Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/359/2025 du 13.05.2025 ( JMI ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/6364/2025 ACPR/359/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 13 mai 2025 |
Entre
A______, alias B______, représenté par Me C______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 1er avril 2025 par le Juge des mineurs,
et
LE JUGE DES MINEURS, rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève, case postale, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 11 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 1er avril précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Juge des mineurs a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.
Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance querellée.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 15 mars 2025, A______ a été interpellé au chemin 1______ no. ______, à D______ [GE], alors qu'il prenait la fuite après qu'un habitant du quartier avait signalé à la police l'avoir surpris en train de cambrioler une habitation, sis chemin 2______ no. ______, à savoir dans un quartier résidentiel. L'intéressé était accompagné de E______. Tous deux étaient dépourvus de pièce d'identité. Une veste dont les poches contenaient les bijoux volés a été retrouvée à proximité du lieu de l'interpellation de A______.
b. Le même jour, la police a procédé aux auditions de A______ et de E______.
b.a. Le premier a déclaré n'avoir "rien fait". Il a confirmé que la veste contenant les bijoux volés lui appartenait, sans souhaiter répondre à d'autres questions, expliquant que la police savait "tout ce qu'il s'[était] passé".
b.b. Le second a déclaré qu'il marchait "tranquillement" avec son cousin [A______] quand un individu l'avait suivi. Il avait donc couru. La police lui avait alors intimé de s'arrêter, ce qu'il avait fait. Il venait de F______ (France) et se trouvait en Suisse pour y faire du tourisme. Faute de moyen pour retourner en France, ils avaient décidé de "visiter des appartements". Il a ainsi reconnu avoir pénétré avec son cousin dans deux appartements, en cassant les portes avec un tournevis. N'ayant trouvé que des bijoux sans valeur (car "ils n'étaient pas en or"), que son cousin avait emportés dans sa veste, ils les avaient finalement jetés.
c. Le 15 mars 2025, G______ et H______ ont déposé plainte pénale contre inconnu en raison des cambriolages précités.
d. Le même jour, la police a ordonné le prélèvement d'un échantillon d'ADN sur A______, indiquant que la procédure portait sur une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN et que l'intéressé avait déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN.
e. Le 16 mars 2025, le Juge des mineurs a ouvert une instruction contre A______, pour vol (art. 139 CP), dommages à la propriété (art. 144 CP), violation de domicile (art. 186 CP), empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP) et entrée et séjour illégaux (art. 115 LEI).
f. Auditionné le 16 mars 2025, A______, qui a confirmé être né le ______ 2008, a reconnu sa participation aux deux cambriolages commis au chemin 2______ no. ______, à D______, ainsi qu'avoir pénétré en Suisse sans document d'identité. Il avait commis lesdits cambriolages pour offrir des bijoux à sa copine à l'occasion de la "journée des femmes".
g. Le 16 mars 2025, le Juge des mineurs a ordonné la libération immédiate de A______.
h. Selon le rapport de renseignements établi le 31 mars 2025 par la police, le canton de Genève était régulièrement la cible de jeunes cambrioleurs gitans démunis de papiers d'identité et s'identifiant oralement comme des mineurs. Or, A______, qui ne présentait "manifestement" pas les caractéristiques physiques d'un adolescent de 16 ans et dont les empreintes digitales avaient été diffusées dans divers pays d'Europe, avait été identifié par la police serbe comme étant B______, né le ______ 2004, de nationalité serbe.
L'intéressé était défavorablement connu de la police serbe pour des faits de vols aggravés et de production, conservation et mise en circulation illicite de produits stupéfiants.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Juge des mineurs retient que A______ avait reconnu sa participation à deux cambriolages le 15 mars 2025 et dérobé des bijoux. L'établissement de son profil d'ADN était donc susceptible de contribuer à l'administration des preuves dans le cadre des cambriolages pour lesquels il avait été interpellé et "à déterminer l'ampleur de son activité délictuelle". L'ordonnance fait référence à l'art. 255 al. 1 CPP.
D. a. Dans son recours, A______ soutient que l'établissement de son profil d'ADN viole le principe de la proportionnalité, son droit à la liberté personnelle et à la protection contre l'emploi abusif de ses données personnelles, dans la mesure où il avait admis les faits faisant l'objet de la présente procédure. Or, il n'existait aucun indice qu'il aurait commis d'autres infractions similaires. La mesure était donc, en outre, dépourvue de sens et inopportune.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.
