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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4523/2023

ACPR/609/2024 du 20.08.2024 sur OCJMI/196/2024 ( JMI ) , REJETE

Descripteurs : LEX MITIOR;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;INFRACTIONS CONTRE L'INTÉGRITÉ SEXUELLE
Normes : aCP.189; aCP.191; CPP.319; CP.2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4523/2023 ACPR/609/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 20 août 2024

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocat,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 25 juin 2024 par le Tribunal des mineurs,

 

et

C______, représenté par Me D______, avocat,

LE TRIBUNAL DES MINEURS, rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève - case postale 3686, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 8 juillet 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 juin 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Juge des mineurs a classé la procédure.

La recourante conclut à l'annulation de ladite ordonnance, au renvoi du dossier au Tribunal des mineurs, afin qu'il procède à l'audition de plusieurs personnes, qu'elle énumère, et qu'il poursuive C______ pour actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 aCP), subsidiairement contrainte sexuelle (art. 189 aCP). Elle sollicite une indemnité équitable de CHF 162.15 (1h d'activité de stagiaire plus la TVA) pour les frais relatifs au recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 24 août 2022, A______, née le ______ 2001, a déposé plainte pénale auprès de la police pour des contraintes sexuelles subies lors d’une soirée alcoolisée, le 5 mai 2017, alors qu’elle était encore mineure. Depuis un certain temps, elle repensait beaucoup à ce qui lui était arrivé et avait des flashbacks. E______, qui était présent, lui avait raconté, en avril 2022, ce qu'il s'était passé.

En 2016, elle avait entamé une procédure contre son oncle pour des attouchements dont elle avait été victime. Pour fuir la réalité, elle consommait à cette époque beaucoup d’alcool et de cannabis. F______, qui était son amie, avait organisé la soirée à laquelle E______ devait participer, soit une occasion pour elle de flirter avec lui. C______, G______, dit G______, H______ et I______ avaient également participé à cette soirée.

La soirée avait débuté au bord du Rhône, en bas de J______ [GE], vers 22h30. Elle avait bu une quantité de vodka telle qu'elle avait fait un coma éthylique. En début de soirée, elle avait dansé avec E______, qui avait voulu la faire boire et lui avait mis la bouteille dans la bouche. La dernière scène dont elle se souvenait était le moment où elle avait cessé de danser avec lui. Elle avait eu besoin de s'allonger et s'était couchée sur le sol. E______ souhaitait qu'elle danse avec G______, mais elle ne l'avait pas voulu, ne se souvenant pas si elle l’avait verbalisé. Puis elle s’était "éteinte", avait eu un "blackout".

Elle s’était réveillée dans son lit, sans comprendre comment elle y était parvenue, vêtue de son manteau et de ses baskets. Elle s'était urinée dessus et avait du vomi dans les cheveux.

Le lendemain 6 mai 2017, F______ lui avait dit qu’elle avait embrassé I______ et G______. Elle ne s'en souvenait pas et ne trouvait pas cela cohérent, puisque c'était E______ qui lui plaisait. Puis, elle avait pris une douche – F______ lui avait tenu compagnie dans la salle de bains – et avait constaté qu’elle avait "mal partout", comme des courbatures, aux jambes, au bas du ventre ainsi qu’aux bras. Elle avait des bleus sur l’avant des cuisses. Elle avait remarqué que "de l’herbe s’était enfoncée dans [s]on anus", ce qui l'avait amusée dans un premier temps. Elle avait dit à son amie qu’elle avait eu "de l’herbe dans le cul", ce qu'elle savait, dans son for intérieur, ne pas être normal. Cela lui avait "pris 2 ans pour comprendre ce qu'il s'était passé, pour l’admettre et l’assumer".

Ultérieurement, E______ et F______ lui avaient raconté qu’elle était tombée dans le Rhône et que G______ avait dû la soulever.

