Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/402/2025 du 23.05.2025 sur ONMMP/873/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/22003/2024 ACPR/402/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 23 mai 2025 |
Entre
A______, représenté par Me David WILSON, avocat, SCHELLENBERG WITTMER SA, rue des Alpes 15 bis, case postale 2088, 1211 Genève 1,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 17 février 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte déposé le 3 mars 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 février précédent, notifiée le surlendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte contre Me B______, notaire.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public d'instruire les faits dénoncés, en particulier en procédant à l'audition du notaire précité.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. C______, née au Brésil et mère de A______, est décédée à Genève le ______ 2022. Elle était l'épouse de D______.
b. Par "Ordonnance souveraine" n. 1______ du ______ novembre 1999 du Prince Rainier III, D______ et C______ ont été naturalisés monégasques. L'ordonnance précisait que : "ils […] jouiront de tous les droits et prérogatives attachés à cette qualité, dans les conditions prévues par les articles 5 et 13 de la loi n° 1.155 du 18 décembre 1992, modifiée".
c. De son vivant et dans le cadre de sa planification successorale, C______ a fait instrumenter un testament public, le 28 août 2013, par Me B______.
En préambule, l'acte stipule: "Comparait Madame C______ née C______, née le ______ 1934, de nationalités brésiliennes et monégasque".
La suite du testament est dactylographiée "suivant les indications de la testatrice".
L'article 3 a la teneur suivante: "Je suis de nationalités brésilienne et monégasque, et domiciliée depuis le 9 septembre 2011 à E______ dans le canton de Genève en Suisse […]. Conformément à la faculté que me donne le droit international privé suisse, je soumets le présent testament, ainsi que ma succession, pour ce qui est du droit matériel, aux lois de la République fédérative du Brésil, pays dont je suis ressortissante, les exigences de forme restant régies par le droit suisse".
Pour le surplus, C______ y a:
- institué pour seuls héritiers ses enfants, soit A______ et sa sœur, ainsi que le fils de cette dernière (article 4);
- prescrit que l'ensemble de ses meubles et objets d'art seraient mis en vente et que 50% du produit net serait remis à la FONDATION C______ (ci-après: la FONDATION) (article 8);
- légué 25% des actifs nets de la succession à la FONDATION (article 9).
Le document a été lu "personnellement et en entier" et signé par C______. Deux témoins ont été immédiatement appelés, parmi lesquels, F______, lesquels ont déclaré ne pas être dans un cas d'exclusion prévu par l'art. 503 CC, dont le notaire leur avait donné lecture. Par leur signature, ils ont notamment confirmé que l'acte en question renfermait fidèlement les volontés de la testatrice.
d. Le 28 juin 2021, Me B______ a instrumenté un codicille public, contenant en préambule les mêmes informations relatives à C______, par lequel cette dernière a révoqué un article du testament susmentionné, pour remplacer l'un des exécuteurs testamentaires désignés.
F______ a derechef signé l'acte en qualité de témoin.
e. Le 23 septembre 2024, A______ a porté plainte contre B______, pour faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques (art. 317 CP).
Sa mère, C______, avait perdu la nationalité brésilienne après avoir acquis la citoyenneté monégasque, puisque tant le droit brésilien que le droit monégasque interdisaient la double nationalité. Son dernier passeport brésilien, définitivement expiré en 2003, lui avait été délivré en 1998, soit avant sa naturalisation à Monaco. D'ailleurs, lors de sa prise de domicile à Genève, en 2011, elle était enregistrée à l'Office cantonal de la population exclusivement comme ressortissante de Monaco.
