Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/374/2025 du 16.05.2025 sur ONMMP/88/2024 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/11591/2023 ACPR/374/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 16 mai 2025 |
Entre
A______, représentée par sa curatrice, Me B______, avocate,
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 9 janvier 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte déposé le 13 mars 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 janvier 2024, notifiée à sa curatrice le 3 mars 2025, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les faits visés par la procédure.
La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il procède à divers actes d'instruction, qu'elle énumère.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 26 mai 2023, le Service de protection des mineurs (ci-après, SPMi) a dénoncé au Ministère public C______, tante maternelle de A______ – née le ______ 2007 –, pour de potentiels actes de maltraitance commis à l'encontre de la mineure.
À l'appui, il a exposé que – entendue par une des intervenantes le 21 février 2023 – A______ avait déclaré être arrivée en Suisse, en juin 2022, depuis le Brésil, pour vivre avec sa tante, laquelle lui avait promis "un avenir meilleur à Genève". Au début, tout s'était bien passé. Au bout de trois mois toutefois, sa tante avait changé d'attitude en lui imposant de s'occuper de sa fille de cinq ans, de faire le ménage de son appartement – ainsi que celui de son cousin et d'une amie – et de rester dans sa chambre pendant son temps libre. Elles se disputaient régulièrement. Sa tante lui avait cassé son téléphone, asséné des coups de poing et l'avait injuriée. Elle lui avait également interdit de rendre visite à son autre tante maternelle D______, ainsi que son compagnon E______, et avait refusé de l'inscrire à l'école. Le 11 février 2023, elle [A______] était partie vivre chez D______. Depuis son départ, elle avait reçu des messages de menaces de la part d'un cousin de C______.
Il ressort également de la dénonciation que, le 26 avril 2023, la mineure avait été hospitalisée à la suite de plusieurs crises d'angoisse.
b.a. Entendue selon le protocole EVIG le 11 juillet 2023, A______ a déclaré que sa tante C______ avait appelé sa grand-mère au Brésil – chez qui elle vivait – et lui avait proposé de la faire venir à Genève afin qu'elle pût étudier et avoir une belle vie. À son arrivée à Genève en juin 2022, sa tante lui avait dit qu'elle devait s'occuper de sa fille F______. Elle se levait chaque jour à 6h15 du matin pour donner le biberon à sa cousine et la préparer, puis sortait pour promener le chien, avant de faire le ménage de l'appartement. Deux fois par semaine, elle devait aller faire deux heures de ménage chez un prénommé G______ – cousin de sa tante – contre une rémunération de CHF 50.-. De temps en temps, elle était aussi allée aider une amie de C______ – qu'elle appréciait – à nettoyer son appartement. En dehors de ces activités, elle n'avait pas le droit de sortir. Sa tante lui faisait tout le temps des reproches et lui criait dessus, en la traitant de "nulle". Une fois, elle avait demandé à la précitée de passer le week-end chez son autre tante D______, suite à quoi C______ s'était énervée et l'avait poussée fortement, avant de lui asséner des coups de poing au niveau du ventre et des bras, lui causant des "marques rouges". À chaque fois qu'elle avait souffert de maux, C______ avait refusé de l'amener à l'hôpital et l'avait menacée de la renvoyer au Brésil. Une autre fois, lorsqu'elle était sur le point de partir dans son pays d'origine, la précitée l'avait de nouveau frappée, puis avait cassé son téléphone pour l'empêcher d'avoir des contacts avec d'autres personnes. Elle avait quand même réussi à contacter sa tante D______, via la tablette de sa cousine, pour lui demander de venir la chercher. Depuis février 2023, elle habitait avec son autre tante, le compagnon de celle-ci, et leurs trois enfants. Une fois, alors qu'elle avait quitté l'appartement de C______, elle était allée avec H______ – ex-mari de la prénommée et père de F______ – pour ramener la petite chez sa mère et lui restituer les clés. C______ – qui les attendait en présence d'une voisine – lui avait sauté dessus et lui avait saisi violemment le bras pour tenter de lui arracher le téléphone.