3.1. L'établissement d'un profil d'ADN est de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données privées (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH).
Cette mesure doit, en conséquence, se fonder sur une base légale, être justifiée par un intérêt public et être proportionnée au but visé (ATF 147 I 372 consid. 2.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_631/2022 du 14 février 2023 consid. 2).
3.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un profil d'ADN peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).
Le prélèvement et l'établissement d'un profil d'ADN peuvent ainsi être ordonnés sur le prévenu si des indices concrets laissent présumer qu'il pourrait avoir commis d'autres crimes ou délits que celui ou ceux pour lesquels l'instruction est en cours. Une telle mesure peut être ordonnée par le ministère public durant l'instruction (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.2).
3.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions. Celles-ci doivent revêtir une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2). L'on prendra en considération, dans la pesée des intérêts à réaliser, les éventuels antécédents de l'intéressé (ATF 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).
3.4. L'art. 255 CPP ne permet pas le prélèvement routinier d'échantillons d'ADN et leur analyse, ce que concrétise l'art. 197 al. 1 CPP. Selon cette disposition, des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). Les antécédents doivent également être pris en compte. Cependant, l'absence d'antécédents n'exclut pas en soi l'établissement d'un profil d'ADN (ATF 147 I 372 précité consid. 2.1; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).
3.5. En l'espèce, le Juge des mineurs a ordonné l'établissement d'un profil d'ADN du recourant pour élucider les infractions qui font l'objet de la présente procédure – faisant expressément référence à l'art. 255 al. 1 CPP –, à savoir deux cambriolages, ainsi que pour "déterminer l'ampleur de son activité délictuelle", ce qui doit être compris comme un renvoi à l'art. 255 al. 1bis CPP, quand bien même cette disposition n'est pas expressément citée.
Sous l'angle des infractions faisant l'objet de la procédure pendante, le recourant a certes reconnu les faits reprochés, mais son profil d'ADN est susceptible de permettre d'attribuer à chacun des protagonistes le rôle joué dans les cambriolages en cause.
S'agissant de l'élucidation d'éventuelles infractions passées ou futures, il doit être relevé que le recourant n'a que très partiellement collaboré à la procédure. Il a en effet contesté les faits dans un premier temps et a aussi donné une fausse identité aux autorités de poursuite pénale, se faisant notamment faussement passer pour un mineur. S'y ajoute qu'il est défavorablement connu de la police serbe, notamment pour des vols aggravés.
Par ailleurs, compte tenu du lieu de son interpellation, à savoir un quartier résidentiel d'une commune péri-urbaine du canton de Genève, le but principal, si ce n'est exclusif, de sa venue en Suisse paraît avoir été la commission de cambriolages. Ces circonstances constituent également un indice sérieux et concret que d'autres actes similaires pourraient avoir été commis par le recourant.
Enfin, les infractions susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui justifie l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.
Au vu de ce qui précède, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, d'autres actes punissables du même genre que ceux pour lesquels il a été interpellé et qu'il a finalement reconnus. Partant, la mesure, qui repose sur une base légale et est dictée par un intérêt public, est justifiée.
4. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.
5. Le recourant bénéficie d'une défense d'office selon ordonnance du Juge des mineurs du 17 mars 2025.
5.1. Dans le cadre de la procédure de recours, l'art. 29 al. 3 Cst féd. soumet l'octroi d'une telle assistance à la condition que le procès soutenu par l'indigent qui la réclame ne paraisse pas dépourvu de toute chance de succès.
Tel n'est pas le cas quand les perspectives de gagner ce procès sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc pas être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter (arrêt du Tribunal fédéral 7B_68/2022 du 6 mars 2024 consid. 4.2).
5.2. En l'occurrence, les griefs du recourant étaient dénués de chance de succès, comme le démontre le raisonnement exposé ci-dessus. Partant, l'assistance d'un avocat rémunéré par l'État ne se justifiait pas.
6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 300.- (art. 428 al. 1 CPP cum art. 3 al. 1 et 44 al. 2 PPMin et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 300.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Juge des mineurs
Siégeant :
Madame Valérie LAUBER, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| La présidente : Valérie LAUBER |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/6364/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 215.00 |
Total | CHF | 300.00 |