Décisions | Sommaires
ACJC/1708/2022 du 23.12.2022 sur JTPI/11901/2022 ( SML ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/11655/2022 ACJC/1708/2022 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile du VENDREDI 23 DECEMBRE 2022 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, France, recourant contre un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance le 10 octobre 2022, comparant par Me Cyrielle FRIEDRICH, avocate, rue de la Fontaine 7, 1204 Genève, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile,
et
B______ SARL, sise ______ (GE), intimée, comparant en personne.
A. Par jugement JTPI/11901/2022 du 10 octobre 2022, reçu le 24 octobre 2022 par A______, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté le précité de ses conclusions en mainlevée définitive (chiffre 1 du dispositif), prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 600 fr. (chiffre 2), et arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance effectuée et laissés à la charge de A______ (chiffres 3 et 4).
B. a. Par acte déposé 3 novembre 2022 au guichet universel du Pouvoir judiciaire, A______ a formé recours contre le jugement précité, dont il requiert l'annulation. Il a conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ SARL au commandement de payer, poursuite n° 1______, ainsi qu'à la condamnation de celle-ci aux frais judiciaires des deux instances et au versement à lui-même d'une "juste indemnité à titre de participation aux honoraires d'avocat".
Il a formé des allégués nouveaux (p. 8 du recours).
b. B______ SARL n'a pas déposé de réponse au recours dans le délai imparti.
c. Les parties ont été informées le 5 décembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis au premier juge.
a. Selon un procès-verbal de transaction passé le 12 avril 2022 devant l'Autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes dans la cause C/2______/2022-5, B______ SARL s'est engagée à verser à A______, qui a accepté, pour solde de tout compte, la somme brute de 18'000 fr., à verser avant fin avril 2022 "sur le compte connu des parties". Une fiche de salaire mentionnant les déductions sociales et légales usuelles devait être établie et transmise à A______ par pli postal.
Il est mentionné au pied du procès-verbal que la transaction a les effets d'une décision entrée en force (art. 208 al. 2 CPC).
b. Le 29 avril 2022, B______ SARL a versé à A______ 12'263 fr. 07 avec la mention "SALAIRE DECEMBRE 21+ 13+3000.- JANVIER SOLDE DE TOUS COMPTE".
c. Sur réquisition de A______, l'Office des poursuites a notifié le 8 juin 2022 à B______ SARL un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 1'855 fr. 08 et dont la rubrique "Titre et date de la créance ou cause de l'obligation" mentionne: "Non-respect de la clause du procès-verbal de transaction du tribunal des prud'hommes C/2______/2022-5 du 12.04.2022. La somme totale devait être payée au plus tard fin avril 2022; seul un versement partiel a été effectué jusqu'à aujourd'hui".
B______ SARL a formé opposition audit commandement de payer.
d. Par acte du 16 juin 2022, dont la rubrique "Motivation" reprend la mention précitée figurant sur le commandement de payer, A______ a requis du Tribunal le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition.
Il a produit, outre le procès-verbal du 12 avril 2022, le justificatif du versement du 29 avril 2022 et le commandement de payer, la réquisition de poursuite, ainsi que deux bulletins de salaire, soit:
- un bulletin de salaire de décembre 2021 établi sur papier à entête de B______ SARL, daté du 29 mars 2022, imprimé à cette date et adressé à A______, mentionnant un salaire brut de 15'000 fr. (7'500 fr. de salaire mensuel et 7'500 fr. de 13ème salaire) et un montant net de 11'313 fr. 15 après déduction des cotisations AVS/AI/APG, de la cotisation à l'assurance maternité (GE), de la cotisation AC, de la cotisation AANP et de la retenue de l'impôt à la source (pièce 6);![endif]>![if>
- un bulletin de salaire de janvier 2022 établi sur papier à entête de B______ SARL, daté du 20 avril 2022, imprimé à cette date et adressé à A______, mentionnant un salaire brut de 3'000 fr. et un montant net de 2'805 fr. après déduction des cotisations AVS/AI/APG, de la cotisation à l'assurance maternité (GE), de la cotisation AC, de la cotisation AANP et de la retenue de l'impôt à la source (pièce 7).![endif]>![if>
e. Lors de l'audience du Tribunal du 10 octobre 2022, B______ SARL a déclaré que sa partie adverse prétendait que les charges n'avaient pas été calculées correctement et réclamait un montant de 1'855 fr. 07. La pièce n° 6, imprimée le 29 mars 2022, produite par A______ était "fausse"; elle déposait donc "la pièce originale imprimée le 6 décembre 2021". En sus du montant versé de 12'263 fr. 07, B______ SARL reconnaissait "devoir encore CHF 600.- de frais de véhicule".
