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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17566/2023

ACPR/673/2024 du 17.09.2024 sur ONMMP/4892/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.10.2024, 7B_1119/24
Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DIFFAMATION;MÉDIA;INTERNET;COMPÉTENCE RATIONE LOCI
Normes : CPP.310.al1.letb; CP.3.al1; CP.8.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17566/2023 ACPR/673/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 17 septembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Nicolas CAPT, avocat, Etude 15, Cours des Bastions
Avocats Sàrl, case postale 519, 1211 Genève 12,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 6 décembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 18 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 6 décembre 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte pénale du 9 août 2023.

Le recourant conclut à l'annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction, sous suite de frais et dépens.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, entrepreneur indien, domicilié à Genève depuis 2020, est détenteur d’un permis B, au bénéfice d’un forfait fiscal. Il a créé, notamment avec son épouse, une fondation à but non lucratif ayant pour but de lutter contre la traite des enfants à travers le monde, "B______ Foundation". Jusqu'en 2012, il était membre de l’équipe de direction de "C______ Limited" (ci-après : C______ LTD), société indienne sise en ce pays qui dispensait des programmes éducatifs, notamment en matière de piratage éthique.

b. Le ______ juin 2023, le magazine américain "D______", sous la signature du journaliste E______, a publié un article intitulé "______", soit, en traduction libre, un exposé concernant l'industrie secrète du piratage informatique en Inde, où se développe une industrie du piratage informatique. Il était question, en résumé, d’un entrepreneur américain d'origine iranienne, F______, qui pensait que son compte de messagerie avait été piraté et qui avait mandaté pour le savoir le cabinet d'avocats britannique, G______. Celui-ci avait sollicité le concours d’un détective privé, H______, œuvrant à Genève et à Singapour, ami d’un consultant indien en cybersécurité, I______, ayant travaillé pour C______ LTD au début de sa carrière. H______ et I______ étaient restés en contact, et le second avait une fois aidé le premier à tester la sécurité numérique d'un autre client. Aussi, lorsque G______ l’avait engagé, H______ avait appelé I______, qui avait reconnu avoir lui-même piraté F______.

c. Dans cet article de 31 paragraphes se lisait, en ses quatrième et cinquième paragraphes, le texte suivant : "H______, whose firm is called J______, recently met with me at a Geneva coffeehouse. Over espresso, H______ (…) told me that he is not a programmer himself. But, when G______ hired him to look into whether an Indian company had hacked F______, he remembered hearing that, about a decade earlier, private intelligence firms across Europe had been approached by an Indian entrepreneur named A______, who ran a company called C______ Security. “From what I have learned in this investigation, he e-mailed everybody,” H______ told me. A______ had pitched what he called “ethical hacking.” An C______ LTD slide presentation, which was later published by K______ [agence de presse mondiale et généraliste], promised that the company could obtain “information that you imagine and also one that you didn’t imagine.” Some examples: “Get remote access to Email, Computers, Websites, devices which are not accessible. Collect confidential Information/Evidences and give your customers real satisfaction".

"Everyone’s hackable", one slide promised. The company charged twenty-five hundred dollars for a month of work by a single hacker, and the presentation said that it had taken less than two weeks for C______ LTD to obtain confidential e-mails and photographs confirming a husband’s suspicion that his wife had cheated on him (“even though she was using an updated L______ antivirus”). Other cases were more complicated: the company said that it had taken forty-seven days to unearth evidence of money laundering and criminal contacts from the e-mail account of a chief executive in Russia. C______ LTD’s slides said that its clients included the M______ Army and the M______ Ministry of Defense. (A lawyer for A______ said that he did not remember the presentation and that his activity had been limited to “ethical hacking and robotics training" (https://www.D______.com/news/______-secret-hacking-industry).

Ce texte peut être traduit ainsi : "H______, dont la société s'appelle J______, m'a récemment rencontré dans un café de Genève. Autour d'un expresso, H______ (…) m'a dit qu'il n'était pas lui-même un programmeur. Mais lorsque G______ l'a engagé pour vérifier si une société indienne avait piraté F______, il s'est souvenu avoir entendu dire qu'une dizaine d'années auparavant, des services de renseignement privés européens avaient été contactés par un entrepreneur indien du nom de A______, qui dirigeait une société appelée C______ Security. « D'après ce que j'ai appris au cours de cette enquête, il a envoyé des courriels à tout le monde », m'a dit M. H______. A______ avait présenté ce qu'il appelait le « piratage éthique ». Un diaporama de C______ LTD, publié plus tard par K______, promettait que l'entreprise pouvait obtenir « des informations que vous imaginez et d'autres que vous n'imaginiez pas ». Quelques exemples : « Obtenir un accès à distance au courrier électronique, aux ordinateurs, aux sites web et aux appareils qui ne sont pas accessibles. Recueillez des informations/preuves confidentielles et donnez à vos clients une réelle satisfaction ».

