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Décisions | Chambre civile

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C/3583/2021

ACJC/1404/2023 du 19.10.2023 sur JTPI/15323/2022 ( OO ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3583/2021 ACJC/1404/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 19 OCTOBRE 2023

 

Entre

A______ AG, sise c/o Monsieur B______, ______ (GR), appelante d'un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 décembre 2022, représentée par Me Lucio AMORUSO, avocat, AMORUSO & CAMOLETTI, rue Jean-Gabriel Eynard 6, 1205 Genève,

et

C______, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Laurent MARCONI, avocat, Lachat, Marconi, Müller Avocats, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219,
1211 Genève 8.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/15323/2022 du 23 décembre 2022, reçu par les parties le 12 janvier 2023, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a condamné A______ AG à payer à [la banque] C______ le montant de 889'823 fr. 72, avec intérêts à 12% l'an dès le 11 juin 2021, sous imputation de 3'000 fr. payés le 8 juillet 2021 et de 3'000 fr. payés le 3 août 2021 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 30'486 fr. 16, compensés avec les avances effectuées par les parties, mis ces frais à la charge de A______ AG, condamné la précitée à payer à C______ le montant de 30'486 fr. 16 et ordonné la restitution à chaque partie du solde de ses avances (ch. 2), condamné A______ AG à payer à C______ le montant de 30'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 13 février 2023, A______ AG a formé appel contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation.

Elle a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle devait le montant de 814'909 fr. 80 à C______, à ce qu'elle soit condamnée au paiement de ce montant en tant que de besoin, et à ce que les frais et dépens de première et deuxième instances soient répartis en fonction de l'issue de la cause et qu'ils comprennent une indemnité équitable à titre de participation aux honoraires de son conseil.

Elle a produit un extrait du Registre du commerce la concernant daté du 13 février 2023.

b. Par réponse du 28 mars 2023, C______ a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Par réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées par avis du 22 juin 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. C______ (ci-après : C______ ou la Banque), sise à Genève, a pour but l'exploitation d'une banque.

En ______ 2013, elle a repris les actifs et les passifs de l'établissement bancaire E______ par suite de fusion.

b. A______ AG, sise à F______ (GR), a pour but l'acquisition, la création, la mise en location, l'administration et la vente de biens immobiliers en Suisse et à l'étranger.

Lors de la constitution de la société, ses administrateurs étaient G______ et I______, lesquels ont été remplacés par J______ et K______ en 2018. Depuis le 6 janvier 2022, B______, citoyen italien, en est le seul administrateur.

Avant de devenir administrateur, B______ représentait les intérêts des actionnaires de A______ AG. A ce titre, il a participé, en 2018 et 2019, à certaines discussions entre l'administrateur J______ et C______.

c. Le 25 mars 2009, les parties ont conclu un contrat de prêt, à teneur duquel C______ (anciennement E______) a mis un montant de 900'000 fr. (une partie de ce montant étant destinée à être convertie en euros) à disposition de A______ AG afin que celle-ci puisse rembourser un prêt hypothécaire existant auprès de [la banque italienne] L______ et disposer de fonds.

La durée totale du prêt était de 10 ans. Celui-ci était toutefois échu et exigible au terme de 12 mois à compter du décaissement des fonds. Cette exigibilité serait reportée d'année en année jusqu'à l'échéance des 120 mois sous réserve d'une analyse annuelle effectuée par la Banque et basée notamment sur un examen des états financiers révisés de la société A______ AG. A l'échéance finale, l'intégralité des montants restant dus à C______ devait être entièrement remboursée en capital, intérêt, frais, commissions et accessoires. Le prêt pouvait être remboursé par A______ AG, respectivement rendu exigible par la Banque, à chaque renouvellement de l'index de référence, moyennant préavis de 45 jours.

L'art. 6 du contrat règle la question des intérêts. La partie consacrée aux définitions est formulé de la manière suivante :

"Le prêt porte intérêt, à un taux composé des éléments suivants :

-          Index de référence : Libor CHF 6 mois

(N______ [banque britannique] Offered Rate) : taux interbancaire à 6 mois offert en CHF, fixing calculé chaque jour ouvré à 11h00 GMT et publié par la British Banker's Association.

-          Coût de liquidité : 2.50% l'an (maximum)

-          Marge : 1.50% l'an

Le taux pris en compte sera déterminé 2 jours ouvrés avant la mise à disposition des fonds et sera communiqué à l'Emprunteur.

Le coût de liquidité pris en compte sera déterminé définitivement par le Prêteur 2 jours ouvrés avant la mise à disposition des fonds en fonction des conditions du marché et sera communiqué concomitamment avec le taux d'intérêt.

En aucune manière le coût de liquidité ne pourra excéder 2.50% par an.

A titre purement indicatif, le taux qui serait applicable pour une utilisation à la date de la présente offre se décomposerait comme suit :

-          Index de référence : 0.59% l'an

-          Coût de liquidité : 1.00% l'an (à titre indicatif)

-          Marge : 1.50% l'an

-          Taux d'intérêt : 3.09% l'an

(index de référence + coût de liquidité + marge)"

L'art. 6 comporte également un sous-chapitre consacré à la révision, lequel prévoit notamment que "[l]e taux d'intérêts sera révisé à chaque échéance de l'index de référence (dans ce cas 6 mois), la marge restant constante". Le nouveau taux serait déterminé deux jours ouvré avant chaque renouvellement et il était en tous les cas convenu, sous "Limitation", que "si le taux d'intérêt déterminé selon les modalités du présent article, augmenté de tous les coûts, commissions et accessoires dus aux termes du contrat de prêt, devait excéder la limite maximale permise par la loi italienne n. 108 du 7 mars 1996 (Dispositions en matière de taux usuraires), y compris ses modifications ou reprises ultérieures, les intérêts seront automatiquement réduits au maximum de la limite légale permise".

Des échéances périodiques de paiement, uniquement constituées des intérêts, étaient fixées par mensualités.

Des garanties ont été constituées en couverture de ce prêt : l'inscription d'une hypothèque conventionnelle en premier rang, sans concurrence en faveur de la Banque, d'un montant de 877'500 euros, grevant l'entier d'un ensemble immobilier sis en Italie, propriété de A______ AG, ainsi que les droits découlant de la police d'assurance multirisques sur l'immeuble précité, une cession de loyer et le nantissement de valeurs mobilières.

Le contrat prévoit la compétence des tribunaux genevois et l'application du droit suisse.

d. Les conditions générales de la Banque ont été signées par A______ AG le 25 mars 2009.

Celles-ci prévoient notamment qu'à défaut de spécification contractuelle différente, le taux d'intérêt moratoire applicable à toute somme échue, exigible et non remboursée à la Banque dans le délai prescrit est fixé à 12% l'an (chiffre 11).

e. Le montant convenu a été mis à disposition de A______ AG le 10 juillet 2009 par un versement de 183'830.96 euros à M______ (contrevaleur de 277'354 fr. 57) et un versement de 622'645 fr. 43 à A______ AG.

f. L'introduction d'un taux d'intérêt négatif à – 0,75% sur les avoirs en comptes de virement, prélevé à partir du 22 janvier 2015, ainsi que l'abolition du taux plancher entre le franc suisse et l'euro annoncée le 15 janvier 2015 par la Banque nationale suisse (ci-après: BNS), ont eu pour conséquence le basculement du taux Libor CHF à six mois dans des taux négatifs jusqu'à la fin de l'année 2021, lorsque le taux Libor CHF a été supprimé.

g. De février 2015 à février 2019, la Banque a communiqué à A______ AG des avis semestriels, dans lesquels le taux de référence était fixé à "0,000000".