Les représentants de la FONDATION, qui avaient "influencé" sa mère de son vivant pour s'assurer d'être avantagés par la succession et pérenniser leur contrôle du patrimoine de celle-ci, avaient fait appel à B______. Ce dernier, agissant "à tout le moins par négligence", avait constaté, dans le testament public du ______ août 2013 et le codicille public du ______ juin 2021, que C______ était de nationalité brésilienne, alors qu'elle avait perdu celle-ci au profit de la citoyenneté monégasque, en 1999. Ce faisant, B______ avait tenté de contourner les règles impératives du droit successoral suisse en matière de réserves héréditaires et lésé ses droits. Le prénommé avait, en outre, omis de vérifier les qualités de l'un des deux témoins de l'acte, F______, lequel était membre du conseil de la FONDATION et bénéficiaire, à titre personnel, de la succession, de sorte qu'il présentait un conflit d'intérêts faisant obstacle à son rôle, au sens de l'art. 503 CC. Malgré plusieurs demandes en ce sens, entre 2023 et 2024, B______ avait refusé de clarifier les vérifications opérées en amont de l'instrumentation de ces actes, et de lui donner accès au dossier de la succession.
f. Il ressort encore des pièces produites à l'appui de la plainte les éléments suivants :
f.a. Selon copie versée au dossier, C______ disposait d'un passeport brésilien, valable jusqu'au 3 janvier 2003.
f.c. L'article 5 de la Loi n° 1.55 du 18 décembre 1992, modifié par la Loi n° 1.199 du 26 décembre 1997, a la teneur suivante: "La naturalisation est accordée par ordonnance souveraine après enquête sur la moralité et la situation du postulant et justification qu'elle lui ferait perdre sa nationalité antérieure et l'exonérerait définitivement des obligations du service militaire à l'étranger. Peut également être naturalisé l'étranger qui, en vertu de sa loi nationale, ne peut pas perdre sa nationalité avant d'en avoir acquis une autre. Toutefois, il est réputé, ainsi que ses enfants qui tiennent de lui leur nationalité, n'avoir jamais été monégasque s'il ne justifie de la perte de sa nationalité antérieure dans les six mois de la date de publication de l'ordonnance qui lui a conféré la nationalité monégasque".
f.d. L'article 12 para. 4 ch. 2 de la Constitution de 1988 de la République fédérative du Brésil prévoit [selon la traduction produite] que le "Brésilien est déchu de sa nationalité lorsque: il a acquis une autre nationalité, sauf dans les cas: de reconnaissance de la nationalité d'origine par la loi étrangère; d'imposition de la naturalisation, par la norme étrangère, au Brésilien résidant dans un État étranger, comme condition au séjour sur le territoire ou à l'exercice des droits civils".
f.e. À teneur de l'attestation, du 2 février 2023, de l'Office cantonal de la population, la nationalité de C______ était "Monaco".
f.f. Par lettre du 12 juin 2023 à l'avocat de A______, B______ a exposé ne plus se souvenir dans les détails de l'instrumentation des actes du 28 août 2013 et 28 juin 2021, en particulier des pièces qui avaient pu lui être montrées par la testatrice "à son domicile". Celle-ci avait toutefois déclaré dans le testament lui-même (art. 3) être de nationalités brésilienne et monégasque, confirmant les informations qui lui avaient ["qui m'ont été"] communiquées. Il n'avait donc pas de motif de mettre en doute ce point.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient qu'en vertu de l'art. 389 CP et du principe de la lex mitior, l'ancienne version de l'art. 317 al. 2 CP, en vigueur jusqu'au 1er juillet 2023, s'appliquait au cas d'espèce. Dans sa précédente teneur, cette norme prévoyait l'amende comme peine si l'auteur avait agi par négligence. En vertu de l'art. 109 CP, l'action pénale était ainsi prescrite depuis 2016 pour le testament du 28 août 2013, et depuis 2024 pour le codicille du 28 juin 2021. Il n'était donc pas entré en matière (art. 310 al. 1 let. b CPP).
D. a. Dans son recours, A______ soutient être directement lésé par "les infractions dénoncées" dans sa plainte. Sa part réservataire sur l'héritage de sa mère était protégée par la loi, et ses intérêts juridiques et économiques avaient été atteints par les "agissements coupables" de B______, lesquels avaient permis de "contourner illicitement [s]a réserve successorale" et de faire "profiter un tiers d'au moins 25% de la succession".
