Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/16579/2022

ACJC/211/2024 du 08.02.2024 sur OSQ/35/2023 ( SQP ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16579/2022 ACJC/211/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 8 FEVRIER 2024

 

Entre

A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY), domiciliée ______, Russie, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 28 août 2023, représentée par Me Guerric CANONICA, avocat, Canonica Valticos & Associés SA, rue Pierre Fatio 15, case postale 3782, 1211 Genève 3,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par Me Jean-Paul VULLIETY, avocat, Des Gouttes & Associés, avenue de Champel 4, 1206 Genève.


EN FAIT

A. Par jugement OSQ/35/2023 du 28 août 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a, à la forme, déclaré recevable l'opposition formée le 17 octobre 2022 par B______ contre l'ordonnance de séquestre rendue le 15 septembre 2022 dans la cause C/16579/2022 (ch. 1 du dispositif), et, au fond, l'a admise (ch. 2), a révoqué en conséquence l'ordonnance de séquestre rendue le 15 septembre 2022 dans la présente cause (ch. 3), a mis les frais judiciaires – dont il a été fait masse -, arrêtés à 4'000 fr., à la charge de A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY), compensés avec les avances fournies, condamnée à verser au précité 2'000 fr. à titre de restitution de l'avance de frais, les Services financiers du Pouvoir judiciaire devant restituer à A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY) la somme de 1'000 fr. (ch. 4 à 6), a condamné la précitée à verser à B______ 10'000 fr. à titre de dépens (ch. 7) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

En substance, le Tribunal a retenu que A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY) (ci-après : A______) avait rendu vraisemblable disposer de deux créances en remboursement du prêt à l'encontre de C______ SARL, prêt dont notamment B______ s'était porté caution. Toutefois, ledit prêt était garanti par plusieurs gages mobiliers et A______ n'avait pas rendu vraisemblable que lesdits gages ne suffiraient pas à couvrir sa créance. L'une des conditions posées à l'art. 271 al. 1 LP faisait ainsi défaut, de sorte que le séquestre devait être levé. Il n'y avait dès lors pas lieu d'examiner les conditions de l'exequatur des jugements russes.

B. a. Par acte déposé le 8 septembre 2023 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que la Cour reconnaisse et déclare exécutoire en Suisse le jugement rendu le 22 octobre 2020 par le Tribunal d'arrondissement de D______ de la ville de E______ (Russie), de même que le jugement rendu le 9 novembre 2021 par le Tribunal de la ville de E______, rejette l'opposition formée par B______ contre l'ordonnance de séquestre (portant sur la parcelle 1______ sise dans la commune de F______ [GE], propriété du précité) et ordonne le maintien dudit séquestre, sans l'astreindre à fournir de caution ou de sûretés.

b. Par décision du 11 septembre 2023, la Cour a constaté que la requête d'effet suspensif formée par A______ était sans objet.

c. Dans sa réponse du 2 octobre 2023, B______ a conclu, sous suite de frais et dépens, principalement, au rejet du recours, et, subsidiairement, à la condamnation de A______ à fournir des sûretés d'au minimum 175'000 fr.

d. Par réplique et duplique des 13 et 25 octobre 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

e. Elles ont été avisées par plis du greffe du 14 novembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ est une banque sise à G______ en Russie.

b. B______, homme d'affaires russe, a fondé la société russe C______ SARL (ci-après : C______), dont il détient le 20 % des parts.

c. Il a été arrêté en 2020 et est placé en détention provisoire en Russie depuis lors.

d. Le 22 novembre 2017, A______ et C______ ont conclu un contrat de crédit (n° 2______), aux termes duquel la première a accordé à la seconde une ligne de crédit d'un montant d'un milliard de roubles (ci-après : le contrat de prêt n° 1).

Selon l'article 10 de ce contrat, trois personnes physiques devaient individuellement se porter caution du prêt, dont B______.

e. C______ a fourni à A______ plusieurs garanties afin d'obtenir ce crédit.