Le 6 mai 2017, le même groupe avait fait une deuxième soirée, à laquelle plusieurs autres garçons – une quinzaine en tout – avaient participé. Elle était, avec F______, la seule fille présente. Elle avait refusé de boire de l'alcool, malgré l'insistance des garçons et la menace de ne plus la convier à leurs soirées. F______ en avait consommé au point de perdre connaissance. À un moment donné, G______ avait dit à F______ que si elle ne se levait pas, il lui "met[trait] un doigt dans le cul", ce qui avait fait rire tout le monde. Constatant que F______ était très mal, les garçons étaient partis. Une quinzaine de minutes plus tard, G______ était revenu avec un ami, qui n’était pas présent plus tôt, pour l'aider à s’occuper de F______, qui avait finalement repris ses esprits. Elles étaient rentrées chez elles et n’avaient plus jamais parlé de la soirée du 5 mai 2017.

Dans le courant de l’été 2017, elle avait vu E______ à deux reprises et ils avaient couché ensemble. Ils avaient évoqué la soirée du 5 mai 2017 et E______ lui avait dit qu’il voulait qu’elle connaisse la vérité et qu’elle avait été "comme morte par terre". Cependant, elle n’avait pas voulu entendre la suite et avait coupé court à la discussion, ne voulant pas savoir ce qu'il s'était passé, du fait de la procédure en cours contre son oncle. Elle se sentait fautive, comme si elle ne s'était pas assez protégée pour éviter cette agression.

Les mois passant, elle avait conservé des contacts sur les réseaux sociaux avec certains des garçons présents lors de ces soirées. Environ un an plus tard, G______ lui avait fait du "rentre dedans" sur SNAPCHAT.

Courant octobre ou novembre 2018, elle avait entendu une rumeur selon laquelle une certaine K______ avait subi "un abus collectif de la part du même groupe", soit I______, E______ et G______. Ils l'avaient fait boire, puis s'étaient livrés à des préliminaires et l’avaient touchée, alors qu’elle était ivre.

Depuis la fin 2019 - début 2020, elle avait commencé à faire des cauchemars, dans lesquels elle se voyait par terre, au milieu de l’herbe, en culotte. I______ l’embrassait puis lui "mettait des doigts dans le vagin". Ce dernier et C______ participaient à tour de rôle à cette agression. D'autres scènes lui revenaient, lors desquelles H______ se trouvait sur elle, sans qu'elle ne puisse préciser ses actes. Elle se souvenait que I______ l’avait embrassée lorsqu’elle était inconsciente et que H______ lui avait mis des doigts dans le vagin. Elle se souvenait aussi que G______ rigolait et lui avait mis son pénis dans la bouche, alors qu'elle était endormie par terre, incapable de bouger et d’articuler un seul mot.

Elle avait pour autre souvenir qu'en rentrant avec F______ à l’issue de la soirée du 5 mai 2017, elles s’étaient arrêtées dans les toilettes du parc L______. Son amie avait essayé de baisser son pantalon et c’était là qu’elle s’était uriné dessus, et même sur les chaussures de son amie, car son pantalon était trop serré.

En été 2020, elle avait cessé tout contact avec les personnes précitées. Avec tous ses flashbacks, elle se sentait mal, avait honte et s’estimait coupable. Elle n’avait, par honte, pas parlé tout de suite à sa psychologue des événements décrits dans sa plainte.

En mars ou avril 2022, E______ avait repris contact avec elle. Ils s’étaient vus car il voulait s’excuser pour ce qu'il s'était passé le 5 mai 2017. Il avait dit ne rien avoir fait, mais avoir vu H______ et I______ sur elle. Ils en avaient parlé entre eux et s’étaient dit qu’ils "avaient abusé et qu’ils avaient été loin". Elle avait ensuite coupé les ponts avec E______, car cela l’empêchait de "passer au-delà de ce qu’il s’était passé".

