Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/736/2025 du 17.09.2025 sur OCL/964/2025 ( MP ) , ADMIS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/7640/2025 ACPR/736/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 17 septembre 2025 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocate,
recourant,
contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 26 juin 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 10 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 juin 2025, notifiée le 30 suivant, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement partiel de la procédure s'agissant de l'infraction à l'art. 19 LStup, dit que la procédure suivait son cours pour le surplus, refusé d'allouer à A______ une "indemnité et/ou un montant à titre de réparation du tort moral" et dit que les frais de la procédure, en lien avec "ces faits", étaient laissés à la charge de l'État.
Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance et à la condamnation de l'État de Genève à lui verser une indemnisation "partielle" de la somme de CHF 3'098.90, TVA incluse, pour ses frais de défense, ainsi que la somme de CHF 605,80 pour ses frais de défense dans la procédure de recours.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, sans domicile fixe et faisant l'objet d'une interdiction d'entrer en Suisse, valable du 29 juin 2024 au 28 juin 2027, a été observé le 27 mars 2025, à hauteur de l'intersection entre la rue de Berne et la rue de Monthoux, à Genève, dans le cadre d'une opération de police visant à lutter contre le trafic de stupéfiants. Il était en possession d'une boulette de cocaïne, destinée à sa propre consommation, et a tenté de se soustraire à son contrôle.
La police a également contrôlé, à la même occasion, le dénommé C______, qui avait été observé cheminant avec A______. Le premier cité a déclaré être consommateur festif de cocaïne, "reconnaître facilement les vendeurs de rue" et avoir eu l'intention d'acheter une boulette à A______.
b. A______ a contesté, tant devant la police que devant le Ministère public, s'adonner au trafic de drogue, mais admettait être consommateur.
Outre les questions sur sa situation personnelle et administrative, l'essentiel du procès-verbal de police tient en une page dont la moitié porte sur la vente ou la consommation de stupéfiants. Quant au procès-verbal devant le Ministère public, il concerne essentiellement les circonstances de son arrestation mais également le fait de savoir si A______ et le consommateur se connaissaient ou pas.
c. Par ordonnance pénale du 28 mars 2025, le Ministère public a condamné A______ pour infraction à l'art. 19 ch. 1 let. d LStup, infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEI, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 al. 1 CP) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).
L'intéressé a formé opposition à cette ordonnance et a sollicité de pouvoir bénéficier d'un défenseur d'office.
d. Par ordonnance du 8 avril 2025, contre laquelle A______ n'a pas recouru, le Ministère public a refusé d'ordonner la défense d'office en sa faveur. La question de son éventuelle indigence pouvait rester ouverte, dès lors que les faits demeuraient simples et circonscrits, la cause ne présentant ainsi pas une complexité suffisante pour justifier la nomination d'un avocat d'office.
e. Sur opposition, le Ministère public a procédé, le 10 juin 2025, à une confrontation entre A______, assisté de son avocate, et C______, lors d'une audience qui a duré 25 minutes. Le même jour, il a rendu un avis de prochaine clôture dans lequel il a indiqué qu'il entendait rendre une ordonnance de classement partiel en ce qui concernait la détention de cocaïne en vue de la vente.
f. Le 13 juin suivant, l'avocate constituée pour la défense de A______ a conclu à ce que lui soit allouée la somme de CHF 3'098.90 pour ses frais de défense, note d'honoraire à l'appui.
C. Dans la décision querellée, le Ministère public a refusé d'indemniser A______, au motif que ses dépenses, en lien avec les faits objet du classement partiel, étaient insignifiantes (art. 430 al. 1 let. c CPP). L'intéressé avait contesté l'ordonnance pénale du 28 mars 2025 dans son ensemble et allait être condamné, par ordonnance pénale séparée, pour les faits de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, de séjour illégal et de consommation de stupéfiants.
D. Par nouvelle ordonnance pénale du 26 juin 2025, le Ministère public a condamné A______ pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEI, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 al. 1 CP) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).
A______ y a formé opposition
E. a. Dans son recours, A______ considère que le refus d'indemnisation n'était pas justifié. C'était principalement pour l'infraction de trafic de stupéfiants, manifestement l'infraction la plus grave qui lui était reprochée, qu'il avait été contraint de mandater son conseil. D'autre part, le Ministère public avait laissé les frais à la charge de l'État, ce qui lui donnait un droit à une indemnité pour ses frais de défense. Enfin, il n'était possible de déroger au principe du droit à l'indemnisation qu'à titre exceptionnel. Il laissait le soin à la Chambre de céans de chiffrer l'indemnisation, équitable, qui lui était due.
b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. Il estime que la somme de CHF 3'098.90 sollicitée par le recourant, correspondant à 7 heures d'activité, est largement surévaluée pour la complexité toute relative de la procédure. Cette somme aurait tout au plus pu s'élever à CHF 300.-, compte tenu de ce que les faits classés représentaient un tiers de la procédure, somme insignifiante qu'il était en droit de refuser en application de l'art. 430 al. 1 let. c CPP.
c. Le recourant n'a pas répliqué.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant conteste l'ordonnance de classement partiel en ce qu'elle refuse de l'indemniser pour ses frais de défense.