Dans ce cadre, B______, par contrat du 22 novembre 2017 conclu avec A______ (ci-après : le contrat de cautionnement n° 1), s'est notamment porté caution du prêt à titre personnel et s'est engagé sur l'intégralité de ses biens personnels, mobiliers et immobiliers, à assumer l'entier des obligations de C______ en cas de défaillance de cette dernière.

f. Le 31 mai 2018, le contrat de prêt n° 1 a été amendé s'agissant notamment des modalités des garanties fournies par C______.

g. Le même jour, A______ et C______ ont conclu un second contrat (n° 3______) (ci-après : le contrat de prêt n° 2) par lequel A______ s'engageait à fournir à C______ une nouvelle ligne de crédit d'un milliard de roubles.

Aux termes de l'article 10 de ce contrat, trois personnes physiques devaient se porter individuellement caution du prêt, dont B______.

Par ailleurs, C______ devait fournir à A______ plusieurs garanties, notamment le nantissement de treize camions-bennes de marque H______, deux véhicules spéciaux, trois autres camions-bennes, un véhicule tout-terrain à chenilles, un chargeur I______ et trois installations de triage. Ces gages se trouvent en Russie.

h. Par contrat du 31 mai 2018, conclu entre A______ et B______ (ci-après : le contrat de cautionnement n° 2), ce dernier s'est notamment porté caution du prêt à titre personnel et s'est engagé sur l'intégralité de ses biens personnels, mobiliers et immobiliers, à assumer l'entier des obligations de C______ en cas de défaillance de celle-ci.

i. Le 22 novembre 2019, les contrats de prêt n° 1 et 2 ont été amendés afin de modifier l'échéancier de remboursement du prêt, de même que les garanties fournies par C______.

Selon la clause 6 de cet avenant, le remboursement des prêts devait faire l'objet, en plus des trois cautionnements par des personnes physiques déjà consentis, d'un cautionnement par cinq personnes morales.

j. Le contrat de cautionnement n° 1 a également été amendé à deux reprises, les 31 mai 2018 et 22 novembre 2019 pour prendre en compte les modifications des mêmes dates du contrat de prêt n° 1.

k. Le contrat de cautionnement n° 2 a été modifié le 22 novembre 2019 reprenant la modification du contrat de prêt n° 2 intervenue à la même date.

l. Le 10 mars 2020, le contrat de prêt n° 1 a une dernière fois fait l'objet d'un amendement afin d'adapter les garanties offertes par C______.

A teneur de l'article 4 de cet avenant, 99 pièces d'une machine de minage appartenant à la société J______ étaient offertes en nantissement (en Russie).

m. C______ n'a pas procédé au remboursement des sommes dues à A______ dans les délais et selon les modalités convenues, de sorte que cette dernière s'est tournée vers les différents garants, parmi lesquels B______, afin d'obtenir l'exécution des obligations de C______.

n. Par jugement du 22 octobre 2020, le Tribunal d'arrondissement de D______ (E______/Russie) a condamné B______ à verser à A______ les sommes de 2'023'747'927.58 RUB et 60'000.- RUB.

Ce jugement fait état de ce que les deux parties étaient représentées par avocat, B______ n'ayant pas comparu en personne. Son conseil, "qui au cours de l'audience du tribunal contre la satisfaction des prétentions, s'est opposé aux motifs de la réponse écrite à la requête".

o. Par requête en séquestre du 22 octobre 2021, A______ a conclu à ce que le Tribunal, sous suite de frais, ordonne, à concurrence de 26'113'685 fr. 15 (soit la contrevaleur de 2'023'747'927 RUB au taux de 77.4976) avec intérêts à 5% dès le 23 novembre 2020, le séquestre à son profit de la parcelle n° 1______, sise sur la commune de F______, dont B______ est propriétaire.