B______ SARL a déposé un bulletin de salaire de décembre 2021 établi sur son papier à entête, daté du 6 décembre 2021, imprimé à cette date et adressé à A______, mentionnant un salaire brut de 15'000 fr. (7'500 fr. de salaire mensuel et 7'500 fr. de 13ème salaire) et un montant net de 10'608 fr. 75 après déduction des cotisations AVS/AI/APG, de la cotisation à l'assurance maternité (GE), de la cotisation AC, de la cotisation AANP, de la retenue de l'impôt à la source et de la cotisation LPP (704 fr. 40).
Figurent également au dossier de première instance trois feuilles volantes qui ne sont pas mentionnées au procès-verbal d'audience, mais qui ont vraisemblablement été déposées par B______ SARL, soit:
- un justificatif imprimé le 8 octobre 2022 du versement de 12'263 fr. 07 par celle-ci à A______ le 29 avril 2022;![endif]>![if>
- une feuille dactylographiée mentionnant: ![endif]>![if>
"Les pièces 6-7 sont fausse
12 ET 13 = 10'608.75
3000.- = 2'284.71
10'608.75 + 2'284.71 = 12'893.46
Payé 12'263.07
Solde 630.39"
- une feuille dactylographiée mentionnant le montant de 3'000 fr., diverses déductions sociales et légales, des "Vacances" et "Férié" et le montant de 2'284 fr. 71, représentant vraisemblablement le correspondant net.![endif]>![if>
A teneur du procès-verbal, A______ ne s'est pas exprimé lors de l'audience et le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de celle-ci.
f. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a considéré que les pièces produites ne valaient pas titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP, dans la mesure où les parties divergeaient sur la manière de calculer le salaire net, alors que la transaction judiciaire du 12 avril 2022 mentionnait un montant brut, chaque partie ayant par ailleurs produit une version différente du bulletin de salaire de décembre 2021. A______ devait ainsi être débouté de ses conclusions en mainlevée définitive. Cependant la mainlevée provisoire pouvait être prononcée à concurrence de 600 fr., montant reconnu en audience par B______ SARL.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée de l'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).
1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 251 let. a et 321 al. 1 et 2 CPC). Déposé selon la forme et le délai prescrits, le recours du 3 novembre 2022 est recevable.
1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret Bortolaso/Aguet, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n. 2307).
Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 a contrario et art. 58 al. 1 CPC).
S'agissant d'une procédure de mainlevée définitive, la Cour doit vérifier d'office si la requête est fondée sur un titre de mainlevée valable (arrêt du Tribunal fédéral 5P.174/2005 du 7 octobre 2005 consid. 2.1). Dans cette mesure, la Cour applique librement le droit.
2. Les allégations nouvelles du recourant ne sont pas recevables (art. 326 al. 1 CPC) et la Cour examinera la cause sur la base du dossier dont disposait le Tribunal.
3. Le recourant fait grief au Tribunal d'avoir refusé le prononcé de la mainlevée définitive à concurrence du montant déduit en poursuite. Il fait valoir que le désaccord des parties au sujet du montant net dû par l'intimée ne pouvait pas "mettre à néant le titre de mainlevée définitive produit par le recourant et [qu']il était du devoir de l'employé [recte: l'employeur] de prouver qu'il avait payé les contributions sociales aux institutions concernées". Il prétend ainsi qu'il aurait pu déduire en poursuite la somme de 5'736 fr. 93 (18'000 fr. - 12'263 fr. 07).
3.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Les transactions ou reconnaissances passées en justice sont assimilées à des jugements (art. 80 al. 2 ch. 1 LP).
A teneur de l'article 81 alinéa 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte.
La transaction a les effets d'une décision entrée en force (art. 208 al. 2 CPC).
3.1.1 Un jugement ne justifie la mainlevée définitive que si la somme due est chiffrée; celle-ci peut, cependant, être établie par le rapprochement de plusieurs pièces. Le fait que le jugement dont se prévaut le poursuivant emporte condamnation à payer un montant brut, sous déduction des cotisations sociales - procédé par ailleurs courant - ne prive donc pas cette décision de son aptitude à constituer un titre de mainlevée définitive (arrêt du Tribunal fédéral 5P_364/2002 du 16 décembre 2002 consid. 2.1.2).
S’il est possible de chiffrer exactement le salaire dû après déduction des cotisations légales et conventionnelles sur la base des pièces au dossier ou des considérants du jugement invoqué comme titre à la mainlevée, l’opposition peut être levée à concurrence du montant net même si le dispositif du jugement n’est pas suffisant en lui-même (PANCHAUD/CAPREZ, La mainlevée d’opposition, § 108 n° 3; JT 1964 II 53).
Lorsque le salaire alloué est un montant brut (arrêt du Tribunal fédéral 4C_319/1999, consid. 2b; BERSIER, Salaire brut ou salaire net ? La mention des cotisations d'assurances sociales dans les prétentions issues d'un contrat de travail, RSJ 1982 p. 299 ss, n. 302; SJ 1987 p. 572), il convient de déduire les charges sociales, selon un mode de répartition impérativement prévu par la législation de droit public (art. 322 al. 1 CO; ATF 107 II 430 consid. 4; JAR 1996 p. 95 consid. 2), ainsi que les impôts à la source éventuellement dus. Le fardeau de la preuve du bien-fondé et de l'importance de ces imputations incombe à l'employeur (WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4ème éd. 2019, p. 238).
