin 2012, la cheffe de la police a conclu au rejet du recours.

L’ouverture de l’enquête disciplinaire reposait essentiellement sur le rapport d’accident établi le 23 mars 2011 par la brigade de la sécurité routière.

La notion de violation des devoirs de service était sujette à interprétation. La cheffe de la police pouvait avoir connaissance d’une violation des devoirs de service au plus tôt lorsque les faits lui étaient dénoncés et au plus tard lors de l’entrée en force d’une possible décision pénale. C’était dans ce laps de temps que le dies a quo du délai de l’action disciplinaire était invariablement fixé. La découverte d’une violation des devoirs de service ne pouvait exister au sens de l’art. 37 al. 6 LPol que lorsque l’ensemble des faits pertinents pour une prise de décision étaient établis. L’intimée a aussi relevé que la connaissance de l’accident n’apportait rien quant à la découverte d’une violation des devoirs de fonction.

Dans le cas d’espèce, le rapport d’accident complet avait été rédigé en date du 23 mars 2011. Ce document, comme le rapport de renseignements du 7 mars 2011, avait été expédié le 29 mars 2011 et réceptionné par la cheffe de la police le 1er avril 2011. Quant à la décision de l’OCAN, la cheffe de la police n’en avait eu connaissance qu’à la réception du rapport d’informations rédigé par la recourante le 10 mai 2011. C’était donc le 1er avril 2011 au plus tôt que la cheffe de la police avait découvert la violation des devoirs de service. Et la sanction de l’intimée avait été prononcée avant l’échéance du délai annuel de prescription.

Concernant le droit d’être entendu, le dies a quo du délai disciplinaire aurait, en l’espèce, dû être suspendu tant que les informations pénales n’étaient pas devenues exploitables. La connaissance de la situation ne suffisait pas, il fallait encore pouvoir se servir de cette connaissance. La procédure pénale n’était pas encore arrivée à son terme au moment du dépôt du recours.

L’intimée se référait aux éléments pris en compte dans la motivation circonstanciée de sa décision, et qui respectaient le principe de proportionnalité. Par ailleurs, bien que la gendarme eût été blessée, elle n’avait pas attaché sa ceinture de sécurité comme elle était tenue de le faire. Il avait en sus été tenu compte de la responsabilité de son chef de groupe. Cependant, la responsabilité primaire incombait au conducteur et se devait d'être plus lourde. La disproportion du comportement de la recourante était patente au regard de la vitesse absolue, ainsi que des circonstances de temps et de lieux. Plusieurs fautes (ceinture non crochée, prévenu à bord, excès de vitesse démesuré, sirène non enclenchée) d'une gravité indiscutable avaient été commises. La cheffe de la police aurait pu envisager une sanction au niveau départemental. C’était en tenant compte de ces circonstances atténuantes que la sanction infligée avait été abaissée à un minimum admissible, et était même clémente.

18) La recourante a répliqué le 9 août 2012. Elle a persisté dans ses conclusions et développements, sous réserve du grief du droit d’être entendu, puisqu’elle avait eu accès à la procédure pénale qui contenait les pièces manquantes dans la procédure administrative.

Aucun élément du dossier ne permettait d’affirmer que la décision d’ouverture de l’enquête disciplinaire reposait sur le rapport d’accident du 23 mars 2011. Rien ne prouvait non plus que la cheffe de la police ait reçu le 1er avril 2011 ledit rapport ainsi que le rapport de renseignements du 7 mars 2011. De toute manière, la prescription était donnée. En effet, le 7 mars 2011, la brigade avait analysé l’enregistreur de données du véhicule de service de la recourante. C’était à cette date que les prétendues violations avaient pu être constatées, un rapport de renseignements ayant été établi le jour même. C’était le jour où la police avait eu connaissance des faits qui était déterminant.

Le rapport de renseignements du 7 mars 2011 contenait des constatations objectives et incontestables suffisantes pour démontrer la violation des devoirs de service. C’était donc à cette date que l’information à la hiérarchie avait été faite. Contrairement à ce qu’affirmait l’intimée, le fait que les déclarations des parties ne figurent pas dans le rapport du 7 mars 2011, ni même les indications concernant la chaussée, le port de la ceinture de sécurité et les limitations de vitesse ne changeait rien à la réalité des potentielles violations qui découlaient dudit rapport, puisque la décision querellée se fondait presque exclusivement sur une vitesse excessive établie par le rapport en question.

