Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/491/2025 du 26.06.2025 sur OTMC/1682/2025 ( TMC ) , REFUS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/10208/2018 ACPR/491/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 26 juin 2025 |
Entre
A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 28 mai 2025 par le Tribunal des mesures de contrainte,
et
LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 12 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 mai 2025, notifiée le 2 juin suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé sa détention provisoire jusqu'au 31 août 2025.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens en faveur de son défenseur d'office, à l'annulation de ladite ordonnance et à sa libération immédiate, sous les mesures de substitution qu'il propose.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. A______ a été interpellé le 28 février 2025, après qu'il eut attiré l'attention de policiers de la Brigade des chiens, s'était levé de son banc et avait marché d'un pas rapide lorsque les policiers étaient descendus de leur véhicule de service pour procéder à son contrôle. La police a découvert sur lui une arme à feu chargée et chambrée, ainsi qu'un poing américain. Lors de la perquisition de son domicile, elle a découvert une plantation de cannabis et du matériel pour la production, ainsi qu'un pistolet à air comprimé, un silencieux, un dispositif de visée et des munitions de plomb.
Entendu par la police le même jour, le prévenu a déclaré qu'il portait un pistolet chargé parce que ceux qui étaient censés le protéger n'étaient pas en mesure de le faire. Il n'a pas souhaité s'exprimer davantage sur cette arme. Il a également indiqué porter un poing américain, qu'il avait acheté au Kosovo, pour la même raison. Il a contesté vendre des stupéfiants et indiqué que sa plantation était destinée à sa consommation personnelle. Enfin, l'arme à air comprimé, le silencieux et le dispositif de visée lui avaient été donnés par un individu dont il refusait de fournir l'identité.
À cette suite, la procédure P/5165/2025 a été ouverte.
b.a. L'intéressé a été prévenu par le Ministère public, le 1er mars 2025, d'infractions à la loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (art. 33 al. 1 let. a LArm) et d'infraction à la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. a, c et d LStup) pour avoir :
- le 28 février 2025, dans la rue, notamment à l'avenue 1______, à C______, détenu sur lui et porté dans ses poches, sans droit, une arme à feu de type pistolet, de marque D______ de calibre 6,35, numéro de série 2______, munitionnée, contenant 6 balles, soit 5 dans le chargeur et une cartouche dans la chambre, ainsi qu'un poing américain, alors qu’il ne disposait d’aucun permis de détention ou de port d’armes et que l'arme à feu était chargée;
- le 28 février 2025, à son domicile sis chemin 3______ no. ______, à C______ [GE], détenu sans droit, un pistolet à air comprimé (n° de série 4______) qui peut être confondu avec une véritable arme à feu, ainsi qu'un silencieux, un dispositif de visée et des munitions de plomb;
- depuis une date indéterminée et jusqu'au 28 février 2025, participé à un trafic de stupéfiants en cultivant, détenant et procurant à des tiers du cannabis, dans le but de les vendre, subsidiairement en agissant de la sorte pour sa consommation personnelle.
b.b. À l'audience du même jour, le prévenu a contesté tout trafic de stupéfiants. Il a indiqué, concernant l'arme munitionnée avec laquelle il se promenait, qu'il avait déjà été attaqué par surprise. Il s'en "fout[ait]" des autres et se "préf[érait]". Il n'avait pas besoin d'autorisation et de permis, ajoutant "A______ a le droit". Il a ajouté en substance que des erreurs judiciaires avaient eu lieu dans une ancienne affaire et qu'il était depuis lors en colère et allait se battre jusqu'à la mort.
c. Par ordonnance du 2 mars 2025, le TMC a prononcé la mise en détention provisoire du prévenu jusqu'au 31 mai 2025 (OTMC/697/2025), retenant à cet égard l'existence de charges suffisantes ainsi que des risques de collusion et récidive.
d.a. Le 4 mars 2025, la procédure P/5165/2025 a été jointe à la procédure P/10208/2018, dont l'instruction s'était achevée par avis de prochaine clôture des 13 août et 18 décembre 2024 informant les parties qu'un acte d'accusation serait dressé.
