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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19171/2024

ACPR/512/2025 du 03.07.2025 sur OMP/10618/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;DÉLAI
Normes : CPP.353.al3; CPP.94

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19171/2024 ACPR/512/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 3 juillet 2025

 

Entre

A______, domicilié ______, agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de restitution de délai rendue le 2 mai 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 7 mai 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 mai 2025, notifiée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé de lui restituer le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 3 janvier 2025.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______ a déposé plainte le 26 juin 2024 pour escroquerie et utilisation frauduleuse d'un ordinateur, expliquant avoir été victime d'une fausse assistance C______ [système d'exploitation informatique] à l'occasion de laquelle il avait été amené, sous prétexte de renouveler son abonnement, à donner le numéro de sa carte de crédit ainsi que les trois chiffres secrets. En appelant sa banque peu après, il avait été informé de ce qu'il avait été "arnaqué" et son compte avait été bloqué. Une transaction avait déjà été effectuée et cinq autres étaient encore en attente. Au final, six débits avaient été effectués pour un total de CHF 23'727.46.

b. Sur cette base, la police a identifié A______, lequel avait reçu en juin 2024 une somme de CHF 9'800.- sur son compte bancaire provenant de "B______". Le compte a été rapidement bloqué sur demande du Ministère public.

c. Entendu le 24 septembre 2024 par la police comme prévenu, A______ a expliqué en substance avoir mis en vente un véhicule, avoir été contacté par un acheteur qu'il ne connaissait pas et auquel il avait donné ses références bancaires pour le paiement. Il avait en effet constaté, le 25 ou le 26 juin 2024, que l'argent était arrivé. Par la suite, il avait livré le véhicule à D______ [France] et n'avait plus eu de nouvelles de l'acheteur.

A______ a écrit le 18 décembre 2024 au Ministère public pour demander la levée du séquestre sur son compte, indiquant expressément être disponible pour un "entretien" et pour apporter toutes informations utiles.

d. Le 3 janvier 2025, le Ministère public a rendu une ordonnance pénale à l'encontre de A______, le déclarant coupable de blanchiment d'argent, ordonnance expédiée par pli recommandé le même jour.

Selon le suivi postal, A______ a été avisé le 6 janvier 2025 en vue du retrait du recommandé mais le pli n'a été retiré que le 28 janvier 2025, l'intéressé ayant demandé à la Poste de prolonger le délai de garde de son courrier.

e. A______ a formé opposition contre l'ordonnance pénale par courrier expédié le 28 janvier 2025, accompagnée d'une demande de restitution de délai.

f. Le 31 janvier 2025, le Ministère public a rendu une ordonnance sur opposition tardive et transmis la procédure au Tribunal de police, invitant ce dernier à la lui retourner après avoir statué.

g. Interpellé par le Tribunal de police, A______ a expliqué que l'avis de passage avait été trouvé par sa compagne à son retour de vacances le 13 janvier 2025. N'ayant pas été en mesure de lui fournir alors une procuration depuis son lieu de vacances, ils avaient convenu de faire prolonger le délai de garde à la Poste, jusqu'à son retour le 27 janvier 2025, afin que le courrier ne soit pas retourné à l'expéditeur. Il avait alors agi de bonne foi, ignorant le contenu du courrier concerné et n'ayant aucune connaissance des règles et conséquences de cette prolongation. N'ayant jamais été entendu par le Ministère public, malgré sa demande, il ne pouvait savoir que cette autorité allait rendre aussi rapidement une décision, s'attendant tout au plus à recevoir une convocation à son retour de vacances.

Il n'avait pu respecter le délai d'opposition en raison d'un ensemble de circonstances exceptionnelles, étrangères à sa personne, qui l'avaient empêché de recevoir l'ordonnance querellée dans les temps et d'y faire opposition dans les conditions fixées par le droit de procédure.

h. Par ordonnance du 19 février 2025, le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité de l'opposition formée par A______ pour cause de tardiveté et a renvoyé le dossier au Ministère public pour qu'il statue sur la demande de restitution de délai. L'ordonnance pénale avait fictivement été notifiée le 13 janvier 2025, le dernier jour du délai de garde postal. Le délai d'opposition venait ainsi à échéance le 23 janvier 2025. Formée le 28 suivant, l'opposition était tardive.

i. Par arrêt du 18 mars 2025 (ACPR/204/2025), la Chambre pénale de recours a rejeté le recours formé le 26 février 2025 par A______ contre l'ordonnance du 19 février 2025 du Tribunal de police.

