Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/445/2025 du 11.06.2025 sur OPMP/4360/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/7809/2025 ACPR/445/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 11 juin 2025 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocate,
recourant,
contre l'ordonnance de jonction rendue le 9 avril 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 22 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 avril 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné la jonction de la procédure P/15881/2022 à la procédure P/7809/2025, sous ce dernier numéro.
Le recourant s'oppose à cette jonction.
b. Par ordonnance OCPR/11/2025 du 24 avril 2025, la direction de la procédure a rejeté la demande d'effet suspensif.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, né le ______ 1997, est un ressortissant gambien, titulaire d'un permis de séjour espagnol.
P/15881/2022
b.a. Il lui est reproché, dans le cadre de la procédure P/15881/2022, d'avoir, à tout le moins le 9 juillet 2022, pénétré sur le territoire suisse, puis d'y avoir séjourné, notamment à Genève, jusqu'au 16 juillet 2022, date de son interpellation, alors qu'il était démuni de moyens de subsistance légaux et qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse valable du 29 novembre 2019 au 28 novembre 2022, notifiée le 5 décembre 2019.
b.b. Entendu par la police le 16 juillet 2022, il a expliqué qu'il entrait dans l'école de commerce C______, dans le quartier de D______, sans être vu, et restait dans une salle de classe pour y passer la nuit s'il le pouvait. La police lui avait dit qu'il ne pouvait plus venir en Suisse. Il avait souhaité voir un ami. Il était désolé. Il était en Suisse depuis une semaine. Il vivait à E______ (Espagne). Il y travaillait dans les champs, à la récolte de fruits.
b.c. Par ordonnance pénale du 5 octobre 2022 notifiée par courrier recommandé à l'adresse donnée par A______ à E______, le Ministère public l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- l'unité, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement, pour infractions à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEI.
Le pli contenant cette ordonnance pénale a été reçu en retour au Ministère public le 8 décembre 2022, muni de la mention "pli non réclamé".
b.d. Le 16 décembre 2024, A______, par l'intermédiaire de son conseil, a formé opposition à l'ordonnance pénale précitée, dont il avait eu connaissance le 13 décembre 2024 dans le cadre d'une autre procédure.
b.e. Par arrêt ACPR/198/2025 du 13 mars 2025, la Chambre de céans a rejeté le recours formé par A______ contre l'ordonnance du Tribunal de police du 24 janvier 2025 constatant l'irrecevabilité de l'opposition formée le 16 décembre 2024 pour cause de tardiveté et disant que l'ordonnance pénale rendue le 5 octobre 2022 par le Ministère public, valablement notifiée le 25 octobre 2022, devait être assimilée à un jugement entré en force.
Se posait cependant la question d'une éventuelle restitution du délai pour former opposition. Il ne pouvait en effet pas être exclu, au vu des troubles psychiques désormais avérés de A______ et médicalement documentés par l'examen cognitif effectué le 4 janvier 2025 par le service médical de l'Établissement de F______, que celui-ci n'eût pas pu former opposition à temps au motif qu'il aurait compris à l'époque que Me G______ – dont il avait donné le nom lors de son audition à la police – recevrait une éventuelle ordonnance pénale ou du moins serait avisée de la procédure pénale le visant et ferait ainsi en sorte de préserver ses droits. L'examen de cette question revenait au Ministère public à qui le dossier était donc retourné.
Dans ce même arrêt, la Chambre de céans a déclaré irrecevable la conclusion en constatation d'une violation des art. 6 CEDH et 29 Cst., dans la mesure où A______ concluait à l'annulation de la décision entreprise. Sa conclusion, sans une quelconque motivation, à l'allocation d'une indemnité de "CHF 11'800.- (59 x 200)" en réparation du tort moral subi en raison de la détention illicite subie était exorbitante à l'objet du litige qui était strictement circonscrit à l'ordonnance entreprise, portant sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition.
b.f. Par ordonnance du 8 avril 2025, le Ministère public a restitué le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 5 octobre 2022.
b.g. Le 14 avril 2025, A______ a formé recours contre l'ACPR/198/2025 précité auprès du Tribunal fédéral (cause 6B_259/2025). La cause est toujours pendante.
b.h. Le recourant a été entendu le 17 avril 2025 sur opposition à l'ordonnance pénale précitée.