Elle avait parlé des actes de maltraitance à D______, E______ et H______.
b.b. D'après le rapport de renseignements du 3 octobre 2023 de la police, A______ avait semblé très émue aux spécialistes EVIG, ainsi qu'à la psychologue. Elle avait eu beaucoup de difficultés à aborder les faits relatés ci-dessus et il apparaissait qu'elle ne disait pas tout. À l'issue de l'audition, Mme I______ du SPMi – contactée par la police – avait expliqué que la mineure avait souffert de plusieurs crises d'angoisse, lesquelles avaient nécessité une hospitalisation. Au vu de son état de santé, D______ et sa famille avaient quitté leur maison en France voisine pour s'installer provisoirement avec A______ dans le logement de H______ à Genève. Le 26 juin 2023, à la suite d'une de ses hospitalisations, la mineure s'était scarifiée les bras et s'était mise sur le rebord de la fenêtre au 7ème étage afin de se jeter dans le vide, ce qu'elle n'avait finalement pas fait. Malgré son suivi auprès d'un psychiatre, A______ avait été placée pour trois semaines dans l'institution "J______" [centre médical public], au vu de son profond mal-être.
c. Entendue le 15 août 2023 par la police en qualité de prévenue, C______ a expliqué que A______ était arrivée en Suisse en juillet 2022 pour passer des vacances. Il était prévu que sa nièce retournât au Brésil en septembre 2022, mais cette dernière avait voulu rester à Genève pour y étudier. K______, la mère de A______, avait fait le nécessaire auprès des autorités brésiliennes pour que celle-ci pût aller à l'école en Suisse et lui avait également octroyé [à elle] les pouvoirs de représentation sur sa fille par procuration [qu'elle produit]. Elle-même avait entrepris des démarches pour inscrire sa nièce à l'école, notamment en prenant contact avec L______ du Service d'autorisation et de surveillance des lieux de placement (ci-après, SASLP). À la fin du mois de janvier 2023, la mineure avait commencé à changer de comportement après avoir vu son autre tante, D______. Elle ne lui obéissait plus, lui répondait méchamment, et ne respectait pas ses règles. Au vu de cette attitude, elle avait, de concert avec la mère de A______, décidé que la mineure devait partir au Brésil, ce à quoi cette dernière n'avait pas été d'accord. Elle lui avait acheté un billet de retour, juste avant que A______ ne partît vivre chez D______ en France. Elle avait contacté sa sœur [à elle] au Brésil pour l'informer de la situation, ce à quoi cette dernière lui avait répondu qu'elle ne voulait pas que sa fille restât chez D______.
Lorsque sa nièce vivait chez elle, elle passait son temps à jouer avec F______ et les enfants d'une voisine, à regarder la télévision, et à faire du patin à roulettes. Sa nièce ne devait pas s'occuper de F______, ni faire le ménage de son appartement, pas plus que celui de ses proches. Elle ne l'avait jamais privée de voir son autre tante – et ce malgré leur situation conflictuelle –, ni ne s'était montrée violente verbalement ou physiquement à son encontre.
À l'appui de ses déclarations, C______ a notamment produit un enregistrement vidéo de K______ – visionné par une inspectrice de la police parlant portugais – duquel il ressort que la précitée avait autorisé sa fille à aller chez sa tante C______, laquelle les avait toujours soutenues et aidées. Elle voulait que sa fille rentrât au Brésil, dans la mesure où cette dernière n'avait rien à faire dans le domicile de H______.
