Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/70/2025 du 22.01.2025 sur PAYIN/461/2023 ( TCO ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/1211/2018 ACPR/70/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 22 janvier 2025 |
Entre
A______, domiciliée [Étude] B______, ______, agissant en personne,
recourante,
contre le jugement rendu le 26 avril 2023 par le Tribunal correctionnel,
et
LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 3 juillet 2023, Me A______ recourt contre le jugement du 26 avril 2023, notifié le 22 juin suivant, par lequel le Tribunal de correctionnel a fixé son indemnisation au titre de conseil juridique gratuit de C______ à CHF 37'310.85.
La recourante conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation du jugement précité, en tant qu'il concerne son indemnisation, à la fixation en sa faveur d'une indemnité de CHF 42'359.29 et la confirmation dudit jugement, pour le surplus.
b.a. En parallèle, C______ a fait appel du jugement en question en tant qu'il l'a déclarée coupable de vol et a acquitté D______ du chef d'usure.
b.b. C______ a, par la suite, retiré son appel, tandis que par courrier du 5 novembre 2024, Me A______ a maintenu son recours.
b.c. Par arrêt du 22 novembre 2024 (AARP/411/20024), la Chambre pénale d'appel et de révision a, à la suite du retrait d'appel, transmis, à la Chambre de céans, le recours formé par Me A______, pour raison de compétence.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Par ordonnance du 31 janvier 2018, le Ministère public a octroyé l'assistance judiciaire à C______, partie plaignante dans le cadre de la procédure P/1211/2018 l'opposant à son employeur, D______, avec effet au 24 précédent, et a désigné Me A______, comme conseil juridique gratuit.
b. Par la suite, le 12 mars 2018, C______ a été prévenue pour vol, au préjudice de son employeur, dans le cadre de la même procédure et Me A______ a été désignée défenseur d'office de la précitée.
c. Par acte d'accusation du 13 décembre 2022, le Ministère public a renvoyé en jugement D______ pour des faits qualifiés d'usure par métier, d'infractions aux art. 117 LEI et 87 LAVS, et C______ pour vol d'un bijou appartenant à celle-là.
d. Le 14 avril 2023, Me A______ a adressé, au greffe de l'Assistance juridique, un état de frais intermédiaire à hauteur de CHF 42'105.30 TVA incluse, correspondant à 179h50 d'activité pour la période du 24 janvier 2018 au 13 avril 2023, soit 19h15 pour le poste "Conférence", chiffrées à CHF 3'762.50, 44h15 pour celui de "Procédure", à CHF 8'850.-, 76h20 pour celui des "Audiences", revenant à 15'266.69 et 40h00 pour les "Déplacements" à CHF 4'700.-, auxquels s'ajoutaient les frais forfaitaire d'une valeur de 7'017.56 TTC.
e. À l'audience de jugement du 26 avril 2023, Me A______ a déposé un état de frais complémentaire de CHF 9'201.15, TVA incluse, correspondant à 48h50 d'activité pour la période du 17 au 26 avril 2023, soit 2h00 pour le poste "Conférences" et 36h50 pour celui de "Procédure". Il était précisé que "la durée de l'audience de jugement" devait être ajoutée.
C. Dans son jugement querellé, le Tribunal correctionnel a indemnisé l'avocate à hauteur de CHF 37'310.85 au total. Se fondant sur l'état de frais reçu le 14 avril 2023, 138h50 d'activité étaient admises à CHF 200.- de l'heure, soit un total de CHF 27'776.65, auquel était ajouté le forfait courriers/téléphones arrêté à 10% soit CHF 30'543.30, ainsi que 41 déplacements à CHF 100.-, soit CHF 4'100.- et la TVA à 7.7%, soit CHF 2'667.55.
La décision précise sous "Réductions" :
« 9h00 pour le poste "Conférence":
- temps de conférence avec la cliente excessif.
37h45 pour le poste "Procédure":
- temps d'étude du dossier et de préparation d'audiences excessif;
- la "rédaction d'observations plainte pour vol" du 12.12.2018 est comprise dans le forfait courrier/téléphone;
- en application de l'art. 16 al. 2 RAJ, les recherches juridiques font partie de la formation continue de l'avocat-e et n'ont pas à être prises en charge par l'Etat.
2h35 pour le poste "Audiences":
- temps des audiences du 22.02.2018 (-0h20), 23.02.2018 (-0h15), 26.03.2018
(-1h00) et 03.02.2021 (-1h00 et – 1 déplacement) excessif.
Ajout du temps de l'audience du jugement et du temps de lecture du verdict : 9h30 + 2 déplacements (chef d'Etude)».