Sous lettre D, en page 4 de l'arrêt, elle a relevé que A______ avait, dans son recours, allégué avoir acheté son billet d'avion le 21 octobre 2024 pour des vacances allant du "3 au 17 janvier 2025".

C. Dans la décision querellée, le Ministère public retient que A______ avait affirmé avoir été empêché d'agir dans le délai légal de 10 jours car il ignorait que le courrier recommandé contenait une ordonnance pénale, alors qu'il se trouvait en Afrique lorsque cette décision lui avait été notifiée et qu'il était rentré en Suisse "le 17 janvier 2025". Le délai pour faire opposition arrivait à échéance le 23 janvier 2025 et il aurait pu charger son épouse ou une tierce personne de retirer son courrier pendant son absence. Même si l'établissement d'une procuration à la Poste eût pu se révéler compliqué, rien ne l'empêchait de se rendre lui-même à la Poste le 17 ou le 18 janvier 2025 pour chercher le courrier recommandé dont il avait prolongé le délai de garde. Aucun empêchement non fautif n'était évoqué.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que le Ministère public avait retenu de façon erronée qu'il aurait pu se rendre à la poste le 17 ou le 18 janvier 2025 alors qu'il n'était rentré d'Afrique que le 27 janvier 2025. Le Ministère public avait repris in extenso ce qui figurait par erreur sous la lettre D de l'arrêt du 18 mars 2025. Or, dans son recours du 26 février 2025 adressé à la Chambre de recours, il avait bien mentionné n'être rentré en Suisse que le 27 janvier 2025. Cette erreur de date dans la présentation des faits fondait le refus de restitution du délai par le Ministère public. Ayant fait opposition le 28 janvier 2025, jour-même du retrait de l'envoi du Ministère public, il existait un ensemble de circonstances qui "cadraient" parfaitement avec la force majeure et une erreur, soit des empêchements non fautifs.

À l'appui, A______, verse des photocopies du passeport de sa compagne et de lui-même portant les tampons des dates de son voyage. Il a mis en exergue les tampons du 3 janvier 2025, à l'aéroport de E______, au Cameroun, et du 26 janvier 2025, du même aéroport.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du mis en cause qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas lui avoir restitué le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 3 janvier 2025.

3.1. À teneur de l'art. 353 al. 3 CPP, l'ordonnance pénale est immédiatement notifiée par écrit aux personnes et aux autorités qui ont qualité pour former opposition.

Les communications écrites des autorités pénales sont en général notifiées par pli recommandé (art. 85 al. 2 CPP). Le prévenu peut faire opposition à l'ordonnance pénale, par écrit, dans les dix jours (art. 354 al. 1 let. a CPP). Le prononcé est réputé notifié si son destinataire ne l'a pas retiré dans les sept jours à compter d'une tentative de remise infructueuse, à condition qu'il ait dû s'attendre à une telle remise (art. 85 al. 4 let. a CPP). Lorsque le destinataire donne l'ordre au bureau de poste de conserver son courrier, l'envoi recommandé est réputé notifié non pas au moment de son retrait effectif, mais le dernier jour du délai de garde de sept jours suivant la réception du pli par l'office de poste du lieu de domicile du destinataire (ATF 127 I 31 consid. 2a/aa p. 34; arrêt du Tribunal fédéral 1P.81/2007 du 26 mars 2007 consid. 3.2).

3.2.  La personne concernée ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé que lorsqu'il y a une procédure en cours qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Tel est le cas lorsque la personne concernée est au courant qu'elle fait l'objet d'une instruction pénale au sens de l'art. 309 CPP (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_448/2024 du 19 septembre 2024 consid. 3.2.2).