A______ a fondé sa requête sur l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP (absence de domicile en Suisse du débiteur).

p. Par ordonnance du même jour, le Tribunal a ordonné le séquestre requis et condamné B______ aux frais judiciaires et dépens.

A______ a été dispensée de fournir des sûretés.

q. Par jugement (ordonnance d'appel) du 8 novembre 2021, statuant sur recours formé par B______ contre le jugement rendu le 22 octobre 2020 par le Tribunal d'arrondissement de D______, le Tribunal de la ville de E______ a confirmé ledit.

A______ soutient que cette procédure s'est déroulée de manière contradictoire, les parties s'étant déterminées sur les arguments de leur adverse partie, ce que B______ conteste, se prévalant de plusieurs irrégularités procédurales.

r. Par jugement OSQ/20/2022  du 3 mai 2022, confirmé par arrêt ACJC/1107/2022 de la Cour de justice du 24 août 2022, le Tribunal, statuant sur opposition à séquestre formée par B______, a annulé le séquestre (cause C/5______/2021).

La Cour a notamment retenu que B______ avait fourni des indices sérieux de l'existence d'un domicile en Suisse.

  s. Le 2 septembre 2022, A______ a formé une nouvelle requête de séquestre à l'encontre de B______ à hauteur de 32'992'841 fr. 63 (soit la contrevaleur de 2'023'747'927.58 RUB + 60'000.- RUB) avec intérêts à 5% dès le 2 septembre 2022 visant la parcelle n° 1______ de la commune de F______, dont ce dernier est propriétaire.

A______ a préalablement conclu au prononcé de l'exequatur des jugements russes des 22 octobre 2020 et 8 novembre 2021 et a fait valoir que le cas de séquestre était réalisé compte tenu de l'existence d'un jugement définitif, valant titre de mainlevée définitive.

Elle a soutenu que B______ était débiteur – aux côtés de C______ – des crédits contractés auprès d'elle. Les engagements pris à titre personnel par B______ n'étaient garantis par aucun gage.

A______ a donc fondé sa requête sur l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP (existence d'un titre de mainlevée définitive).

t. Le 15 septembre 2022, le Tribunal a ordonné le séquestre requis et a condamné B______ aux frais judiciaires arrêtés à 2'000 fr. et aux dépens arrêtés à 43'500 fr.

u. Le 17 octobre 2022, puis par complément du 10 mars 2023, B______ a formé opposition au séquestre susvisé et a conclu à l'annulation de l'ordonnance de séquestre du 15 septembre 2023, subsidiairement à ce que le Tribunal ordonne à A______ la fourniture de sûretés à hauteur d'au minimum 175'200 fr.

Il a notamment affirmé que les jugements russes des 22 octobre 2020 et 8 novembre 2021 ne pouvaient faire l'objet d'exequatur dès lors qu'ils avaient été prononcés en violation de son droit d'être entendu et ne lui avaient pas été valablement notifiés. Le séquestre devait par ailleurs être levé dès lors qu'il existait des garanties suffisantes en Russie constituées sous la forme de gages.

v. Le 15 juin 2023, la Cour de cassation russe a rejeté le pourvoi formé par B______ à l’encontre du jugement du 8 novembre 2021 rendu par la ville de E______.

w. Dans ses déterminations du 22 juin 2023 sur l'opposition à séquestre, A______ a conclu, préalablement à l'exequatur des jugements russes des 22 octobre 2020 et 8 novembre 2021, et, principalement, sous suite de frais et dépens, au rejet de l'opposition à séquestre et au maintien du séquestre n° 4______. Elle a soutenu que les procès menés en Russie à l'encontre de B______ avaient respecté le droit procédural et matériel russe.

La créance qu'elle détenait à l'encontre de B______ n'était garantie par aucun gage. Seuls les contrats de prêt n° 1 et 2, conclus avec C______ SARL, faisaient l'objet de diverses garanties.