« Tout le monde est piratable », promet une diapositive. La société facture deux mille cinq cents dollars pour un mois de travail d'un seul hacker, et la présentation indique qu'il a fallu moins de deux semaines à C______ LTD pour obtenir des courriels confidentiels et des photographies confirmant les soupçons d'un mari qui pensait que sa femme l'avait trompé (« même si elle utilisait un antivirus L______ mis à jour »). D'autres cas étaient plus compliqués : la société a déclaré qu'il lui avait fallu quarante-sept jours pour déterrer des preuves de blanchiment d'argent et de contacts criminels dans le compte de courrier électronique d'un directeur général en Russie. Les diapositives de C______ LTD indiquent que l'armée M______ et le ministère M______ de la défense figurent parmi ses clients. (Un avocat de A______ a déclaré qu'il ne se souvenait pas de la présentation et que son activité s'était limitée au « piratage éthique et à la formation en robotique").

Dans la suite de l’article, plus longue que les passages susvisés, il n’est nullement question de A______, de Genève ou de la Suisse.

d. A______ a déposé plainte le 9 août 2023 à Genève contre l’auteur de cet article, E______, des chefs de diffamation (art. 173 CP), voire calomnie (art. 174 CP). Selon lui, cet article portait atteinte à son honneur, dès lors qu'il l'associait à des activités illégales de piratage.

e. D______ est un magazine américain fondé en ______ dont le rédacteur en chef est N______. Il publie en anglais des reportages, des critiques, des essais, des bandes dessinées, de la poésie et des fictions et paraît actuellement ______ fois par an, avec ______ éditions supplémentaires (source : Wikipédia, consulté le 21.08.2024), D______, centré sur O______ et les États-Unis, comptait 1,2 million d’abonnés, sans qu’il soit possible de déterminer leur localisation.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public, se basant sur les art. 3 et 8 CP, considère qu'il n'existait pas de rattachement suffisant au territoire suisse pour fonder la compétence à raison du for des autorités helvétiques.

L'article litigieux évoquait A______, domicilié en Suisse, d'une manière qui serait, selon lui, attentatoire à son honneur et le résultat de l'activité d'un détective privé genevois, mais ces deux éléments ne permettaient pas de retenir que l'auteur de l'article aurait eu pour intention de cibler de façon spécifique le public suisse. En effet, l'article avait été publié sur le site internet www.D______.com sans que des mesures particulières aient été prises pour sa promotion ou sa diffusion auprès du public suisse ou en Suisse. De ce point de vue, l'article se trouvait exactement dans la même situation que n'importe quelle publication faite sur internet par n'importe quel auteur situé hors de Suisse. Selon le contenu de cet article, aucun indice ne donnait à penser que E______ se serait spécifiquement adressé à un lectorat suisse. L'article concernait le développement de l'industrie indienne du piratage, sans lien avec la Suisse, et le nom du plaignant n'était évoqué qu'en tant qu'ancien directeur de la société indienne C______ LTD, sans mention de son domicile genevois, de ses activités actuelles ou de son statut fiscal. Le détective privé H______ était certes davantage présent dans l'article, en tant que l'un de ceux qui auraient permis de mettre en évidence le développement de l'industrie indienne du piratage mais, quelle que fût sa base, cela n'aurait fait aucune différence, l'article n'étant pas, par exemple, consacré aux agences de renseignement privées suisses.

En conséquence, les conditions posées par la jurisprudence n'étaient pas réunies, aucun indice n'accréditant la thèse selon laquelle E______ aurait spécialement visé un lectorat suisse et, en application des règles de for, la compétence des autorités suisses n'était pas donnée, ce qui conduisait au refus d'entrer en matière, conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP.

D. a. Dans son recours, A______ expose que l’article établit un lien immédiat avec Genève, dont le nom apparaît deux fois, et avec la Suisse, citée à trois reprises, et ce en lien direct avec lui. Pour rédiger cet article, l’auteur s’était rendu à Genève pour y rencontrer le détective H______, qui y vit et y travaille, dont le nom apparaît 39 fois dans l’article et dont les déclarations constitueraient le fondement même de l’article. Il y avait donc d’évidents liens de rattachement entre l’article litigieux et la Suisse. D______ avait de nombreux abonnés en Suisse pouvant parfaitement lire des articles publiés en anglais. Ainsi, une partie significative du récit était à Genève et traitait d’un sujet de pertinence locale et ciblait indubitablement une portion du public suisse, ou du moins genevois, ce que l’auteur de l’article ne pouvait ignorer. C’était en conséquence à tort que le Ministère public genevois avait décliné sa compétence à raison du lieu.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur les faits dénoncés dans sa plainte, faute de compétence des autorités suisses.

3.1.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. b CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort, notamment, de la dénonciation qu'il existe des empêchements de procéder. La mise en mouvement de l'action publique peut en effet se heurter à des obstacles permanents ou définitifs, qui entraînent une fin de non-recevoir (JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 11 ad art. 310). L'incompétence des autorités pénales suisses à raison du lieu est constitutive d'un empêchement définitif de procéder selon l'art. 310 al. 1 let. b CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1355/2018 du 29 février 2019 consid. 4.5.1; 6B_127/2013 du 3 septembre 2013 consid. 4; ACPR/488/2014 du 31 octobre 2014 consid. 2.1).

3.1.2. Si l'une des conditions d'exercice de l'action publique fait défaut – ce qui doit être examiné d'office et à tous les stades de la procédure –, la poursuite pénale ne peut être engagée, ou bien, si elle a été déclenchée, elle doit s'arrêter. L'autorité doit clore le procès par une décision procédurale, notamment une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 al. 1 let. b CPP; ACPR/54/2013 du 7 février 2013; G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3ème édition, Genève 2011, p. 537 n. 1553 et 1555). Le ministère public rend donc une ordonnance de non-entrée en matière en cas d'empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP). Tel sera le cas, notamment, de l'incompétence en raison du lieu ou de la matière (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale, Petit commentaire, 2ème éd. 2016, n. 13 ad art. 310).

3.2.1. À teneur de l'art. 3 al. 1 CP, le Code pénal suisse est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse.

Un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir qu'au lieu où le résultat s'est produit (art. 8 al. 1 CP).

3.2.2. En matière d'infractions commises sur internet, on admet que le lieu de l'acte est celui où se trouve l'auteur au moment d'effectuer les manipulations nécessaires à la diffusion des contenus illicites. Cela étant, ce lieu s'avère, en pratique, délicat, voire impossible à déterminer (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal, Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 17 ad art. 8 et les références citées).

Si la simple faculté d'accéder depuis la Suisse au contenu illicite diffusé sur un site internet ou par le biais d'autres médias transnationaux rend théoriquement concevable un rattachement fondé sur le lieu de survenance du résultat, une telle solution serait cependant insatisfaisante, compte tenu du caractère extrêmement ténu et hasardeux du lien avec la Suisse, ainsi que du risque d'instaurer une forme de compétence universelle déguisée. Pour éviter d'étendre à l'excès la compétence territoriale helvétique dans ce domaine, il convient de ne pas se satisfaire de la simple accessibilité des contenus illicites depuis le territoire helvétique, mais de n'admettre un rattachement territorial que si l'auteur savait et voulait que lesdits contenus soient portés à la connaissance de tiers en Suisse (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op.cit., n. 19 ad art. 8 et les références citées; arrêt de l'autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois du 24 octobre 2016 in RJN 2016 p. 315; arrêt de la Cour de cassation pénale de Genève ACAS/66/04 du 26 novembre 2004 consid. 3.7 in SJ 2005 I p. 465ss).

Outre les domiciles de l'éditeur du site, de l'hébergeur et du fournisseur d'accès, il convient de tenir compte du contenu du site visé, en particulier de la langue dans laquelle les informations sont rédigées et, plus généralement, de tout indice permettant d'identifier le public auquel s'adresse le site concerné. À cet égard, le caractère "ciblé" du public auquel s'adresse l'écrit diffamant sera déterminant, la cible devant présenter un élément du plan de l'auteur (arrêt de la Cour de cassation pénale de Genève ACAS/66/04, op.cit., consid. 3.7; cf. également ACPR/470/2017 du 11 juillet 2017 consid. 5.1; ACPR/540/2019 du 17 juillet 2019 consid. 3.2.2). Seront ainsi pertinents, outre la langue employée, le canal de diffusion utilisé (type de média, "nationalité" des médias en cause) ou le sens objectif du contenu en lien avec des références culturelles ou historiques (A. DYENS, Territorialité et ubiquité en droit pénal international suisse, thèse Lausanne, Bâle 2014, nbp 1371 p. 214; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 61 ad Intro. aux art. 173-178 CP; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op.cit., n. 19 ad art. 8 CP; cf. également S. MUSY, La répression du discours de haine sur les réseaux sociaux, SJ 2019 II 1 ss, p. 18; K. VILLARD, La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP) : réflexions autour d'évolutions récentes, RPS 135/2017 145 ss, p. 169 s.).

3.2.3. L'élément subjectif de l'infraction, soit l'intention délictuelle de l'auteur des propos diffusés sur le réseau, ne devrait donc pas être admis pour la simple raison que l'auteur ne peut ignorer que le site sur lequel les allégations sont diffusées est accessible depuis la Suisse, plus particulièrement depuis le domicile du destinataire des propos (P. GILLIERON, La diffusion de propos attentatoires à l'honneur sur internet, in SJ 2001 II p. 181ss, 182-183; cf. aussi ATF 125 IV 177 consid. 2). En outre, le domicile en Suisse de la personne visée par les propos litigieux (laquelle ne saurait être assimilée au tiers visé par les art. 173 et 174 CP) ne saurait fonder à lui seul la compétence des autorités suisses (arrêt de la Cour de cassation pénale de Genève ACAS/66/04, op.cit., consid. 3.7; cf. également ACPR/470/2017 du 11 juillet 2017 consid. 5.1; ACPR/540/2019 du 17 juillet 2019 consid. 3.2.2).

3.3. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'article litigieux a été rédigé par un journaliste américain et publié sur le site internet du média américain www.D______.com, de sorte que la compétence des autorités suisses n'est a priori pas donnée, conformément au principe de la territorialité (art. 8 al. 1 CP).

Il convient toutefois de déterminer si, au vu des principes jurisprudentiels susvisés, son auteur avait pour intention de cibler le public suisse, de manière spécifique.

Tout d'abord, il y a lieu de relever, à l'instar du Ministère public, que le fait que l'article publié sur le site susvisé soit accessible depuis la Suisse ne suffit pas à considérer que son auteur savait et voulait qu'il soit lu par un public helvétique, sauf à y créer un "for universel" pour l'ensemble des publications qui y sont disponibles.

En outre, ce média concerne principalement une clientèle anglophone et n'a pas de lien particulier avec la Suisse. À cet égard, ni Genève ni la Suisse ne sont visés par l'article incriminé, sinon pour dire que son auteur a bu un café avec un détective à Genève et lui a parlé, ce qui ne met pas en cause le recourant. Le journaliste n'évoque par ailleurs aucune thématique concernant Genève, la Suisse, ni l’activité que le recourant y déploierait ni même son lieu de résidence. L’article est essentiellement focalisé sur des faits se déroulant en Inde et la référence au recourant est explicitement faite au regard d’une activité fort ancienne, ne s’étant déroulée qu’en Inde. Rien ne permet dès lors de retenir que le public suisse en général, ou une catégorie de personnes se trouvant en Suisse, fasse partie des destinataires prévisibles de l'article aux yeux de son auteur.

Tous ces éléments tendent ainsi à démontrer que l'article incriminé était avant tout destiné à un lectorat anglophone, sans que l’on trouve trace d’une vocation à être lu en Suisse. Que de nombreux résidents en Suisse lisent l'anglais n'est pas non plus relevant. Cet article concerne essentiellement l’attitude du citoyen indien I______ au regard du piratage du compte du citoyen américain F______, leurs noms apparaissant respectivement 47 et 35 fois dans cet article.

Il n’y a donc aucun lien entre les faits relatés et la Suisse ou Genève et le seul élément que relève le recourant, à savoir son domicile, n’apparaît nulle part dans l’article incriminé. Le café partagé à Genève entre un rédacteur et un détective et la discussion qu’ils ont eue, soit les deux seuls éléments en rapport avec cette ville, auraient pu se dérouler n’importe où ailleurs et ne peuvent fonder la compétence des autorités helvétiques.

Les autorités judiciaires pénales suisses, respectivement genevoises, ne sont donc manifestement pas compétentes pour poursuivre les infractions dénoncées par le recourant. Partant, il existe un empêchement de procéder, au sens de l'art. 310 al. 1 let. b CPP, justifiant une non-entrée en matière.

3.4. En vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, la substitution de motifs ne viole pas le droit d'être entendu d'une partie lorsque celle-ci pouvait raisonnablement prévoir l'application d'une autre norme juridique (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1335/2015 du 23 septembre 2016 consid. 2.3 et 1B_137/2012 du 25 juillet 2012 consid. 4.3).

Le recourant ayant motivé son recours s'agissant de l'empêchement de procéder, son droit d'être entendu n'est pas violé, quelle que soit la lettre de l'art. 310 CPP prise en considération.

La décision du Ministère public ne prête en conséquence pas le flanc à la critique et sera confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1’200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD, juge, Monsieur Louis PEILA, juge suppléant; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17566/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

     

Total

CHF

1'200.00