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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21587/2024

ACPR/743/2024 du 16.10.2024 sur OTMC/2802/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE FUITE
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21587/2024 ACPR/743/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 16 octobre 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 19 septembre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié en personne le 26 septembre 2024 au Tribunal pénal, transmis le 2 octobre 2024 à la Chambre de céans, confirmé par un recours motivé déposé ultérieurement par son avocat – à la demande de la direction de la procédure –, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 septembre 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 17 novembre 2024.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette ordonnance et à sa mise en liberté immédiate; subsidiairement à ce que la durée de la détention soit limitée à un mois.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, né le ______ 1975, de nationalité italienne, a été interpellé le 17 septembre 2024.

Il est soupçonné d'avoir, depuis le 22 août 2024, séjourné en Suisse sans être au bénéfice des autorisations requises et d'avoir, notamment le 17 septembre 2024, pénétré sur le territoire genevois, alors qu'il fait l'objet de décisions lui interdisant d'entrer en Suisse et à Genève, notifiées le 8 janvier, respectivement le 3 mai 2024. En outre, il lui est reproché d'avoir détenu des objets d'origine douteuse [un cadenas cassé et l'ordinateur de bord d'un vélo électrique] ainsi qu'un sachet contenant 2.5 grammes d'héroïne, des comprimés de Dormicum et de Sevre-Long et 0.1 gramme [4 cailloux] de crack, destinés à la vente.

Après avoir fait valoir son droit au silence à la police, A______ a, le lendemain, devant le Ministère public, admis ne pas avoir d'autorisation de séjour. Il pensait toutefois que l'interdiction d'entrer en Suisse n'était pas en force au motif qu'il avait "fait recours". Il savait qu'il n'avait pas le droit d'être à Genève. Il était sur le point de se rendre à D______ [VD] pour y habiter avec sa "copine". Le cadenas cassé et le tableau de bord provenaient de son vélo électrique qui lui avait été volé. La drogue et les médicaments étaient destinés à sa consommation personnelle et à celle de sa "copine". Il s'engageait à se présenter "à toute convocation".

b. Dans la P/12319/2024, A______ a été condamné par ordonnance pénale du 21 mai 2024 – à laquelle il a fait opposition – à une peine privative de liberté de 150 jours, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende et à une amende de CHF 500.-, pour infraction à l’art. 119 al. 1 LEI, empêchement d'accomplir un acte officiel et contravention à l'art. 19a LStup.

Bien que dûment convoqué, A______ ne s'est pas présenté à l'audience du 20 août 2024 devant le Ministère public.

c. A______ a aussi été interpellé le 1er juillet 2024 [dans la P/15715/2024] et le 21 août 2024 [dans la P/19311/2024], pour des infractions à la LEI et à la LStup.

Ces deux procédures ont été jointes à la P/12319/2024, laquelle a ensuite été jointe à la présente procédure (P/21587/2024).

d. Selon ses dires, A______ est divorcé, père de deux enfants vivant à E______, en France, avec leur mère. Ses parents, son frère et ses sœurs habitent en France et en Italie. Il est sans revenu, ni domicile fixe et demeure en Suisse depuis 2013, à l'exception d'un séjour effectué en Italie en mai 2024.

e. À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse [état au 18 septembre 2024], A______ a été condamné à huit reprises, depuis le 26 octobre 2018, pour les dernières fois :

- le 21 août 2023, par le Ministère public, pour infraction à l'art. 19 LStup, contravention à l'art. 19a LStup, séjour illégal, infraction à l'art. 33 al. 1 let. a LArm, voies de fait, injure et empêchement d'accomplir un acte officiel, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende et à une amende de CHF 1'000.- (peine partiellement complémentaire à celle du 30 janvier 2023);

-   le 3 septembre 2023, par le Ministère public, pour recel et séjour illégal, à une peine privative de liberté de 90 jours;

-   le 16 janvier 2024, par le Ministère public, pour séjour illégal par négligence, infraction à l’art. 119 al. 1 LEI et contravention à l'art. 19a LStup, à une peine privative de liberté de 90 jours ainsi qu'à une amende de CHF 750.-;

-   le 9 avril 2024, par le Tribunal de police, pour infraction à l’art. 119 al. 1 LEI et contravention à l'art. 19a LStup, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende ainsi qu'à une amende de CHF 300.-.

