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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15155/2025

ACPR/621/2025 du 07.08.2025 sur OMP/16161/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255.al1bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15155/2025 ACPR/621/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 7 août 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 3 juillet 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 14 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 juillet précédent, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, subsidiairement au renvoi de la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1984 en Guinée, de nationalité portugaise, a été arrêté le 2 juillet 2025, lors d'une opération de police contre le trafic de stupéfiants, après que les policiers l'ont aperçu effectuer un échange avec un autre individu, identifié comme étant C______, lequel a ultérieurement admis avoir acheté de la cocaïne auprès du précité.

b. A______ a été mis en prévention pour avoir :

- depuis le 10 août 2024, lendemain de sa dernière condamnation, jusqu’au 2 juillet 2025, date de son interpellation, persisté à demeurer en Suisse au mépris d’une décision d’expulsion judiciaire valable depuis le 9 août 2024 pour une durée de 6 ans, prononcée à son encontre le 9 août 2024;

- le "27 juin 2025" (sic), vendu sans droit une boulette de cocaïne à C______, étant précisé que ce dernier a formellement reconnu le prévenu comme étant la personne lui ayant vendu ladite boulette;

- le 2 juillet 2025, aux alentours de 16h30, à la rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, vendu sans droit une boulette de 1 gramme de cocaïne à C______ contre la somme de CHF 100.-, étant précisé que cette transaction a été observée par les policiers et que C______ a formellement reconnu le prévenu comme étant la personne lui ayant vendu ladite boulette;

- depuis le 10 août 2024, lendemain de sa dernière condamnation, jusqu’au 2 juillet 2025, date de son interpellation, persisté à séjourner en Suisse, par négligence, sans être porteur d'un document d'identité valable indiquant sa nationalité, ainsi qu'en étant démuni de moyens financiers suffisants lui permettant d'assurer sa subsistance.

c. A______ a reconnu s'être trouvé à Genève depuis le mois d'août 2024, savoir faire l'objet d'une expulsion pénale et ne plus posséder de documents d'identité. Il a en revanche contesté avoir vendu des stupéfiants à C______ le "10 juin 2025" (sic), admettant cependant la vente du 2 juillet 2025, pour un montant de CHF 80.-, invoquant la maladie de sa mère et son besoin d'argent. Il était en possession de CHF 160.- au moment de son arrestation.

d. A______ s'étant opposé à l'ordonnance pénale rendue à son encontre le 3 juillet 2025, le Ministère public a rendu une ordonnance de maintien, le 23 juillet suivant, assortie d'un bordereau de frais mentionnant notamment CHF 50.- d'émolument pour "ordonnances". Les rubriques "CURML et hôpitaux" ainsi que "BPTS" indiquent CHF 0.-.

e. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, dans sa teneur au 3 juillet 2025, A______, connu également sous l'identité de D______, né le ______ 1988, a déjà été condamné à neuf reprises, soit :

- le 9 mars 2017, pour entrée et séjour illégaux (art. 115 al. 1 let. a et b aLEtr);

- le 10 janvier 2018, pour délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup), opposition aux actes de l'autorité (art. 286 aCP) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b aLEtr);

- le 18 juillet 2018, pour délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminées (art. 119 al. 1 aLEtr) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b aLEtr);

- le 28 mars 2019, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et contravention à la loi sur les stupéfiants (art 19a LStup);

- le 16 mai 2019, pour entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI);

- le 9 mars 2021 pour violation des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), opposition aux actes de l'autorité (art. 286 aCP) et entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI);

- le 24 février 2022, pour délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), empêchement d'accomplir un acte officiel (art 286 al. 1 CP) et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminées (art. 119 al. 1 LEI);

- le 8 juin 2023, pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup) et consommation de stupéfiants (art 19a LStup);

- le 9 août 2024, pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) et délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup).

f. S'agissant pour le surplus de sa situation personnelle, A______ est, à teneur du dossier, célibataire, sans profession et sans domicile fixe. Il indique ne pas avoir d'activité lucrative mais gagner parfois au loto et s'adonner à des paris sportifs. Il mange de temps à autre auprès d'associations comme E______.

C. Dans son ordonnance, le Ministère public considère qu'il convient d'établir le profil d'ADN du prévenu, celui-ci ayant déjà été soupçonné par la police d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, dès lors qu'il avait déjà été condamné les 10 janvier 2018, 18 juillet 2018, 24 février 2022, 8 juin 2023 et 9 août 2024 pour des délits contre la loi sur les stupéfiants (art. 255 al. 1bis CPP).

D. a. Dans son recours, A______ relève que, dans leur application de la Directive du procureur général A.5, les procureurs ne prenaient même plus la peine de vérifier si un profil d'ADN avait déjà été établi par le passé avant d'en ordonner un nouveau. Or, l'établissement de son profil avait déjà été ordonné à de nombreuses reprises, la première fois en 2018, en dernier lieu en 2024. Le fait que l'ordonnance querellée n'indiquât pas si son ADN avait déjà été établi par le passé violait l'art. 353 al. 1 let. fbis CPP.

