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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/722/2025

ACPR/724/2025 du 10.09.2025 sur OMP/17621/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : MAUVAIS TRAITEMENTS ENVERS LES ENFANTS;DÉFENSE OBLIGATOIRE;DÉFENSE D'OFFICE;SITUATION FINANCIÈRE;REJET DE LA DEMANDE
Normes : CPP.130; CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/722/2025 ACPR/724/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 10 septembre 2025

 

Entre

A______, représentée par Me Agrippino RENDA, avocat, route des Acacias 6, case postale 588, 1211 Genève 4,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 21 juillet 2025 par le Ministère public,

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 4 août 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 21 juillet 2025, notifiée le 23 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

La recourante conclut à l'annulation de cette ordonnance, à l'octroi de l'assistance judiciaire en sa faveur, avec effet au 27 juin 2025, et à la désignation de Me Agrippino RENDA en qualité de défenseur d'office.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est maman de deux enfants, soit B______, née en 2012, et C______, né en 2016, enfants dont elle a la garde de fait.

Elle est sans emploi depuis le début de l'année 2024 et en instance de divorce.

b. Le 8 janvier 2025, le Service de protection des mineurs (SPMi) a dénoncé au Ministère public des faits pouvant être constitutifs d'actes de maltraitances de la part de A______ sur ses deux enfants.

c. Entendue par la police [en ayant renoncé à la présence d'un avocat], puis par le Ministère public [assistée de Me Agrippino RENDA en tant qu'avocat de choix], A______ a contesté tout acte de maltraitance sur ses enfants.

Le Ministère public l'a mise en prévention des chefs de voies de fait (art. 126 CP), voire de lésions corporelles simples (art. 123 CP), d'injure (art. 177 CP), de menaces (art. 180 CP) et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP), pour avoir, à diverses reprises, manqué à son devoir d'assister ou d'élever ses enfants, mettant de la sorte en danger leur développement physique ou psychique.

d. Le 27 juin 2025, A______ a déposé une demande d'assistance juridique.

Il ressort à cet égard du formulaire de situation personnelle produit ainsi que des auditions précitées de la requérante qu'après l'intervention du SPMi en mars 2025, B______ était allée vivre chez son père. Depuis lors, A______ avait renoncé à la pension alimentaire de l'ordre de CHF 800.- qu'elle recevait auparavant du Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA) pour sa fille, quand bien même cette dernière était revenue s'installer chez elle au mois de juin suivant. Elle percevait une pension alimentaire de CHF 400.- pour C______ de la part de son père, de même que des allocations familiales, une indemnité de chômage et des prestations complémentaires familiales. Elle a indiqué n'avoir ni dette ni fortune, son compte épargne auprès de [la banque] D______ faisant toutefois état d'un solde de CHF 10'433.10 au 31 décembre 2024.

e. Le 17 juillet 2025, le Service de l'assistance juridique a rendu un rapport concernant la situation financière de A______.

Il en ressortait que les ressources mensuelles nettes de l'intéressée s'élevaient à CHF 5'893.65 (indemnités journalières de chômage CHF 3'079.30, allocations familiales CHF 311.-, pension alimentaire CHF 400.-, prestations complémentaires CHF 1'395.- et allocation de logement CHF 708.35) tandis que ses charges strictes admissibles totalisaient CHF 4'541.10 (loyer CHF 2'342.-, primes d'assurance-maladie, subsides déduits, calculées selon les informations issues du plan de calculs établi par le Service des prestations complémentaires pour la période dès le 1er janvier 2025, CHF 447.-, abonnement de bus au tarif préférentiel pour les bénéficiaires de prestations complémentaires CHF 5.60, impôts CHF 2.10, entretien du foyer, selon les barèmes de l'Office des poursuites, comprenant notamment les frais de téléphone et d'internet, l'électricité, l'assurance-ménage, l'habillement, la nourriture, et les frais médicaux non remboursés par l'assurance de base CHF 1'750.-), charges auxquelles il convenait d'ajouter une majoration de 25% du montant de base, soit CHF 437.50.

Ainsi, le disponible mensuel de la requérante et de son fils C______ s'élevait à respectivement CHF 1'346.95 et CHF 909.45 après ajustement. Elle était donc en mesure de régler par ses propres moyens les honoraires d'un avocat, au besoin par mensualités, le disponible en question étant supérieur au minimum vital en vigueur à Genève majoré de 25% (= norme de l'assistance juridique).

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que A______ dispose des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur n'est pas justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b, al. 2 et 3 CPP). Il était loisible à la prévenue, qui n'était pas indigente, de se faire assister, à ses frais, par un conseil de son choix.

D. a.a. Dans son recours, A______ soutient que sa situation financière est objectivement des plus précaires. Étant actuellement sans emploi, avec deux enfants mineurs à charge, elle bénéficiait pour toutes ressources d'indemnités de chômage depuis le 1er juillet 2023 et de prestations complémentaires. Du reste, dans le cadre de la procédure de divorce, le bénéfice de l'assistance juridique lui avait été octroyé. Elle n'avait manifestement pas les moyens de payer elle-même un avocat pour défendre ses intérêts dans la procédure pénale, de sorte que la condition de l'indigence était remplie (art. 132 al. 1 let. b CPP).

En outre, vu la nature des infractions reprochées et les peines menaces encourues, l'affaire n'était pas d'importance mineure. Citoyenne italo-suisse, arrivée à Genève en 2006, elle n'avait aucune connaissance ni formation juridique en droit suisse. Elle était ainsi incapable de se défendre efficacement seule. Son état de santé ne le lui permettait pas non plus. Les conditions des art. 132 al. 2 et 3 CPP étaient réalisées et l'intervention d'un avocat était indispensable.