A______ a notamment versé à la procédure les pièces 6bis (copie certifiée conforme du jugement du 22 octobre 2020 du Tribunal d'arrondissement de D______) et 20bis (copie certifiée conforme du jugement du 8 novembre 2021 du Tribunal de la ville de E______ apostillée le 11 avril 2023) déjà produites à l'appui de la requête de séquestre. Elle a également produit un avis de droit rédigé par K______, avocate, le 17 mai 2023, dont il résulte que les citations devant les tribunaux de la ville de E______ ont été expédiées à B______ à sa dernière adresse enregistrée à E______, laquelle correspondait à celle indiquée tant dans les contrats de cautionnement que dans la procuration signée par le précité en faveur de ses conseils. L'intéressé n'avait pas informé la banque d'un changement d'adresse, de sorte qu'il supportait le risque des éventuelles conséquences en découlant. Il résultait par ailleurs de la procuration précitée que B______ avait autorisé ses conseils à recevoir son courrier. La convocation à l'audience du Tribunal russe du 8 novembre 2021 avait été reçue par l'un de ses conseils. Son conseil avait participé et représenté B______ durant la procédure devant le Tribunal d'arrondissement de D______. Le pourvoi en cassation constituait une voie de droit extraordinaire.

x. Le 27 juin 2023, A______ a adressé au Tribunal trois pièces nouvelles (n. 34bis à 34quater).

La pièce 34bis est une procuration signée le 19 octobre 2018, par B______, valable durant trois ans, en faveur de deux conseils russes, domiciliés à E______, en vue de défendre ses intérêts dans le cadre de procédures se déroulant en Russie. La pièce 34ter a trait à une convocation par le Tribunal d'arrondissement de D______ à une audience le 8 novembre 2021 dans le cadre de l'appel formé par B______ contre le jugement rendu le 22 octobre 2020, convocation reçue par le précité le 18 octobre 2021. Quant à la pièce 34quater, elle concerne une demande de consultation du dossier (non datée) du nouveau conseil mandaté par B______ au Tribunal d'arrondissement de D______.

y. Lors de l'audience de débats et plaidoiries du 10 juillet 2023 devant le Tribunal, B______ s'est déterminé sur les allégués contenus dans les déterminations de A______. Il a versé des pièces (n. 19 à 22 concernant la procédure de pourvoi en cassation introduite en mars 2023 contre la décision rendue par le Tribunal d'arrondissement de D______).

B______ a conclu à ce que les pièces 6bis et 20bis soient écartées de la procédure dès lors qu'elles avaient été produites tardivement.

Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives.

A l’issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

 

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris étant une décision statuant sur opposition à séquestre, seule la voie du recours est ouverte (art. 278 al. 3 LP; art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 278 al. 1 LP et 321 al. 2 CPC).

Déposé dans le délai et selon les formes requis par la loi, le recours est recevable.

1.2 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC et 278 al. 3 LP). La constatation manifestement inexacte des faits équivaut à l'arbitraire. La constatation des faits ou l'appréciation des preuves est arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2).

1.3 Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 58 al. 1 CPC).

1.4 La cause présente des éléments d'extranéité.

Avec raison, les parties ne contestent pas la compétence de la Cour pour connaître du litige (art. 84 al. 1 LP), aux conditions applicables du droit suisse (art. 80 al. 1 LP et 25 ss LDIP).

2. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 271 LP, en ayant considéré que sa créance était garantie par plusieurs gages mobiliers, dont elle n'avait pas allégué qu'ils ne suffiraient pas à couvrir celle-ci. Par ailleurs, la recourante reproche au Tribunal d'avoir constaté les faits de manière manifestement inexacte en retenant que la prétention en remboursement du prêt qu'elle détenait à l'encontre de C______ devait être examinée en lien avec la créance alléguée à l'encontre de l'intimé, reposant sur des jugements russes, lesquels se fondaient sur le contrat de crédit conclu avec C______.

