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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23426/2024

ACPR/792/2024 du 31.10.2024 sur OTMC/3172/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;PROPORTIONNALITÉ;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : CPP.221; Cst; Cst; CPP.197; CPP.212

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23426/2024 ACPR/792/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 31 octobre 2024

 

Entre

A______, actuellement détenue à la prison de B______, représentée par Me C______, avocat,

recourante,

 

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 18 octobre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 22 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 octobre 2024, notifiée le 21 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a ordonné la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 22 décembre 2024.

La recourante conclut, préalablement, au constat de la violation du principe de la bonne foi; principalement, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa mise en liberté immédiate; subsidiairement, à ce que la durée de la prolongation soit limitée au 22 novembre 2024.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissante française, née le ______ 1986, a été arrêtée le 8 octobre 2024, à 15h30. Sa mise en détention provisoire a été prononcée le surlendemain pour une durée de deux semaines.

b. Elle est prévenue d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 et 2 LStup), de conduite malgré une incapacité et violation de l'interdiction de conduire pour d'autres raisons que l'alcool (art. 91 al. 2 let. b LCR), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et de consommation de stupéfiants (art. 19a LStup) pour avoir, à Genève, le 8 octobre 2024:

-        au passage frontière de La Croix-de-Rozon, en retrait sur la route de Cugny, au rond-point de Compesières, circulé au volant du véhicule E______/1______ [marque, modèle], immatriculé en France (no. 2______), dont elle est la détentrice, alors qu'elle était sous l'influence de cocaïne et d'avoir, de concert avec D______, importé en Suisse, depuis l'étranger, puis détenu, dans le véhicule précité, 253.4 grammes bruts de cocaïne, destinés à la vente, étant précisé qu'elle a été rémunérée à hauteur de EUR 1'000.- par le précité pour ce transport de stupéfiants entre le Luxembourg et Genève ;

-        de concert avec D______, été en possession, au moment de leur fouille par les agents de l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF), de 6 grammes de cocaïne, lesquels étaient dissimulés dans le caleçon du précité, ainsi que de 0.6 gramme de cocaïne caché sous le siège passager du véhicule ;

-        pénétré en Suisse, en particulier à Genève, dans le but de s'y adonner au trafic de stupéfiants et d'y avoir consommé des stupéfiants, soit de la cocaïne.

c. A______ a admis avoir conduit après avoir consommé de la cocaïne, mais contesté toute implication dans le trafic de stupéfiants.

d. Le 15 octobre 2024, le Ministère public a requis la prolongation de la détention provisoire de A______. En sus des actes déjà mentionnés dans sa demande de mise en détention, à savoir la confrontation de la prévenue à D______, l'extraction et l'analyse des données de son téléphone portable, l'obtention de son casier judiciaire français, voire luxembourgeois, la détermination de son rôle dans ce trafic et sa confrontation aux résultats de ces actes d'enquête, il devait désormais également faire procéder à l'extraction puis à l'analyse des données du téléphone portable du co-prévenu et à l'analyse de la drogue saisie. Il attendait en outre le résultat de la prise de sang réalisée sur A______.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC renvoie expressément à sa précédente ordonnance. Les charges restaient suffisantes et graves pour justifier la prolongation de la détention provisoire. Le risque de fuite était concret, la prévenue étant de nationalité étrangère et sans aucune attache avec la Suisse, et par ailleurs renforcé par la peine menace et celle concrètement encourue ainsi que la perspective d'une expulsion de Suisse. Le risque de collusion devait être retenu vis-à-vis de son co-prévenu et des autres participants au trafic. Le risque de réitération était tangible, la prévenue ayant indiqué avoir des antécédents en France pour conduite en état d'ébriété, infraction susceptible de mettre en danger la sécurité d'autrui. Aucune mesure de substitution n'était susceptible de pallier les risques retenus. Le principe de proportionnalité demeurait respecté et une prolongation de la détention provisoire pour une durée de deux mois était nécessaire afin d'organiser une audience de confrontation et d'obtenir les premiers éléments relatifs à l'analyse des données téléphoniques.