Partant, une défense d'office devait être obligatoirement ordonnée en sa faveur, sous peine de violer les art. 130 et 132 CPP.

a.b. À l'appui de son recours, A______ a notamment produit :

a.b.a. Une décision du Service de l'assistance juridique du 5 mars 2024, l'admettant au bénéfice de l'assistance juridique, dans le cadre d'une procédure de divorce, avec effet au 1er décembre 2023, moyennant une participation mensuelle, les revenus mensuels de la requérante, charges admissibles déduites, se situant au-dessus du minimum vital et un tel versement ne portant pas atteinte aux besoins fondamentaux de la personne requérante et de sa famille.

a.b.b. Une attestation établie le 24 juin 2025 par la Dre E______, psychiatre, indiquant en substance que A______, dont elle assurait le suivi depuis le 7 mai 2024, n'était pas en capacité, en raison de son état de santé, de défendre convenablement seule ses intérêts dans le cadre de la procédure pénale et nécessitait impérativement l'assistance d'un conseil. Il était encore précisé que ladite attestation avait été établie à la demande de la patiente.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Il en va de même des pièces produites à l'appui du recours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante estime avoir droit à un défenseur d'office.

3.1.1.      En dehors des cas de défense obligatoire (art. 130 et 132 al. 1 let. a, ch. 1 et 2 CPP), la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP). Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).

3.1.2.      Selon la jurisprudence, une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 141 III 369 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1).

Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que possible ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (ATF 135 I 221 consid. 5.1). Il incombe ainsi au requérant de prouver les faits qui permettent de constater qu'il remplit les conditions de la mesure qu'il sollicite. S'il ne fournit pas des renseignements suffisants (avec pièces à l'appui) pour permettre d'avoir une vision complète de sa situation financière et que la situation demeure confuse, la requête doit être rejetée (ATF 125 IV 161 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_436/2018 consid. 3; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 59b ad art. 132).

La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la couverture des besoins personnels doit ensuite être comparée, dans chaque cas, aux frais prévisibles de la procédure. Le soutien de la collectivité publique n'est en principe pas dû, lorsque le disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_846/2023 du 9 janvier 2024 consid. 2.2).

3.1.3. Les intérêts du prévenu justifient une défense d'office notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

3.2.       En l'espèce, le Ministère public a refusé d'octroyer l'assistance juridique à la recourante après l'avoir mise en prévention des chefs de voies de fait (art. 126 CP), voire de lésions corporelles simples (art. 123 CP), d'injure (art. 177 CP), de menaces (art. 180 CP) et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP).

La recourante argue d'une violation de l'art. 130 CPP, relatif aux cas de défense obligatoire.

Eu égard aux griefs qui semblent être relevés par la recourante à ce propos, il y a effectivement lieu de remarquer que les lésions corporelles simples, les menaces et la violation du devoir d'assistance ou d'éducation sont des infractions théoriquement passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus. Cela étant, il n'apparaît pas, au vu des éléments du dossier, que la recourante soit susceptible d'encourir une peine privative de liberté de plus d'un an ou une autre mesure de privation de liberté. Aucun élément ne permet par ailleurs d'inférer l'existence d'une limitation de la capacité de procéder de la recourante. En particulier, l'attestation médicale produite (supra, let. D.a.b.b.) ne fait état d'aucun diagnostic ni d'aucun autre élément susceptible de justifier une telle limitation. Du reste, devant la police, la recourante a été en mesure de prendre position sur les faits reprochés, sans l'assistance d'un conseil.

Dès lors, les conditions d'une défense obligatoire font défaut (en particulier celles de l'art. 130 let. b et c CPP) et les griefs de la recourante relatifs à une violation des dispositions en la matière (art. 130 et 132 al. 1 let. a CPP) doivent être écartés.

Au surplus, il n'apparaît pas que la recourante soit indigente à la teneur du rapport du Service de l'assistance juridique du 17 juillet 2025 (supra, let. B.e.), l'examen de sa situation financière ayant établi l'existence d'un disponible mensuel lui permettant de régler les honoraires d'un avocat, fût-ce par mensualités, sans compter son épargne. La recourante n'émet aucune critique relative aux calculs effectués. Ses ressources et ses charges apparaissent avoir été dûment considérées. Certes, le budget relatif à l'enfant B______ n'a pas été pris en considération. Cela étant, il n'appartient pas à l'assistance juridique de palier le fait que la recourante ait renoncé à la pension alimentaire à laquelle elle avait droit pour assumer les frais de sa fille. La première condition, cumulative, de l'art. 132 al. 1 let. b CPP n'étant pas remplie, point n'est besoin d'examiner plus en avant si l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts.

Enfin, il est indifférent dans le cadre du présent examen que la recourante ait obtenu l'assistance juridique pour sa procédure de divorce, des critères différents entrant en ligne de compte, étant relevé que la décision rendue en la matière retient également que les revenus mensuels de la requérante, charges admissibles déduites, se situent au-dessus du minimum vital et prévoit ainsi une participation mensuelle de l'intéressée (supra, let. D.a.b.a.).

En définitive, c'est à bon droit et sans arbitraire que le Ministère public a considéré que les conditions d'une défense d'office n'étaient pas réalisées.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le présent arrêt est rendu sans frais (art. 20 RAJ).

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).