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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6512/2020

ACPR/389/2025 du 21.05.2025 sur OCL/28/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;FAUX MATÉRIEL DANS LES TITRES;ESCROQUERIE;PROCÉDURE;EXPERTISE;VÉRIFICATION D'ÉCRITURE
Normes : CPP.319; CP.251; CP.146; CPP.182; CPP.189

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6512/2020 ACPR/389/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 21 mai 2025

 

Entre

A______ SA, représentée par Me Daniel KINZER, avocat, esplanade de Pont-Rouge 9, case postale 1875, 1211 Genève 26,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 7 janvier 2025 par le Ministère public,

et

B______, représentée par Me C______, avocate,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 20 janvier 2025, A______ SA recourt contre l'ordonnance du 7 précédent, notifiée le 9 du même mois, à teneur de laquelle le Ministère public, après avoir rejeté ses réquisitions de preuve, a classé la procédure dirigée contre B______ des chefs de faux dans les titres (art. 251 CP) et tentative d'escroquerie au procès (art. 22 cum 146 CP).

Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision, la cause devant être retournée au Procureur afin qu'il administre les moyens de preuves listés dans son acte, puis renvoie la prévenue en jugement.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 2'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Entre juillet 2016 et novembre 2018, B______ a élaboré un compendium de formules naturelles pour [la pharmacie] A______ SA, société alors administrée, respectivement dirigée, par E______ et D______, tous deux titulaires d'un droit de signature individuelle.

La relation contractuelle était soumise aux règles du mandat.

b. Le 27 décembre 2019, B______ a assigné A______ SA, devant le Tribunal de première instance, en paiement de la rémunération due pour son activité.

Elle a produit, à l'appui de sa requête, un contrat de mandat, daté du 2 février 2017, signé par les époux D______/E______ et elle-même, faisant état, à son article 2, d'une rétribution de 5% sur "le chiffres d'affaires" des ventes "issue[s] des formules (…) indiqué[e]s dans le compendium".

c.a.a. Le 15 avril 2020, A______ SA a déposé plainte pénale contre B______ des chefs d'infractions aux art. 251 et 22 cum 146 CP.

La mise en cause s'était prévalue, dans le cadre de l'affaire civile [sus-évoquée], d'un faux contrat, dont la teneur lui était plus favorable. En effet, le contrat authentique, également daté du 2 février 2017, signé par E______ – à l'exclusion de D______ – et B______, stipulait, à son article 2, une rémunération de 5% sur "le bénéfice net" des ventes "issue[s] des formules (…) indiqué[e]s dans le compendium"; ce contrat avait été établi, et signé, en deux exemplaires, destinés à chacune des parties.

c.a.b. La société a joint à sa plainte des copies couleurs des contrats qu'elle qualifie de faux et de vrai.

La comparaison entre ces documents révèle ce qui suit : leur présentation (logo, mise en page, termes utilisés) est identique, sous réserve du passage litigieux afférent à la rétribution; tous deux mentionnent, dans la rubrique consacrée aux signatures, les noms, dactylographiés, de E______, D______ et B______; le contrat produit en justice par la mise en cause est signé par ces trois protagonistes; celui que la plaignante soutient être authentique est signé par E______ et B______, l'espace réservé à la signature de D______ étant laissé vide.

c.b. Entendue par la police le 11 février 2021, en qualité de prévenue, B______ a contesté tout acte pénalement répréhensible. Le document annexé à sa requête civile était authentique.