L'avis semestriel de février 2015 applique un taux d'intérêt de 3,45% (soit 0,0% de taux de référence + 1,50% de marge + 1,95% de coût de liquidité), ceux de février 2016 à février 2018 un taux d'intérêt de 2,40% (soit 0,0% de taux de référence + 1,50% de marge + 0,90% de coût de liquidité) et ceux d'août 2018 et de février 2019 un taux d'intérêt de 2,52% (bien que basé sur le même calcul, soit 0,0% de taux de référence + 1,50% de marge + 0,90% de coût de liquidité).

h. C______ a sollicité de A______ AG le paiement d'un montant mensuel de 2'587 fr. 50 entre mars 2015 et août 2015 (soit un montant annualisé de 31'050 fr. correspondant à un taux d'intérêt de 3,45% l'an sur le montant emprunté de 900'000 fr.), dont celle-ci s'est régulièrement acquittée.

A partir de septembre 2015, les mensualités ont été réduites à 1'800 fr. (soit un montant annualisé de 21'600 fr. correspondant à un taux d'intérêt de 2,4% l'an sur le montant emprunté de 900'000 fr.). A______ AG a toutefois continué de s'acquitter d'un montant mensuel de 2'587 fr. 50 jusqu'au 10 février 2016.

A______ AG s'est ensuite acquittée d'un montant mensuel de 1'800 fr. jusqu'en mars 2018.

Elle a alors cessé de verser lesdites mensualités, dont le montant continuait d'être fixé à 1'800 fr. par la Banque jusqu'en septembre 2018, avant d'être augmenté à 1'890 fr., dite mensualité étant obtenue par l'application d'un taux d'intérêt de 2,52% l'an sur le montant emprunté de 900'000 fr.

i. Les 25 juillet, 27 août, 24 septembre et 23 octobre 2018, C______ a envoyé divers rappels à A______ AG concernant le paiement des échéances d'intérêts.

A______ AG a payé 3'600 fr. le 25 septembre 2018.

j. Le 18 décembre 2018, C______ a mis en demeure A______ AG de lui verser les intérêts échus au 10 septembre 2018 demeurés impayés, soit 7'553 fr. 05, dans un délai fixé au 9 janvier 2019.

A______ AG n'a pas procédé au paiement requis dans le délai fixé.

k. Par courrier recommandé du 8 avril 2019, C______ a dénoncé le contrat de prêt du 17 mars 2009 et réclamé le remboursement du solde dû (capital, échéances, intérêts courus et frais administratifs), soit 916'045 fr. 05, pour le 24 avril 2019. A défaut de paiement dans le délai convenu, un taux d'intérêt moratoire de 12% l'an s'appliquerait, comme prévu par les conditions générales.

Le solde se décomposait comme suit :

"Solde échéance impayée du 10.09.2018 1'883.05 CHF

Échéances impayées du 10.10.2018 au 10.03.2019 11'340.00 CHF

Échéance du 10.04.2019 1'890.00 CHF

Intérêts du 10.04.2019 au 24.04.2019 882.00 CHF

Frais administratifs 50.00 CHF

Montant du Capital restant dû au 24.04.2019 900'000.00 CHF"

l. Les parties ont alors entamé des discussions, qui ont abouti à la conclusion d'un accord amiable le 27 juin 2019.

A teneur de cet accord, les parties ont convenu de "la suspension des procédures de recouvrement jusqu'au 10 juin 2020 et [du] règlement du capital restant dû plus intérêts moratoires au taux réduit de 3,50% (au lieu de 12% tels que prévu par les conditions particulières et générales du prêt) à compter du 24 avril 2019 de la manière suivante : règlement au plus tard le 10 juillet 2019 de la somme de 6'650 fr. des intérêts moratoires courus entre le 24 avril 2019 et le 10 juillet 2019, puis règlement au plus tard le 10 de chaque mois de la somme de 2'625 fr. à titre d'acompte sur les intérêts moratoires, et règlement du solde en capital, intérêt, frais, commissions et accessoires, au plus tard le 10 juin 2020".

En cas de retard de plus de deux mois dans le versement de l'une des échéances prévues ci-dessus, l'intégralité du solde dû, sous imputation des montants déjà versés, deviendrait immédiatement exigible sans autre avis de la part de la Banque.

En cas de non-respect de la convention, un intérêt moratoire de 12% l'an serait applicable sur les sommes exigibles, tel que prévu par les conditions particulières et générales du contrat de prêt.

Entendu par le Tribunal en qualité de témoin, Q______, employé en qualité de Crédit Office chez C______, a déclaré que cet accord prévoyait un taux de 3,5% pour les intérêts, taux applicable pendant la durée de la convention et pour autant que la convention soit respectée, ce qui n'avait pas été le cas puisque A______ AG ne s'était pas acquittée de tous les montants convenus.

A______ AG, représentée par B______, a soutenu avoir respecté "tous les accords (…) sauf celui concernant la liquidation du crédit, car l'immeuble n'a[vait] pas été vendu".

m. A teneur du relevé d'opérations produit par la Banque, A______ AG a payé 16'045 fr. 05 le 6 juin 2019 et 6'650 fr. le 9 juillet 2019. Elle s'est acquittée d'un montant mensuel de 2'625 fr. du mois d'août 2019 au mois de février 2021.

n. Le 9 février 2021, C______ a confirmé à A______ AG que l'accord du 27 juin 2019 serait prorogé au 10 juin 2021, à la condition que ledit accord soit homologué par le Tribunal.

o. Par requête déposée en conciliation le 25 février 2021, C______ a requis du Tribunal qu'il donne acte à A______ AG de son engagement à payer à C______ 889'941 fr. 58 plus intérêts à 3,5% l'an dès le 10 février 2021 et au plus tard le 10 juin 2021 et 2'625 fr. au plus tard le 10 de chaque mois dès le mois de mars 2021 et à ce qu'il soit dit qu'en cas de retard de plus de 60 jours dans le versement de l'une des échéances susvisées, l'intégralité du solde dû, sous imputation des montants déjà payés, deviendrait immédiatement exigible et porterait intérêts dès cette date à 12%.

Subsidiairement, "à défaut de signature de convention par toutes les parties dans le délai visé par l'article 6 CO ou d'homologation en conciliation", C______ a conclu à ce que A______ AG soit condamnée à lui payer 889'941 fr. 58 plus intérêts à 12% l'an dès le 10 février 2021.

Plusieurs audiences de conciliation ont eu lieu entre le 19 avril et le 16 septembre 2021, sans qu'un accord n'ait été trouvé, A______ AG ne s'étant jamais présentée. B______, représentant celle-ci, a déclaré au Tribunal, dans le cadre de la présente procédure, que J______ ne s'était pas rendu aux audiences de conciliation car il n'acceptait pas les conditions proposées par la Banque (non seulement la question de l'intérêt négatif mais également celle de l'amortissement).

p. Après avoir obtenu l'autorisation de procéder le 16 septembre 2021, C______ a, par acte de neuf pages du 30 septembre 2021 accompagné d'un bordereau de dix-sept pièces, assigné A______ AG en paiement de la somme de 889'823 fr. 72 plus intérêts à 12% l'an dès le 11 juin 2021, sous imputation des sommes de 3'000 fr. (valeur 8 juillet 2021) et 3'000 fr. (valeur 3 août 2021).

