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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2136/2017

ACPR/878/2024 du 26.11.2024 sur OMP/22435/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;REMPLACEMENT
Normes : CPP.134

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2136/2017 ACPR/878/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 26 novembre 2024

 

Entre

 

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de remplacement du défenseur rendue le 23 octobre 2024 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 4 novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 octobre 2024, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé de relever son défenseur d'office, Me B______, de sa mission.

Le recourant conclut à ce que Me C______ soit désignée comme son avocat d'office en lieu et place de Me B______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est prévenu de tentatives de contrainte (art. 22 et 181 CP) pour avoir, à Genève, fait adresser des commandements de payer :

- le 2 mai 2018, à D______, d'un montant de CHF 245.- pour une créance dont la mention était "emprunt à E______ (devant témoin pour achat de parfum [de marque] F______)" qui n'existait pas, à savoir pour lui demander le remboursement d'un cadeau qu'il lui avait fait;

- le 29 mai 2018, à G______, d'un montant de CHF 950.- pour une créance dont la mention était "Réparation de Notebook [de marque] H______. installation Window 10. Installation de Microsoft Office Pro, Installation antivirus. Configuration. Février 2016" qui n'existait pas, à savoir pour lui demander le remboursement d'un service qu'il lui avait rendu gratuitement;

- le 25 octobre 2018, à I______, d'un montant de CHF 450.- pour une créance dont la mention était "Avance de frais de shooting de CHF 200.- Impayée // Prix de chaussures de CHF 250.- (prises dans le [magasin] J______ à la Rue 1______) impayées" qui n'existait pas, alors qu'il avait déjà adressé un premier commandement de payer pour le même motif et pour lequel le Tribunal civil de Genève avait constaté par jugement du 2 novembre 2017 que les montants réclamés n'étaient pas dus.

b. Le prévenu a été arrêté le 31 mars 2021. Le lendemain, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné sa mise en liberté sous mesures de substitution, lesquelles ont été prolongées jusqu'au 23 mars 2022, date à laquelle elles ont été levées.

c. Une défense d'office en sa faveur, en la personne de Me K______, a été ordonnée par le Ministère public le 1er avril 2021.

d. Par ordonnance du 23 juin 2021, le Ministère public, sur demande du prévenu, qui sollicitait un changement d'avocat, a relevé Me K______ de sa mission et désigné en lieu et place Me L______.

e. Par pli du 24 mars 2022, Me L______ a demandé au Ministère public d'être relevé de sa mission, joignant à cet effet l'autorisation de la Commission du barreau.

f. Le 31 mars 2022, le Ministère public a invité A______ à lui proposer, au cas où il n'aurait pas de défenseur privé, le nom d'un défenseur d'office.

g. Par pli du 4 avril 2022, Me B______ a sollicité du Ministère public qu'il le désigne comme défenseur d'office de A______.

h. Par ordonnance du 5 avril 2022, le Ministère public a fait droit à cette requête.

i. Par lettre du 7 novembre 2024, A______ a sollicité un changement d'avocat. Son conseil lui demandait, dans deux courriels du 20 juin 2023, d'accepter "que je sois mentalement atteint" afin d'obtenir un acquittement ou une peine allégée en sa faveur. Dans un autre courriel du 25 juillet 2023, son avocat lui rappelait qu'il avait le droit d'être défendu "aux frais de la Suisse" alors qu'il dépendait "de l'aide sociale" et ne contribuait pas "au bien-être de la société par l'impôt". L'avocat écrivait également : "Mais pire encore votre domaine professionnel est en plein développement et donc la demande est forte pour qui veut travailler". Enfin, son conseil mentionnait que "l'Hospice général s'est engouffrée (sic) dans la brèche…".

Ces écrits, qu'il produisait, étaient constitutifs de "harcèlements", lesquels avaient commencé après qu'il eut signifié à son conseil que, s'il ne relançait pas la médiation qu'il avait sollicitée, il allait s'en charger lui-même et ses prestations ne lui seraient pas dues. Son conseil était alors devenu plus agressif et avait tenté de le "manipuler" mentalement. Il avait en outre tenu des propos xénophobes et racistes à son endroit. La relation de confiance avec lui était complètement rompue. Il sollicitait la désignation, en lieu et place, de Me C______, qui avait déjà accepté sa défense.

j. Invité par le Ministère public à se déterminer, Me B______ s'en est rapporté, tout en relevant que la procédure était a priori terminée [l'ordonnance pénale du 26 septembre 2024 déclarant le prévenu coupable de tentatives de contrainte a été frappée d'opposition et la procédure est actuellement pendante devant le Tribunal de police].

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que la relation de confiance entre le prévenu et son défenseur d'office n'était pas, de fait, gravement perturbée. Il ressortait des courriels produits par le prévenu que son mandataire lui expliquait des stratégies de défense qui ne lui avaient manifestement pas plu. Or, ceci ne constituait pas un motif de remplacement. L'avocat d'office, s'il s'en rapportait à justice, n'avait pas demandé à être relevé de son mandat. Le prévenu avait enfin déjà bénéficié deux fois d'un remplacement de mandataire d'office.