À son souvenir, deux versions successives du contrat de mandat lui avaient été soumises; elle n'avait pas signé la première, que D______ avait déchirée, mais uniquement la seconde. Vu le temps écoulé, elle ne se rappelait plus des différences entre ces deux versions; il lui semblait qu'elles portaient sur sa rémunération et le moment à compter duquel celle-ci était due. Elle n'était plus en mesure de dire, aujourd'hui, si la rétribution convenue était fonction du chiffre d'affaires ou du bénéfice net; elle ne connaissait "pas vraiment" la distinction entre ces deux notions; elle avait uniquement compris qu'elle allait bénéficier de 5% "sur le total des ventes". Elle n'avait pas reçu d'exemplaire original du contrat conclu, mais seulement une copie. Elle ne se souvenait plus si ce document avait été signé par l'un des époux D______/E______ ou les deux.

c.c. Le Ministère public a tenu une audience le 2 décembre 2021.

i.a. À cette occasion, B______ a nuancé comme suit ses précédents propos : il y avait eu deux versions du contrat de mandat, l'une établie le 30 janvier 2017 et l'autre le 2 février suivant. Elle avait conservé un exemplaire original, signé, de chacune de ces versions, qu'elle était parvenue à retrouver après sa déposition à la police. Elle les versait ce jour au dossier. Le premier contrat était "la version «travail»"; confiante, elle l'avait signé sans le lire, mais avait ensuite demandé, et obtenu, qu'il soit modifié, raison pour laquelle le deuxième contrat avait été élaboré. La modification avait porté sur sa rémunération. Le premier document correspondait à celui dont se prévalait la plaignante et le second, qui reflétait l'accord final des parties, à celui qu'elle-même avait produit devant le Tribunal de première instance.

i.b. Les pièces originales produites par B______ correspondent aux copies couleurs des conventions jointes par A______ SA à sa plainte.

ii. E______ a déclaré qu'il n'y avait eu qu'une seule et unique version du même contrat de mandat. B______ avait évoqué à une reprise une rétribution basée sur le chiffre d'affaires, mais il lui avait été répondu que "cela n'était pas possible"; il n'y avait pas eu d'autre discussion. Ce contrat, qui correspondait au premier document versé ce jour au dossier, avait été signé aussi bien par B______ que lui-même, le 2 juin 2017; il portait toutefois la date du 2 février précédent, la rémunération étant due avec effet rétroactif dès ce jour. Le contrat, qu'il avait personnellement élaboré, comprenait, comme tous les autres documents établis au nom de la pharmacie, les noms, dactylographiés, de D______ ainsi que le sien, de façon à ce que l'un d'entre eux puisse, le moment venu, le signer, chacun étant habilité à engager seul la société.

E______ a ajouté que la sœur de B______ [i.e. F______] était graphiste et son "ex-copain" [G______] informaticien; ces personnes auraient donc pu aider la prévenue à fabriquer un faux contrat, correspondant au deuxième document produit ce jour.

iii. D______ a exposé avoir entamé avec B______ des négociations au sujet d'une rétribution en octobre 2016. Un contrat oral avait été conclu [le 2] février 2017, formalisé dans le courant du mois de juin suivant. Elle-même n'avait pas signé ce document; seul E______ l'avait fait. La convention prévoyait une rémunération de 5% basée sur le bénéfice net des ventes.

c.d.a. Le 3 novembre 2022, le Procureur a ordonné une expertise graphologique des deux exemplaires originaux des contrats de mandat litigieux.

Il a remis à H______, spécialiste désigné, de nombreux documents de référence comportant les signatures de E______ et D______, propres à effectuer des comparaisons.

c.d.b. Dans son rapport, rendu le 27 avril 2023, l’expert a relevé ce qui suit :

i. La méthodologie utilisée – préconisée par l'"European Network of Forensic Handwriting Experts" – avait consisté à examiner à l’œil nu, puis à l’aide d’un microscope stéréoscopique, les signatures contestées et celles de référence (§ 27).

Cet examen avait porté tant sur leur aspect graphique général que sur "la forme et [le] mode de formation de chacun des traits" les composant (§ 27).

Les caractéristiques identifiées avaient ensuite été comparées afin d’en "dégager" les similitudes et divergences (§ 29).

ii. Cet examen avait mis en évidence que :

ii.a. Les signatures de référence de E______ présentaient une complexité graphique "élevée" (§ 33) et celles de D______ "moyenne" (§ 46).