Enfin, dans son appréciation de la proportionnalité, la cheffe de la police avait omis d’examiner l’application de l’art. 54 CP, qui aurait dû l’amener à une exemption de sanction, et tenir compte de sa collaboration.

19) Dans sa duplique du 28 septembre 2012, la cheffe de la police a persisté dans ses conclusions et demandé à la chambre de céans de se prononcer sur la question du droit d’être entendu, car l’accès à la procédure pénale semblait être un point essentiel pour la recourante.

L’intimée a affirmé qu’elle ne disposait que du rapport d’accident du 23 mars 2011 au moment de l’ouverture de l’enquête disciplinaire. Elle ne pouvait donc pas se prononcer sur la base d’un autre document. Le timbre de réception du 1er avril 2011 attestait qu’elle n'avait pris connaissance de ces documents qu'à cette date. La mention « à joindre » en haut du rapport de renseignements du 7 mars 2011 indiquait que ce rapport devait être joint au rapport d’accident du 23 mars 2011 et former un tout. La découverte d’un manquement ne pouvait exister que lorsque l’autorité compétente, à savoir elle-même, avait connaissance des faits. L’énumération par la recourante des éléments contenus dans le rapport de renseignements du 7 mars 2011 démontrait que ledit rapport ne contenait pas les faits pertinents, tels le port de la ceinture, la présence d’un prévenu à bord, l’état de la chaussée, etc. L’éclairage de ce rapport sur un éventuel manquement aux devoirs de service n’était donc que partiel. Le rapport d’accident du 23 mars 2011 avait complété et précisé de nombreux éléments.

Le dies a quo avait commencé à courir au plus tôt dès que le MP avait autorisé l’accès au dossier détenant des éléments pertinents en matière administrative, et au plus tard à la fin de la procédure pénale, lorsque l’appréciation du manquement coïncide exactement avec l’examen pénal.

20) Le 3 octobre 2012, le juge délégué a imparti un délai au 26 octobre 2012 pour permettre à Mme X______ de faire valoir son droit à la réplique.

21) Le 26 octobre 2012, Mme X______ a maintenu intégralement ses conclusions.

22) Le 25 janvier 2013, sur demande du juge délégué, Mme X______ a transmis à la chambre administrative copie des rapports des 7 et 23 mars 2011.

23) Le 30 janvier 2013, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 8 février 2013 pour formuler d'éventuelles observations en lien avec ces deux documents, après quoi la cause serait gardée à juger.

24) Le 8 février 2013, Mme X______ a persisté dans ses conclusions. La cheffe de la police n'a quant à elle pas réagi.

25) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Mme X______ a été nommée gendarme. Elle est donc soumise à la loi sur la police (art. 6 al. 1 let. g LPol).

3) Le droit d’être entendu, tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/667/2010 du 28 septembre 2010 ; ATA/415/2008 du 26 août 2008 consid. 6a et les arrêts cités).

4) En l’espèce, la gendarme a invoqué dans son recours du 27 avril 2012 qu’elle n’avait pas pu avoir accès aux rapports de renseignements du 7 mars 2011 et d’accident du 23 mars 2011, sur lesquels se fondaient la décision querellée. Cependant, dans sa réplique du 9 août 2012, la recourante affirme qu’elle a pu, dans l’intervalle, prendre connaissances desdites pièces, initialement soumises au secret pénal, et manquant à la procédure administrative. Dès lors, le grief de la violation du droit d’être entendu sera écarté.

5) La recourante prétend que la prescription de l’action disciplinaire est atteinte. Les parties divergent sur la personne qui doit avoir connaissance de la violation des devoirs de service pour fixer le dies a quo du délai de prescription de la responsabilité disciplinaire.

6) La cheffe de la police est compétente pour prononcer le blâme et les services hors tour (art. 36 al. 2 LPol).

7) La responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation ; la prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l'enquête administrative (art. 37 al. 6 LPol).

8) Avant le prononcé par écrit du blâme et des services hors tour, l'intéressé doit être entendu par le chef de la police et invité à se déterminer sur les faits qui lui sont reprochés (art. 37 al. 1 LPol). Sauf les cas de crime ou de délit, la réduction du traitement pour une durée déterminée, la dégradation et la révocation ne peuvent être prononcées sans qu'une enquête administrative, dont l'intéressé est immédiatement informé, ait été ordonnée par le chef du département et sans qu'il ait été entendu par ce magistrat. Les résultats de l'enquête et la sanction proposée sont communiqués à l'intéressé afin qu'il puisse faire valoir ses observations éventuelles (art. 37 al. 2 LPol).