D. a. Dans son recours, Me A______ considère que la seule mention d'un temps excessif comme motivation des réductions effectuées pour les postes "Conférences" et "Procédures", ne permettait pas de comprendre sur quelle base une telle appréciation avait été faite. Ainsi, vu l'insuffisance de la motivation, la décision querellée violait son droit d'être entendue et devait être annulée.
Par ailleurs, elle estime que l'intégralité des heures effectuées sous la rubrique "Conférences" devait être indemnisée et conteste ainsi la réduction de 9h sur les 21h15 réclamées au total. Le mandat avait duré 5 ans, soit une moyenne de 4h15 de conférence avec la cliente par année. Le départ de celle-ci de Suisse rendait de tels entretiens impératifs afin de l'informer de l'avancement de la procédure. En outre, durant la première année, un nombre important d'audiences avait eu lieu, de sorte qu'il avait été nécessaire d'expliquer à C______ leurs enjeux, le déroulement de celles auxquelles elle n'avait pas assisté et de déterminer les questions à poser. La durée des conférences s'expliquait par l'absence de maîtrise du français de C______, de sorte que tous les documents écrits avaient dû lui être expliqués. Vu les faits dont sa cliente avait été victime et la gravité de l'infraction dénoncée, un temps important avait été nécessaire avec la cliente.
Pour ce qui était du poste "Procédure", au vu de la réduction opérée de "46h50", seules 11h50 avaient été retenues. Or, on ne pouvait prétendre que la préparation d'une audience par-devant le Tribunal correctionnel pour une procédure qui avait duré 5 ans et qui incluait la rédaction d'un mémoire de conclusions civiles se limitait à 11h50 d'activité. Il convenait ainsi d'indemniser 15h supplémentaires afin de couvrir l'intégralité des heures effectuées pour le dépôt des conclusions civiles – 10h – et celles pour la préparation de l'audience de jugement – 5h –.
Elle réclame ainsi une indemnisation totale de "CHF 42'359.29 (37'310.85 [montant octroyé] + 15 x 200 + 1.25 x 110 + 7.75 x 200 + TVA = 37'310.85 + 5'048.44)".
b. Le Tribunal correctionnel se réfère intégralement à sa décision.
c. La recourante n'a pas répliqué.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, 396 al. 1 et 90 al. 2 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 20 al. 1 let. a, 138 al. 1 et 135 al. 3 let. a – dans sa teneur antérieur au 1er janvier 2024 – et 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du conseil juridique gratuit, respectivement défenseur d'office, qui a qualité pour recourir (art. 16 al. 1 RAJ, 138 al. 1, al. 3 let. a – dans sa teneur antérieur au 1er janvier 2024 – et 382 al. 1 CPP) et un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP ; cf. ACPR/793/2024 du 1er novembre 2024 consid. 1 et ACPR/679/2024 du 20 septembre 2024 consid. 1).
2. La recourante considère que le jugement querellé avait violé son droit d'être entendue, faute d'être suffisamment motivé s'agissant de son indemnisation, respectivement des réductions opérées.
La décision attaquée détaille les postes jugés excessifs et ayant fait l'objet de réduction de la part de l'autorité intimée. Bien que succincte dans sa motivation, l'autorité intimée a ainsi respecté l'obligation d'indiquer "au moins brièvement" les motifs fondant sa décision (cf. ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3).
Partant, le grief d'une violation du droit d'être entendu invoqué tombe à faux. Dans son recours, la recourante a par ailleurs été en mesure de justifier sa position et contester les réductions opérées.
3. 3.1. L'art. 135 al. 1 CPP, le cas échéant applicable par renvoi de l'art. 138 al. 1 CPP à l'indemnisation du conseil juridique gratuit, prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est prévu à l'art. 16 al. 1 RAJ; il s'élève à CHF 200.-/heure pour un chef d'Étude, la TVA étant versée en sus.
Seules les activités nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ). Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1290/2023 du 19 juillet 2024 consid. 2.1).
3.2. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références). Il est calculé, sous forme de forfait correspondant à un aller/retour au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public et a été arrêtée, depuis la modification du RAJ du 1er octobre 2018, à CHF 100.- pour les chefs d'étude (ACPR/520/2023 du 4 juillet 2023 consid. 2; ACPR/178/2019 du 6 mars 2019).
3.3. L'interdiction de la reformatio in pejus, consacrée par l'art. 391 al. 2 CPP, s'attache au dispositif de la décision (ATF 142 IV 129 consid. 4.5; arrêt du Tribunal fédéral 6B_460/2017 du 12 février 2018 consid. 2.1). Pour ce qui a trait à des prétentions pécuniaires, l'autorité de recours peut modifier la qualification juridique qui les sous-tend, mais ne saurait réduire le montant fixé dans le dispositif de première instance au détriment de la partie qui a seule interjeté un recours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_875/2013 du 7 avril 2014 consid. 3.2.3).