Dans celle-ci, il est reproché à A______ des infractions d'agression (art. 134 CP) à réitérées reprises, de lésions corporelles simples (art. 123 CP), d'injure (art. 177 CP), de menaces (art. 180 CP) et d'infraction à la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c LStup) pour avoir :
- entre l'été 2017 et février 2018, vendu à plusieurs reprises de la marijuana à E______;
- le 28 avril 2018, vers 13h15, à la rue 5______, à C______, de concert avec son frère F______, participé à une agression dirigée contre G______, au cours de laquelle ce dernier a été blessé;
- le 26 juin 2018, vers 18h30, à la rue 6______, à C______, de concert avec ses frères, F______ et H______, participé à une agression dirigée contre I______, au cours de laquelle ce dernier a été blessé;
- le 26 juin 2018, vers 18h30, à la rue 6______, à C______, intentionnellement lâché son chien – un bull terrier – sur G______, qui avait pris la fuite en courant, lequel a mordu le prénommé au poignet droit, lui occasionnant une lésion constatée médicalement;
- le 26 juin 2018, vers 18h30, dans le prolongement des faits susvisés, de concert avec F______ et H______, participé à une agression dirigée contre J______ et K______, au cours de laquelle ces derniers ont été blessés;
- le 17 septembre 2023, entre 21h45 et 21h50, au chemin 3______ no. ______, à C______, alors qu'il promenait son chien devant la propriété de L______, injurié et menacé de mort cette dernière, en la traitant à réitérées reprises de "trisomique" et en lui disant "j'ai la solution pour les trisomiques, c'est une balle dans la tête", tout en mimant le geste de lui tirer une balle dans la tête, ce qui l'a effrayée;
- à une date indéterminée au début du mois de juillet 2024, à C______, menacé I______ de le tuer, en déclarant à certains de ses amis vouloir lui tirer dessus et lui mettre une balle dans la tête, l'effrayant de la sorte.
d.b. Le prévenu a contesté l'ensemble des faits reprochés susvisés.
e. Le 25 avril 2025, le Ministère public a ordonné l'expertise psychiatrique du prévenu.
f. Le prévenu, né le ______ 1990, est ressortissant suisse et kosovar, célibataire et sans emploi. À teneur de son casier judiciaire suisse, il a été condamné à cinq reprises à Genève, entre le 27 mai 2013 et le 18 janvier 2018, principalement : pour infractions à l'art. 33 LArm ( les 27 mai et 14 octobre 2013); pour infraction à l'art. 19 al. 1 LStup (le 27 mai 2013); contraventions à la LStup (les 27 mai et 14 octobre 2013 ainsi que 18 janvier 2018); et pour lésions corporelles simples (les 24 juin 2014, 1er septembre 2016 et 18 janvier 2018).
C. Dans son ordonnance querellée, le TMC retient que les charges sont graves et suffisantes pour justifier la prolongation de la détention provisoire du prévenu, eu égard aux constatations de la police, aux armes et à la drogue saisies à son domicile ainsi qu'aux aveux à tout le moins partiels de l'intéressé, s'agissant des infractions à la LArm. Ces faits – particulièrement inquiétants dans la mesure où le prévenu se promenait dans la rue avec une arme à feu munitionnée et chargée et semblait être disposé à en faire usage s'il l'estimait nécessaire – s'ajoutaient à d'autres faits graves de violence, étant relevé que le prévenu tenait en outre des propos partiellement incohérents qui, en tout état, n'avaient rien de rassurants.
La gravité et la suffisance des charges devraient s'apprécier également à l'aune des autres faits reprochés au prévenu, la procédure P/5165/2025 ayant été jointe à la P/10208/2018, et ce quand bien même l'intéressé n'avait alors pas été mis en détention, étant précisé que les charges à cet égard reposaient notamment sur les différentes plaintes pénales déposées, les constats médicaux figurant à la procédure et les déclarations des plaignants et des témoins entendus au cours de celle-ci.
Le fait que le prévenu aurait acquis l'arme à feu pour sa propre protection sans l'avoir utilisée ne diminuait en rien la gravité des charges. Concernant l'infraction à la LStup, des actes d'enquête étaient en cours aux fins de déterminer son implication dans un éventuel trafic de stupéfiants, la saisie de la plantation de cannabis et du matériel de production à son domicile constituant en l'état des charges suffisantes.
L'instruction se poursuivait, le Ministère public indiquant devoir obtenir les résultats de l'analyse du téléphone portable du prévenu (selon mandat d'actes d'enquête du 4 mars 2025) et le rapport d'expertise psychiatrique.
