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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3522/2025

ACPR/337/2025 du 07.05.2025 sur OMP/3448/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255.al1bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3522/2025 ACPR/337/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 7 mai 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 8 février 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 18 février 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 précédent, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés, à l'annulation de cette décision. Préalablement, il sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant de Guinée-Bissau, sans domicile fixe et sans profession, a été contrôlé par la police le 22 septembre 2024 à la rue 1______ no. 2______, alors qu'il était démuni de toute pièce d'identité. Sa fouille a révélé la présence d'environ CHF 140.- en petites coupures et d'un téléphone portable.

b. Par ordonnance pénale du 23 septembre 2024, rendue dans la P/21898/2024, le Ministère public l'a déclaré coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEI pour avoir pénétré en Suisse depuis la France voisine alors qu'il était démuni de document d'identité, et condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, à CHF 10.- le jour, avec sursis pendant 3 ans.

c. L'intéressé y a formé opposition.

d. A______ fait l'objet d'une autre procédure pénale, référencée sous la P/23698/2024, dans laquelle il a été prévenu, le 12 octobre 2024, d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), d'infraction à l'art. 19 al. 1 LStup et de contravention à l'art. 19a LStup, pour avoir, le 11 octobre 2024 : pénétré sur le territoire suisse en étant démuni des autorisations nécessaires et d'un document d'identité valable; vendu une demi-boulette de cocaïne à une toxicomane à la rue 1______ no. 3______, contre la somme de CHF 30.-; et régulièrement consommé de la cocaïne et de la marijuana.

Il a contesté les faits, excepté l'infraction à la LEI.

e. Le 15 octobre 2024, les procédures P/23698/2024 et P/21898/2024 ont été jointes sous ce dernier numéro.

f. À l'audience sur opposition à ordonnance pénale du 23 septembre 2024, le 25 novembre 2024, A______ a soutenu avoir été contrôlé illicitement, le 22 septembre 2024, en raison uniquement de sa couleur de peau. Il a également contesté avoir vendu des stupéfiants le 11 octobre 2024.

g. Auditionné comme témoin à l'audience du 17 janvier 2025, C______, policier, a confirmé avoir constaté la transaction entre le prévenu et la toxicomane à la rue 1______ no. 3______, haut-lieu du trafic de cocaïne et de crack à Genève.

h.a. Le prévenu fait encore l'objet de la procédure pénale P/3522/2025, dans laquelle il lui est reproché d'avoir, à Genève, du 24 septembre 2024 au 7 février 2025, séjourné en Suisse sans être muni des autorisations nécessaires (art. 115 al. 1 let. b LEI).

h.b. Par ordonnance pénale du 8 février 2025, le Ministère public l'a déclaré coupable de cette infraction et l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.- le jour.

h.c. Le même jour, il a rendu, dans ladite procédure, la décision querellée.

h.d. Le prévenu a formé opposition à l'ordonnance pénale.

i. Le 17 février 2025, le Ministère public a joint la procédure P/3522/2025 à la P/21898/2024 sous ce dernier numéro.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'il convient d'établir le profil d'ADN du prévenu, celui-ci ayant déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, soit du commerce de stupéfiants (art. 255 al. 1bis CPP).

D. a. Dans son recours, A______ constate une multiplication des ordonnances d'établissement de profil d'ADN, laissant craindre une volonté de "ficher de manière massive les étrangers". Il avait été contrôlé de manière arbitraire, soit en raison de la couleur de sa peau. Aucun trafic de stupéfiants ne lui était reproché. Il ne voyait pas quelle récidive concrète ou quelle commission passée serait mieux résolue par le profil d'ADN à établir. Il contestait toute vente de boulette de cocaïne dans la P/21898/2024. Du reste, aucun établissement de profil n'avait été ordonné dans cette procédure. L'établissement de son profil d'ADN litigieux était arbitraire et disproportionné. Au surplus, cet acte était inutile et coûteux.

b. Le Ministère public se réfère à la motivation de son ordonnance querellée. Le prélèvement de l'échantillon et l'établissement du profil d'ADN avaient été ordonnés dans la mesure où il ressortait de la procédure que le prévenu avait été précédemment soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, soit une infraction à l'art. 19 al. 1 LStup. Il pourrait ainsi être mêlé à des infractions d'une certaine gravité (crime et délits) déjà commises.

c. Le recourant réplique, citant l'AARP (recte : ACPR) 642/2024 du 29 août 2024 dans lequel la question de la proportionnalité en matière d'établissement d'un profil d'ADN s'était posée, et sollicite le même traitement.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

2.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2;
145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

2.4. En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas l'infraction à la LEI reprochée dans le cadre de la P/3522/2025 en cours d'instruction, mais d'autres éventuels actes contraires à la LStup, dès lors qu'il a déjà été soupçonné pour des faits similaires.