Quelques jours avant son dépôt de plainte, elle avait contacté F______ pour lui demander de témoigner. Celle-ci avait dans un premier temps dit qu’elle voulait l’aider, puis lui avait demandé de ne pas déposer plainte contre ses amis E______ et G______. Elle avait ajouté qu’elle-même l’avait "cherché et qu’elle avai[t] dansé avec G______" [G______].

b. Devant la police le 19 janvier 2023, F______, née le ______ 2001, a confirmé avoir participé, le 5 mai 2017, dès 19h-20h, à une soirée aux abords du Rhône, avec A______, E______, G______, I______, H______ et C______. Ils avaient consommé notamment de la vodka. Elle s’était un peu éloignée du groupe avec H______ pour flirter. Ils s'étaient touchés mutuellement et embrassés. Elle avait aperçu A______ couchée par terre, comme si elle avait la tête qui tournait et voulait se reposer. Les autres s’étaient remis à boire. Durant la soirée, A______ avait dansé "sur les garçons", se plaçant devant eux et collant ses fesses contre eux, habillée, portant sauf erreur un jeans clair. Alors que la nuit était tombée, A______ avait la tête qui tournait et tombait par terre. Plusieurs garçons l’avaient aidée à remonter le sentier abrupt et glissant partant des berges du Rhône. Arrivés en haut, les garçons étaient partis et E______ avait raccompagné A______ chez elle.

Elle n’avait pas vu des garçons "faire des choses à A______". Celle-ci l’avait contactée plusieurs mois plus tôt pour lui dire qu’elle voulait déposer plainte pénale car certains l’avaient "touchée".

Elle avait – sans préciser à quel moment – accompagné A______ aux toilettes et l’avait soutenue pour qu’elle puisse uriner.

Le lendemain, elle s’était rendue chez la précitée dans l’après-midi. Celle-ci avait pris une douche et en était ressortie en lui montrant de l’herbe qu’elle avait sur son corps, disant en rigolant qu’elle pensait qu’elle se trouvait dans ses fesses.

Puis, elles s’étaient rendues à une soirée à laquelle participaient les mêmes personnes que la veille. Elle y avait passablement consommé d’alcool et avait eu la tête qui tournait. G______ était venu l’aider à se relever et avait demandé à A______ de la raccompagner chez elle.

Elle avait perdu de vue les mis en cause depuis un certain temps. A______ avait été une amie du temps du cycle d’orientation. Elles s’étaient brouillées par la suite car celle-ci avait ébruité des confidences qu’elle lui avait faites.

À la question de savoir si elle n'avait pas vu ce qui s'était passé ou si A______ avait menti, elle a répondu qu'elle ne s'en rappelait en tout cas pas; elle ne pensait pas que son amie avait menti. Elle n'avait pas vu ce qui s'était passé "c'est tout".

c. Entendu par la police le 7 février 2023, E______, né le ______ 2000, a expliqué qu'il était scolarisé dans le même établissement que A______. Celle-ci avait dit à F______, une amie commune, qu’elle le trouvait beau et ils avaient décidé d’organiser la soirée du 5 mai 2017, au bord du Rhône, non loin de son domicile. C'était la première fois qu'il la rencontrait.

A______ s’était directement dirigée vers I______ et lui-même ne l’avait "pas vraiment calculée" pendant la soirée. Ils s’étaient davantage rapprochés à partir du lendemain. A______ avait embrassé I______ et ils avaient fait "des choses de leur côté", soit, selon ses souvenirs, s’étaient embrassés. Tout le monde avait bien bu. A______ s’était retrouvée allongée par terre, à dormir. Elle n'était pas dans un coma éthylique, ce qu’il pouvait affirmer pour avoir vu des personnes dans cet état et dû appeler une ambulance. Il n’avait pas vu A______ en culotte et seul I______ l’avait embrassée.

Une autre soirée avait eu lieu deux jours plus tard avec les mêmes participants, excepté C______. Rien ne s’était produit à cette occasion.

Lors d’une soirée, ils avaient, avec I______ et H______, entretenu des relations sexuelles avec une prénommée K______, laquelle était "totalement consentante" et avait dormi chez lui. Ils s’étaient revus par la suite.

Il était possible qu’il ait revu A______ au printemps 2020, mais il contestait lui avoir dit que ses amis avaient abusé d’elle le 5 mai 2017. Ne voulant pas la faire passer pour une menteuse, il lui avait dit que si les faits qu’elle avançait s’étaient vraiment produits, "c’était chaud, mais qu[il] ne pensai[t] pas qu’ils avaient fait ça".

Il avait continué à fréquenter A______ jusqu’à l’été 2022, qui était une amie "++" et avec laquelle il avait eu des relations intimes. Mais, du jour au lendemain, elle lui avait dit qu'il n'était plus possible de le revoir car cela lui faisait penser à la soirée du 5 mai 2017.

d. Entendu par la police le 7 février 2023, G______, né le ______ 1999, a déclaré que ses souvenirs de la soirée du 5 mai 2017 étaient flous compte tenu du temps passé. Ils avaient bu de l’alcool et écouté de la musique. Rien de bizarre ne s’était produit.

Durant la soirée, A______ s’était trouvée inconsciente et ils avaient dû l’aider à remonter la berge. Ils avaient continué la soirée "à l'école, du côté de M______".

À réception du mandat de comparution, il avait contacté E______, qui lui avait dit que A______ était une menteuse, qu’elle avait passé la soirée avec I______ et s’étaient faits des câlins et des bisous, bien avant qu'elle se retrouve inconsciente. Elle avait alors vomi par terre. Ils avaient alors pensé "direct" au retour et au fait qu'ils allaient devoir la soulever. Il était impossible de concevoir une agression "devant sa pote".

À la question de savoir si A______ s'était retrouvée sans culotte dans l'herbe, il a répondu qu'il ne savait pas. Personne ne lui avait mis de doigt dans le vagin. Il ne se souvenait pas qu'il lui aurait mis son pénis dans la bouche. Il ne l'avait pas embrassée. Seul I______ l’avait fait, alors qu'elle n’était pas inconsciente. Il n’avait pas vu d’autres actes à caractère sexuel sur A______ et contestait ses allégations. S'il y avait vraiment eu une agression, celle-ci aurait déposé plainte tout de suite. D'ailleurs, le lendemain, ils avaient participé à une soirée identique.

Il ne s'était jamais rendu chez la prénommée K______ et il n'y avait aucune rumeur à son sujet.

e. Entendu par la police également le 7 février 2023, C______, né le ______ 2001, a déclaré être surpris par la convocation. Il en avait parlé avec E______, dans la mesure où il ne se rappelait pas qui était A______, et brièvement avec G______, alors que tous deux attendaient d'être auditionnés.

Il n'était pas resté longtemps à la soirée du 5 mai 2017, soit jusqu'à 22h30 ou 23h, car il avait eu très mal au ventre. Il ne croyait pas la version selon laquelle A______ se serait retrouvée inconsciente alors qu'il était présent. Il n’avait pas embrassé A______ ni n’avait été surpris par son comportement. Personne ne s’était retrouvé en culotte ou dévêtu. Lui-même n’avait eu aucun geste à connotation sexuelle envers la précitée et n’en avait pas constaté, à l'exception que A______ et I______ s’étaient embrassés, debout.

f. Devant la police le 8 février 2023, I______, né le ______ 2000, a déclaré avoir été surpris par sa convocation, qui mentionnait une agression sexuelle, dans la mesure où le 5 mai 2017 avait été une soirée comme une autre. En début de soirée, A______ était venue à sa rencontre et ils s'étaient "draguouillés" et embrassés "avec la langue", debout, un verre à la main. En fin de soirée, celle-ci était "bien bourrée", à l’instar des autres participants, et avait vomi. Elle ne s'était pas retrouvée inconsciente, ce qu’il pouvait attester du fait qu’il était soignant. Il n’avait commis aucun autre acte de nature sexuelle avec A______ et, dans ses souvenirs, était le seul à l’avoir embrassée. Il n’avait pas vu les actes qu'elle avait décrits et ne se souvenait pas qu'elle se serait retrouvée couchée par terre.