La comparaison de ces signatures de référence avec celles figurant sur le contrat produit par B______ devant la justice civile avait révélé – sous différents aspects (taille, axes et forme des mouvements, fluidité ainsi que dynamisme, proportion des signes graphiques, combinaison des césures et liaisons entre les lettres, "distribution de la pression exercée sur l’instrument d’écriture") – de multiples concordances (§ 34 et ss ainsi que § 47 et ss).

ii.b. Les particularités graphiques des deux signatures apposées sur ce même contrat entraient "dans le cadre des variations observées parmi [celles] de référence" (§ 43 et § 54).

iii. Des données sus-exposées, il résultait que la probabilité que les signatures apposées aux noms de E______ et D______ sur ledit contrat fussent une imitation réalisée par un tiers était, respectivement, "très petite" (§ 59 et ss) et "petite" (§ 66 et ss).

iv.a. En conclusion :

·        à la question de savoir "si les trois signatures figurant [sur le contrat produit par B______ devant le Tribunal de première instance avaient] été faites (…) par la même personne", il était répondu que la "force de soutien" selon laquelle les signatures de E______ et D______ étaient de leurs mains plutôt que de celles d’un tiers était, respectivement, "très forte" et "forte";

·        à celle de savoir "si les signatures figurant sous «E______» sur chacun des deux [exemplaires originaux du contrat de mandat avaient] été réalisées par la même personne", il était répondu, en lien avec la signature apposée sur le document annexé par la prévenue à sa demande en paiement, de la même manière qu’au point précédent.

iv.b. Deux autres constats s’imposaient : le papier sur lequel avaient été édités les exemplaires originaux était identique; ceux-ci avaient été imprimés au moyen du même appareil.

c.e.a. Par ordonnance du 12 décembre 2023, le Ministère public a refusé de donner suite à la requête de A______ SA tendant à ce qu’un complément d'expertise, destiné à répondre à plusieurs de ses questions, fût ordonné et confié à un autre spécialiste que H______.

c.e.b. Le 2 juillet 2024, la Chambre de céans a déclaré irrecevable le recours interjeté par cette société contre ledit refus, faute de préjudice juridique/irréparable, à ce stade (ACPR/491/2024).

c.f. Informée par le Ministère public de son intention de classer la procédure dirigée contre la prévenue, A______ SA s’y est opposée, sollicitant l’audition de H______, F______ et G______.

C. Dans sa décision déférée, le Procureur a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’administrer les preuves précitées, les faits étant suffisamment établis; en particulier, l'expertise était claire et complète.

Sur le fond, les dénégations de B______ quant à l’élaboration d’un faux contrat de mandat étaient corroborées par le rapport du 27 avril 2023, dont il résultait que les signatures apposées aux noms de E______ et D______ sur ce document étaient très probablement les leurs. Ainsi, faute de soupçon suffisant justifiant une mise en accusation, le classement de la cause s’imposait (art. 319 al. 1 let. a CPP).

D. a. À l'appui de ses recours et réplique, A______ SA invoque deux principaux griefs.

i. Tout d’abord, le Procureur avait rejeté, à tort, ses réquisitions de preuve.

i.a. Il se justifiait de compléter l'expertise, subsidiairement d’entendre son auteur, celle-là étant lacunaire et/ou peu claire sur les huit aspects suivants :

(1) H______ n’avait pas examiné l’authenticité de la signature apposée au nom de E______ sur l’autre contrat de mandat que celui produit par B______
en justice, alors que cela lui avait été demandé [cf. lettre B.c.d.b.iv.a deuxième point];

(2)     ce spécialiste ne décrivait pas les différentes méthodes existant "en matière d'analyse d'écriture (p. ex. SHOE)", ni ne précisait celle qu'il avait suivie;

(3) seules les similitudes entre les signatures litigieuses et de référence avaient été examinées, à l’exclusion de leurs "discordances", "pourtant flagrantes";

(4) l’expert n’avait pas évalué si lesdites similitudes étaient facilement imitables ou non;  

(5) il n’avait pas répondu à la question de savoir si les signatures apposées sur le document annexé par B______ à sa demande en paiement avaient été faites "par la même personne";