9) L’art. 37 al. 6 LPol ne mentionne pas qui, au sein du corps de police, doit avoir connaissance de la violation des devoirs de service pour faire courir le délai de prescription. Cependant, au regard des travaux préparatoires relatifs à la modification de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et ayant modifié en conséquence la LPol, le législateur a souhaité, en instaurant une prescription relative d’un an, contraindre l’employeur à prendre des mesures dans un délai relativement bref après la découverte de la violation des devoirs de service, ceci sans autre précision (Mémorial des séances du Grand Conseil, 2006-2007/VI D 29, séance du 23 mars 2007, ch. 7 Prescription des sanctions disciplinaires). La chambre de céans a déjà jugé que l’art. 37 al. 6 LPol fait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police (ATA/679/2009 du 22 décembre 2009).

10) En l’espèce, l’autorité disciplinaire qui a le pouvoir d’infliger des services hors tour est la cheffe de la police, à teneur de l’art. 36 al. 2 LPol. Partant, c’est donc bien au moment où la cheffe de la police, en tant qu’autorité disciplinaire, a eu connaissance de la violation des devoirs de service qu’elle a pu décider de la suite à donner au dossier et, par conséquent, que le délai de prescription a commencé à courir.

11) Par ailleurs, le 7 novembre 2011, un rapport d’enquête a été établi. Ce document, intitulé à tort « enquête administrative », est en réalité un rapport d’enquête disciplinaire. En effet, le chef du département, seul compétent pour ordonner une enquête administrative (ATA/27/2012 du 27 janvier 2012 consid. 3b), n’a jamais informé Mme X______ de l’ouverture de celle-ci et ne l’a pas entendue dans ce cadre. Partant, il n’y a pas eu de suspension de la prescription de la responsabilité disciplinaire dans le cas présent.

12) Les parties divergent également sur la notion de « découverte de la violation des devoirs de service » s’agissant des actes déterminant le dies a quo du délai de prescription.

13) Ni l’art. 37 al. 6 LPol, ni les travaux préparatoires relatifs à la modification de la LPAC et modifiant la LPol ne définissent cette notion de la découverte pour permettre de fixer le dies a quo du délai de prescription (Mémorial des séances du Grand Conseil, 2006-2007/VI D 29, séance du 23 mars 2007, ch. 7). Toutefois, la chambre de céans a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la question.

Dans une affaire d’homicide par négligence et d’omission de porter secours, elle a considéré que c’était à la réception de l’acte (en l’occurrence un prononcé de la chambre d’accusation) ayant permis à la cheffe de la police de « découvrir » la violation des devoirs de service que la date de la découverte devait être arrêtée (ATA/679/2009 du 22 décembre 2009).

De même, concernant des notes de frais établies sans droit par un cadre de la police, ce dernier avait été sanctionné par la cheffe de la police. La date de la découverte de la violation des devoirs de service correspondait à celle de la réception du rapport d’enquête administrative de l’IGS ayant permis à la cheffe de la police de prendre connaissances des faits reprochés (ATA/667/2010 du 28 septembre 2010).

Enfin, s’agissant d’un policier qui n’était pas en service et qui roulait en état d’ébriété sur l’autoroute, la chambre de céans a jugé que la prescription était atteinte dès lors qu'un an avant le prononcé de la sanction, l’accident du recourant avait eu lieu et ses circonstances avaient été connues de la police dès ce moment, l’intéressé en ayant informé le commandant de la gendarmerie. De plus, tant l’ordonnance de condamnation du Procureur général que la décision de retrait de permis de conduire étaient définitifs (ATA/27/2012 du 17 janvier 2012 consid. 4).

14) En l’espèce, la cheffe de la police a fondé sa décision sur les tous premiers éléments qui lui ont été remis dans ce dossier, à savoir le rapport de renseignements du 7 mars 2011 et le rapport d’accident du 23 mars 2011. La recourante soutient que le rapport de renseignements du 7 mars 2011 aurait suffi pour permettre à la cheffe de la police la découverte de la violation des devoirs de service.