D. a. À l'appui de son recours, A______ réitère en substance les griefs exposés dans son courrier du 7 novembre 2024.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. 2.1. Selon l'art. 133 CPP, le défenseur d'office est désigné par la direction de la procédure au stade considéré (al. 1); lorsqu'elle nomme le défenseur d'office, la direction de la procédure prend en considération les souhaits du prévenu dans la mesure du possible (al. 2). Cette disposition concrétise la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la CourEDH relative aux art. 29 al. 3 Cst. et 6 § 3 let. c CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 1B_387/2012 du 24 janvier 2013 consid. 4.3).

2.2. Une demande de remplacement du défenseur d'office ne peut être admise que si, pour des motifs objectifs, une défense compétente et efficace des intérêts du prévenu n'est plus garantie (ATF 116 Ia 102 consid. 4b/aa). L'art 134 al. 2 CPP précise à ce propos qu'une défense compétente et efficace ne peut plus être assurée non seulement en cas de violation objective du devoir d'assistance, mais déjà en cas de perturbation grave de la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur.

Le simple fait que la partie assistée n'a pas confiance dans son conseil d'office ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4 p. 164; 114 Ia 101 consid. 3 p. 104; arrêt du Tribunal fédéral 1B_375/2012 du 15 août 2012 consid. 1.1).

De simples divergences d'opinion quant à la manière d'assurer la défense des intérêts du prévenu dans le cadre de la procédure ne constituent à cet égard pas un motif justifiant un changement d'avocat. Il appartient en effet à l'avocat de décider de la conduite du procès; sa mission ne consiste donc pas simplement à endosser le rôle de porte-parole sans esprit critique de l'accusé, qui se limiterait à se faire l'interprète des sentiments et des arguments de son client (ATF 116 Ia 102 consid. 4b/bb p. 105 ; 105 Ia 296 consid. 1e p. 304). Sont en revanche dignes d'être pris en considération des griefs précis touchant à la personne du défenseur ou à un comportement de ce dernier qui montre à l'évidence que toute relation de confiance avec ce dernier est exclue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_187/2013 du 4 juillet 2013 consid. 2.2 et 2.3; A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 17 ad art. 134).

2.3. En l'espèce, le recourant allègue une rupture du lien de confiance avec son défenseur d'office.

Ce dernier n'a, quant à lui, pas manifesté le souhait d'être remplacé.

On comprend des griefs du recourant qu'il reproche à son conseil de ne pas vouloir suivre sa stratégie de défense à lui ou donner suite à certaines de ses requêtes.

Comme relevé plus haut, de simples divergences d'opinions dans la manière d'assurer la défense du prévenu ne constituent pas un motif justifiant un changement d'avocat. La mission de ce dernier ne se limite pas à se faire l'interprète des sentiments et des arguments de son client. Ainsi, que la stratégie de défense de l'avocat d'office ne plaise pas au prévenu n'est pas de nature à gravement perturber la relation de confiance entre eux.

Plus précisément, les écrits litigieux produits par le recourant – et qui seraient selon lui à l'origine de la rupture du lien de confiance – étant antérieurs de plus d'une année à la requête de changement d'avocat, il est permis, déjà pour ce motif, de douter de leur acuité. Quant à leur contenu, on relèvera que l'avocat d'office répond aux propres propos ou écrits du prévenu – dont on ignore la teneur, le prévenu ne les produisant pas – que l'avocat qualifie d'accusateurs et menaçants, voire de chantage. On y lit également que l'avocat demande à son client, s'il entend plaider une responsabilité pénale diminuée en raison de son état de santé mentale, de lui transmettre les documents nécessaires (courriels du 20 juin 2023). On peine ainsi à voir là des motifs de remplacement objectifs. Dans son courriel du 25 juillet 2023, l'avocat d'office réfute tout comportement de harcèlement, indiquant n'avoir fait que répondre aux "multiples courriels" de son client sur le dossier, ajoutant s'être tenu à la stratégie convenue. Ses propos relatifs à l'Hospice général, lequel s'était "engouffré dans la brèche", et au doute quant à la bonne foi de son client sont à mettre en parallèle avec la plainte de l'Hospice général pour escroquerie et obtention illicite de prestation d'une assurance sociale ou de l'aide sociale déposée contre le prévenu [laquelle sera classée par le Ministère public le 26 septembre 2024]. Que le ton possiblement moralisateur de l'avocat déplaise au recourant ne signifie pas encore que la relation de confiance entre eux serait rompue. Il en va de même des propos de l'avocat relatifs à l'assistance judiciaire offerte à son client par la Suisse et à sa conviction que celui qui s'en donne la peine peut travailler.

Il n'existe ainsi, en l'état, aucun motif objectif laissant entrevoir que Me B______ n'assurerait pas une défense efficace du recourant ou que la relation de confiance entre eux serait gravement perturbée.

Au regard des conditions strictes posées par l'art. 134 al. 2 CPP, le changement du défenseur désigné ne se justifie donc pas, ce d'autant que le recourant a déjà obtenu par deux fois un changement d'avocat et que la procédure touche à sa fin.

3. Le recours sera dès lors rejeté.

4. Le recourant, bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6), qui seront fixés en totalité à CHF 500.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (en personne) et au Ministère public.

Le communique, pour information, à Me B______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/2136/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00