A l'appui de ses conclusions, elle a fait valoir que les parties étaient liées par le contrat de prêt de consommation conclu le 25 mars 2009. S'agissant du taux d'intérêt moratoire applicable, C______ a soutenu que l'accord du 27 juin 2019 prévoyait en effet un sursis aux poursuites jusqu'au 10 juin 2020 et la réduction de ce taux à 3,50% "moyennant certains paiements", mais que cet accord devait être prorogé au 10 juin 2021 sous condition suspensive de son homologation en conciliation par le Tribunal, laquelle n'était jamais intervenue. Par conséquent, le taux d'intérêt moratoire prévu initialement par les parties, soit 12%, devait s'appliquer dès le 11 juin 2020. Par gain de paix, C______ acceptait toutefois d'appliquer les termes de l'accord jusqu'au 10 juin 2021 et de ne faire courir l'intérêt à 12% qu'à partir du 11 juin 2021. Compte tenu des sommes déjà acquittées par A______ AG, le solde dû par la précitée s'élevait, au 10 juin 2021, à 889'823 fr. 72 en capital, dont il fallait déduire les deux versements de 3'000 fr.

q. Par réponse de quinze pages du 21 janvier 2022 accompagnée d'un bordereau de neuf pièces, A______ AG a conclu à ce qu'il lui donné acte de ce qu'elle devait 814'909 fr. 80 à C______ et à ce qu'elle soit condamnée à verser cette somme en tant que de besoin.

Elle a notamment fait valoir qu'à teneur du contrat du 25 mars 2009, les parties étaient convenues que la commission fixe de la banque, soit 1,5%, se calculait à partir du taux aléatoire Libor, ce qui signifiait qu'un taux Libor inférieur à zéro avait pour conséquence une rémunération de la banque inférieure à 1,5%. La Banque ne pouvait ignorer qu'un basculement dans des taux négatifs était possible puisque cela était déjà arrivé en 1971 et en 1978. Selon A______ AG, "les intérêts contractuels n'[avaient] pas été calculés par [C______] sur la base de l'index de référence Libor CHF 6 mois négatifs, durant cette période, mais sur un index inexistant, inventé par elle, de 0%" (allégué 12), "en violation des accords écrits stipulés entre les parties, et uniquement pour tenter de conserver le minimum de la commission de la demanderesse, soit 1,5%, au lieu de calculer cette commission de 1,5% à partir du taux Libor CHF négatif, et de son évolution" (allégué 13).

Sur cette base, A______ AG a procédé à un calcul différent du montant dû, soit 814'909 fr. 81, lequel se décomposait de la manière suivante : (900'000 fr. à titre de capital + 34'494 fr. 85 à titre d'intérêts contractuels + 64'424 fr. 61 à titre d'intérêts moratoires) – 184'009 fr. 65 déjà payés.

A______ AG a notamment produit un article de presse publié en 2012 dans [le journal] R______, revenant sur le fait qu'en 1978, la Banque nationale suisse avait défendu un taux de change pour le franc suisse.

r. Lors de l'audience de débats d'instruction du 24 mars 2022, qui a duré une heure environ, A______ AG a requis l'audition de Q______, employé de C______, en qualité de témoin, en faisant valoir que celui-ci avait participé aux discussions entre les parties au sujet du taux d'intérêt négatif notamment.

C______ a déposé des déterminations écrites de quatre pages ainsi qu'un bordereau de neuf pièces complémentaires.

s. Le 19 avril 2022, le Tribunal a rendu une ordonnance de preuve motivée de quatre pages.

t. Lors de l'audience du 15 septembre 2022, qui a duré deux heures environ, le Tribunal a interrogé les parties et entendu le témoin Q______, dont les déclarations ont été retranscrites dans l'état de fait ci-dessus dans la mesure utile.

Ce qui suit ressort pour le surplus des enquêtes :

t.a Les parties s'opposent sur la question de l'incidence d'un basculement du taux Libor CHF 6 mois dans des taux négatifs sur les intérêts contractuels.

S______, juriste au bénéfice d'un pouvoir de signature collective à deux, qui n'était pas employée par la Banque au moment de la négociation et de la conclusion du contrat, en sa qualité de représentante de C______, a déclaré au Tribunal que lorsque le taux Libor chutait en dessous de zéro, la pratique de la Banque consistait à tenir compte d'un taux Libor équivalent à 0 afin de ne pas réduire la marge, laquelle était contractuellement fixe. Sur question du Tribunal, qui lui a demandé si la Banque n'avait pas estimé utile de formaliser cette pratique, elle a répondu qu'il était difficile d'imaginer un basculement dans des taux négatifs en 2009.

t.b B______, en sa qualité de représentant de A______ AG, a déclaré au Tribunal avoir participé, en sa qualité de représentant des intérêts des actionnaires de la société, et en compagnie de J______, administrateur, à des discussions à ce sujet avec la Banque "en 2018 ou en 2019". Les époux G______/H______, anciens administrateurs de la société, lui avaient toutefois "fait part des divergences qu'ils avaient eues avec la banque au sujet de cette question des taux d'intérêt". La question du "coût de liquidité" avait été abordée, la Banque ayant promis à Monsieur H______ que celui-ci serait revu à la baisse lorsque le marché reprendrait. Le coût de liquidité avait effectivement été réduit à 0,9%, réduction que Monsieur H______ avait estimée insuffisante. Le précité avait également discuté avec B______ du fait que les taux étaient négatifs et que les intérêts appliqués demeuraient trop élevés. Selon B______, il y avait eu des échanges écrits avec la banque à ce sujet et il avait été convenu que cette question serait discutée au moment de la liquidation du contrat.

t.c Entendu par le Tribunal en qualité de témoin, Q______, employé en qualité de gestionnaire de crédit au sein de C______, a déclaré au Tribunal avoir repris le contrat avec A______ AG en 2017 et avoir eu, à partir de 2018, des discussions avec G______ et J______, puis avec B______. Il ne se souvenait pas s'il avait rencontré ces personnes pour parler de la question de l'incidence de la chute du taux Libor en dessous de zéro mais savait que "ces messieurs" (soit les administrateurs de A______ AG) avaient adressé une demande à la Banque en rapport avec la question du taux d'intérêt appliqué au contrat, demande qui avait été traitée par le comité de crédit, qui l'avait consulté. Il ignorait toutefois la teneur de la réponse adressée à A______ AG.

u. Dans leurs plaidoiries finales écrites des 9 et 11 novembre 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

A______ AG a notamment fait valoir avoir respecté toutes les conditions de l'accord du 27 juin 2019, sauf celle du "remboursement global du prêt, étant donné que l'immeuble [acquis par elle grâce au prêt accordé n'a[vait] pas été vendu : ad impossibilia nemo tenetur", ce qu'elle considérait comme une "impossibilité non imputable à faute au sens de l'art. 119 al. 1 CO".

v. La cause a ensuite été gardée à juger par le Tribunal.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que, lors de la conclusion du contrat, les parties n'avaient pas envisagé ni discuté de l'hypothèse d'une chute du taux Libor en dessous de zéro. Le contrat prévoyait toutefois expressément que la marge restait constante. Par ailleurs, la procédure n'avait pas permis d'établir qu'à partir de 2015, A______ AG avait fait savoir à C______ que, selon elle, la chute du taux Libor avait pour conséquence une diminution de la marge de la Banque. Cette dernière avait régulièrement adressé des avis d'échéance à A______ AG, lesquels mentionnaient explicitement un taux de référence égal à zéro, et il n'était pas établi que A______ AG avait contesté le taux d'intérêt annoncé.