P/10848/2024
c.a. Dans le cadre de la procédure P/10848/2024, le Ministère public a condamné A______, par ordonnance pénale du 2 mai 2024, pour avoir, à Genève :
· à une date indéterminée après le 28 février 2024, lendemain de sa dernière condamnation, pénétré sur le territoire suisse, plus particulièrement à Genève, puis persisté à y séjourner jusqu’au 1er mai 2024, date de son arrestation, alors qu'il était démuni d’un passeport valable indiquant sa nationalité et qu'il ne disposait pas des moyens financiers suffisants permettant d'assurer sa subsistance durant son séjour en Suisse et la prise en charge de ses frais de retour, et alors qu’il savait faire l'objet d'une mesure d'interdiction d'entrée sur le territoire suisse valable du 9 février 2023 au 8 février 2026, notifiée le 28 juillet 2023.
· le 1er mai 2024, pénétré sans droit dans une classe de l'école de commerce C______, sise ______; plainte pénale ayant été déposée pour ces faits.
c.b. A______ a formé opposition à cette ordonnance pénale le 8 mai 2024.
c.c. La procédure P/10848/2024 sera finalement jointe le 4 avril 2025 à la P/7809/2025.
P/16200/2024
d.a. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public du 9 juillet 2024, dans le cadre de la procédure P/16200/2024, pour avoir, le 8 juillet 2024, pénétré sur le territoire helvétique, en particulier à Genève, alors qu'il n'avait pas les autorisations nécessaires, qu'il était démuni d'un document d'identité et qu'il faisait l'objet de l'interdiction d'entrée sur le territoire Suisse du 9 février 2023 précitée.
d.b. Il a formé opposition à cette ordonnance pénale le 11 juillet 2024.
d.c. Le 24 juillet 2024, le Ministère public a joint la P/16200/2024 à la P/10848/2024.
P/28793/2024
e.a. A______ a été interpellé par la police le 13 décembre 2024, ce qui a donné lieu à l'ouverture de la P/28793/2024. Selon le rapport d'arrestation, la police avait voulu procéder à son contrôle dans le quartier des Pâquis, mais il avait pris la fuite. Il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse et d'un mandat d'arrêt pour une peine privative de liberté de 59 jours.
e.b. Le même jour, le Ministère public a ordonné la jonction de cette procédure à la procédure P/10848/2024.
e.c. Toujours le 13 décembre 2024, sous ce dernier numéro de procédure, le Ministère public a prévenu A______ d'entrée et séjour illégaux, violation de domicile (pour les faits objets de l'ordonnance pénale du 2 mai 2024 précitée), ainsi qu'empêchement d'accomplir un acte officiel et entrée et séjour illégaux, en lien avec son interpellation du 13 décembre 2024, pour avoir pris la fuite malgré les injonctions de la police et s'être trouvé à Genève sans disposer des autorisations requises et bien que faisant l'objet de l'interdiction d'entrée sur le territoire suisse du 9 février 2023.
P/7809/2025
f.a. A______ a été interpellé le 31 mars 2025, à la rue des Délices, alors que la police venait d'observer une transaction de stupéfiants. La procédure porte le numéro P/7809/2025.
f.b. Il a été prévenu par le Ministère public le 1er avril 2025. Il lui est reproché de s'être adonné à un trafic de stupéfiants, portant à tout le moins sur la vente de deux cailloux de crack d'un poids total brut de 0.66 gr, le 31 mars 2025, à H______ pour environ CHF 100.-; et d'avoir pénétré sur le territoire suisse, le 31 mars 2025, en violation de l'interdiction d'entrée en Suisse du 9 février 2023, ainsi que sans les documents d'identité, autorisations et moyens de subsistance légaux nécessaires à son séjour.
