Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/9022/2025

ACPR/626/2025 du 08.08.2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : TÉMOIN;MESURE DE PROTECTION
Normes : CPP.149

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9022/2025 ACPR/626/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 8 août 2025

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

 

contre la décision de refus d'octroi de mesures de protection rendue le 2 juin 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 6 juin 2025, A______ recourt contre la décision du 2 juin 2025, notifiée par pli simple, par laquelle le Ministère public lui a refusé l'octroi de mesures de protection au sens des art. 149ss CPP.

Le recourant conclut à ce que le Ministère public reconsidère son refus de protection, à son audition hors la présence du prévenu et à ce que soient mises en place toutes les mesures de sécurité appropriées (anonymat partiel, écran de séparation, audition différée, etc.), à défaut à être dispensé de comparaître.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Dans le cadre d'une opération visant à lutter contre le trafic de stupéfiants, la police a observé une prise de contact entre deux individus, identifiés ultérieurement comme étant A______ et B______.

b. Dans ce cadre, A______ a été entendu par le police le 15 avril 2025 et a identifié B______ comme lui ayant vendu pour CHF 40.- de marijuana. Le procès-verbal de son audition figure au dossier, de même qu'une photographie des deux individus concernés par le contact, soit lui-même et B______.

c. Le Ministère public a convoqué A______ en qualité de témoin pour une audience de confrontation fixée au 11 juillet 2025.

d. Par courriel du 28 mai 2025, A______ a indiqué craindre sérieusement pour sa sécurité personnelle si son identité était révélée ou s'il était vu par le prévenu. Il acceptait de coopérer avec la justice mais refusait toute confrontation directe. Il demandait dès lors à être auditionné de manière anonyme ou protégée, afin de ne pas être reconnu.

e. Ensuite du recours déposé par A______, l'audience initialement prévue au 11 juillet 2025 a été annulée.

f. Le prévenu B______, arrêté dans un premier temps, a été libéré le 19 avril 2025.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a considéré que les conditions prévues par les art. 149ss CPP n'étaient pas réalisées, en l'absence d'indices concrets de survenance d'un danger sérieux menaçant la vie ou l'intégrité corporelle de A______, ou d'un autre inconvénient grave.

D. a. Dans son recours, A______ indique que le refus du Ministère public était incompatible avec la garantie de sa sécurité physique et psychologique. Le prévenu et "son groupe" se trouvaient très régulièrement à proximité immédiate de son domicile et l'arrestation du prévenu avait eu lieu à proximité de son lieu de travail [à lui]. Être confronté au prévenu le plaçait dans une situation de danger direct et sérieux, notamment en raison du passé judiciaire extrêmement violent du prévenu. Preuve en était un article de presse italien, joint au recours, relatant une "condamnation" en Italie en 2019 pour une attaque à la machette. Il craignait dès lors pour sa vie.

b. Dans ses observations, le Ministère public s'en rapporte à justice s'agissant de la recevabilité du recours, en particulier de l'intérêt actuel à recourir de A______ et conclut au rejet du recours.

Sur le fond, A______ n'indiquait pas concrètement en quoi il était menacé par un danger sérieux pour sa vie ou son intégrité corporelle. B______ avait connaissance de son identité qui figurait au dossier et le connaissait, en tout état, pour lui avoir vendu des stupéfiants. Malgré cela, A______ n'alléguait pas avoir fait l'objet de menaces ni d'une quelconque pression, alors même qu'il indiquait que son domicile et son lieu de travail pourraient être aisément trouvés. Aucun élément concret ne venait ainsi accréditer son sentiment de crainte. S'agissant de l'article de presse italien, il avait été publié le 4 juillet 2019 en lien avec des faits survenus en 2018, soit il y avait plus de 7 ans, sans aucun lien avec les faits de la présente procédure. Aucun rapprochement ne pouvait dès lors être fait, si tant est que la personne mentionnée dans ledit article pour avoir été arrêtée – et non condamnée – soit bien le prévenu.

c. Le recourant n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a) et émaner d'un témoin qui, participant à la procédure (art. 105 al. 1 let. c CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste le refus de l'octroi de mesures de protection au sens des art. 149ss CPP.