Il résultait des documents bancaires produits (relevés d'opérations et avis d'échéance) que la banque avait, dès septembre 2015, réduit le coût de liquidité de 1,95% à 0,90% réduisant les intérêts à un montant mensuel de 1'800 fr., ce qui correspondait à un taux de 2,4% alors qu'auparavant ce taux était de l'ordre de 3,5%. Vu que A______ AG avait payé les intérêts mensuels de 1'800 fr. entre février 2017 et mars 2018, alors qu'elle savait que le taux de référence avait chuté dans des valeurs négatives, il pouvait être considéré que les parties s'étaient accordées sur un taux de 2,4% durant cette période, à tout le moins par actes concluants.

Dans ces circonstances, le Tribunal a retenu que les parties n'avaient pas prévu ni convenu, expressément ou par actes concluants, que la diminution du taux de référence Libor en dessous de zéro aurait pour conséquence une diminution correspondante de la marge de la banque. Cette conclusion apparaissait conforme à la jurisprudence, en particulier à l'ATF 145 III 241.

La résiliation du contrat de prêt du 8 avril 2019 fondée sur le défaut de paiement des intérêts contractuels courants sur le prêt était dès lors fondée et la somme de 916'045 fr. 05 exigible le 24 avril 2019.

Restait à apprécier la portée des accords postérieurs conclus par les parties les 27 juin 2019 et 9 février 2021. Ces accords – étant précisé que l'accord du 9 février 2021 n'avait pas été entériné par le Tribunal - n'avaient été que partiellement exécutés par A______ AG, puisque celle-ci s'était acquittée des intérêts moratoires de 6'650 fr. le 9 juillet 2019, puis avait procédé à des paiements réguliers de 2'265 fr. par mois jusqu'en juin 2021 mais n'avait pas remboursé le capital de 900'000 fr. dans le délai fixé au 10 juin 2021. La question de l'incidence de la chute du taux Libor n'était abordée dans aucun de ces accords, de sorte qu'il pouvait en être déduit que A______ AG avait, par actes concluants, renoncé à émettre des prétentions à ce titre. A______ AG n'était en tout état pas parvenue à démontrer que la volonté concordante des parties était de diminuer la marge de la banque en cas de passage du taux Libor en dessous de zéro.

A______ AG n'avait pas non plus démontré que les parties avaient convenu d'appliquer un intérêt moratoire de 3,5% sans conditions.

En conclusion, les prétentions de C______, qui réclamaient le remboursement d'un capital de 889'823 fr. 70 auquel s'ajoutaient des intérêts moratoires de 12% conformément au chiffre 11 des conditions générales intégrées au contrat, apparaissaient fondées.

S'agissant de la quotité des frais judiciaires et dépens, le Tribunal n'a pas précisé les dispositions sur lesquelles il s'était basé, ni la valeur litigieuse prise en compte.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance, qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. Compte tenu de l'élection de for et de droit prévue par les parties, le Tribunal a admis, à juste titre, la compétence des tribunaux genevois pour connaître du litige et l'application du droit suisse (art. 17 CPC), ce qui n'est au demeurant pas contesté.

3. L'appelante a produit une pièce nouvelle en appel.

3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

A teneur de l'art. 151 CPC, les faits notoires ou notoirement connus du tribunal ne doivent pas être prouvés. Sont notamment assimilés à des faits notoires les indications figurant au Registre du commerce, accessibles par Internet (ATF 138 II 557 consid. 6.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_510/2018 du 7 mai 2019 consid. 5.3), ainsi que ceux ressortant d'une autre procédure entre les mêmes parties (arrêt du Tribunal fédéral 5A_610/2016 du 3 mai 2017 consid. 3.1).

3.2 En l'espèce, l'extrait du Registre du commerce produit par l'appelante constitue un fait notoire au sens de la jurisprudence précitée et est par conséquent admis en appel.

4. L'intimée fait valoir que certains faits dont se prévaut l'appelante dans son appel sont irrecevables. Elle vise ceux découlant des déclarations du représentant de l'appelante devant le premier juge en lien avec les discussions qui auraient eu lieu entre les parties à propos du calcul du taux d'intérêt. Ces déclarations ne seraient, selon l'intimée, pas couvertes par des allégations valablement introduites par l'appelante en première instance.

4.1 Conformément à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès, c'est-à-dire d'alléguer les faits pertinents (fardeau de l'allégation subjectif) et d'offrir les moyens de preuve propres à établir ceux-ci (fardeau de l'administration de la preuve) (ATF
144 III 519 consid. 5.1). Les faits pertinents doivent être allégués en principe dans la demande, respectivement dans la réponse pour les faits que doit alléguer le défendeur (art. 221 al. 1 let. d et 222 al. 2 CPC). Ils peuvent l'être dans la réplique et la duplique si un deuxième échange d'écritures est ordonné ou, s'il n'y en a pas, par dictée au procès-verbal lors des débats d'instruction (art. 226 al. 2 CPC) ou à l'ouverture des débats principaux (art. 229 al. 2 CPC), c'est-à-dire avant les premières plaidoiries au sens de l'art. 228 CPC (ATF 147 III 475 consid. 2.3.2 et 2.3.3; 144 III 67 consid. 2.1; 144 III 519 consid. 5.2.1). Ils doivent être suffisamment motivés (charge de la motivation des allégués) pour que la partie adverse puisse se déterminer sur eux et que le juge puisse savoir quels sont les faits admis, respectivement les faits contestés sur lesquels des moyens de preuve devront être administrés (art. 150 al. 1 CPC; ATF 144 III 67 consid. 2.1;
144 III 519 consid. 5.2.1.1).

Le Tribunal fédéral n'a pas tranché la question de la prise en considération des faits dits exorbitants, c'est-à-dire des faits qui n'ont pas été allégués par les parties, mais qui ressortent de l'administration des preuves. Il est néanmoins admis que des faits ressortant de l'administration des preuves peuvent être pris en considération s'ils ne font que concrétiser des faits déjà suffisamment allégués, de sorte qu'ils sont "couverts" par celle-ci. Leur prise en considération s'inscrit dans le cadre de la libre appréciation de la force probante du moyen de preuve administré (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2014 et 4A_197/2014 du 27 novembre 2014 consid. 7.1 à 7.3). Si, en revanche, les faits révélés par l'administration des preuves n'ont nullement été allégués auparavant - et s'ils ne peuvent pas non plus l'être par la suite, en tant que nova admissibles au sens de l'art. 229 al. 1 CPC -, le juge ne peut pas les prendre en considération (Bastons Bulletti, in CPC Online, newsletter du 14 juillet 2016 relative à l'ATF
142 III 462 consid. 4.3-4.4).

Il convient de se montrer souple et d'admettre la prise en considération des faits exorbitants, lorsqu'ils se situent encore dans le cadre de ce qui a été allégué, c'est-à-dire lorsqu'ils se rattachent aux faits allégués par l'une ou l'autre des parties (Bastons Bulletti, op. cit.).

4.2 En l'espèce, si l'appelante n'a pas expressément allégué dans son mémoire de réponse du 21 janvier 2022 que des discussions avaient eu lieu entre les parties au sujet du calcul de l'intérêt applicable, et en particulier de l'incidence d'une éventuelle chute du taux Libor, elle a néanmoins allégué que l'intimée avait calculé les intérêts contractuels sur la base d'un index de référence Libor CHF 6 mois équivalent à 0% (allégué 12), "en violation des accords écrits stipulés entre les parties" (allégué 13), soutenant implicitement que les parties s'étaient accordées sur l'application d'un index de référence Libor CHF 6 mois négatif. L'existence de discussions entre les parties à ce sujet a été à nouveau évoquée lors de l'audience de débats d'instruction du 24 mars 2021, lorsque l'appelante a sollicité l'audition d'un témoin qui avait participé aux discussions au sujet du taux d'intérêt négatif.