f.c. Une expertise psychiatrique du prévenu a été ordonnée dans le cadre de cette procédure, le 22 avril 2025.
f.d. Le Tribunal des mesures de contrainte a prononcé, par ordonnance du 2 avril 2025, sa mise en détention provisoire jusqu'au 21 avril 2025. Le 22 avril 2025, il a ordonné la prolongation de cette détention jusqu'au 21 juillet 2025. Le juge a en particulier retenu, sur la base des explications du Ministère public, qu'il convenait d'attendre le rapport d'expertise psychiatrique, de procéder à l'audition des experts avant l'envoi d'un prochain avis de clôture de l'instruction et le renvoi du prévenu en jugement.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que A______ avait la qualité de prévenu dans les deux procédures, ce qui justifiait l'application du principe de l'unité de la procédure.
D. a. Dans son recours, A______ soulève des griefs d'une violation du principe de la célérité et d'inopportunité.
La première procédure (P/15881/2022) concernait une entrée illégale sur le territoire, pour laquelle il avait purgé une peine privative de substitution, malgré la nullité de l'ordonnance pénale, laquelle faisait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral. Le Ministère public ne serait pas en mesure de poursuivre l'instruction de ce volet de la procédure avant le prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral dans plusieurs mois, voire une année. La jonction impliquerait inévitablement la prolongation de sa détention provisoire, lui causant ainsi un préjudice irréparable.
Les infractions reprochées dans la seconde procédure (P/7809/2025), notamment de violation de domicile et de vente de stupéfiants, incluaient une partie plaignante et nécessiteraient probablement l'organisation d'une confrontation avec l'acheteur des stupéfiants. La détention provisoire avait d'ailleurs été prononcée pour permettre au Ministère public de procéder aux actes d'instruction nécessaires à l'élucidation de ces faits, de peu de gravité. La jonction des procédures prolongerait la durée de sa détention provisoire, en violation du principe de la célérité. Il convenait de déroger au principe de l'unité de la procédure dans une telle situation. La Chambre pénale de recours avait déjà rejeté la jonction de deux procédures, parce que la première était à un stade plus avancé que la seconde et que les infractions reprochées étaient distinctes.
Dans la mesure où il avait déjà subi deux mois de détention illicite dans le cadre de la procédure P/15881/2022, une jonction reviendrait à prononcer à nouveau une privation de liberté pour les mêmes faits.
Il était particulièrement affecté par la détention provisoire, qui accentuait sa vulnérabilité alors qu'il était en situation d'handicap mental nécessitant une prise en charge quotidienne. Il avait bénéficié d'une telle prise en charge au sein de l'Établissement pénitentiaire de F______. Vu le régime de la détention provisoire, un tel transfert n'était plus possible. Il était dépourvu de tout lien affectif et de tout repère, du fait de l'éloignement de sa famille qui vivait en Espagne. Pour préserver ses droits fondamentaux, liés à sa situation de handicap, les autorités devaient strictement respecter le principe de la célérité.
Enfin, une prolongation de sa détention provisoire du fait de la jonction des procédures représenterait un coût financier important pour le contribuable.
b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours et s'en tient à sa décision, avec suite de frais. L'unité de la procédure était la règle et la disjonction l'exception. Les faits reprochés au recourant avaient un lien de connexité entre eux, étant de même nature, s'agissant des infractions d'entrée et de séjour illégaux.
Il n'y avait pas de complication pratique puisque le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 5 octobre 2022 avait été restitué, ce qui rendait sans objet le recours au Tribunal fédéral. Le recourant avait déjà été entendu sur opposition à cette ordonnance pénale le 17 avril 2025. Il ne manquait plus que les déterminations – déjà ordonnées – des experts chargés de l'expertise psychiatrique, lesquelles interviendraient dans les meilleurs délais.