2.1.1 Selon l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsqu'il possède contre ce dernier un titre de mainlevée définitive.

Le créancier qui invoque le cas de séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP n'a pas à rendre vraisemblable sa créance, laquelle découle du titre produit (arrêts du Tribunal fédéral 5A_824/2020 du 12 février 2021 consid. 3.4.2.2; 5A_521/2018 du 12 août 2019 consid. 3.3).

Selon l'art. 272 al. 1 LP, le séquestre est autorisé par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe (ch. 1), qu'on est en présence d'un cas de séquestre (ch. 2) et qu'il existe des biens appartenant au débiteur (ch. 3).

2.1.2 La procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP) est une procédure sommaire au sens propre; elle présente les trois caractéristiques de simple vraisemblance des faits, examen sommaire du droit et décision provisoire. Elle a en outre un objet et un but particulier: le séquestre, auquel le débiteur s'oppose, est une mesure conservatoire, soit la mise sous mains de justice de biens du débiteur, qui permet de garantir une créance pendant la durée de la procédure de validation du séquestre (art. 279 LP). En tant que procédure spécifique de la LP, la procédure d'opposition au séquestre est aussi une procédure sur pièces (art. 256 al. 1 CPC). C'est au cours de l'action civile en reconnaissance de dette (en validation du séquestre) qui suivra, soumise à une procédure avec un examen complet en fait et en droit, que les parties pourront faire valoir tous leurs moyens de preuve (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_377/2022 du 27 septembre 2022 consid. 3.2.1; 5A_582/2012 du 11 février 2013 consid. 3.2; 5A_365/2012 du 17 août 2012 consid. 5.1, non publié in ATF 138 III 636).

2.1.3 Selon l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du tribunal la mainlevée définitive de l'opposition.

Le créancier doit rendre vraisemblable, dans le cas d'une décision étrangère, que rien ne s'oppose, à première vue, à la reconnaissance et à l'exécution de ce titre étranger. Le juge du séquestre peut statuer à titre incident sur le caractère exécutoire d'un jugement " non Lugano ", à la suite d'un examen sommaire du droit et sur la base des faits rendus simplement vraisemblables (ATF 139 III 135 consid. 4.5.2). Tout au long de la procédure d'autorisation de séquestre, donc également dans la procédure d'opposition, le juge examine la force exécutoire de la décision invoquée par le créancier séquestrant comme motif de séquestre au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, uniquement sous l'angle de la vraisemblance. Une décision ayant autorité de chose jugée sur la force exécutoire n'intervient que dans la procédure de validation du séquestre (art. 279 LP; ATF 144 III 411 consid. 6.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_377/2022 précité consid. 3.2.2).  

Seul un jugement condamnatoire constitue un titre de mainlevée (ATF 134 III 656 consid. 5.4). La mainlevée ne peut donc être octroyée que si le jugement condamne le débiteur à payer une somme d'argent déterminée ou aisément déterminable (ATF 143 III 564 consid. 4.3.2; 138 III 583 consid. 6.1.1; 134 III 656 consid. 5.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_123/2021 du 23 juillet 2021 consid. 4.1.2.1 et la référence citée).

Toute décision étrangère portant condamnation à payer une somme d'argent et exécutable en Suisse selon une convention internationale ou, à défaut, selon la LDIP, constitue un titre de mainlevée définitive (ATF 146 III 147 consid. 3; 139 III 135 consid. 4.5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_276/2020 du 19 août 2020 consid. 5.2.3).

2.1.4 La reconnaissance, la déclaration de force exécutoire et l'exécution des décisions étrangères sont régies par les dispositions du CPC relatives à l'exécution, à moins qu'un traité international ou la LDIP n'en dispose autrement (art. 335 al. 3 CPC).