Dans ces circonstances, il convient d'admettre la prise en considération des déclarations des parties en lien avec ce point, dès lors qu'elles se situent dans le cadre de ce qui a été allégué.

Le grief de l'intimée est donc mal fondé.

5. L'appelante invoque tout d'abord une violation de son droit d'être entendue en relation avec la motivation de la décision attaquée.

5.1 Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2; 142 II 154 consid. 4.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_567/2019 du 23 janvier 2020 consid. 4.2).

Un manquement au droit d'être entendu peut, selon les circonstances, être considéré comme réparé lorsque la partie concernée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de seconde instance disposant d'un pouvoir de cognition complet en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4) ou lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.3.2; 136 V 117 consid. 4.2.2.2).

5.2 En l'espèce, l'appelante reproche au premier juge de ne pas avoir statué sur l'un des griefs soulevés, soit qu'il lui était impossible, au sens de l'art. 119 al. 1 CO de vendre le bien immobilier qu'elle avait acquis grâce au prêt et ainsi de respecter les termes de l'accord du 27 juin 2019, de sorte que l'intérêt moratoire convenu dans ce cadre (3,5%) devait s'appliquer.

Les faits sur lesquels l'appelante fonde cette impossibilité de rembourser le solde dû n'ont toutefois pas été constatés par le premier juge, et l'appelante ne se plaint pas d'une constatation inexacte des faits à cet égard. Ces faits, en particulier le prétendu lien entre la vente d'un immeuble et le respect de la convention du 27 juin 2019, n'ont en tout état pas été allégués par l'appelante, que ce soit devant le premier juge ou devant la Cour. Fondé sur des faits qui n'ont pas été introduits valablement dans la procédure, son grief était infondé, de sorte qu'il ne peut être reproché au premier juge de ne pas l'avoir examiné.

En tout état, même à retenir une violation de son droit d'être entendue, l'appelante a pu s'exprimer et faire valoir ses moyens devant la Cour de céans, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit, de sorte qu'une éventuelle violation de son droit d'être entendue pourrait être réparée et demeurer sans conséquence, ce qu'elle-même admet dans son appel.

Le grief se révèle donc infondé.

6. Dans un raisonnement particulièrement confus, présenté en fait et en droit, l'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que les parties n'avaient "pas prévu ni convenu, expressément ou par actes concluants, que la diminution du taux Libor en-dessous de zéro aurait pour conséquence une diminution correspondante de la marge de la banque" et de ne pas avoir appliqué l'intérêt moratoire (3,5%) convenu par accord du 27 juin 2019.

6.1.1 Il n'est pas contesté que les parties sont liées par un contrat de prêt de consommation.

Le prêt de consommation est un contrat par lequel le prêteur s'oblige à transférer la propriété d'une somme d'argent ou d'autres choses fongibles à l'emprunteur, à charge pour ce dernier de lui en rendre autant de même espèce et qualité (art. 312 CO). A la fin du contrat, l'emprunteur doit rendre au prêteur la propriété d'autant de choses de même espèce et qualité. Les dispositions régissant le contrat de prêt de consommation ne sont pas de nature impérative, de sorte que les parties peuvent en principe aménager librement leur relation contractuelle (art. 1 et 19 CO) (ATF 145 III 241 consid. 3.1 et les références citées).

La loi ne soumet pas le contrat de prêt à une forme particulière (cf. art. 11 CO ainsi que 312 ss CO a contrario), sauf dans l'hypothèse où la loi fédérale sur le crédit à la consommation est applicable (ce qui n'est pas le cas lorsque le crédit est garanti directement ou indirectement par des gages immobiliers ou s'il est octroyé pour un montant supérieur à 80'000 fr.; cf. art. 7 al. 1 let. a et e LCC).

En matière civile, le prêt est réputé gratuit (art. 313 al. 1 CO). En matière de commerce, le prêt est en revanche présumé onéreux, de telle sorte que des intérêts sont dus, à moins que les parties n'aient prévu le contraire. Le prêt est de nature commerciale lorsque le prêteur octroie des prêts à titre professionnel (comme une banque) ou lorsque l'emprunteur utilise les fonds dans un but lié à ses affaires. Le taux d'intérêt est en principe fixé par la convention (art. 314 al. 1 CO) (ATF 145 III 241 consid. 3.2 et les références citées).

6.1.2 La notion d'intérêt n'est pas définie par le code des obligations. L'intérêt est généralement considéré comme étant la compensation due au créancier pour le capital dont celui-ci est privé. En d'autres termes, l'intérêt constitue la contrepartie de la mise à disposition du capital pendant la durée du prêt. Son montant est déterminé en fonction du taux appliqué, de la somme prêtée et de la durée du prêt. Considéré à la lumière de la définition susmentionnée, un intérêt négatif ne constitue pas un intérêt au sens juridique du terme visé par les dispositions du code des obligations. En effet, en présence d'intérêts négatifs, l'on assiste à une inversion des flux de paiement. Ce n'est ainsi plus l'emprunteur qui rémunère le prêteur, mais au contraire ce dernier qui rétribue celui-là. Certains auteurs qualifient l'intérêt négatif de "frais" que le prêteur d'une somme d'argent doit payer à l'emprunteur, calculés selon le montant dû et la durée de la dette, sans aucune conséquence sur la qualification du contrat comme contrat de prêt (ATF 145 III 241 précité consid. 3.3 et les références citées).

6.1.3 Dans le cadre des prêts bancaires, il était fréquent que les parties prévoient un taux d'intérêt indexé à un taux variable (par exemple Libor ou Euribor) de manière que le calcul des intérêts contractuels soit lié aux conditions du marché. Elles ajoutent généralement à ce taux variable servant d'indice un taux fixe, lequel est communément considéré comme la marge que la banque se réserve en guise de rémunération et de compensation pour le risque de crédit encouru. La chute du taux de référence dans des valeurs négatives – en raison singulièrement de la politique monétaire de la BNS – peut, en fonction de la marge convenue par les parties à un tel contrat de prêt, mener à un taux d'intérêt total négatif. Il reste à déterminer si les intérêts négatifs sont compatibles avec la notion même de prêt de consommation et les conséquences qu'entraîne le passage d'un taux d'intérêt total dans des valeurs négatives (ATF 145 III 241 précité consid. 3.5.1 et les références citées).