Les deux procédures ayant d'ores et déjà fait l'objet d'actes d'instruction, leur jonction ne contrevenait pas au principe de célérité.
c. Dans sa réplique, A______ précise que le recours au Tribunal fédéral n'était pas devenu sans objet, puisqu'il permettrait de réparer les violations graves des droits de la défense et de l'indemniser pour sa détention illicite. Une décision finale du Tribunal fédéral était nécessaire pour pouvoir le juger dans la procédure P/15881/2022. Dans la procédure P/7809/2025, il ne manquait plus que le rapport d'expertise déterminant sa responsabilité pénale, lequel devait être rendu dans un délai de trois mois. Une fois l'arrêt du Tribunal fédéral rendu, une peine complémentaire pourrait être prononcée dans le cadre de la procédure P/15881/2022. À l'inverse, une imputation de la peine déjà subie dans le cadre de la procédure P/15881/2022 sur l'éventuelle peine qui serait prononcée dans la procédure P/7809/2025 n'était pas possible, puisque le Tribunal fédéral constaterait vraisemblablement l'illicéité de cette peine qu'il avait exécutée à tort et lui allouerait une indemnité.
La transmission de la procédure P/15881/2022 au Tribunal fédéral ajoutait des difficultés pour maintenir une célérité stricte.
d. La cause a été gardée à juger après la décision sur l'effet suspensif.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant s'oppose à la jonction des procédures.
2.1. L'art. 29 CPP règle le principe de l'unité de la procédure pénale. Il prévoit qu'il y a lieu de poursuivre et juger, en une seule et même procédure, l'ensemble des infractions reprochées à un même prévenu. Le principe de l'unité de la procédure tend à éviter les jugements contradictoires et sert l'économie de la procédure (ATF
138 IV 29 consid. 3.2; ATF 138 IV 214 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2).
De façon générale, l'art. 49 CP impose la règle de l'unité des poursuites qui veut que les infractions commises en concours doivent être réprimées dans un seul et même jugement et qu'un seul juge doive se prononcer sur l'ensemble des faits qui peuvent être reprochés à un délinquant. Cette solution permet d'éviter la multitude de jugements rendus à l'encontre du même prévenu, le prononcé d'une peine complémentaire ou peine d'ensemble, ainsi que les frais liés à toute nouvelle procédure. En ce sens, les intérêts de l'auteur sont préservés. La solution choisie par le législateur tend aussi à éviter des jugements contradictoires, que cela soit au niveau de la constatation de l'état de fait, de l'appréciation juridique ou de la fixation de la peine (ATF 138 IV 214 consid. 3; L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n.3 ad art. 29).
2.2. Selon l'art. 30 CPP, si des raisons objectives le justifient, le ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales.
La faculté offerte par cette norme d'ordonner la jonction de plusieurs procédures s'entend en quelque sorte comme une extension du principe d'unité à d'autres situations que celles qui sont visées à l'art. 29 CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3 ad art. 30).
Cette disposition prévoit la possibilité de déroger au principe de l'unité de la procédure. Une telle dérogation exige toutefois des raisons objectives, ce qui exclut de se fonder, par exemple, sur de simples motifs de commodité (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 30).
La disjonction des causes en vertu de l'art. 30 CPP doit cependant rester l'exception et l'unité de la procédure la règle, dans un but d'économie de procédure, d'une part, mais aussi afin de prévenir le prononcé de décisions contraires, d'autre part. Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré qu'en vertu du principe de l'unité de procédure, le ministère public était tenu de joindre des procédures à l'encontre du même prévenu quand bien même la nature des infractions était fort différente, en l'occurrence violences domestiques et escroquerie (ATF 138 IV 214 consid. 3.6 et 3.7).
Des procédures pourront être disjointes, par exemple, lorsque plusieurs faits sont reprochés à un auteur et que seule une partie de ceux-ci est en état d'être jugée, la prescription s'approchant (ATF 138 IV 214 consid. 3.2). Elles pourront également l'être en présence de difficultés liées à un grand nombre de coauteurs dont certains seraient introuvables, lorsqu'une longue procédure d'extradition est mise en œuvre ou encore en cas de violation du principe de la célérité (arrêts du Tribunal fédéral 1B_230/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3.4; 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2). Des raisons d'organisation des autorités de poursuite pénale ne suffisent pas (ATF 138 IV 214 consid. 3.2).