(6) dans la mesure où la signature de D______ présentait une complexité graphique "moyenne", il convenait de "vérifier l'hypothèse selon laquelle l'aisance avec laquelle une signature pouvait être falsifiée était inversement proportionnelle à sa complexité graphique";

(7) dès lors que l’expert avait constaté que la signature de la prénommée s’intégrait dans le cadre de la variation naturelle observée parmi les documents de référence, il y avait lieu de "vérifier l'hypothèse selon laquelle une signature [était] d'autant plus facile à falsifier que la variation naturelle au sein des signatures authentiques [était] élevée", et d'évaluer l'ampleur de cette variation dans le cas d'espèce;

(8) comme H______ n’avait pas exclu la probabilité d’une imitation de la signature de D______ par un tiers (qu'il avait qualifiée de "petite"), il s'agissait de savoir si une personne qui disposait de certaines capacités graphiques et du temps pour s'entraîner, était en mesure d'imiter cette signature.

i.b. L’audition de F______ et G______ se justifiait, dès lors qu’ils auraient pu aider la prévenue à confectionner le faux contrat litigieux.

ii. Sur le fond, le Ministère public avait violé le principe in dubio pro duriore, les éléments du dossier ne permettant pas "d’exclure catégoriquement" une falsification dudit contrat.

Ainsi, les déclarations de E______ et D______ étaient davantage crédibles que celles de B______, d’une part, parce que cette dernière avait sensiblement varié dans ses explications en cours de procédure et, d’autre part, car il était inhabituel, "voire même extravagant", de rémunérer une personne en fonction du chiffre d’affaires plutôt que du bénéfice net.

À cela s’ajoutait que le rapport d’expertise était empreint de lacunes et d’incohérences, de sorte qu’il ne pouvait fonder un classement.

b. Invités à se déterminer, les intimés concluent, dans des actes distincts, à la confirmation du prononcé querellé.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme (art. 385 al. 1 CPP) et dans le délai (art. 90 al. 2 cum 396 al. 1 CPP) prescrits, concerner une ordonnance de classement, sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP), et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé (art. 115 cum 382 CPP) à voir poursuivre les infractions alléguées aux art. 251 CP (ATF 148 IV 170 consid. 3.5.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_666/2021 du 13 janvier 2023 consid. 3.1) et 22 cum 146 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_525/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 in fine).


 

2. La recourante reproche au Procureur d'avoir rejeté ses réquisitions de preuve.

2.1. Le ministère public ne peut écarter de telles réquisitions que si celles-ci portent sur des faits non pertinents, connus ou déjà suffisamment prouvés (art. 318 al. 2 CPP). Il est, ainsi, habilité à procéder à une appréciation anticipée des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 6B_764/2022 du 17 avril 2023 consid. 4.1).

2.2.1. Les autorités pénales peuvent mandater un expert quand elles ne disposent pas des connaissances nécessaires pour constater/apprécier un état de fait (art. 182 CPP).

2.2.2. Une expertise doit être complétée ou clarifiée lorsque cela s'avère nécessaire, par le même spécialiste ou un nouveau (art. 189 let. a CPP).

i. Une expertise est incomplète quand elle ne répond pas à toutes les questions posées, ou se prononce sur celles-ci de manière peu compréhensible/logique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_971/2023 du 19 octobre 2023 consid. 1.2), respectivement quand elle n'expose pas les méthodes d'analyse employées (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 189).

ii. Elle manque de clarté lorsqu'elle contient des erreurs/contradictions ou qu'elle ne rend pas compte du raisonnement utilisé pour parvenir aux conclusions (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 12 ad art. 189).

2.3.1. En l'espèce, la recourante sollicite la mise en œuvre d'un complément d'expertise, subsidiairement l'audition de H______, arguant que le rapport du 27 avril 2023 serait lacunaire et/ou peu clair sur huit aspects.