2.1.1. En cas de classement, les frais de la cause sont généralement supportés par la Confédération ou le canton (art. 423 CPP).
L'art. 426 al. 2 CPP permet toutefois d'imputer au prévenu tout ou partie de ces frais, s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
2.1.2. La question de l'indemnisation doit être traitée après celle des frais, la décision sur ceux-ci préjugeant du sort de celle-là (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2; 137 IV 352 consid. 2.4.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_35/2022 précité, consid. 4.2).
Il en résulte que si l'État supporte les frais (art. 423 CPP), l'intéressé doit être indemnisé (art. 429 CPP), principe auquel il ne peut être dérogé qu'à titre exceptionnel (arrêt du Tribunal fédéral 7B_35/2022 précité, consid. 4.2 in fine).
2.1.3. Le prévenu au bénéfice d'un classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP), pour autant que l’assistance d’un avocat ait été nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 7B_35/2022 du 22 février 2024 consid. 5.2.1).
2.1.4. L'autorité pénale peut refuser l’octroi d’une telle indemnité, lorsque les conditions de l'art. 430 al. 1 let. a CPP, d'une teneur identique à celles de l'art. 426 al. 2 CPP, sont réalisées.
L'autorité peut également réduire ou refuser cette indemnité si les dépenses du prévenu sont insignifiantes (art 430 al. 1 let. c CPP).
Cette exclusion repose implicitement sur la certitude que l'ouverture d'une enquête pénale fait partie des aléas ordinaires de la vie, dont la réalisation n'entraîne pas automatiquement l'indemnisation pour des raisons de solidarité collective (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 430).
Toutefois, la réduction, voire la suppression, de l'indemnisation du fait de la modicité du dommage subi doit être appréhendée restrictivement, car le fait d'être soupçonné d'avoir commis quelqu'infraction reste encore un évènement exceptionnel (ACPR/764/2022 du 4 novembre 2022 consid. 2.2.; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 9 ad art. 430; ACPR/764/2022 du 4 novembre 2022 consid. 2.2).
2.2. En l'espèce, le Ministère public n'a pas soutenu, et il ne ressort pas du dossier, que le recourant aurait fautivement provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. La totalité des frais en lien avec le trafic de stupéfiants reproché a été d'ailleurs laissée à la charge de l'État.
Le Ministère public a en revanche considéré que le refus d'indemnisation se justifiait en raison du caractère insignifiant des dépenses exposées par le recourant.
Or, cette autorité ne remet pas en cause le fait que l'assistance d'un avocat était justifiée et raisonnable.
Les frais d'avocat que le prévenu a dû débourser pour sa défense ne sauraient être qualifiés d'insignifiants au sens de l'art. 430 al. 1 let. c CPP et doivent dès lors faire l'objet d'une indemnisation. Le classement partiel est en effet intervenu après une audience devant le Ministère public à laquelle le prévenu a comparu assisté de son conseil.
L'indemnité réclamée correspond à la note d'honoraires du conseil pour l'entier de la procédure devant le Ministère public. Il apparaît raisonnable d'admettre, au vu des autres infractions qui lui sont encore reprochées, que le tiers de cette note, au demeurant raisonnable dans son contenu, correspond à l'activité déployée en lien avec l'infraction ayant fait l'objet du classement. Par économie de procédure, la Chambre de céans admettra la conclusion et statuera sans renvoyer la cause au Ministère public pour nouvelle décision sur ce point (art. 397 al. 2 CPP).
L'indemnité fixée par la Chambre de céans correspondra donc au tiers de la note d'honoraires de Me B______, soit CHF 955.55, sans TVA, vu l'absence de domicile en Suisse du recourant.
Partant, le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance querellée sera annulé et l'avocate du recourant se verra allouer l’indemnité susvisée, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits dans la procédure préliminaire.
3. Les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP).
4. Le recourant, qui obtient gain de cause, a également demandé l'octroi de dépens en CHF 605.80.
4.1. En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.
Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, cette indemnisation visant les frais de la défense de choix (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, n. 12 ad art. 429). En application de l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine donc d'office celles-ci et peut enjoindre l'intéressé de les chiffrer et de les justifier.
Lors de la fixation de l'indemnité, le juge ne doit pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).
4.2. Le recours comporte deux pages et demi, hors page de garde et conclusions. Partant, une indemnité de CHF 450.-, sans TVA, correspondant à une heure d'activité au tarif usuel, apparaît suffisante et équitable.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet le recours.
Annule le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance querellée.
Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 955.55, hors TVA, pour la procédure préliminaire (art. 429 al. 1 let. a et al. 3 CPP).
Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 450.-, hors TVA, pour la procédure de recours (art. 429 al. 1 let. a et al. 3 CPP).
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui sont conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).