Lorsque l'employé poursuit l'employeur sur la base d'un jugement condamnant le second à payer au premier un salaire brut, il appartient à l'employeur poursuivi d'invoquer et de prouver le montant des déductions sociales qu'il doit aux institutions concernées; la preuve du paiement effectif n'est en revanche pas nécessaire, les cotisations n'étant pas forcément exigibles en même temps que le salaire. Si l'employeur poursuivi ne fait pas valoir les déductions sociales, la mainlevée doit être prononcée pour le salaire brut, à tout le moins lorsque le montant net ne peut être aisément établi sur la base de motifs du jugement (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2ème éd. 2022, n. 33 ad art. 80 LP).
3.1.2 Le juge doit, outre le jugement ou les titres y assimilés et leur caractère exécutoire, examiner d'office l'existence des trois identités - l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1).
Il est erroné d'additionner, respectivement de compenser (arrêt du Tribunal fédéral 5P.364/2002 du 16 décembre 2002 consid. 2.2), des sommes qui ne sont pas exprimées dans la même unité de grandeur, l'une nette et l'autre brute.
3.2 En l'espèce, la transaction du 12 avril 2022 constitue un titre exécutoire au sens de l'art. 80 LP. L'intimée s'est engagée à verser au recourant la somme brute de 18'000 fr. avant fin avril 2022, ainsi qu'à établir et lui remettre une fiche de salaire mentionnant les déductions sociales et légales. L'engagement à payer un montant brut ne prive pas la transaction de son caractère de titre de mainlevée définitive.
L'intimée a versé au recourant 12'263 fr. 07 le 29 avril 2022, mais aucune des parties n'a produit la fiche de salaire portant sur la somme brute de 18'000 fr. que l'intimée devait établir après la conclusion de la transaction.
L'intimée, à qui incombait le fardeau de la preuve, a invoqué le montant des charges sociales et légales. Pour les établir, elle a produit, d'une part, un bulletin de salaire du recourant de décembre 2021, établi quatre mois avant la conclusion de la transaction extra-judiciaire et portant sur la somme brute de 15'000 fr. et, d'autre part, une fiche de calcul difficilement compréhensible, visant vraisemblablement la somme brute de 3'000 fr. Le calcul des charges proposé par l'intimée, contesté par le recourant, ne peut ainsi pas être retenu.
La part des cotisations sociales mises légalement à la charge de l'ex-employé (notamment AVS/AI/APG et AC) est facilement déterminable. En revanche, s'agissant des autres déductions dont le taux est variable (assurance-accident ou prévoyance professionnelle) ou pour d'éventuelles assurances facultatives (assurance perte de gain collective maladie ou assurance perte de gain complémentaire LAA), l'intimée n'a produit aucun justificatif permettant de calculer la somme à prélever de ce chef (cf. WYLER/HEINZER, op. cit., p. 239).
Il n'appartient pas à l'ex-employé poursuivant de déterminer les charges sociales (cf. également ACJC/1107/2013 du 13 septembre 2013 consid. 2.3). Le recourant a néanmoins produit deux bulletins de salaire, l'un portant sur 15'000 fr. bruts, lui-aussi antérieur à la conclusion de la transaction et indiquant de surcroît un salaire net plus élevé que celui résultant du bulletin du 6 décembre 2021 produit par l'intimée, et l'autre portant sur 3'000 fr. qui représenteraient son salaire de janvier 2022. Ces deux pièces sont en outre contestées par l'intimé.
Dans la mesure où les éléments résultant des pièces du dossier et de la transaction ne permettent pas la détermination du total net dû au recourant, le juge de la mainlevée pourrait prononcer la mainlevée définitive pour le total brut résultant du titre de mainlevée définitive, sous imputation de la somme nette déjà versée.
Néanmoins, dans le cas présent, le recourant a déduit en poursuite une somme nette de 1'855 fr. 08, arrêtée par ses soins et qui ne peut être vérifiée sur la base des pièces produites. Il n'y a donc pas identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre de mainlevée définitive présenté par le recourant.
C'est donc à juste titre que le Tribunal a refusé de prononcer la mainlevée définitive requise et s'est borné à prononcer la mainlevée provisoire à concurrence du montant de 600 fr. reconnu par l'intimée lors de l'audience du 10 octobre 2022.
Infondé, le recours sera donc rejeté.
4. Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 300 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP), mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance de frais effectuée, laquelle demeure à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
L'intimée n'a pas répondu au recours et ne réclame donc pas de dépens.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 3 novembre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/11901/2022 rendu le 10 octobre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11655/2022-12 SML.
Au fond :
Le rejette.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de recours à 300 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance effectuée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Mélanie DE RESENDE PEREIRA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.