En l'absence de Convention applicable entre la Suisse et la Russie sur la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères en matière civile, la LDIP est applicable (art. 1 al. 1 let. c et al. 2 LDIP).

2.1.5 Selon l'art. 25 LDIP, une décision étrangère est reconnue en Suisse si la compétence des autorités judiciaires ou administratives de l'Etat dans lequel la décision a été rendue était donnée (let. a), si la décision n'est plus susceptible de recours ordinaire ou si elle est définitive (let. b) et s'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'art. 27 LDIP (let. c).

Ainsi l'exequatur n'est accordé que si le jugement étranger est revêtu non seulement de la force de chose jugée, mais également de la force exécutoire selon le droit de l'État dans lequel il a été rendu. S'agissant de la force de chose jugée (formelle), il faut que la décision ne puisse plus faire l'objet d'une voie de recours ordinaire en vertu du droit de l'État dont elle émane. Le recours ordinaire est celui qui comporte, dans la mesure des conclusions prises, l'effet suspensif. Ce n'est donc qu'après l'expiration du délai de recours, le refus ou le retrait de l'effet suspensif que le jugement étranger passe en force et peut être déclaré exécutoire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_377/2022 du 27 septembre 2022 consid. 3.2.3, 5A_70/2021 du 18 octobre 2021 consid. 4.1).

2.1.6 Selon l'art. 27 al. 1 LDIP, la reconnaissance d'une décision étrangère doit être refusée en Suisse si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public suisse.

En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public s'interprète de manière restrictive, spécialement en matière de reconnaissance et d'exécution de jugements étrangers, où sa portée est plus étroite que pour l'application directe du droit étranger (effet atténué de l'ordre public). Il y a violation de l'ordre public lorsque la reconnaissance ou l'exécution d'une sentence étrangère heurte de manière intolérable les conceptions suisses de la justice. Une sentence étrangère peut être incompatible avec l'ordre juridique suisse non seulement à cause de son contenu matériel, mais aussi en raison de la procédure dont elle est issue. A cet égard, l'ordre public suisse exige le respect des règles fondamentales de la procédure déduites de la Constitution, telles que le droit à un procès équitable et celui d'être entendu (arrêts du Tribunal fédéral 5A_1046/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.2.2, 4A_663/2018 du 27 mai 2019 consid. 3.4.1; 4A_374/2014 du 26 février 2015 consid. 4.2.2 et les références, résumé in RSDIE 2016 p. 690).

Le juge suisse ne peut pas procéder à une révision au fond de la décision étrangère (ATF 126 III 101 consid. 3c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_70/2021 du 18 octobre 2021 consid. 6.2, 5A_230/2017 du 21 novembre 2017 consid. 4.3).

Selon l'art. 27 al. 2 LDIP, la reconnaissance d'une décision étrangère doit également être refusée si une partie établit notamment qu'un litige entre les mêmes parties et sur le même objet a précédemment été jugé dans un Etat tiers, pour autant que cette dernière décision remplisse les conditions de sa reconnaissance (let. c).

Les conditions énoncées sont cumulatives : il faut, d'une part, une décision antérieure de l'État tiers et, d'autre part, la possibilité de reconnaître cette décision en Suisse. La procédure dans l'État tiers doit donc être close au préalable, c'est-à-dire qu'il ne doit plus y avoir de voie de recours ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_377/2022 du 27 septembre 2022 consid. 3.2.3 et la référence citée).

2.1.7 Selon l'art. 29 al. 1 LDIP, la requête en exécution sera accompagnée d'une expédition complète et authentique de la décision (let. a) et d'une attestation constatant que la décision n'est plus susceptible de recours ordinaire ou qu'elle est définitive (let. b).