Il existait des risques de collusion et de récidive, aucun élément n'allant dans le sens d'une diminution de ceux-ci, retenus par l'ordonnance de mise en détention provisoire du 2 mars 2025, contre laquelle le prévenu n'avait pas recouru, et à laquelle il était renvoyé. Le risque de collusion existait également en lien avec les éléments de preuve qui pourraient découler de l'analyse des appareils électroniques saisis, de sorte qu'il convenait de laisser un temps raisonnable aux enquêteurs pour y procéder. Sous l'angle du risque de récidive, le fait que le prévenu se promenât avec une arme à feu chargée et munitionnée "pour sa propre protection" et qu'il fût en possession de plusieurs autres armes et objets dangereux faisait sérieusement craindre qu'il pût l'utiliser ou faire usage de violence à l'encontre de tiers, compte tenu notamment des autres faits de violence qui lui étaient reprochés dans le cadre de la présente procédure et de ses antécédents spécifiques, d'autant plus au vu de ses déclarations à l'audience du 1er mars 2025. L'expertise psychiatrique mise en œuvre permettrait de déterminer si le prévenu souffrait d'un trouble psychique, d'évaluer sa dangerosité et le risque de récidive, et de déterminer les éventuelles mesures propres à le diminuer. Il convenait par ailleurs de permettre au Ministère public de renvoyer le prévenu en jugement sans que de nouvelles infractions viennent régulièrement compliquer et retarder l'instruction, étant rappelé que le prévenu était sur le point d'être renvoyé en jugement avant les nouveaux faits de février 2025.
L'obligation de se soumettre à un traitement thérapeutique, par exemple au sein de structures telles que le CAPPI ou M______, proposée par le prévenu, n'était pas apte en l'état à pallier le risque de réitération, dans la mesure où une expertise psychiatrique était en cours, laquelle devrait précisément permettre de déterminer son état psychologique, sa dangerosité et les éventuelles mesures thérapeutiques propres à réduire ce risque.
S'agissant du risque de collusion, l'interdiction de contact – de surcroît avec des personnes non déterminées – proposée n'était pas en mesure de pallier ce risque, étant précisé que des actes d'instruction étaient en cours pour tenter d'identifier d'éventuels acheteurs ou le fournisseur de l'arme et des munitions.
Aucune autre mesure de substitution au sens de l'art. 237 CPP n'était susceptible d'atteindre les mêmes buts que la détention au vu des risques ainsi retenus.
La durée de la prolongation de la détention provisoire, de trois mois, devait permettre au Ministère public d'accomplir les actes d'instruction susmentionnés. Elle respectait le principe de la proportionnalité au vu des faits reprochés et de la peine concrètement encourue en cas de condamnation.
D. a. À l'appui de son recours, A______ conteste l'existence de charges graves et suffisantes. Les charges antérieures à fin 2024, qui en outre différaient des charges nouvellement reprochées, ne pouvaient justifier son "placement en détention provisoire". Seuls les faits constitutifs d'infractions à la LArm et à la LStup pouvaient entrer en ligne de compte. S'agissant de cette dernière infraction, aucun élément du dossier ne permettait d'envisager sa participation à un trafic de cannabis, étant relevé qu'aucun matériel de conditionnement n'avait été trouvé à son domicile. Quant à la détention d'une arme à feu qui n'avait jamais été utilisée, rien ne permettait de douter qu'il l'ait acquise pour sa propre protection uniquement, étant rappelé qu'il avait été violemment agressé à deux reprises par le passé. Dite infraction n'atteignait en outre pas le seuil de gravité nécessaire au regard du principe de la proportionnalité.
Le risque de collusion n'était pas concret, indépendamment du fait qu'il n'avait pas recouru contre l'ordonnance prononçant sa mise en détention provisoire (son présent conseil ne l'assistant alors pas). Son téléphone portable ayant été saisi, les preuves avaient été sauvegardées. Les éventuels éléments de preuve qui pourraient en découler étaient indéterminés de sorte qu'ils ne pouvaient justifier un danger sérieux de manœuvres propres à empêcher la manifestation de la vérité.
Le risque de récidive qualifié faisait défaut. Les infractions à la LArm et à la LStup ne constituaient pas des faits portant atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui. Il en allait de même du risque de récidive simple, au vu de l'ancienneté des autres faits reprochés et de ses antécédents. Aucun fait de violence physique sur des tiers ne lui avait été reproché après 2018, de sorte qu'aucun lien concret ne pouvait être opéré avec l'acquisition et la détention d'une arme à feu. S'il avait voulu passer à l'acte au préjudice d'un tiers, il aurait largement eu le temps de le faire depuis 2018. Il n'avait non plus jamais menacé de commettre un crime grave et avait entièrement contesté les déclarations de I______.