3.4. En l'espèce, la décision querellée mentionne expressément s'être fondée sur l'état de frais du 14 avril 2023 pour fixer la rémunération litigieuse.
Or, il est relevé qu'un état de frais complémentaire a été produit par la recourante lors de l'audience de jugement – celui du 26 avril 2023 –, lequel expose l'activité déployée en vue de l'audience en question. Au vu de l'absence d'une quelconque mention de cette dernière note d'honoraires dans la décision litigieuse, il apparaît qu'elle n'a pas été prise en compte par le Tribunal correctionnel, ni que celui-ci se soit déterminé sur les heures supplémentaires ainsi réclamées. En effet, l'autorité intimée n'a indemnisé que le temps de l'audience de jugement et celui de la lecture du verdict – 9h30 –, lequel n'était pas compris dans l'état de frais concerné et devait être ajouté, comme expressément mentionné dans la note d'honoraires. Cette omission n'a au demeurant pas été corrigée par-devant la Chambre de céans, le Tribunal correctionnel, dans ses observations, se limitant à se rapporter à sa décision querellée.
Cela étant, il n'y a pas lieu de renvoyer la procédure à l'autorité précédente, au vu de ce qui suit.
À bien comprendre la recourante, au stade du recours, elle réclame, d'une part, pour la rubrique "Conférences" une indemnisation complémentaire de 9h; et d'autre part, pour le poste "Procédure", 15h supplémentaire s'ajoutant aux 11h50 déjà admises – pour le dépôt de ses conclusions civiles ainsi que la préparation de l'audience de jugement –, comme cela ressort de son calcul et de ses conclusions : "CHF 42'359.29 (37'310.85 [montant octroyé] + 15 x 200 [heures réclamées pour le poste "Procédure"] + 1.25 x 110 [heure réclamée pour la rubrique "Audiences" au tarif d'un avocat-stagiaire] + 7.75 x 200 [solde des heures réclamées dans le poste "Audiences"
(9h -1.25 = 7.75)] + TVA = 37'310.85 + 5'048.44)".
Partant, seul un montant de CHF 4'687.50 [(15h à 200.-/h "Procédure" = 3'000.-) + 9h de "Conférences" soit (1.25 à 110.-/h = 137.50) + (7.75 à 200.-/h = 1'550.-)] + TVA demeure litigieux au stade du recours.
Cependant, bien qu'on peine à comprendre comment le Tribunal correctionnel soit parvenu au chiffre de 138h50 admises, au vu des heures réclamées – 179h50 au total – et des réductions et ajout opérés – (179h50 – 9h "Conférence"– 37h45 "Procédure" – 2h35 "Audience" + 9h30 "audience de jugement et lecture du verdict" = 140h) –, il ressort clairement de la décision querellée que les déplacements ont été indemnisés à double. En effet, l'autorité intimée les a comptabilisés, d'abord, dans le cadre des heures qu'il a retenues, dès lors qu'ils étaient inclus dans les heures réclamées – 179h50 dont 40h à titre de déplacements chiffrées à CHF 4'700.- + TVA sous un poste spécifique – et n'ont pas fait l'objet de réductions – aucune réduction afférant à la rubrique "déplacements" n'ayant été mentionnée –, puis, séparément, sous forme forfaitaire, comme le veut la pratique éprouvée, soit 41 déplacements indemnisés CHF 4'100.-. Les heures ainsi réclamées – 40h correspondant à CHF 4'700.- + TVA – n'auraient donc pas dû être rétribuées à double. Ce nonobstant, compte tenu de l'interdiction de la reformatio in pejus, ces heures, correspondant à un montant de CHF 5'061.90 (CHF 4'700.-, plus la TVA), restent acquises à la recourante.
Partant, même à considérer que l'activité encore réclamée au stade du recours serait justifiée – le Tribunal correctionnel interrogé à cet égard n'a fourni aucun commentaire – et devrait être entièrement indemnisée, ce qui représente la somme totale de CHF 5'048.44 (CHF 4'687.50 + TVA), il n'y a pas lieu de l'allouer en sus à la recourante, dit montant étant compensé par la somme de CHF 5'061.90 octroyée à tort, ce qui ne contrevient pas au principe sus-rappelé, le montant fixé par le dispositif de la décision querellée n'étant en définitive pas réduit par la Chambre de céans.
4. Le recours sera dès lors rejeté.
5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'état, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Met à la charge de Me A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.‑.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Tribunal correctionnel.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/1211/2018 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
Total | CHF | 900.00 |