Le rapport de renseignements du 7 mars 2011 contenait les informations qui avaient pu être extraites de l'enregistreur de données du véhicule de service. Il en résulte des informations principalement relatives à la vitesse du véhicule, et au fait que les feux bleus du véhicule de service étaient enclenchés ; il n'en résulte qu'implicitement que la sirène ne l'était pas. A l'exception de ce dernier point, il n'en résultait pas encore qu'une violation des devoirs de service avait été commise. Le rapport d’accident de la circulation du 23 mars 2011 apportait en revanche à cet égard les renseignements nécessaires sur les circonstances de l’accident, telles que la présence d’un prévenu menotté à bord, la raison du déplacement à grande vitesse en ville, l'inadéquation de cette vitesse, l'absence de port de la ceinture de sécurité par les policiers, ou encore la présence et l’absence de réaction du supérieur de la recourante à l’arrière du véhicule de service. Partant, la découverte de l’accident et de ces circonstances précises, permettant de déterminer la suite à donner au dossier, a eu lieu au moment de la réception, par la cheffe de la police, du rapport d'accident du 23 mars 2011.

Point n'est besoin toutefois d'examiner si cette dernière a reçu les deux rapports le 1er avril 2011, comme elle l'allègue, dès lors que le rapport d'accident ne pouvait en aucune façon lui parvenir avant le 23 mars 2011, date de son établissement. Même en retenant comme dies a quo cette dernière date, et non le 29 mars ou le 1er avril 2011, la décision du 13 mars 2012 est donc intervenue pendant le délai d’une année, qui serait alors venu à échéance le 22 mars 2012. Le grief relatif à la prescription sera donc écarté.

15) Reste à examiner si l’autorité disciplinaire a infligé à juste titre une sanction disciplinaire de 4 services hors tour à la recourante.

Les gendarmes qui manquent à leurs devoirs peuvent se voir infliger, à titre de sanction disciplinaire et suivant la gravité du cas, un blâme, des services hors tour, une réduction de traitement pour une durée déterminée, une dégradation ou être révoqués. (art. 6 al. 1 let. g cum 36 al. 1 let. b LPol et art. 15 du règlement d’application de la LPol, du 25 juin 2008 - RPol - F 1 05.01).

L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Cependant, elle doit respecter le principe de la proportionnalité (Arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2 ; 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. A cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232 ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c p. 121 ; ATF 98 Ib 301 consid. 2b p. 306 ; ATF 97 I 831 consid. 2a p. 835 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c.bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003 ; ATA/605/2011 du 27 septembre 2011 ; ATA/820/2010 du 23 novembre 2010 ; ATA/679/2010 du 5 octobre 2010 ; ATA/618/2010 du 7 septembre 2010 et la jurisprudence citée). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/605/2011 du 27 septembre 2011).

16) En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen du tribunal de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/607/2012 du 11 septembre 2012 consid. 3b ; ATA/192/2012 du 3 avril 2012 ; ATA/142/2011 du 8 mars 2011 ; ATA/820/2010 du 23 novembre 2010).

17) En l’espèce, l’autorité disciplinaire a estimé que la recourante, sans avoir enclenché la sirène et sans avoir attaché sa ceinture de sécurité, circulait à une vitesse extrêmement élevée, en pleine ville, de nuit et à proximité d’un hôpital. Elle a ainsi mis en danger sa vie, et celle de son collègue, mais aussi et surtout celle du prévenu dont ils avaient la garde, de même que celle des personnes se trouvant dans le véhicule venant en sens inverse et de toutes les autres personnes croisées lors de son cheminement. Le simple fait de prendre en chasse un véhicule tout en ayant à bord un prévenu menotté constituait en soi une violation des devoirs de service. Compte tenu de la gravité des faits, et malgré la prise en compte de certaines circonstances atténuantes, telles que le peu d’expérience de la recourante, la présence de son supérieur qui ne l’a pas empêchée d’agir de la sorte, l’absence d’antécédent, ainsi que du fait qu’elle a elle-même été blessée, l’autorité disciplinaire n’a en tout cas pas violé le principe de proportionnalité en infligeant une sanction disciplinaire de 4 services hors tour. Au contraire, elle a infligé une sanction qu'elle qualifie elle-même, à juste titre, de clémente.

18) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

19) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 avril 2012 par Madame X______ contre la décision de la cheffe de la police du 13 mars 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame X______ ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assaël, avocat de la recourante ainsi qu'à la cheffe de la police.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :