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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/27804/2023

ACPR/771/2025 du 25.09.2025 sur OMP/18501/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SUSPENSION DE L'INSTRUCTION;PROLONGATION;ESCROQUERIE
Normes : CPP.314.al1.leta; CP.146

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/27804/2023 ACPR/771/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 25 septembre 2025

 

Entre

A______, domicilié ______ [AG], agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de prolongation de suspension de l'instruction rendue le 31 juillet 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 4 août 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 31 juillet 2025, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a ordonné la prolongation de la suspension de l'instruction jusqu'au 30 mars 2029, sauf reprise dans l'intervalle.

Le recourant conclut à la reprise de la procédure.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1991, originaire de Roumanie, a déposé plainte pénale contre inconnu le 5 août 2023 pour escroquerie.

Il a expliqué que durant le mois de juin 2023, il avait mis en vente sa voiture sur un site internet. Un homme, disant se prénommer B______, s'exprimant en espagnol et utilisant le raccordement n° + 34 1______, lui avait dit être intéressé, mais n'avait finalement pas acheté sa voiture. Le 3 juillet 2023, un dénommé C______, se présentant comme une connaissance de B______, lui avait envoyé un message via WhatsApp à partir du raccordement n° + 34 2______. Le 15 juillet suivant, B______ avait repris contact avec lui, toujours via WhatsApp, et l'avait informé que C______, un ami, allait se rendre à Zurich et voulait l'y rencontrer. C______ lui avait donné rendez-vous à l'hôtel pour boire un café. À cette occasion, le prénommé – un homme de type africain âgé de 35-40 ans, mesurant environ 175-180 cm – lui avait dit être un homme d'affaires, travailler dans la finance et vouloir l'intégrer dans son "business" très rentable. Lui-même gagnerait le 30% de ce qu'il investirait. Dans des contacts ultérieurs, C______ lui avait dit que le montant minimal de l'investissement était de CHF 24'000.-. Il l'avait mis en confiance et était très à l'aise dans sa façon de parler.

Le 3 août 2023, il avait recontacté C______ pour lui dire qu'il pouvait investir CHF 12'000.-, obtenus en vendant sa maison en Moldavie. C______ avait dit être d'accord et ne vouloir que des billets de CHF 200.-. Ils avaient convenu d'un rendez-vous le 5 août 2023, à Genève, à l'hôtel D______. Il était allé retirer à la banque tout ce qu'il avait, soit CHF 10'800.-. À l'hôtel, C______, lui avait dit de monter dans sa chambre pour faire le "boulot". Ce dernier lui avait dit de prendre en photo l'argent et de le lui donner. C______ était sorti quelques minutes sans l'argent, puis lui-même. À son retour, C______ était en train de "scotcher un paquet d'alu", qu'il avait placé sous la poubelle en lui disant qu'il fallait attendre environ une heure pour que la réaction chimique se fît. Tous deux étaient descendus au bar de l'hôtel et C______ lui avait remis la carte de sa chambre. Lui-même avait laissé tous ses effets dans la chambre. L'individu était parti aux toilettes, sans son sac à dos, et n'était jamais revenu.

Pendant l'audition du plaignant, une patrouille de police s'est rendue à l'hôtel D______ où elle a retrouvé les effets personnels du plaignant. Il manquait toutefois CHF 150.- et les CHF 10'600.- remis à l'individu.

b. Il ressort de deux factures de l'hôtel D______ et du bulletin d'enregistrement qu'un certain E______, né le ______ 1979, "rue 3______" y avait séjourné du 3 au 5 août 2023.

c. Selon le rapport de renseignements du 13 décembre 2023, la police avait saisi dans la chambre occupée par cet individu des faux billets de CHF 200.-, deux flacons vides usagés, un emballage enroulé de scotch et une bouteille enroulée d'une matière indéterminée, soit le matériel servant à des escroqueries de type "wash-wash".

L'adresse "rue 3______" n'existait pas et l'identité de E______ ne ressortait dans aucun fichier français. L'individu avait payé les deux nuits en espèces. Des images issues de la caméra de surveillance du lobby montraient, le 4 août 2023 à 23h23 [3 minutes avant le check-in] un individu de type africain, dont le visage était dissimulé et le lendemain, à 10h42, le soi-disant C______ avec un billet de CHF 200.- sur le comptoir. La vidéosurveillance du couloir avait permis de voir l'individu en compagnie du plaignant, entrer dans la chambre 305 le 5 août 2023 vers 10h30, en ressortir seul pendant cinq minutes, les deux intéressés l'ayant quittée ensemble vers 11h55.

Le raccordement + 34 2______ était enregistré au nom de F______, né le ______ 1974 et domicilié à Annemasse, une identité inconnue des polices française et genevoise.

L'ensemble du matériel en lien avec l'escroquerie ainsi que le sac à dos de l'auteur présumé avaient été transmis à la Brigade de police technique et scientifique (ci-après: BPTS) pour analyse. Un communiqué avait été effectué avec la photo de l'intéressé.

d. Le 1er octobre 2024, le Ministre public a ordonné la suspension de l'instruction (art. 314 al. 1 let. a CPP) jusqu'au 30 mars 2025, sauf reprise dans l'intervalle. Les profils d'ADN de trois hommes avaient été mis en évidence sur le lieu de l'infraction, profils qui étaient toutefois inconnus de la BPTS.