6.1.4 A l'échéance du prêt, l'emprunteur est en principe tenu de restituer au prêteur autant de biens de même espèce et qualité (art. 312 al. 1 CO). Comme les dispositions régissant le contrat de prêt de consommation ne sont pas de nature impérative, les parties peuvent en principe aménager librement leur relation contractuelle (ATF 145 III 241 précité consid. 3.5.2 et les références). Dans un arrêt de 1973, le Tribunal a ainsi déjà considéré que les parties étaient libres de prévoir, dans le cadre d'un contrat de prêt partiaire, une participation aux pertes, admettant par là même que le montant à restituer à l'issue du contrat puisse être inférieur à celui consenti au départ, sans que cela altère la qualification du contrat de prêt partiaire. La doctrine majoritaire estime également que les parties peuvent déroger à l'art. 312 CO, en prévoyant notamment que l'emprunteur devra restituer au terme du prêt, un montant inférieur à celui qu'il a reçu. Si les parties conviennent que l'emprunteur devra rembourser un montant supérieur à celui mis à sa disposition, il s'agit d'un prêt onéreux. Si elles prévoient que l'emprunteur restituera une somme inférieure au capital prêté, cette différence correspond à une donation. Plus délicate est en revanche la question de savoir si les intérêts négatifs sont conciliables avec l'essence même du contrat de prêt. En effet, les intérêts négatifs affectent l'équilibre même du contrat de prêt, puisque les intérêts ne constituent alors plus la contrepartie de la mise à disposition du capital, mais une obligation supplémentaire à la charge du prêteur. En d'autres termes, l'emprunteur est rétribué pour l'utilisation d'un capital mis à sa disposition et peut se contenter de rembourser une somme inférieure au montant prêté. Plusieurs auteurs semblent admettre que les parties puissent convenir d'un taux d'intérêt aléatoire pouvant, le cas échéant, aboutir au versement d'intérêts négatifs, sans que cela ne remette en question la qualification de prêt. Les parties peuvent exclure le paiement d'intérêts négatifs en prévoyant expressément que le taux d'intérêt total (taux de référence + taux fixe) ne peut pas être inférieur à zéro, ou encore stipuler que le taux de référence lui-même, en tant que base de calcul de l'intérêt dû contractuellement, ne peut pas être inférieur à zéro, ce qui permet de garantir dans tous les cas la marge de la banque. En vertu du principe de la liberté contractuelle, il leur est également loisible de prévoir expressément le paiement d'intérêts négatifs par le prêteur à l'emprunteur. S'il n'est pas certain qu'une telle convention soit encore compatible avec l'essence même du contrat de prêt, elle n'en est pas moins valable et devrait être qualifiée de contrat de prêt atypique ou de contrat innommé. La question de savoir si le passage en territoire négatif du taux de référence, voire du taux d'intérêt total incluant la marge de la banque, peut conduire à la suppression de cette marge, voire à l'inversion de l'obligation de paiement des intérêts en ce sens que c'est le prêteur qui doit payer des intérêts négatifs à l'emprunteur, doit être résolue par l'interprétation du contrat conclu par les parties. En l'absence de clauses expresses dans le contrat de prêt et lorsqu'une volonté réelle et commune des parties à cet égard ne peut pas être établie, il y a lieu d'interpréter le contrat selon la théorie de la confiance (ATF 145 III 241 consid. 3.5.2 et les références).

6.1.5 Trois conceptions s'affrontent s'agissant des conséquences du passage en territoire négatif du taux de référence.

Selon une première approche, le taux d'intérêt global ne saurait être inférieur à la marge de la banque. Une interprétation objective de la convention devrait ainsi aboutir à la conclusion que le prêteur souhaitait conserver un bénéfice issu des intérêts fixes prévus contractuellement. En d'autres termes, il existerait une limitation de l'indice de référence à 0%. Selon Maurenbrecher/Eckert, lorsque les parties n'ont pas expressément convenu du paiement d'intérêts négatifs par le prêteur à l'emprunteur, un renversement du paiement des intérêts ne devrait qu'exceptionnellement être couvert par la volonté hypothétique des parties, d'autant plus que dans le contrat de crédit, la partie intitulée "intérêts" ne fait généralement référence qu'aux obligations de l'emprunteur.

Selon une deuxième conception, si le taux d'intérêt total devient négatif au point que la marge est réduite à néant, le taux d'intérêt total équivaut à 0% et aucune des parties ne doit payer d'intérêts à l'autre. Ainsi, si la marge ne doit pas être préservée, cela ne signifie pas encore que l'emprunteur dispose d'une prétention à l'encontre du prêteur pour le solde des intérêts qui serait inférieur à 0%. Si les parties souhaitent maintenir la marge, indépendamment de la variation de l'indice de référence, elles doivent dès lors prévoir une clause spécifique à cet effet.

La troisième approche revient à admettre que le taux d'intérêt global puisse entrer en territoire négatif, permettant ainsi à l'emprunteur de réclamer des intérêts au prêteur. Ainsi, lorsque les parties ont prévu un calcul des intérêts selon la formule "taux variable + marge", elles ont accepté que cela puisse entraîner un intérêt total négatif. Selon Zellweger-Gutknecht, si une inversion de l'obligation de paiement des intérêts ne va pas à l'encontre de la nature de l'intérêt en tant que contrepartie du prêt - en tout cas lorsque les parties ont prévu de fixer le taux d'intérêt contractuel selon une formule comprenant distinctement une marge générale et un taux de référence -, il convient de déterminer par interprétation si les parties ont effectivement prêté à la composante variable le sens d'une garantie de valeur. A cet égard, cet auteur estime que tant que les parties ne devaient pas, lors de la conclusion du contrat, tabler sur des taux de refinancement négatifs, un indice variable négatif pourrait, pour les contrats conclus avant l'apparition de taux d'intérêts négatifs, être considéré comme égal à zéro en tant que taux de référence pour la détermination de l'intérêt contractuel (ATF 145 III 241 consid. 3.5.3).

6.1.6 Dans l'ATF 145 III 241, le Tribunal fédéral a procédé à l'interprétation d'un contrat pour déterminer si les parties avaient convenu de préserver une marge fixe au prêteur, indépendamment de la variation du taux Libor CHF. En l'occurrence, celles-ci avaient conclu un contrat en juillet 2006, dont il ressortait que le prêteur mettrait 100'000'000 fr. à disposition de l'emprunteur et que le prêt porterait intérêt au taux Libor CHF à six mois augmenté d'un taux fixe de 0,0375% par an dès le 10 août 2006. Dans ce cadre, le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'apparaissait pas que les parties devaient, lors de la conclusion du contrat le 20 juillet 2006, soit huit ans et demi avant l'introduction par la BNS, le 22 janvier 2015, d'un taux d'intérêt négatif sur les avoirs en comptes de virement, tabler sur des taux de refinancement négatifs, ni que l'emprunteur puisse se refinancer à un taux d'intérêt négatif étant précisé que les banques ne se refinançaient pas nécessairement aux taux de référence sur le marché interbancaire.

6.1.7 Aux termes de l'art. 82 CO, celui qui poursuit l'exécution d'un contrat bilatéral doit avoir exécuté ou offrir d'exécuter sa propre obligation, à moins qu'il ne soit au bénéfice d'un terme d'après les clauses ou la nature du contrat.

Selon l'art. 102 CO, le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (al. 1). Lorsque le jour de l'exécution a été déterminé d'un commun accord, ou fixé par l'une des parties en vertu d'un droit à elle réservé et au moyen d'un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (al. 2).

Selon l'art. 104 al. 1 CO, Le débiteur qui est en demeure pour le paiement d’une somme d’argent doit l’intérêt moratoire à 5% l’an. Les parties peuvent toutefois conventionnellement modifier ce taux (Thevenoz, Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 13 ad art. 104 CO).

6.1.8 Un contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). En présence d'un litige sur le contenu d'un contrat, le juge doit interpréter les manifestations de volonté des parties (ATF 131 III 606, cons. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_155/2017 du 12 octobre 2017, consid. 2.3).

Conformément à l'art. 18 al. 1 CO, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions et dénominations inexactes dont elles ont pu se servir (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 132 III 626 consid. 3.1; 131 III 606 consid. 4.1). Constituent des indices en ce sens, non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (arrêts du Tribunal fédéral 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 6.2 et les arrêts cités; 4A_98/2016 du 22 août 2016 consid. 5.1; ATF 144 III 93 consid. 5.2.2).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (arrêts du Tribunal fédéral 4A_508/2016 déjà cité consid. 6.2 et les références; 4A_98/2016 déjà cité consid. 5.1). D'après ce principe, la volonté interne de s'engager du déclarant n'est pas seule déterminante; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l'autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s'engager. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2 et les arrêts cités).

6.1.9 A teneur de l'art. 119 al. 1 CO, l’obligation s’éteint lorsque l’exécution en devient impossible par suite de circonstances non imputables au débiteur.