Il fait encore l'objet d'une autre procédure en cours au Tribunal de police (P/1______/2024), pour infraction à l'art. 119 LEI.

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient que les charges sont graves et suffisantes pour justifier la mise en détention provisoire de A______, eu égard à à ses aveux partiels, aux constatations de police et aux objets saisis. Il y avait un risque de fuite concret, y compris sous forme de disparition dans la clandestinité, compte tenu de sa nationalité étrangère, de l'interdiction d'entrée prononcée à son encontre et de son absence d'attaches sérieuses en Suisse. Ce risque était renforcé par la peine-menace et concrètement encourue, désormais substantielle en raison des autres procédures jointes. Le risque de réitération était tangible, considérant ses multiples antécédents, notamment pour des délits en matière de stupéfiants. Aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre les mêmes buts que la détention. La durée de deux mois ordonnée était nécessaire pour déterminer l'origine des objets retrouvés sur sa personne et l'ampleur de son activité délictueuse dans le trafic de stupéfiants, statuer sur son opposition à l'ordonnance pénale du 21 mai 2024 et instruire les autres procédures jointes, avant un renvoi en jugement.

D. a. Dans son recours, A______ conteste s'adonner à la vente de stupéfiants et s'être livré à du recel, faisant valoir l'absence de preuves contre lui. Selon son conseil, les infractions reprochées n'étaient pas suffisamment graves pour justifier un prétendu risque de réitération. Le risque de fuite n'était pas non plus réalisé, dès lors qu'il était peu probable que le recourant quitte la Suisse alors qu'il y vivait depuis des années. Il n'était, en outre, guère imaginable qu'en cas de condamnation, il se rende dans un pays où les conditions carcérales étaient bien plus dures qu'en Suisse.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre observation.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

d. Le recourant renonce à répliquer.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes.

2.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

2.2. En l'occurrence, le recourant ne conteste pas les infractions à la LEI. Le seul fait qu'il conteste la vente de stupéfiants et le recel ne rend pas pour autant les charges insuffisantes. Il appartiendra au juge du fond d'apprécier la crédibilité de ses déclarations. À ce stade initial de la procédure, il suffit de constater – comme l'a fait le TMC – que le prévenu, soupçonné de deal de rue, a été interpellé en possession de stupéfiants et d'objets de provenance douteuse, étant souligné qu'il a déjà été condamné pour des faits similaires.

Par conséquent, les charges retenues par le premier juge sont suffisantes et graves pour autoriser le placement du recourant en détention provisoire.

3.             Le recourant conteste l'existence d'un risque de fuite.

3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

3.2. En l'espèce, le recourant est de nationalité italienne, sans domicile fixe ni revenu. La présence de sa "copine" à Genève ou à D______ ne saurait constituer une attache suffisante avec la Suisse, étant relevé qu'il soutient que toute sa famille vivrait en France et en Italie, pays dans lequel il est retourné récemment.

Dans ces circonstances, il existe un risque concret qu'il reparte à l'étranger, voire disparaisse dans la clandestinité et se soustraie ainsi à la justice, cela d'autant plus que les charges se sont alourdies en raison des jonctions ordonnées. Que le recourant ait séjourné depuis plusieurs années illégalement en Suisse n'est pas de nature à garantir une quelconque représentation, étant souligné qu'il ne s'est pas présenté, le 20 août 2024, à l'audience devant le Ministère public. Aucune mesure de substitution – qu'il ne propose au demeurant pas – ne serait en outre susceptible de pallier ledit risque.

Le risque de fuite étant clairement réalisé, l'autorité de recours peut se dispenser d'examiner si le risque de réitération – alternatif – l'est également (arrêt du Tribunal fédéral 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1 et la jurisprudence citée).

4.             Au regard des infractions reprochées au prévenu, la détention provisoire ordonnée au 17 novembre 2024 est conforme au principe de la proportionnalité (art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP), si les charges devaient se confirmer.

5.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

7.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

7.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

7.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas – encore – d'un abus.

7.3. L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art.135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/21587/2024

ÉTAT DE FRAIS

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

795.00

 

 

Total

CHF

900.00