Il avait cependant pris conscience qu'un suivi thérapeutique lui serait bénéfique pour "travailler sur sa colère" et "remettre de l'ordre dans sa vie". Tel suivi ne dépendait pas des résultats de l'expertise psychiatrique, qui pouvait au demeurant être effectuée s'il était remis en liberté.
Enfin, une interdiction de contact avec des personne déterminées, tels d'éventuels acheteurs ou le fournisseur d'arme et de munitions, était envisageable.
b. Le Ministère public conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'ordonnance entreprise, à laquelle il se référait intégralement.
c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.
d. Le recourant ne souhaite pas répliquer et persiste dans son recours.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant conteste la gravité et la suffisance des charges.
2.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).
2.2. En l'espèce, il est établi que le recourant a été interpellé par la police le 28 février 2025, dans la rue, alors qu'il détenait sur lui, sans droit, une arme à feu de type pistolet, munitionnée et chargée, ainsi qu'un poing américain, étant précisé qu'à son domicile, la police a découvert un pistolet à air comprimé pouvant être confondu avec une vraie arme à feu ainsi qu'un silencieux, un dispositif de visée et des munitions de plomb. À son domicile, la police a également découvert une plantation de cannabis et du matériel de production.
Les charges apparaissent ainsi, à ce stade de l'instruction, suffisantes et graves. Que le recourant justifie la possession de ces armes et le port d'une arme chargée sur la voie publique par la nécessité de se défendre n'enlève rien à la gravité des faits – eu égard à la dangerosité évidente du comportement et à l'appétence manifeste de l'intéressé pour les armes interdites, ce d'autant que ses explications à cet égard sont particulièrement évasives. Qu'il nie ensuite s'adonner à un trafic de stupéfiants faute de matériel de conditionnement saisi, arguant que la plantation de cannabis découverte chez lui était destinée à sa seule consommation, n'est pas non plus déterminant à ce stade, eu égard aux constatations policières.
Le TMC avait du reste déjà estimé dans son ordonnance de mise en détention provisoire du 2 mars 2025, contre laquelle le prévenu n'avait pas recouru, que les charges susvisées étaient suffisantes. Que l'intéressé ait eu un autre avocat à cette occasion et n'ait pas contesté cette appréciation n'y change donc rien.
Enfin, contrairement à ce qu'allègue le recourant, sa détention provisoire repose sur ces nouvelles charges exclusivement.
3. Le recourant conteste le risque de collusion.
3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).
3.2. En l'occurrence, le recourant n'a notamment pas souhaité fournir d'explications sur la manière dont il avait acquis, sans autorisation, l'arme à feu chargée dont il était porteur au moment de son interpellation, ni voulu donner l'identité de l'individu qui lui avait remis l'arme à air comprimé, le silencieux et le dispositif de visée retrouvés à son domicile. Il existe dès lors en l'état un risque de collusion concret avec le ou les fournisseurs des armes en question, dont lui seul connaît l'identité.
Si la saisie de son téléphone portable a effectivement permis de sécuriser d'éventuels éléments de preuve, sous l'angle tant des infractions à la LArm que celles à la LStup, l'analyse de cet appareil, en cours, pourrait révéler en particulier l'identité des tiers impliqués (fournisseur(s) des armes et des munitions ainsi qu'éventuels acheteurs de stupéfiants, en particulier) que seul le prévenu connaît. En cas de libération, il pourrait ainsi prendre contact avec eux et entraver la manifestation de la vérité.
Partant, c'est à juste titre que le TMC a retenu un risque de collusion.
Celui-ci ne saurait être pallié par une interdiction de contact avec quiconque, en particulier avec d'éventuels acheteurs ou le(s) fournisseur(s) des armes et des munitions, proposée, une telle mesure, qui reposerait sur la seule volonté du recourant, étant invérifiable et donc insuffisante.
4. Le recourant conteste le risque de récidive.
4.1. L'art. 221 al. 1 let. c CPP, relatif au risque de récidive, dans sa nouvelle teneur au 1er janvier 2024 (RO 2023 468), présuppose désormais que l'auteur compromette sérieusement et de manière imminente la sécurité d'autrui en commettant des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.
Selon la jurisprudence relative à l'art. 221 al. 1 let. c aCPP (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881]) – transposable au nouveau droit (ATF 150 IV 149 consid. 3.1 s.) –, trois éléments doivent être réalisés pour admettre le risque de récidive : en premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre, et il doit s'agir de crimes ou de délits graves; deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise; troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre
(ATF 146 IV 136 consid. 2.2; 143 IV 9 consid. 2.5).