Sur le fond, le raisonnement du Ministère public était erroné pour quatre raisons. En premier lieu, le dies a quo de l'action pénale avait commencé à courir au jour du décès de C______, soit le ______ 2022. C'était, en effet, à cette date que les "fausses constatations" faites par B______, soit la nationalité brésilienne de la défunte et l'absence d'indépendance d'un des témoins, avaient acquis une portée juridique. En deuxième lieu, l'application de l'art. 317 al. 1 CP ne devait pas être exclue, en ce sens que B______ avait pu agir, non par négligence, mais à tout le moins par dol éventuel. En troisième lieu, à titre subsidiaire, le Ministère public aurait aussi dû examiner l'art. 251 CP car B______ avait fait usage du testament et du codicille "faux", en créant des "expéditions sans indication de date précise, mais vraisemblablement entre le ______ et le ______ 2022", ainsi que des copies "vraisemblablement entre le ______ et le 10 août 2022". Enfin, les agissements dénoncés s'inscrivaient dans une certaine durée et continuité, notamment avec "la garde, la création des expéditions et/ou des copies et/ou les notifications" des titres litigieux.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).
1.2. Seule a toutefois qualité pour agir la partie qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
1.2.1. L'art. 104 al. 1 let. b CPP prévoit que la qualité de partie est reconnue à la partie plaignante. On entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 141 IV 1 consid. 3.1, 454 consid. 2.3.1). Lorsque la norme protège un bien juridique individuel, la qualité de lésé appartient au titulaire de ce bien (ATF 141 IV 1 consid. 3.1; 138 IV 258 consid. 2.3; 129 IV 95 consid. 3.1). Pour être directement touché, le lésé doit subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie, ce qui exclut les dommages par ricochet (arrêts du Tribunal fédéral 7B_11/2023 du 27 septembre 2023 consid. 3.2.1; 6B_1276/2021 du 9 mars 2023 consid. 1.5.1).
1.2.2. Aux termes de l'art. 317 ch. 1 CP, se rendent coupables de faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques les fonctionnaires et les officiers publics qui, intentionnellement, créent un titre faux, falsifient un titre, ou abusent de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé (al. 1), et les fonctionnaires et les officiers publics qui, intentionnellement, constatent faussement dans un titre un fait ayant une portée juridique, notamment en certifiant faussement l’authenticité d’une signature ou d’une marque à la main ou l’exactitude d’une copie (al. 2).
Cette disposition vise à protéger, comme bien juridique, la confiance accordée dans la vie juridique à un titre en tant que moyen de preuve. Il garantit, en outre, la confiance particulière que les administrés doivent pouvoir éprouver envers les fonctionnaires et les officiers publics ainsi que l’intérêt de l’État à une bonne administration (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 11 ad art. 317).
À l'instar de l'art. 251 CP, le faux de l'art. 317 CP peut également porter atteinte à des intérêts individuels ; une personne peut être considérée comme lésée par un faux lorsque celui-ci vise précisément à lui nuire (ATF 147 IV 269 consid. 3.3 et le références citées).
1.3. En l'espèce, le recourant, qui a déposé plainte pour l'infraction visée à l'art. 317 CP, déclare être lésé par les agissements du notaire, qui aurait selon lui, en particulier, faussement constaté, dans un testament public et un codicille public, la nationalité brésilienne de sa mère, de manière à le léser dans ses droits de succession.
À ce stade, bien que le recourant ne rende pas vraisemblable que le droit brésilien – élu par la défunte pour régler matériellement sa succession – lui serait moins favorable que le droit le droit suisse (ou monégasque), on peut retenir, sur la base de ses allégations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 7B_59/2022 du 11 février 2025 consid. 2.1.2 in fine), que les faits dénoncés, en particulier ceux afférents au testament public, pourraient être susceptibles de porter atteinte à son patrimoine. Le recourant dispose ainsi d'un intérêt à agir et son recours est, sur ce volet, recevable. La question peut, compte tenu de l'issue du recours, rester ouverte pour le codicille du 28 juin 2021.