d. Selon le rapport de renseignements de la police du 3 octobre 2023, – contactée par téléphone – L______ avait déclaré qu'un juge du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après, TPAE) avait sollicité l'intervention de leur service afin d'examiner la situation de A______ en vue de la nomination de C______ en tant que curatrice. Elle avait ainsi pris contact avec la prénommée, suite à quoi cette dernière lui avait fait part des problèmes de comportement de la mineure. À la suite d'une discussion avec sa mère, il avait été décidé d'un commun accord que A______ rentrerait au Brésil le 11 février 2023. Le 17 suivant, C______ lui avait expliqué que sa nièce avait fugué de son domicile et s'était rendue chez son autre tante en France. Elle en avait immédiatement informé le TPAE, lequel avait demandé la vérification du domicile français de la mineure, avant de solliciter une nouvelle évaluation de la situation, à la suite du déménagement à Genève de D______ et de sa famille. Le Tribunal précité avait décidé de ne pas nommer D______ comme curatrice de A______. La mineure était néanmoins scolarisée et, actuellement, placée au foyer M______.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'au vu des éléments figurant au dossier – plus particulièrement de la dénonciation du SPMi, des déclarations de C______, et des renseignements de la police –, il n'était pas établi que la mise en cause eût concrètement mis en danger le développement physique ou psychique de la mineure. Les éléments constitutifs de l'art. 219 CP n'étaient dès lors pas réalisés.
D. a. Le 24 février 2025, le TPAE a, sur demande du Ministère public, désigné Me B______ en qualité de curatrice de représentation de A______ dans la procédure pénale.
b. Par courrier du 28 suivant de cette avocate, la mineure s'est constituée partie plaignante.
E. a. À l'appui de son recours, la curatrice de A______ reproche au Ministère public de ne pas avoir procédé à l'audition de D______ et du prénommé G______, ainsi que d'avoir omis de demander l'apport du dossier médical de la mineure. En outre, les éléments constitutifs des infractions de traite d'êtres humains (art. 182 CP) et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP) semblaient réalisés. Il ressortait en effet des déclarations de la mineure devant le SPMi et la police qu'elle avait été victime de violence psychologique et physique de la part de sa tante et qu'elle avait également été exploitée par cette dernière. Qui plus est, elle avait souffert de plusieurs crises d'angoisses, lesquelles avaient nécessité une hospitalisation, ce qui était corroboré par le rapport de renseignements de la police.
b. Dans ses observations, le Ministère public conclut, sous suite de frais, au rejet du recours, sans autres développements.
c. La recourante n'a pas répliqué.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La recourante estime qu'il existe des soupçons suffisants de la commission de diverses infractions.
2.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.
Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).
2.2.1. À teneur de l'art. 123 ch. 1 CP, quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
L'auteur est poursuivi d'office s'il s'en prend à une personne hors d'état de se défendre ou à une personne, notamment à un enfant, dont il a la garde ou sur laquelle il a le devoir de veiller (ch. 2 al. 1 et 3).
2.2.2. Selon l'art. 126 CP, quiconque se livre sur une personne à des voies de fait qui ne causent ni lésion corporelle ni atteinte à la santé est, sur plainte, puni d'une amende (ch. 1), la poursuite ayant lieu d'office si l'auteur agit à réitérées reprises contre une personne, notamment un enfant, dont il a la garde ou sur laquelle il a le devoir de veiller (ch. 2 let. a).
2.2.3. D'après l'art. 219 al. 1 CP, quiconque viole son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il met ainsi en danger le développement physique ou psychique, ou qui manque à ce devoir, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Cette disposition protège le développement physique ou psychique du mineur, à savoir d'une personne âgée de moins de 18 ans (ATF 126 IV 136 consid. 1b; 125 IV 64 consid. 1; 125 IV 64 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1199/2022 du 28 août 2023 consid. 3.1.1).