La violation du principe de la célérité justifie également l’application de l’art. 30 CPP; l'art. 5 al. 2 CPP impose d’ailleurs une diligence particulière lorsqu'un prévenu est placé en détention (arrêt du Tribunal fédéral 1B_684/2011 du 21 décembre 2011 consid. 3.2 in fine).
Une jonction selon l'art. 30 CPP se conçoit avant tout en cas d'étroite connexité des infractions (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, p. 1118), afin de garantir une administration des preuves uniforme (S. SCHLEGEL, in A. DONATSCH / V. LIEBER / S. SUMMERS / W. WOHLERS (éds), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 3e éd., Zürich 2020, n. 11 ad art. 30). Tel sera par exemple le cas lorsque des participants s'accusent réciproquement d'infractions commises dans le cadre du même conflit les opposant (ATF 138 IV 29 consid. 5.5 p. 34). En revanche, le risque de violation du principe de célérité, notamment lorsqu'un prévenu est placé en détention (art. 5 al. 2 CPP), peut s'opposer à une jonction des procédures (arrêt du Tribunal fédéral 6B_751/2014 du 24 mars 2015 consid. 1.4 ; S. SCHLEGEL, op. cit., n. 12 ad art. 30).
2.3. Dans l'ACPR/905/2023 du 16 novembre 2023 – cité par le recourant –, la Chambre de céans a annulé une ordonnance de jonction. Le recourant était plaignant dans une procédure et prévenu dans une autre. Le Ministère public avait ordonné la jonction de ces deux procédures. Les prévenus et les parties plaignantes n'étaient pas les mêmes dans les deux procédures. En outre, les infractions étaient – de nature – distincte et ne portaient pas sur les mêmes faits. L'art. 29 CPP n'apparaissait ainsi pas applicable au recourant, étant souligné que la réunion des deux procédures le placerait dans une situation dans laquelle il revêtirait la qualité de plaignant et de prévenu, ce qui ne se justifiait en l'occurrence pas sous l'angle de l'opportunité.
L'exception prévue à l'art. 30 CPP n'était pas non plus réalisée. Aucune raison objective ne militait pour que les procédures soient poursuivies ensemble, étant souligné que, comme relevé par le recourant, l'instruction de l'une des procédures était plus avancée que dans l'autre (consid. 2. 3.).
2.4. En l'espèce, le recourant revêt la qualité de prévenu dans les deux procédures concernées. Il y est mis en cause pour des infractions à la LEI, à la LStup, empêchement d'accomplir un acte officiel et violation de domicile, soit autant de délits en lien avec sa situation personnelle précaire. Conformément au principe de l'unité de la procédure, ces faits – et les infractions qui y sont associées – devraient donc en principe être poursuivis conjointement, quand bien même ils sont de nature différente.
La conclusion de l'arrêt ACPR/905/2023 précité ne saurait valoir dans la présente situation, puisqu'en particulier l'intéressé était plaignant dans l'une des procédures et prévenu dans l'autre, ce qui n'est pas la situation du recourant qui est, comme déjà dit, prévenu dans les deux procédures jointes. Il sera d'ailleurs noté que le précité a, depuis le mois de juillet 2022 jusqu'à sa plus récente arrestation le 31 mars 2025, fait l'objet de pas moins de cinq procédures et qu'il n'a pas réagi aux trois ordonnances de jonction prononcées avant celle, querellée, du 9 avril 2025. S'y ajoute qu'il est l'unique mis en cause dans les deux procédures dont la jonction est attaquée.