Lors de l'évaluation de la gravité de l'acte, il convient de prendre en compte non seulement la menace abstraite de la peine prévue par la loi, mais aussi le bien juridique concerné et le contexte, en particulier la dangerosité émanant concrètement du prévenu ou du potentiel de violence existant chez lui et pouvant résulter des circonstances de la commission de l'infraction. Cette dangerosité peut être appréciée sur la base des infractions antérieures, mais aussi des nouveaux actes qui lui sont reprochés, pour autant qu'il soit établi avec une vraisemblance suffisante qu'il les a commis
(ATF 143 IV 9 consid. 2.6 et les références citées).
Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4).
4.2. Le nouvel art. 221 al. 1bis CPP prévoit pour sa part que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut exceptionnellement être ordonnée si le prévenu est fortement soupçonné d'avoir porté gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui en commettant un crime ou un délit grave et s'il y a un danger sérieux et imminent qu'il commette un crime grave du même genre
(cf. ATF 150 IV 149 susmentionné consid. 3.2, et arrêt du Tribunal fédéral 7B_1025/2023 du 23 janvier 2024 consid. 3.2).
Comme il est renoncé à toute infraction préalable (seul indice fiable permettant d'établir un pronostic légal), il semble justifié de restreindre les infractions soupçonnées aux crimes et délits graves contre des biens juridiques particulièrement importants (par ex., la vie, l'intégrité physique ou l'intégrité sexuelle). L'exigence supplémentaire de l'atteinte grave a pour objectif de garantir que lors de l'examen de la mise en détention, on prendra en considération non seulement les peines encourues, mais aussi les circonstances de chaque cas. Ces restrictions sont de plus requises en ce qui concerne le risque de crime grave du même genre. En effet, la détention préventive ne paraît justifiée que si le prévenu risque de mettre gravement en danger les biens juridiques des victimes potentielles (comme lorsque le motif de mise en détention est le passage à l'acte). Enfin, ces restrictions ont pour objectif d'exclure que ce motif de mise en détention soit avancé en cas de dommages purement matériels ou de comportements socialement nuisibles (Message du Conseil fédéral du 28 août 2019 [19.048] concernant la modification du Code de procédure pénale – mise en œuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États « Adaptation du code de procédure pénale » –, FF 2019 6351, p. 6395).
4.3. En l'espèce, le recourant a déjà été condamné en particulier à deux reprises pour infractions à l'art. 33 LArm, en 2013, et à trois reprises pour lésions corporelles simples, en 2014, 2016 et 2018. En sus des infractions reprochées constatées le 28 février 2025 – notamment la détention et le port sur la voie publique d'un pistolet chargé et d'un poing américain –, il est soupçonné, dans la présente procédure, d'avoir commis plusieurs agressions et lésions corporelles simples en 2018 ainsi qu'avoir proféré des menaces de mort en mimant le geste de tirer une balle dans la tête de ses victimes, en 2023 et 2024. À cela s'ajoute ses propos peu rassurants à l'audience du 1er mars 2025, selon lesquels il "se foutait" des autres, avait "le droit" de déambuler dans la rue avec une arme à feu chargée, était en colère et allait "se battre jusqu'à la mort".
L'ensemble de ces circonstances, ajouté au désœuvrement apparent du recourant, qui est sans emploi, laisse craindre une dangerosité et un potentiel de violence concret chez lui, apte à fonder à tout le moins un risque de récidive simple au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP.
Aucune mesure de substitution n'entre en ligne de compte en l'état. Il y a lieu d'attendre le résultat de l'expertise psychiatrique ordonnée par le Ministère public qui, seule, permettra d'évaluer le risque de récidive et, le cas échéant, énoncer les mesures aptes à le pallier.
5. Au vu des infractions dont le recourant est prévenu, si elles devaient être confirmées, la prolongation de la détention provisoire ne viole pas le principe de la proportionnalité, étant rappelé que la seule peine menace maximale de l'art. 33 LArm est une peine privative de liberté de trois ans au plus.
6. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.
7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).
8. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.
8.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).
8.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.
L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.
Le greffier : Sandro COLUNI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
P/10208/2018 | ÉTAT DE FRAIS |
| ACPR/ |
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
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- frais postaux | CHF | 30.00 |
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Émoluments généraux (art. 4) | | |
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- délivrance de copies (let. a) | CHF |
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- délivrance de copies (let. b) | CHF |
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- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
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Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
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- décision sur recours (let. c) | CHF | 900.00 |
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- | CHF |
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| Total | CHF | 1'005.00 | |||