Dite ordonnance a été notifiée au plaignant par pli simple.

e. Par courrier du 30 juillet 2025, A______ a demandé au Ministère public si une identification formelle de la personne ayant réservé la chambre avait été effectuée, relevant que les hôtels avaient pour obligation d'enregistrer les données des clients sur présentation d'un document officiel.

f. Le Ministère public lui a répondu le lendemain. Il lui transmettait, en annexe, et à titre gratuit, une copie du rapport de renseignements établi par la police. Aucune correspondance ADN n'avait encore permis l'identification des auteurs. La procédure allait néanmoins rester suspendue.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a retenu ces mêmes éléments, relevant que la prolongation de la suspension ordonnée vaudrait jusqu'au 30 mars 2029 si celle-ci n'était pas reprise dans l'intervalle.

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose que la prolongation de la suspension de l'instruction au 30 mars 2029 était démesurée, compte tenu des éléments d'ores et déjà connus, à savoir les identités utilisées pour réserver l'hôtel, la vidéosurveillance, les objets saisis et les numéros de téléphone liés aux auteurs. Il sollicitait donc une "demande d'assistance internationale" pour identification, une nouvelle analyse des images de vidéosurveillance et "un renforcement des efforts de l'enquête".

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant s'oppose à la prolongation de la suspension de l'instruction et requiert plusieurs actes d'enquête.

3.1.  L'art. 319 al. 1 CPP prévoit que le Ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b). Cette disposition doit être appliquée conformément au principe "in dubio pro duriore", selon lequel un classement ne peut être prononcé que si la situation factuelle et juridique est claire. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_33/2021 du 12 juillet 2021 consid. 2).

3.2.  À teneur de l'art. 314 al. 1 let. a CPP, le Ministère public peut suspendre une instruction, notamment, lorsque l’auteur ou son lieu de séjour est inconnu ou qu’il existe des empêchements momentanés de procéder.

3.3.  Lorsqu'il existe un obstacle temporaire à la poursuite de l'instruction, le ministère public peut, soit suspendre la procédure (art. 314 CPP), soit clore celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_638/2021 du 17 août 2022 consid. 2.1.2).

Dans ce dernier cas de figure, le classement doit être rendu en application de l'art. 319 al. 1 let. a CPP (absence de soupçon(s) suffisant(s) justifiant une mise en accusation du prévenu), de façon à permettre une reprise de la cause (art. 323 CPP) en cas d'évolution de la situation (ACPR/136/2024 du 22 février 2024 consid. 3.1.1; ACPR/342/2023 du 10 mai 2023, consid. 2.2 et ACPR/167/2022 du 8 mars 2022, consid. 7.1).

3.4.  En l'espèce, le plaignant semble avoir été victime d'une escroquerie de type "wash-wash" au début du mois d'août 2023. Force est cependant de constater que les informations recueillies dans le cadre des investigations menées par la police, n'ont pas permis d'établir l'identité du ou des auteur(s) des actes dénoncés, en particulier du soi-disant C______.

Il ressort du dossier que la police a enquêté auprès de l'hôtel dans lequel l'auteur présumé avait séjourné et où se sont déroulés les faits dénoncés. Toutefois, l'identité donnée par l'individu lors de son enregistrement, tout comme son adresse en France, s'avèrent fantaisistes. La photographie issue de la vidéosurveillance montre un individu africain le jour des faits, au lobby, avec un billet de CHF 200.- dans les mains, qui pourrait être le soi-disant C______. Cet individu n'a à ce jour pas pu être identifié sur la base de cette photo. Il existe de plus un communiqué de la police avec la photo de l'intéressé. Enfin, si trois profils d'ADN ont pu être isolés sur du matériel saisi dans la chambre d'hôtel, aucune correspondance ADN n'a toutefois encore permis l'identification du ou des auteurs.

En l'état, on ne discerne pas quel acte d'instruction complémentaire permettrait d'obtenir un résultat différent. En particulier, il ne saurait être question de décerner une commission rogatoire internationale dans la mesure où le pays même où elle devrait être adressée est en l'état inconnu. Le recourant n'indique pas ce qu'une nouvelle analyse des images de vidéosurveillance apporterait d'utile qui n'ait pas déjà été exploité. Enfin, le raccordement + 34 2______ utilisé par le soi-disant C______ était enregistré sous une identité inconnue des polices française et genevoise, soit très-probablement un prête-nom.

Le recourant ne propose ainsi aucun autre acte d'instruction raisonnable, ni réalisable, qui serait en mesure de faire avancer l'instruction.

Dans ces circonstances, c'est avec raison que le Ministère public a considéré que l'enquête menée par la police n'avait en l'état pas donné de résultats probants et qu'aucune investigation supplémentaire ne paraissait susceptible de conduire à l'identification et à l'interpellation du ou des auteur(s) des évènements dénoncés. Il sied de préciser que la procédure – suspendue – pourra toujours être reprise en cas de moyens de preuve ou de faits nouveaux déterminants, le Ministère public ayant d'ailleurs expressément réservé cette hypothèse dans sa décision.

L'ordonnance querellée ne prête dès lors pas le flanc à la critique.

4.             Justifiée, elle sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), lesquels seront prélevés sur les sûretés versées.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/27804/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00