À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables.

En effet, il est tout d'abord soupçonné d'avoir, le 11 octobre 2024, vendu une demi-boulette de cocaïne à une toxicomane à la rue 1______ no. 3______, à Genève. Que l'intéressé persiste à contester ces faits – nonobstant sa mise en cause formelle par un policier (cf. audience du 17 janvier 2025) – n'est ainsi pas suffisant pour annihiler tout soupçon à son égard, au contraire.

Ensuite, quand bien même aucune condamnation n'est inscrite à son casier judiciaire suisse, sa situation personnelle – absence de domicile fixe et d'activité professionnelle –, laissent craindre qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions. Ce risque est d'autant plus à craindre que l'intéressé a été interpellé à deux reprises, à brève échéance, à la rue 1______ nos. 2______ et 3______, répertoriée comme un haut-lieu du trafic de stupéfiants à Genève.

Enfin, les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui justifie l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

L'arrêt de la Chambre de céans cité par le recourant – qui annule une décision du Ministère public ordonnant l'établissement d'un profil d'ADN – ne lui est d'aucun secours et ne saurait donc être transposé ici. Dans ladite affaire, en particulier, le prévenu n'était soupçonné que d'infraction à la LEI – l'absorption par lui d’un parachute de stupéfiants n’ayant pas été retenue –. Tel n'est pas le cas ici, le recourant étant, comme on l'a vu, également soupçonné d'infraction à l'art. 19 LStup.

Partant, la mesure querellée n'apparaît aucunement inutile ni disproportionnée.

Que son coût soit éventuellement mis à la charge du recourant – ce qui n'est pas évident à ce stade, dès lors que cette question ne se posera qu'à l'issue de la procédure et à la condition que l'intéressé soit condamné – n'est donc pas pertinent.

3.             Justifiée, l'ordonnance attaquée sera donc confirmée.

4.             Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.

4.1. L'art. 29 al. 3 Cst féd. soumet l'octroi d'une telle assistance à la condition que le procès soutenu par l'indigent qui la réclame ne paraisse pas dépourvu de toute chance de succès.

Tel n'est pas le cas quand les perspectives de gagner ce procès sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc pas être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter (arrêt du Tribunal fédéral 7B_68/2022 du 6 mars 2024 consid. 4.2).

4.2. En l'occurrence, l'indigence du recourant peut être présumée. On ne peut également pas dire que ses griefs étaient d'emblée dénués de chance de succès.

L'assistance judiciaire pour le recours sera ainsi admise et son conseil désigné comme défenseur d'office.

4.3. L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération et du canton for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude. Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

4.4. En l'occurrence, le recourant chiffre et détaille l'activité de son conseil pour la procédure par-devant la Chambre de céans, note d'honoraires à l'appui, à CHF 1'026,95, TVA comprise, correspondant à 4h45 au tarif horaire de CHF 200.-, soit 1h30 d'entretien à l'Étude, 2h15 pour la rédaction du recours et 1h00 pour la consultation et l'analyse du dossier.

La problématique juridique étant clairement circonscrite, elle ne nécessitait pas 1h30 d'entretien avec le client. Seule 1h00 sera admise à ce titre.

Le temps consacré à la rédaction du recours (six pages, dont deux pages de garde et de conclusions), sera réduit à 1h30, ce temps incluant également la brève réplique consistant principalement en la reprise in extenso d'un passage de l'ACPR/642/2024.

L'heure consacrée à la consultation et l'analyse du dossier sera pour sa part admise.

Une indemnité correspondant ainsi à 3h30 d'activité, au tarif horaire demandé, plus la TVA, sera allouée.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Admet l'assistance judiciaire pour le recours et désigne MB______ en qualité de conseil d'office pour l'instance de recours.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 756,70 TTC pour l'instance de recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Catherine GAVIN, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/3522/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00