Selon la jurisprudence, il convient d'éviter tout formalisme excessif dans l'application de cette disposition. Les exigences visées ont pour seul but de fournir, par un moyen de preuve formel, la certitude que la décision est authentique et qu'elle a acquis force de chose jugée; leur absence n'entraîne toutefois pas le refus de l'exequatur, si l'authenticité de la décision et le fait qu'elle est passée en force ne sont pas contestés ou ressortent des autres pièces du dossier (arrêts du Tribunal fédéral 5A_17/2022 du 4 août 2022 consid. 5.3.1; 5A/712_2018 du 20 novembre 2018 consid. 232; 5A_355/2016 du 21 novembre 2016 consid. 1.2; 5A_344/2012 du 18 septembre 2012 consid. 4.3; contra : arrêts du Tribunal fédéral 4A_600/2018 du 1er avril 2019 consid. 3.1.2 et 5A_52/2013 du 25 février 2013 consid. 4.1).

2.2 Dans la LP, l'expression "gage" employée seule comprend les gages mobiliers et immobiliers (art. 37 al. 3 LP). Il faut entendre les gages réglés de manière exhaustive par le CC (principe du numerus clausus des droits réels) et non toute construction juridique qui joue économiquement le même rôle qu'un gage (dépôts aux fins de sûretés, transfert de droits patrimoniaux aux fins de sûretés, etc.; Erard, Commentaire Romand LP, Bâle 2005, n. 10 ad art. 37 LP).

Selon la pratique, les gages situés à l'étranger ne s'opposent pas au prononcé d'un séquestre en Suisse, en raison du principe de la territorialité et du fait que de tels gages ne sont pas atteignables par la voie de la poursuite de droit suisse et ne remplissent donc pas la même fonction qu'un gage situé en Suisse (Mattmann, Die materielle Voraussetzungen der Arrestlegung nach art. 271 SchKG, Winterthur 1981, p. 26). Il en va ainsi en tout état de cause pour les sûretés immobilières (ACJC/59/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 et les références citées). Pour les autres sûretés, le créancier doit être en mesure d'apporter le gage en Suisse, afin qu'il fasse obstacle à un séquestre dans notre pays (Hunkeler (éd.), Kurzkommentar SchKG, 2ème éd., Zurich 2014, n. 5 ad art. 271 LP). Même si le gage ne peut être apporté en Suisse, il s'oppose à un séquestre lorsque le débiteur, selon le droit étranger applicable, peut se prévaloir du beneficium excussionis realis (ATF 65 II 92 consid. 2).

2.3 La notion de "faits établis de façon manifestement inexacte" se recoupe avec celle d'arbitraire dans l'appréciation des preuves ou d'arbitraire dans l'établissement des faits. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1). Pour le démontrer, le recourant ne peut se limiter à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 II 239 consid. 1.4.3; 141 IV 249 consid.1.3.1; 140 III 264 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_2/2023 du 30 mars 2023 consid. 2.2).

En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 136 III 552 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_82/2023 du 8 août 2023 consid. 4.1)

L’appréciation des preuves n’est pas déjà arbitraire du fait qu’elle ne coïncide pas avec la présentation des faits de la partie recourante, mais seulement lorsqu’elle est manifestement insoutenable. Il faut démontrer clairement et en détails, dans le recours, en quoi l’appréciation des preuves est arbitraire. Il ne suffit notamment pas de citer quelques preuves qui devraient être appréciées autrement que dans la décision attaquée et de soumettre à l'autorité supérieure sa propre appréciation, dans une critique appellatoire, comme si celui-ci pouvait examiner librement  les faits (arrêt du Tribunal fédéral 4A_215/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

2.4 En l'espèce, la recourante reproche au Tribunal une constatation manifestement inexacte des faits, le premier juge ayant retenu qu'il se justifiait de considérer la prétention en remboursement du prêt dont elle disposait à l'encontre de C______ en lien avec celle qu'elle avait alléguée à l'encontre de l'intimé, laquelle reposait sur les jugements rendus par les tribunaux russes, lesquels se fondaient sur le contrat de prêt susmentionné. Le Tribunal a correctement établi les faits et fait état tant des deux contrats de crédit conclus entre la recourante et C______ (ainsi que leurs avenants) que des contrats de cautionnement (et leurs avenants). La recourante fait en réalité grief au Tribunal d'avoir procédé à une appréciation arbitraire desdits faits.