Un prévenu informé par la police d'une procédure préliminaire le concernant, de sa qualité de prévenu et des infractions reprochées, doit se rendre compte qu'il est partie à une procédure pénale et donc s'attendre à recevoir, dans ce cadre-là, des communications de la part des autorités, y compris un prononcé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_880/2022 du 30 janvier 2023 consid. 2.1 et la jurisprudence citée).

De jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. À ce défaut, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde, connaissance du contenu des plis recommandés que le juge lui adresse. Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2; 141 II 429 consid. 3.1; 139 IV 228 consid. 1.1 et les références citées).

Une application stricte des règles de procédure, notamment en matière de délais, s'impose pour des raisons d'égalité de droit et ne relève pas d'un formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1240/2021 du 23 mai 2022 consid. 4.2 ; 6B_950/2021 du 28 avril 2022 consid. 4.1; 6B_256/2022 du 21 mars 2022 consid. 2.1 et la référence citée).


 

4.             4.1. La restitution du délai peut être demandée si la partie qui le requiert a été empêchée sans sa faute de procéder et qu'elle est ainsi exposée à un préjudice irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (art. 94 al. 1 CPP).

La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3; 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1 et l'arrêt cité). Une restitution de délai n'entre en revanche pas en ligne de compte lorsque la partie ou son mandataire a tardé à agir en raison d'un choix délibéré ou d'une erreur, même légère (ATF
143 I 284 consid. 1.3; arrêts du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 2.2.1, 7B_36/2022 du 13 septembre 2023 consid. 3.3 et 1C_698/2020 du 8 février 2021 consid. 4.2).

Comme exemple d'empêchements fautifs, on peut citer : une absence durable de la partie sans qu'elle ne laisse d'adresse, ni ne constitue un mandataire ou lorsqu'elle n'a pas communiqué un changement d'adresse à l'autorité alors qu'elle devait s'attendre à une notification; une absence prévisible, la partie devant s'organiser de manière à pouvoir respecter les délais lorsqu'elle doit s'attendre à une notification; la surcharge de travail qui ne laisse pas à la partie le temps d'accomplir l'acte dans le délai; l'erreur d'agenda ou encore l'ignorance des règles de procédure relatives à la computation des délais (JEANNERET / KUHN / PERRIER DEPEURSINGE, Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, N. 10b ad art. 94).

4.2. Dans le cas présent, le recourant devait s'attendre à la notification d'actes de l'autorité à son adresse genevoise. Il en a d'ailleurs été informé par sa compagne le 13 janvier 2025. Lui-même se trouvait alors dans un cas d'absence prévisible puisqu'il avait programmé ses vacances, du 3 au 27 janvier 2025, depuis le 21 octobre 2024. Il aurait dû alors prendre les dispositions nécessaires pour que son courrier soit réceptionné durant son absence, de sorte qu'il puisse être informé de la notification d'actes. Il n'explique pas dans ses écritures ce qui l'aurait empêché de mandater un tiers pour relever son courrier et/ou agir en temps utile en son nom le cas échéant. Le motif évoqué d'une présence en Afrique n'est pas suffisant pour fonder un défaut non fautif.

Au regard de ce qui précède, la mention erronée du Ministère public d'un retour de vacances du recourant le "17" janvier 2025 ne modifie, quoi qu'il en soit, pas la solution. L'autorité a en effet relevé dans son ordonnance entreprise que le recourant aurait pu charger son épouse ou une tierce personne de retirer son courrier pendant son absence, ce qu'il n'a pas fait.


 

Faute d'avoir été empêché, en raison d'un évènement – au sens des principes rappelés ci-dessus – l'ayant objectivement ou subjectivement mis dans l'impossibilité d'agir par lui-même ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, de former opposition à l'ordonnance pénale dans le délai légal, il ne saurait y avoir place pour une quelconque restitution de délai. L'existence d'un empêchement non fautif ne peut être retenue, de sorte que la restitution du délai pour former opposition a, à juste titre, été refusée par le Ministère public.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD, juge et Monsieur Pierre BUNGENER, juge suppléant; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19171/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

800.00

Total

CHF

885.00