L'effacement du profil d'ADN n'intervenait, en cas de condamnation, qu'après 10 ans minimum, soit en l'espèce en 2034, le délai étant prolongeable sur demande de l'autorité de jugement, soit en l'espèce jusqu'en 2044. Sous l'angle du principe de la proportionnalité, un nouvel établissement de son profil d'ADN n'était pas nécessaire.

Le Tribunal fédéral avait clairement indiqué que l'art. 255 CPP n'autorisait pas le prélèvement d'échantillon d'ADN et leur analyse de manière systématique. Or, c'était précisément ce que préconisait la Directive A.5 du Procureur général, en violation de l'art. 13 al. 2 Cst.

De plus, les frais liés à ces actes inutiles, d'autant que l'ADN ne se modifiait pas au cours de la vie d'un être humain, allaient être mis à sa charge et à celle du contribuable genevois.

Dès lors, l'ordonnance querellée était totalement arbitraire et concernait un nouvel acte inutile qui portait atteinte à sa liberté personnelle.

b. La cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

3.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

3.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

3.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1).

Le Tribunal fédéral a indiqué que l'art. 255 CPP ne permettait toutefois pas le prélèvement de routine (invasif) d'échantillons d'ADN lors de chaque soupçon suffisant, et encore moins leur analyse générale (ATF 147 I 372 consid 2.1 et les référence citées).

3.4. En l'espèce, le recourant ne conteste pas l'existence d'indices sérieux et concrets qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures, ni que ces infractions seraient d'une certaine gravité. Les faits pour lesquels il a été arrêté le 2 juillet 2025 et ses nombreux antécédents, notamment pour infractions à la LStup, auxquels s'ajoute sa situation personnelle, confirment au demeurant l'existence de tels indices.

Le recourant reproche en revanche au Ministère public de n'avoir pas tenu compte de ce que son profil d'ADN avait déjà été établi dans le passé et d'appliquer la Directive A.5 du Procureur général de telle sorte à prélever et analyser les échantillons d'ADN de manière systématique, soit de manière illégale.

La Chambre de céans a toutefois régulièrement retenu [cf. notamment, ACPR/400/2025 du 23 mai 2025 consid. 2.3] que dans la mesure où les profils d'ADN sont soumis à effacement après un certain délai [cf. art. 16 de la Loi sur les profils d'ADN; RS 363], il existe un intérêt public prépondérant – quand bien même l'établissement du profil d'ADN aurait déjà été ordonné à une ou plusieurs reprises et que son effacement n'interviendrait pas avant de nombreuses années –, à soumettre derechef le prévenu à cette mesure, pour autant que les conditions légales soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas en l'espèce. Dans la mesure où on se trouve dans une situation dans laquelle l'art. 255 al. 1bis CPP permet d'ordonner un tel établissement, la mesure est légale, et, partant, nullement arbitraire ni contraire à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Au surplus, le grief à teneur duquel l'ordonnance pénale figurant à la procédure violerait l'art. 353 al. 1 let. fbis CPP pour n'avoir pas indiqué si le profil d'ADN du recourant avait déjà été établi par le passé tombe à faux, dite disposition indiquant que les ordonnances pénales doivent indiquer "le délai d'effacement d'un profil d'ADN éventuellement existant" et ne visent dès lors pas l'ordonnance d'établissement du profil d'ADN. Au demeurant, seule cette dernière est l'objet du litige.

Le recourant invoque encore le droit à être protégé contre l'emploi abusif des données qui le concernent (art. 13 al. 2 Cst.). Or, on ne voit pas en quoi le nouvel établissement de son profil d'ADN pourrait constituer un tel emploi abusif, puisqu'il a été ordonné sur la base – légale – de l'art. 255 al. 1bis CPP, dont les conditions sont remplies, comme cela a été retenu ci-dessus. C'est bien parce que le recourant a été à nouveau arrêté, en juillet 2025, en raison de soupçons de la commission d'un délit contre la LStup – pour lequel il est renvoyé en jugement – que l'établissement d'un profil d'ADN a été ordonné.

Partant, la mesure querellée n'apparaît pas inutile ou disproportionnée.

Que son coût soit éventuellement mis à la charge du recourant – ce qui n'est pas évident à ce stade, dès lors que cette question ne se posera qu'à l'issue de la procédure et à la condition que l'intéressé soit condamné – n'est donc pas pertinent.

En définitive, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

4.             Justifiée, l'ordonnance attaquée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

6.             Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade (cf. art. 135 al. 2 CPP) le défenseur d'office.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui sont conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/15155/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00