L'on reprendra, pour répondre à ses critiques, la numérotation exposée à la lettre D.a.i.a ci-avant, par souci de clarté :

(1) H______ a effectivement limité son analyse aux signatures de E______ et
D______ apposées sur le document produit par la prévenue devant la justice
civile.

Ce nonobstant, l'absence d'examen de l’authenticité de la signature figurant au nom de E______ sur le second contrat ne porte pas à conséquence. En effet, la recourante ne conteste pas les déclarations du précité selon lesquelles ladite signature émane bien de lui.

Il s'ensuit que le concours d'un spécialiste n'est pas nécessaire pour apprécier ce point.

(2) La méthode d'analyse employée et le raisonnement effectué sur cette base sont clairement énoncés dans le rapport.

L'expert n'avait pas à lister l'ensemble des méthodes existant "en matière d'analyse d'écriture", cet aspect étant exorbitant à son mandat.

Pour le reste, la recourante n'explique pas pourquoi la méthode "SHOE" aurait dû être privilégiée à celle suivie ici, préconisée par l'"European Network of Forensic Handwriting Experts".

(3) H______ a examiné aussi bien les similitudes que les divergences des signatures dont il disposait (§ 29, § 43 et § 54 du rapport).

Il a ciblé, à juste titre, son analyse sur les concordances entre elles (§ 34 et ss ainsi que § 47 et ss).

En effet, il est notoire que la signature d'un individu est sujette à des variations naturelles au fil du temps. Ce n'est donc qu'en recherchant des ressemblances entre plusieurs spécimens – tous quelque peu différents – qu'un spécialiste peut confirmer/infirmer la thèse d'un faux.

Pour le surplus, la recourante ne pointe aucune des divergences "flagrantes" dont elle fait état, qui auraient échappé au prénommé.

(4) L’expert a évalué si les similitudes observées sur les signatures de E______ et D______ étaient facilement imitables, puisqu'il a qualifié de, respectivement, "très petite" (§ 59 et ss) et "petite" (§ 66 et ss) la probabilité d'une contrefaçon.

(5) H______ a conclu que les résultats de ses analyses soutenaient (très) fortement la proposition selon laquelle les signatures apposées aux noms de E______ et D______ sur le document annexé par la prévenue à sa demande en paiement étaient de leurs mains plutôt que de celles d'un tiers.

La recourante joue donc sur les mots en soutenant que le prénommé n'aurait pas répondu à la question de savoir si ces signatures avaient été faites "par la même personne".

(6) - (8) La recourante souhaite faire confirmer par l'expert trois hypothèses, énoncées dans son acte.

À supposer que celui-là accrédite celles-ci, elles n'en demeureraient pas moins des suppositions.

Or, le concours d'un spécialiste s'impose pour établir/apprécier des faits (cf. art. 182 CPP), et non des hypothèses.

Des considérations qui précèdent, il résulte que l'expertise est (suffisamment) exhaustive et claire, de sorte qu'il n'y a pas lieu de la faire compléter, par écrit ou oralement.

2.3.2. La recourante requiert l'audition de F______ et G______, dès lors que ces derniers auraient pu aider la prévenue à modifier le contrat de mandat litigieux.

Le comportement qu'elle impute aux intéressés relève toutefois de la pure conjecture.

De plus, l'on ne conçoit pas que ces personnes, si elles étaient entendues, seraient prêtes à s'auto-incriminer (art. 25 cum 251 CP), cela pour appuyer la thèse de la recourante.

2.4. À cette aune, le refus du Ministère public d'administrer les preuves précitées est exempt de critique.

Le recours est donc infondé sur ce premier aspect.

3. La recourante estime qu'il existe une prévention suffisante, contre la prévenue, de faux dans les titres et escroquerie au procès.

3.1. Selon l'art. 319 al. 1 let. a CPP, le classement de la cause s'impose lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi.

Cette décision ne peut être prononcée que s'il apparaît clairement que les faits dénoncés ne sont pas punissables (principe in dubio pro duriore). La procédure doit se poursuivre quand une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités de l'une ou l'autre de ces issues apparaissent équivalentes (arrêt du Tribunal fédéral 7B_889/2023 du 20 février 2025 consid. 4.2.1).