Pour que l'art. 219 CP soit applicable, il faut d'abord que l'auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d'assistance, c'est-à-dire de protection, ou un devoir d'éducation, c'est-à-dire d'assurer le développement – sur le plan corporel, spirituel et psychique – du mineur. Cette obligation et, partant, la position de garant de l'auteur, peut être fondée sur la loi, sur une décision de l'autorité ou sur un contrat, voire sur une situation de fait; ainsi, sont notamment des garants, les parents naturels ou adoptifs, le tuteur, le maître d'école, le responsable d'une institution, et le directeur d'un home ou d'un internat (ATF 125 IV 64 consid. 1a et les références citées). Il faut ensuite que l'auteur ait violé son devoir d'assistance ou d'éducation ou qu'il ait manqué à ce devoir. Le comportement délictueux peut donc consister en une action ou en une omission; dans le premier cas, l'auteur viole positivement son devoir, par exemple en maltraitant le mineur ou en l'exploitant par un travail excessif ou épuisant; dans le second cas, l'auteur manque passivement à son obligation, par exemple en abandonnant l'enfant, en négligeant de lui donner des soins ou en ne prenant pas, face à un danger, les mesures de sécurité qui s'imposent. Il faut encore, sur le plan objectif, que la violation du devoir d'assistance ou d'éducation ou le manquement à ce devoir ait eu pour effet de mettre en danger le développement physique ou psychique du mineur (ATF 125 IV 64 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1220/2020 du 1er juillet 2021 consid. 1.2). L'infraction réprimée par l'art. 219 CP est un délit de mise en danger concrète; il n'est donc pas nécessaire que le comportement de l'auteur aboutisse à un résultat, c'est-à-dire à une atteinte à l'intégrité corporelle ou psychique du mineur; la simple possibilité abstraite d'une atteinte ne suffit cependant pas; il faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 consid. 1b; arrêts du Tribunal fédéral 6B_586/2021 du 26 janvier 2022 consid. 1.2; 6B_138/2021 du 23 septembre 2021 consid. 1.4.2).
En pratique, il sera souvent difficile de déterminer quand il y aura un risque pour le développement du mineur. Il sera en particulier difficile de distinguer les atteintes qui devront relever de l'art. 219 CP des traumatismes qui font partie de la vie de tout enfant. Vu l'imprécision de la disposition, la doctrine recommande de l'interpréter de manière restrictive et d'en limiter l'application aux cas manifestes. Des séquelles durables, d'ordre physique ou psychique, devront apparaître vraisemblables, de telle sorte que le développement du mineur sera mis en danger. Pour provoquer un tel résultat, il faudra normalement que l'auteur agisse de façon répétée ou viole durablement son devoir; une transgression du droit de punir de peu d'importance ne saurait déjà tomber sous le coup de l'art. 219 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1199/2022 du 28 août 2023 consid. 3.1.3; 6B_457/2013 du 29 octobre 2013 consid. 2).
2.2.4. Les art. 123 et 126 CP peuvent, selon les circonstances, entrer en concours avec l'art. 219 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_892/2020 du 16 février 2021 consid. 8.3 et 6B_1256/2016 du 21 février 2018 consid. 1.4).
2.3. L'art. 182 al. 1 CP punit quiconque, en qualité d'offreur, d'intermédiaire ou d'acquéreur, se livre à la traite d'un être humain à des fins d'exploitation sexuelle, d'exploitation de son travail ou en vue du prélèvement d'un organe.
La traite des êtres humains est définie à l'art. 4 let. a de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005 (CETH). Selon cette disposition, l'expression "traite des êtres humains" désigne le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation. L'exploitation comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes. Cette définition correspond à celle de l'art. 3 let. a du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_483/2021 du 14 décembre 2021 consid. 7.1.1).
Il y a exploitation au travail, au sens de l'art. 182 CP, en cas d'activité forcée, d'esclavage ou de prestations accomplies dans des conditions analogues à l'esclavage. Il en va de même quand une personne est continuellement empêchée d'exercer ses droits fondamentaux, en violation de la réglementation du travail ou des dispositions relatives à la rémunération, la santé et la sécurité; concrètement, il peut s'agir notamment de privation de nourriture, de maltraitance psychique, de chantage, d'isolement, de lésions corporelles, de violences sexuelles ou de menaces de mort (arrêts du Tribunal fédéral 2C_483/2021 précité, consid. 7.1.2 et 1B_450/2017 du 29 mars 2018 consid. 4.3.1).