2.1. S'il y a lieu de craindre qu'un témoin puisse, en raison de sa participation à la procédure, être exposé à un danger sérieux menaçant sa vie ou son intégrité corporelle ou à un autre inconvénient grave, la direction de la procédure prend, sur demande ou d'office, les mesures de protection appropriées (art. 149 al. 1 CPP). À cette fin, elle peut limiter de façon appropriée les droits de procédure des parties et notamment procéder à des auditions en l'absence des parties ou à huis clos (art. 149 al. 2 let. b CPP).

L'existence d'un danger sérieux pour la vie ou l'intégrité corporelle sera admise lorsque des menaces de mort ont été proférées à l'encontre de la personne concernée ou doivent être sérieusement redoutées (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du CPP, Bâle 2016, n. 3 ad art. 149). Une simple hypothèse, même théoriquement ou abstraitement plausible, ne suffit pas. Il doit exister des indices concrets permettant de justifier la mesure de protection. Il doit être vraisemblable qu'un danger pour la vie ou l'intégrité corporelle menace. Une référence générale à des dangers auxquels les témoins pourraient être exposés ne suffit pas. En plus du sentiment subjectif du témoin, il doit exister des éléments objectifs montrant une mise en danger (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 note 16 ad art. 149).

L'inconvénient majeur doit être d'un niveau comparable au risque pour la vie et l'intégrité corporelle (P. GOLDSCHMID / T. MAURER / J. SOLLBERGER (éds), Kommentierte Textausgabe zur Schweizerischen Strafprozessordnung, Berne 2008, p. 160; voir ACPR/595/2018 consid. 5.1). Les autres dangers que ceux menaçant la vie ou l'intégrité corporelle ne peuvent donc être pris en considération que s'ils représentent un cas d'exposition grave (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 12 ad art. 149). Il y a notamment menace d'un tel inconvénient lorsque quelqu'un doit s'attendre à un dommage matériel important, par exemple la destruction au moyen d'explosifs de sa maison de vacances. Des indices sérieux d'une menace concrète sont exigés (ATF 139 IV 265 consid. 4.2 p. 267 s.). De simples pressions psychologiques, d'éventuels désagréments sur le plan personnel ou financier, de possibles tentatives d'intimidation ou une probable réaction haineuse du prévenu à l'encontre d'un témoin entendu à charge ne sont pas suffisants. Tel pourrait en revanche être le cas du danger de perdre le droit de garde sur un enfant, la menace d'une atteinte à l'intégrité sexuelle, le risque d'une atteinte grave à l'avenir professionnel susceptible de provoquer un gain manqué considérable, voire une perte durable des moyens de subsistance ou la menace d'une atteinte grave à la réputation professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 1B_447/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.1 et les références citées).

2.2. En l'espèce, avec le Ministère public, il faut constater que le recourant n'explique pas concrètement en quoi sa vie ou son intégrité corporelle seraient menacées par un danger sérieux. En tout état, le prévenu B______ connaît l'identité du recourant et a eu accès à ses déclarations recueillies par la police. Or depuis plus de trois mois, le prévenu, pourtant en liberté, ne semble pas s'en être pris au recourant ni l'avoir approché d'une quelconque manière. Le recourant ne l'allègue d'ailleurs pas, alors même qu'il expose que le prévenu ou "son groupe" se tiendraient à proximité de son domicile ou de son lieu de travail. Ainsi, aucune menace de mort ne paraît avoir été proférée contre le recourant ni ne doit être sérieusement redoutée. Quant à l'article de presse italien concernant l'éventuelle arrestation d'un dénommé B______, si tant est effectivement qu'il s'agisse du prévenu, il ne suffit pas à fonder un indice concret permettant de justifier les mesures de protection sollicitées.

Au vu de ce qui précède, le refus n'est pas critiquable.

3.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges ; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9022/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00