A raison, la recourante fait grief au Tribunal d'avoir arbitrairement considéré, d'une part, que les prêts concédés à C______ étaient garantis par plusieurs gages mobiliers et, d'autre part, qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable que lesdits gages ne suffisaient pas à couvrir sa créance. En effet, la créance alléguée par la recourante ne se fonde pas sur les contrats de prêts ayant liés la recourante à C______, mais sur les jugements rendus par les autorités russes. Par ailleurs, les contrats de cautionnement conclus par les parties n'étaient garantis par aucun gage, immobilier ou mobilier. Même si tel avait été le cas, les gages mobiliers se trouvant en Russie, ils n'auraient pas fait obstacle au prononcé d'un séquestre en Suisse. Il n'est à cet égard pas pertinent que le siège de la recourante soit en Russie, de tels gages ne pouvant pas être atteints par la voie de la poursuite de droit suisse, en vertu du principe de territorialité. L'intimé n'a d'ailleurs pas allégué que lesdits gages pourraient être amenés en Suisse. La valeur des gages mobiliers n'a en tout état pas été rendue vraisemblable, de sorte qu'il ne pouvait pas être retenu qu'ils seraient suffisants pour protéger les intérêts de la recourante.

Enfin, c'est également de manière arbitraire que le Tribunal a retenu qu'il se justifiait de considérer ensemble les créances de la recourante à l'encontre de C______ et celles à l'encontre de l'intimé. Les contrats de cautionnement conclus par les parties sont en effet distincts des contrats de prêts. En tout état, et comme rappelé ci-avant, la recourante s'est fondée non pas sur les contrats de cautionnement, mais sur les décisions rendues par les tribunaux russes pour requérir le séquestre des biens de l'intimé. Les contrats de prêts ne sont dès lors pas en cause dans la présente procédure.

C'est dès lors à tort que le Tribunal a retenu que les conditions posées par l'art. 271 al. 1 LP n'étaient pas réunies.

Le Tribunal n'ayant pas examiné les conditions de l'exequatur des jugements russes, ni les autres conditions du séquestre, la cause lui sera dès lors renvoyée, dans le respect du double degré de juridiction sur ce point.

2.5 Le jugement attaqué sera dès lors annulé et la cause sera renvoyée au Tribunal pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants.

3.  3.1 L'intimé, qui succombe, sera condamné aux frais du recours (art. 106 al. 1 et 3 CPC).

En vertu de l'art. 61 al. 1 OELP, la juridiction supérieure à laquelle sont déférées les décisions rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite (art. 251 CPC) peut prélever un émolument n'excédant pas une fois et demie l'émolument que peut prélever l'autorité de première instance.

Le premier juge a fixé l'émolument de première instance - non contesté en tant que tel - à 4'000 fr. Partant, l'émolument de la présente décision sera fixé à 6'000 fr., compensé avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimé sera en conséquence condamné à verser la somme de 6'000 fr. à titre de remboursement de l'avance de frais à la recourante.

3.2 L'intimé versera en outre à la recourante la somme de 5'000 fr., débours compris, mais sans TVA au vu du siège à l'étranger de la recourante (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC), au regard de l'activité déployée par son conseil, à titre de dépens de recours.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 8 septembre 2023 par A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY) contre le jugement OSQ/35/2023 rendu le 28 août 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16579/2022–12 SQP.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions de recours.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 6'000 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de B______.

Condamne B______ à verser 6'000 fr. à titre de remboursement de frais à A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY).

Condamne B______ à verser 5'000 fr. à A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY) à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN,
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.