Le ministère public, et à sa suite la juridiction de recours, disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation (ibidem).

3.2.1. Le fait, pour un auteur, de rédiger un document en faisant apparaître, à côté de sa propre signature, celle supposée d'une autre personne, comme cocontractante, alors que cette dernière n'a nullement approuvé le texte, est susceptible d'être réprimé par l'art. 251 CP (création d'un titre faux; arrêt du Tribunal fédéral 6B_55/2017 du 24 mars 2017 consid. 2.2; ACPR/145/2020 du 26 février 2020, consid. 2.2).


 

3.2.2. L'escroquerie au procès (art. 146 CP) consiste à tromper astucieusement le juge (par exemple, en produisant de faux documents) afin de le déterminer à rendre une décision matériellement fausse, préjudiciable au patrimoine de la partie adverse (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1110/2021 du 11 janvier 2022 consid. 3.2).

3.3. Les autorités pénales ne peuvent s'écarter d'une expertise judiciaire que si des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_964/2023 du 17 avril 2024 consid. 2.3.2.1, non publié aux ATF 150 IV 121).

3.4. In casu, les parties s'opposent sur l'authenticité du contrat de mandat produit par la prévenue à l'appui de sa demande en paiement.

3.4.1. À teneur de l'expertise – qui est concluante, aucun motif ne conduisant à douter de son bien-fondé –, la probabilité que les signatures apposées aux noms de E______ et D______ sur ce contrat soient bien les leurs est (très) forte.

De plus, ce même contrat a été imprimé sur un papier, et au moyen d'un appareil, identiques à ceux utilisés pour éditer le second document, que E______ reconnaît avoir signé.

Il est donc hautement vraisemblable que la convention annexée par la prévenue à sa requête civile soit authentique.

3.4.2. Ce constat est compatible avec les explications fournies par l'intimée au Ministère public, à savoir que deux contrats, originaux, ont été signés par les parties.

Dans ces circonstances, le fait que la prévenue a sensiblement varié entre sa première déposition (à la police) et la seconde (devant le Procureur) est impropre à remettre (sérieusement) en cause sa crédibilité.

3.4.3. La rétribution prévue par la clause litigieuse (soit une rémunération basée sur le chiffre d'affaires plutôt que le bénéfice net) ne paraît pas particulièrement singulière, à tout le moins pas au point d'infirmer le constat sus-évoqué.

Du reste, il appartiendra au Tribunal de première instance, saisi par l'intimée, de déterminer lequel des deux contrats de mandat, (très certainement) authentiques, correspond à la réelle et commune intention des parties.

3.4.4. À cette aune, une mise en accusation de l'intimée du chef des infractions aux art. 251 et 22 cum 146 CP aboutirait, très probablement, à un acquittement.

Il s'ensuit que les réquisits de l'art. 319 al. 1 let. a CPP sont réunis.

3.5. En conclusion, le recours est également infondé sur ce second aspect.

4. 4.1. La plaignante succombe (art. 428 al. 1 CPP).

Elle supportera, en conséquence, les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), somme qui sera prélevée sur les sûretés versées.

4.2. La prévenue, qui obtient gain de cause, peut prétendre à l'octroi de dépens (art. 436 al. 1 cum 429 al. 1 let. a CPP).

Elle ne chiffre pas, ni a fortiori ne justifie, l'activité de son conseil.

Dite activité ayant, censément, consisté à prendre connaissance du recours (acte de dix-neuf pages), puis à rédiger des observations (lesquelles comportent quatre pages), une indemnité de CHF 1'200.- TTC lui sera allouée, d'office (art. 429 al. 2 CPP), ex aequo et bono.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ SA aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Alloue à B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'200.- TTC pour ses frais de défense dans la procédure de recours (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ SA et B______, soit pour elles leurs conseils, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6512/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'905.00

Total

CHF

2'000.00