L'exécution d'une dette d'argent par impécuniosité n'est jamais impossible ; l'impécuniosité et l'insolvabilité du débiteur sont spécifiquement régies par la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (Thévenoz, Commentaire Romand, Code des obligations I, 2021, n. 17 ad art. 97 CO).

6.2.1 En l'espèce, les parties ont conclu un contrat de prêt de consommation, à teneur duquel l'intimée devait mettre à disposition de l'appelante un montant de 900'000 fr., le prêt portant intérêt au taux Libor CHF 6 mois augmenté d'un coût de liquidité variable, mais de 2,50% au maximum, et d'une marge fixe de 1,50%.

Le contrat ne prévoit pas de plancher mais fixe un plafond, les intérêts ne pouvant excéder la limite maximale permise par la loi italienne n. 108 du 7 mars 1996.

Il ne contient pas non plus de disposition sur les conséquences d'un éventuel passage du taux Libor CHF à six mois en territoire négatif, ni sur une éventuelle garantie de la marge convenue en faveur de l'intimée.

Aucune clause du contrat ne traite expressément de la possibilité d'un renversement de l'obligation de paiement des intérêts, plusieurs de ses dispositions faisant en revanche expressément référence au paiement d'intérêts par l'appelante uniquement.

Aucun élément du dossier ne permet de retenir que les parties auraient convenu, ou même envisagé, au moment de la conclusion du contrat, la possibilité d'un paiement d'intérêts négatifs par l'intimée à l'appelante.

La clause du contrat réglant la question des intérêts précise que si le taux d'intérêt appliqué est révisé à chaque échéance de l'index de référence, la marge, elle, reste constante. Selon l'intimée, cette précision signifie que la marge était incompressible.

L'appelante soutient que, selon sa perception interne, le contrat prévoyait que la marge, qui demeurait constante à 1,5%, était "calculée à partir d'un index de référence variable, si bien que les intérêts effectivement perçus p[ouvai]ent fluctuer, en fonction du taux Libor CHF", que celui-ci soit positif ou négatif. L'instruction du dossier permet cependant d'en douter. En effet, l'intimée a, dès le moment où le taux Libor CHF 6 mois a basculé en négatif, soit en début d'année 2015, adressé des avis semestriels, dans lesquels l'indice de référence était fixé à 0, et contrairement à ce que soutient l'appelante, rien ne permet de retenir qu'elle aurait contesté la valeur de l'indice de référence appliqué à ce moment-là. Les discussions dont ont fait état les parties et le témoin Q______ ont en effet eu lieu trois ans plus tard, soit en 2018, lorsque l'appelante a cessé de s'acquitter des mensualités réclamées par la banque.

Les pièces du dossier et les déclarations des parties et du témoin Q______ ne permettent par ailleurs pas de retenir que lesdites discussions auraient porté précisément sur la question du passage du taux de référence en territoire négatif, puisqu'elles ont conduit les parties à conclure une convention qui réduit les intérêts moratoires à 3,5%, au lieu des 12% convenus initialement, mais ne modifie pas les intérêts appliqués depuis 2015, lesquels continuaient de tenir compte d'un taux Libor CHF de 0%. Le témoin Q______ a certes fait mention d'une demande formée par l'appelante en rapport avec la question du taux d'intérêt appliqué au contrat. Rien n'indique toutefois que les parties auraient, initialement ou plus tard, convenu d'un renversement du taux de référence.

L'interprétation subjective des volontés des parties démontre ainsi que celles-ci n'ont pas convenu que la réduction du taux Libor CHF 6 mois en dessous de zéro pourrait avoir pour conséquence une diminution correspondante de la marge de la banque, que ce soit expressément, tacitement ou par actes concluants.

Cela étant, même à retenir que les parties ne se seraient pas comprises ni entendues sur l'effet que déploierait un basculement en territoire négatif du taux Libor CHF 6 mois, la conclusion à laquelle parviendrait la Cour serait la même.

En effet, en cas de désaccord latent entre les parties, le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance.

En l'occurrence, il paraît raisonnable de voir dans le fait que les parties ont prévu de calculer et de payer les intérêts à intervalles réguliers que celles-ci avaient objectivement la volonté d'obtenir une contrepartie à chaque échéance. Il est dès lors tout aussi raisonnable de soutenir que la variation de l'indice de référence ne pouvait en l'occurrence conduire à la suppression de la marge, sous peine d'ôter à la convention conclue par les parties son caractère onéreux. La marge fixe, déterminée notamment en fonction du risque de crédit encouru, ne dépend pas de l'évolution de l'indice de référence, étranger à sa fixation. Admettre le contraire et considérer que la marge puisse être réduite en cas de passage en territoire négatif du taux de référence Libor CHF à six mois pourrait revenir à nier la fixité de la marge convenue par les parties selon les circonstances.

Par ailleurs, et comme déjà retenu par le Tribunal fédéral dans une autre affaire, les parties ne pouvaient, tant d'années avant l'introduction par la BNS d'un taux d'intérêt négatif sur les avoirs en comptes de virement, tabler sur des taux de refinancement négatifs. C'est d'ailleurs ce qu'a déclaré l'intimée au Tribunal. L'appelante ne saurait pour le surplus tirer argument de l'épisode de 1978, les circonstances n'étant pas comparables. Compte tenu de leur qualité de professionnels de la branche et du caractère fluctuant des marchés monétaires et financiers, les parties avaient certes envisagé que des fluctuations du taux Libor CHF puissent survenir. Cela ne suffit toutefois pas à retenir qu'elles auraient également envisagé un renversement, ne serait-ce que temporaire, de l'obligation de payer des intérêts en cas de passage de ce taux en territoire négatif. L'appelante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient qu'in casu le caractère onéreux du prêt était préservé puisque le taux d'intérêts global n'avait jamais basculé dans des taux négatifs. Il n'en demeure pas moins qu'à la suivre, le risque d'un tel renversement demeurerait.

Contrairement à ce que prétend l'appelante, le principe de la confiance ne permet ainsi pas de retenir un accord sur le calcul des intérêts en prenant en compte un taux Libor CHF 6 mois négatif.

La résiliation du contrat de prêt du 8 avril 2019 fondée sur le défaut de paiement des intérêts contractuels courants sur le prêt n'étant pas remise en question par l'appelante, c'est à raison que le Tribunal a considéré que le montant de 916'045 fr. 05 était exigible au 24 avril 2019.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé sur ce point.

6.2.2 Reste la question du taux de l'intérêt moratoire dû par l'appelante.

Les conditions générales de l'intimée, que l'appelante a acceptées, prévoient l'application d'un intérêt moratoire de 12% l'an. Par accord du 27 juin 2019, les parties ont toutefois convenu d'un intérêt moratoire réduit de 3,5% l'an, lequel ne s'appliquait plus en cas de non-respect de la convention. Cet accord fixait le règlement du solde dû (capital, intérêts, frais, commissions et accessoires) au 10 juin 2020. Il n'est pas contesté que l'appelante ne s'est pas acquittée de ce solde dans le délai fixé.

L'intimée avait certes proposé à l'appelante de proroger les termes de leur accord au 10 juin 2021. Cette prorogation était toutefois conditionnée à l'homologation dudit accord par le Tribunal, laquelle n'est jamais intervenue en raison de l'absence de l'appelante aux audiences de conciliation appointées.