D. a. À l'appui de son recours, A______ allègue une violation du principe de la bonne foi au motif que, lors de l'audience du 9 octobre 2024, la procureure suppléante lui avait expliqué qu'elle entendait, en accord avec la procureure en charge de la procédure, demander sa mise en détention provisoire pour une durée de deux semaines, le temps d'analyser les messages échangés entre les deux prévenus et d'organiser une audience de confrontation, précisant qu'elle pourrait être libérée à l'issue de l'audience de confrontation dans l'éventualité où les résultats de l'analyse de son téléphone corroboreraient ses déclarations. Une troisième procureure, qui avait entre-temps repris le dossier, avait sollicité, le 15 octobre 2024, la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 8 janvier 2025. En adoptant pareils comportements contradictoires, le Ministère public et le TMC avaient violé le principe de la bonne foi.

Par ailleurs, le TMC n'avait pas rendu une décision opportune en prolongeant sa détention provisoire pour une durée de deux mois, alors qu'une prolongation d'un mois eût été amplement suffisante.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre remarque.

c. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

d. A______ réplique et persiste dans ses conclusions.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante ne se prononce pas sur les charges pesant sur elle, ni sur les risques – fuite, collusion et réitération – retenus par le premier juge, ni encore sur l'absence de mesures de substitution susceptibles de pallier de tels risques. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir et il peut être intégralement renvoyé à la motivation adoptée par le premier juge sur ces aspects (art. 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références).

3.             La recourante invoque une violation du principe de la bonne foi et du principe de la proportionnalité.

3.1.       Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi.

L'art. 9 Cst. prévoit que toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'Etat sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.

Le principe de la bonne foi est concrétisé en procédure pénale à l'art. 3 al. 2 let. a CPP. Il englobe également le comportement contradictoire (venire contra factum proprium). Si quelqu'un se met en contradiction avec son comportement antérieur, il faut y voir une violation du principe de la bonne foi si le comportement antérieur a créé une confiance digne de protection qui serait déçue par les nouveaux actes (arrêts du Tribunal fédéral 6B_23/2021 du 20 juillet 2021 consid. 2.3; cf. 2C_872/2020 du 2 mars 2021 consid. 3.8.1 avec référence à l'arrêt 2C_334/2014 du 9 juillet 2015 consid. 2.5 et 6B_22/2010 du 8 juin 2010 consid. 2.2).

3.2.       À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

3.3.       En l'espèce, la prolongation de la détention provisoire jusqu'au 22 décembre 2024 s'avère nécessaire pour permettre au Ministère public et à la police de procéder aux divers actes d'instruction mentionnés dans la demande de prolongation du 15 octobre 2024.

Certes, la durée de la mise en détention provisoire de deux semaines sollicitée initialement par le Ministère public paraissait courte, compte tenu des actes d'enquête à effectuer. Cette durée ne pouvait toutefois être comprise comme une garantie qu'il ne requerrait pas, si nécessaire, une prolongation subséquente de la détention provisoire.

On ne saurait ainsi conclure à une violation du principe de la bonne foi de ce fait.

Au vu des actes d'enquête restant à accomplir et actuellement en cours, la prolongation de la détention provisoire de la recourante jusqu'au 22 décembre 2024 n'apparait pas excessive et est par ailleurs parfaitement conforme au principe de la proportionnalité eu égard aux infractions qui lui sont reprochées, dont, faut-il le rappeler, la participation à un important trafic de stupéfiants susceptible de mettre en danger la santé de nombreuses personnes.

En définitive et contrairement à ce que soutient la recourante, la prolongation de sa détention provisoire ordonnée par le TMC ne prête pas le flanc à la critique et n'apparaît en particulier pas "inopportune".

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et, partant, le recours rejeté.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             La recourante plaide au bénéfice d'une défense d'office.

6.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

6.2. En l'occurrence, quand bien même la recourante succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Admet l'assistance judiciaire pour le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ (soit, pour elle, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE; juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/23426/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00