1.4. En revanche, le recourant invoque pour la première fois devant la Chambre de céans que le notaire aurait, après le ______ 2022, effectué des "expéditions" et des "copies" des deux actes allégués de faux, ce qui permettrait selon lui de soupçonner la réalisation de l'infraction prévue à l'art. 251 CP. On ne trouve nulle trace de ces allégations dans sa plainte, qui ne porte que sur le chef de l'infraction visée à l'art. 317 CP, en lien avec l'instrumentation des deux actes litigieux.
Il s'ensuit que le Ministère public ne pouvait pas, au moment de rendre l'ordonnance querellée, se prononcer sur ces autres faits, postérieurs. Dès lors, ce grief excède le cadre du litige et est donc irrecevable.
2. Le recourant soutient que le Ministère public ne pouvait pas refuser d'entrer en matière sur sa plainte.
2.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. b CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), tels la prescription de l'action publique (ACPR/697/2024 du 27 septembre 2024 consid. 4.2).
2.2. L'art. 317 CP – qui est une disposition spéciale par rapport à l'art. 251 CP (ATF 121 IV 216 consid. 2) – prévoyait jusqu'au 30 juin 2023, à son chiffre 2, l'amende si l'auteur avait agi par négligence. Depuis le 1er juillet 2023, l'auteur qui agit par négligence encourt une peine pécuniaire.
2.3. La prescription court dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (art. 98 let. a CP via art. 104 CP), et non celui de la survenance du résultat de l'infraction. Dans les cas d’omissions, le délai court dès le moment où la personne aurait dû agir (arrêt du Tribunal fédéral 6B_315/2016 du 1er novembre 2016 consid. 2.2).
L'art. 317 CP présuppose la réalisation d'un des comportements typiques indiqués dans la norme. L'émission du titre est indispensable à la consommation de l'infraction. Il n'est en revanche pas nécessaire qu'un tiers fasse usage du titre falsifié, ni qu'une personne ait été concrètement trompée (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 31 ad art. 317).
2.4. Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).
L'infraction de l'art. 317 ch. 2 CP se produit lorsque l'officier public, malgré des soupçons concrets ou des alertes, n'a pas procédé à des enquêtes ou à des approfondissements ou encore lorsqu'il n'a pas adopté des contre-mesures qui auraient permis de reconnaître ou d'éviter la situation de faux (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 29 ad art. 317). Si, en faisant preuve de l’attention commandée par les circonstances, le notaire ne dispose d’aucun indice laissant apparaître que les déclarations ne correspondent pas à la réalité, il n’a pas à s’enquérir d’informations complémentaires ; il n’est en effet ni un organe du fisc, ni un juge d’instruction, ni un policier, et il ne dispose d’aucun moyen de contrainte pour connaître la vérité (M. MOOSER, Le droit notarial en Suisse, 2e éd., Berne 2014, p. 124, n. 206).
2.5. Selon l'art. 12 de la loi sur le notariat du 25 novembre 1988 (LNot - E 6 05), tous les actes doivent énoncer : les nom et lieu de résidence du notaire qui les reçoit, le lieu où l’acte est dressé, la date, consistant dans la mention de l’année, du mois et du jour, les prénoms, nom, profession, nationalité et domicile des parties et, s’il y a lieu, des témoins, la raison sociale exacte des personnes morales, et en outre, pour les actes enregistrés par le registre foncier, la date de naissance et la filiation paternelle et maternelle ainsi que d’autres indications éventuelles exigées par le droit fédéral.
Le nom, l’état, la demeure et la capacité civile des parties doivent être connus du notaire ou lui être attestés dans l’acte par deux témoins majeurs, ayant l’exercice de leurs droits civils et domiciliés en Suisse (art. 14 LNot). Cette disposition rappelle l'obligation du notaire d'identifier correctement les parties à l'acte qu'il instrumente et permet à celui-ci de faire ces constatations de lui-même, ce qui signifie qu'il a pu consulter les documents d'identité adéquats (E. JEANDIN, La profession de notaire, quid iuris ?, Zurich, 2ème éd., 2023, p. 83-84).