L'appelante prétend toutefois tardivement (cf. supra consid. 5.2) qu'il lui était impossible de respecter l'accord du 27 juin 2019 faute d'avoir réussi à vendre "l'immeuble". L'appelante n'ayant jamais allégué les faits pertinents sur lesquels elle fonde son raisonnement, la Cour ignore tout de l'immeuble dont il est question (celle-ci s'étant contentée d'indiquer qu'il s'agit d'un immeuble acquis grâce au prêt octroyé), et aucun élément du dossier ne permet de retenir que le respect de l'accord du 27 juin 2019 était soumis à la condition suspensive de la vente d'un immeuble par l'appelante. En tout état, cette dernière ne peut prétendre s'être trouvée dans une situation d'impossibilité protégée par le droit par le simple fait qu'elle n'avait pas pu trouver les fonds pour respecter l'accord transactionnel conclu. Partant, c'est à raison que le Tribunal a retenu qu'un intérêt moratoire de 12% était dû par l'appelante sur la somme réclamée.

6.2.3 Le chiffre 1 du dispositif du jugement sera par conséquent confirmé.

7. L'appelante critique le montant des frais judiciaires et dépens de première instance fixé par le Tribunal.

7.1.1 Les frais comprennent les frais judiciaires (art. 95 al. 1 let. a CPC), lesquels comprennent notamment l'émolument forfaitaire de conciliation et de décision, les frais d'administration des preuves et de traduction (art. 95 al. 2 let. a à d CPC), ainsi que les dépens (art. 95 al. 1 let. b CPC).

Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1, 1ère phrase CPC) et sont compensés avec les avances fournies par les parties (art. 111 al. 1 CPC).

Pour déterminer le montant des frais, il y a lieu de se référer au tarif des frais prévu par le droit cantonal (art. 96 CPC).

7.1.2 Selon l'art. 19 al. 3 LaCC, les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la procédure et sont fixés dans un tarif établi par le Conseil d'Etat (art. 19 al. 6 LaCC), soit le Règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC – RS GE E 1 05. 10).

Lorsque le Règlement fixant le tarif des frais en matière civile fixe un barème-cadre, les émoluments et les dépens sont arrêtés compte tenu, notamment, des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure ou de l'importance du travail qu'elle a impliqué (art. 5 RTFMC).

S'agissant de la conciliation, l'émolument s'élève à 200 fr. pour une valeur litigieuse allant au-delà de 30'000 fr. (art. 15 RTFMC).

L'émolument forfaitaire de décision pour une valeur litigieuse se situant entre 100'001 fr. et 1'000'000 fr. se situe entre 5 000 fr. et 30 000 fr. (art. 17 RTFMC).

7.1.3 Selon l'art. 105 al. 2 CPC, le Tribunal fixe les dépens selon le tarif.

Le défraiement du représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Il est fixé à Genève, dans les limites figurant dans le Règlement fixant le tarif des frais en matière civile, d’après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 20 LaCC; art. 84 RTFMC).

Lorsque la valeur litigieuse se situe entre 600'000 fr. et 1'000'000 fr., les dépens sont fixés à 25'400 fr. plus 1,5% de la valeur litigieuse dépassant 600'000 fr. Sans préjudice de l'art. 23 de la loi d'application du code civil, il peut toutefois s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'article 84 (art. 85 al. 1 RTFMC).

L'art. 23 al. 1 LaCC permet en outre à la juridiction, lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la loi et le travail effectif de l'avocat, de fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimum et maximum prévus.

Au montant du tarif s'ajoutent la TVA et les débours (art. 25 et 26 LaCC)

7.1.4 La valeur du litige est déterminée par les conclusions (art. 91 al. 1 CPC). Elle correspond au montant effectivement réclamé par celui qui prend les conclusions, principales ou reconventionnelles (ATF 107 III 139 consid. 1), indépendamment du fait qu'elles puissent ou non être parallèlement admises (arrêt du Tribunal fédéral 5A_461/2015 du 6 août 2015 consid. 3).

7.2 La répartition des frais judiciaires et dépens de première instance a été arrêtée conformément aux règles légales. Au vu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu de revenir sur la décision du Tribunal à cet égard.

Il y a toutefois lieu d'examiner leur quotité, celle-ci étant critiquée par l'appelante, qui les estime excessifs au vu de la valeur litigieuse, qu'elle fixe à 74'913 fr. 92 (889'823 fr. 72 réclamé par l'intimée – 814'909 fr. 80 admis par l'appelante).

Contrairement à ce que prétend l'appelante, c'est toutefois bien une valeur litigieuse de 889'823 fr. 72 dont il fallait tenir compte en première instance, ce montant correspondant à celui effectivement mentionné par l'intimée dans ses conclusions.

7.2.1 Les frais judiciaires de première instance se situant entre 5'000 fr. et 30'000 fr. au vu de la valeur litigieuse, le Tribunal les a fixés au montant maximal prévu.

En l'occurrence, l'instruction de la procédure, qui a duré un peu plus d'un an, a nécessité deux audiences d'une durée totale de trois heures et la reddition d'une ordonnance de preuves de quatre pages. La demande introduite par l'intimée mentionnait une valeur litigieuse de 889'823 fr. 72. Bien que le montant contesté s'est finalement révélé bien inférieur à la valeur litigieuse initiale, l'appelante ayant admis déjà dans sa réponse devoir un peu plus de 90% de la somme réclamée par l'intimée, les points demeurés litigieux, en particulier la question des conséquences du passage en négatif du taux de référence, ont nécessité un travail non négligeable, au vu de leur complexité. Compte tenu de ces différents éléments, les frais judiciaires de première instance seront arrêtés à 20'000 fr., émolument de conciliation (200 fr.) et frais d'interprète (286 fr. 16) compris.

Ils seront compensés par les avances fournies par les parties, à due concurrence. Le solde des avances fournies sera restitué aux parties. L'appelante sera par conséquent condamnée à rembourser 19'580 fr. (20'000 fr. – 420 fr.) à l'intimée à titre de frais judiciaires de première instance.

7.2.2 Les mêmes considérations s'appliquent s'agissant des dépens de première instance, dont le montant devrait s'élever, selon le barème, à environ 30'000 fr., étant relevé que les écritures de première instance de l'intimée comptaient douze pages et étaient accompagnées de bordereaux de vingt-six pièces.

Ceux-ci seront arrêtés à un montant de 20'000 fr., débours et TVA compris, compte tenu de la disproportion manifeste entre la valeur litigieuse, le travail fourni par l'avocat et l'intérêt des parties au procès.

7.2.3 Les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement entrepris seront par conséquent modifiés dans le sens qui précède.

8. Les frais judiciaires d'appel seront mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront fixés à 6'000 fr. compte tenu du montant demeuré litigieux (art. 17 et 35 RTFMC) et compensés partiellement avec l'avance fournie par l'appelante, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'appelante sera donc condamnée à verser le solde de 1'500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

L'appelante sera également condamnée à payer à l'intimée 5'000 fr. à titre de dépens d'appel (art. 96 CPC, art. 84, 86 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 LaCC),

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 février 2023 par A______ AG contre le jugement JTPI/15323/2022 rendu le 23 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3583/2021.

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 3 du dispositif de ce jugement et cela fait, statuant à nouveau :

Arrête les frais judiciaires à 20'000 fr., les compense avec les avances fournies par les parties et les met à la charge de A______ AG.

Ordonne la restitution du solde des avances fournies en 11'020 fr. à C______.

Condamne A______ AG à verser 19'580 fr. à C______ à titre de frais judiciaires de première instance.

Condamne A______ AG à verser 20'000 fr. à C______ à titre de dépens de première instance.

Confirme le jugement pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 6'000 fr., les met à la charge de A______ AG, et les compense partiellement avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ AG à verser 1'500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne A______ AG à verser à C______ 5'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.