2.4.1. En l'espèce, la recourante impute divers comportements à la mise en cause – laquelle occupait une position de garante envers elle –, constitutifs, selon elle, de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP). Ainsi, sa tante l'aurait, en l'espace d'un an, soit entre juin 2022 et juillet 2023, violentée physiquement et verbalement à plusieurs reprises. À la suite de ces agissements, elle aurait présenté des atteintes physiques et un état anxieux, lequel persisterait à ce jour.
Bien que le Ministère public ait considéré qu'il n'était pas établi que le développement physique ou psychique de la mineure eût été mis en danger, rien ne permet, en l'état, de nier le soupçon de commission d'actes de violence à plusieurs reprises, d'atteintes alléguées par la mineure et d'un lien de causalité entre ces troubles et les agissements imputés à la mise en cause. Il ressort en effet des déclarations de l'intervenante du SPMi que la recourante – suivie par une psychiatre – a été hospitalisée à plusieurs reprises à la suite de crises d'angoisses, avant d'être placée dans l'institution "J______" pour trois semaines, au vu de son profond mal-être. Si les actes reprochés à la mise en cause – dont la qualification juridique souffre de demeurer indécise, à ce stade – s'avéraient réalisés, ils pourraient tomber sous le coup de l'art. 123 ch. 2 CP ou 126 ch. 2 CP – la commission de trois actes de violence sur une période de douze mois dénotant, a priori, une certaine habitude –, infractions n'ayant pas été examinées par le Ministère public dans le cadre de l'ordonnance querellée, voire de l'art. 219 CP, infractions qui se poursuivent toutes d'office. Les conditions pour le prononcé d'une non-entrée en matière s'agissant de ces infractions ne sont donc, en l'état, pas réalisées.
À cette aune, le recours se révèle fondé.
Partant, la décision querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour qu'il procède aux actes d'enquête qu'il estimera nécessaires, dont notamment l'audition de D______ et de H______ et la production du dossier médical de la recourante, étant précisé que les agissements reprochés devront être examinés tant sous l'angle de l'art. 219 CP, que des art. 123 et 126 CP.
2.4.2. La recourante semble encore reprocher à la mise en cause de l'avoir exploitée en l'ayant obligée à faire le ménage de l'appartement de ses proches, faits susceptibles, selon elle, d'être constitutifs de traite d'êtres humains.
Or, contrairement à ce qu'elle soutient, ses allégations – à supposer qu'elles soient vraies – ne permettraient pas de fonder une infraction à l'art. 182 CP. En effet, la condition de l'exploitation fait défaut, aucun élément permettant de retenir que la recourante aurait été assujettie à des conditions assimilables à de l'esclavage; ni traitée comme une marchandise. Elle ne le prétend du reste pas. Il ressort au contraire de ses propres déclarations qu'elle appréciait l'amie de sa tante et qu'elle l'aidait de temps en temps à nettoyer l'appartement. Par ailleurs, qu'elle ait fait hebdomadairement quatre heures de ménage chez un prénommé G______ – cousin de sa tante –, contre une rémunération de CHF 50.-, ne suffit pas à retenir, à lui seul, l'existence de l'infraction reprochée à la mise en cause. En tout état, la recourante n'allègue pas avoir souhaité quitter son (prétendu) travail, ni en avoir été empêchée.
Le recours sera dès lors rejeté sur ce point.
3. L'admission partielle du recours ne donnera pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).
4. L'activité de Me B______ sera indemnisée par l'autorité qui l'a nommée (art. 4, 6 et 10 du Règlement fixant la rémunération des curateurs [RRC; E 1.05.16]; ACPR/726/2021 du 10 novembre 2021 consid. 5).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet partiellement le recours.
Annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle concerne les infractions aux art. 123 ch. 2, 126 ch. 2 et 219 CP.
Renvoie la cause au Ministère public pour qu'il procède dans le sens des considérants.
Rejette le recours pour le surplus.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle sa curatrice, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON
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Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF.
Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à
La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).