2.6. En l'espèce, le recourant ne conteste pas que les faits relatifs à l'instrumentation des deux actes litigieux, soit le testament public de 2013 et le codicille de 2021, ont été établis sous l'égide de l'ancienne teneur de l'art. 317 al. 2 CP, laquelle prévoyait comme peine l'amende [plutôt que la peine pécuniaire] lorsque l'auteur avait agi par négligence. En application de l'art. 109 CP, l'éventuelle négligence, au sens de l'art. 317 al. 2 CP, serait ainsi, dans le cas présent, désormais prescrite, comme le constate l'ordonnance querellée.
Le recourant conteste toutefois que la prescription aurait été atteinte, pour trois raisons.
Premièrement, il estime que le dies a quo de l'action pénale aurait commencé à courir au jour du décès de C______, soit le ______ 2022, et non lors de l'instrumentation des actes, en 2013 et 2021. Or, cette opinion se heurte aux principes sus-rappelés, à teneur desquels l'infraction de l'art. 317 CP est consommée au plus tard lors de l'émission du titre, et non lors du décès du de cujus. Or, le testament public et le codicille ont été émis au moment de leur établissement, respectivement les 28 août 2013 et 28 juin 2021 (cf. ACPR/85/2021 du 9 février 2021 consid. 3.2.2.). Le délai de prescription a donc commencé à courir à ces dates-là et non au décès de la mère du recourant.
Deuxièmement, le recourant soutient que les agissements du notaire se seraient inscrits dans une certaine durée et continuité, notamment avec la garde, la création des expéditions et/ou des copies et/ou les notifications des titres litigieux. Comme il a été dit plus haut, l'infraction visée par l'art. 317 CP est consommée au moment de l'émission du titre litigieux. Que le document ait ensuite été conservé en mains du mis en cause ne constitue pas une continuation ou une réitération des éléments constitutifs de l'infraction. L'art. 317 CP n'est pas une infraction continue.
Troisièmement, le recourant affirme que sa mère ne disposait plus de la nationalité brésilienne et que par conséquent le notaire avait agi à tout le moins par dol éventuel en énonçant le contraire dans le testament public, de sorte que l'infraction n'était pas prescrite. Le mis en cause aurait également pu délibérément omettre de vérifier les qualités d'un des témoins signataires du testament et du codicille publics, témoin qui ne pouvait selon le recourant pas revêtir cette capacité, en raison d'un conflit d'intérêts. On ne discerne toutefois ni dans la plainte ni dans les pièces produites, quels éléments étayeraient le soupçon d'une intention, par le mis en cause, de commettre un faux dans les titres selon l'art. 317 ch. 1 CP. Dans sa lettre du 12 juin 2023, le notaire a d'ailleurs expliqué que la testatrice avait déclaré, dans le testament public, être de nationalité brésilienne et monégasque, ce qui confirmait les informations qui lui [au notaire] avaient été communiquées, de sorte qu'il n'avait pas de motif de mettre en doute ce point. Par conséquent, si tant est que la testatrice ait effectivement perdu sa nationalité brésilienne en 1999 [ce qui est allégué mais non établi par le recourant] et que l'éventuel conflit d'intérêts soulevé à l'égard de F______ puisse être pénalement reproché au notaire, la conviction du recourant que le mis en cause ait pu agir délibérément ne trouve nulle assise dans le dossier, de sorte qu'il n'y a pas de prévention suffisante que l'éventuelle infraction à l'art. 317 CP aurait été commise intentionnellement (al. 1) plutôt que par négligence (al. 2).
On ne voit, de plus, pas quel acte d'instruction serait de nature à renseigner sur ce point, en particulier pas l'audition du mis en cause au vu du contenu de sa lettre du 12 juin 2023, et le recourant n'en mentionne pas d'autre.
Partant, c'est à bon droit que le Ministère public a constaté que les fais étaient prescrits.
3. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.
Le greffier : Sandro COLUNI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/22003/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1'415.00 |
Total | CHF | 1'500.00 |