Les deux procédures concernées ont trait à des soupçons de commission d'infractions successives liées à la situation personnelle du recourant, lesquelles permettent d'établir un fil rouge, une chronologie des faits utile à l'analyse du dossier et permettent d'étayer les soupçons quant au fait qu'il semble ne pas vouloir se conformer aux décisions le visant. S'agissant d'une affaire sans complexité particulière, à l'exception de la récurrence d'interpellations du recourant et du fait qu'il n'a contesté que le 13 décembre 2024 l'ordonnance pénale du 5 octobre 2022 (P/15881/2022), il apparaît dans son intérêt, comme en faveur de l'économie de la procédure, qu'un seul juge se prononce sur l'ensemble des faits reprochés, de sorte à éviter le risque de décision contradictoire, que cela soit au niveau de la constatation de l'état de fait, de l'appréciation juridique ou de la fixation de la peine.
En outre, la jonction querellée est de nature à permettre d'éviter une multitude de jugements et donc des frais supplémentaires à la charge du contribuable, l'une des préoccupations du recourant.
De plus, l'expertise psychiatrique ordonnée dans la plus récente procédure, dans laquelle il est détenu provisoirement, est susceptible d'avoir un impact non seulement sur les faits les plus récemment reprochés au recourant, mais également ceux objets de la P/15881/2022, étant rappelé qu'il a plaidé devant la Chambre de céans la restitution du délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 5 octobre 2022 notamment au vu de ses troubles psychiques. Cette expertise psychiatrique doit notamment répondre à la question du degré de responsabilité pénale du recourant, ce qui a priori vaut aussi pour les infractions les plus anciennes.
Ainsi, la jonction permettra de recouper les actes d'instruction effectués et à effectuer, s'agissant en particulier de l'audition des experts psychiatres une fois leur rapport rendu.
Si la poursuite de procédures séparées peut s'avérer opportune, notamment lorsque l'une d'entre elles est en état d'être jugée ou que la prescription pénale est proche, tel n'est nullement le cas en l'occurrence. Les deux procédures sont à un stade équivalent de l'instruction et il ne semble certes pas qu'il y ait encore des actes d'instruction à effectuer dans la procédure P/15881/2022. Le recourant soutient que son recours au Tribunal fédéral contre l'ACPR/198/2025 ne serait pas devenu sans objet, dans la mesure où cet acte permettrait selon lui de "réparer les violations graves des droits de la défense et de l'indemniser pour sa détention illicite", conclusions que la Chambre de céans a toutefois déclarées irrecevables car exorbitantes à l'ordonnance sur opposition tardive querellée. Il apparait que ces questions seront, le moment venu, de la compétence du juge du fond. Quoi qu'il en soit, le recourant a été entendu par le Ministère public le 17 avril 2025 sur son opposition. Il s'ensuit que la procédure sur les faits reprochés au prévenu dans la procédure P/15881/2022 peut aller de l'avant sans attendre l'arrêt du Tribunal fédéral. Dans la procédure la plus récente, dans laquelle le recourant est détenu, le Ministère public demeure dans l'attente du rapport des experts psychiatres. Ainsi, il n'apparait pas que la jonction de ces deux procédures soit de nature à retarder la progression de la P/7809/2025 au point de violer le principe de la célérité.
Enfin, on ne discerne pas quel préjudice découlerait de la jonction des procédures. Le fait que le recourant soit détenu provisoirement à [prison de] I______ – dans le cadre de la P/7809/2025 – alors que son état de santé nécessite une prise en charge quotidienne et qu'il se trouve éloigné de sa famille ou de tout repère ne saurait entrer en considération, compte tenu de la présence de services de soins pénitentiaires disponibles en suffisance dans l'intérêt des détenus.
Ainsi, aucune raison objective ne s'oppose à la jonction ordonnée, notamment sous l'angle du principe de la célérité.
Partant, l'ordonnance litigieuse apparaît justifiée et opportune sous l'angle de l'unité de la procédure.
3. Le recours sera rejeté.
4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
5. Il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade (art. 135 al. 2 CPP), le défenseur d'office.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/7809/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 900.00 |
Total | CHF | 985.00 |