C______ était parti bien avant la fin de la soirée. Lui-même était rentré avec E______ et G______, voire F______, qui n'habitait pas loin de chez lui.

En octobre ou novembre 2018, il s'était rendu chez E______ avec H______ et K______. Celle-ci avait entretenu un rapport consenti avec E______, dans sa chambre.

g. H______, né le ______ 2001, a été entendu par la police italienne – audition filmée – par voie de commission rogatoire le 25 mai 2023, dans la mesure où il est domicilié à N______ [Italie].

Le 5 mai 2017, C______ avait rapidement quitté la soirée. Une grande quantité d'alcool avait été consommée. Il avait passé la majeure partie de la soirée en compagnie de son amie F______. Il n’avait pas vu A______ en culotte couchée dans l’herbe dans un état inconscient. Il ne l'avait ni embrassée, ni touchée. Il n’avait pas constaté quiconque avoir des gestes déplacés envers A______.

K______ avait eu des relations sexuelles consenties avec lui et certains de ses amis, mais à des moments différents. Il ne s’agissait aucunement "de violence sexuelle en groupe".

h. Lors d'une audience de confrontation le 28 septembre 2023, au cours de laquelle les mis en cause, à l'exception de H______ – absent –, ont été mis en prévention pour infraction à l'art. 191 aCP, subsidiairement 189 aCP:

- C______ a contesté les faits. Il n’avait eu aucun geste à connotation sexuelle à l'égard de la plaignante, notamment ne lui avait pas mis ses doigts dans le vagin. Il n’avait pas constaté que d’autres avaient eu de tels gestes. Il n’avait par la suite pas entretenu une relation avec la plaignante.

- G______ a indiqué que les faits qui lui étaient reprochés étaient faux. Il n’avait eu aucun geste à connotation sexuelle à l'égard de la plaignante, notamment ne lui avait pas mis son pénis dans la bouche. Il n’avait pas constaté que d’autres avaient eu de tels gestes. La plaignante n’était pas tombée dans le Rhône, car ils l’avaient aidée pour éviter une telle chute. Elle ne s’était pas trouvée dénudée. Il n'avait par la suite pas entretenu une relation avec elle.

- I______ a affirmé que les faits énoncés étaient faux. Ils s'étaient embrassés avec A______ car ils en avaient eu envie les deux, à un moment où celle-ci était debout et non alcoolisée. Excepté ces baisers, il n’avait eu aucun geste à connotation sexuelle à son égard, notamment ne lui avait pas mis ses doigts dans le vagin. Il n’avait pas vu H______ le faire. La plaignante n’était pas tombée dans le Rhône et ne s’était pas trouvée dénudée. Ensuite de cette soirée, il n’avait pas eu de relation avec elle.

- E______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés. Il n’avait pas embrassé A______ durant la soirée, mais celle-ci s’était frottée un peu contre lui en dansant. Il n’avait pas vu de gestes à connotation sexuelle à son égard. Il ne l’avait pas raccompagnée chez elle à la fin de la soirée. Elle n'était pas tombée dans le Rhône, ni ne s’était trouvée dénudée. Par la suite, il avait entretenu avec elle une relation "purement sexuelle".

Il l'avait revue en 2022 et elle lui avait alors fait part de ses flashbacks en lien avec la soirée du 5 mai 2017. Il lui avait dit que si ceux-ci étaient conformes à la réalité, c’était "chaud et grave". Cependant ces faits ne s’étaient pas produits. Il n’avait pas voulu la contredire, car cela la touchait et qu'il avait voulu "passer un bon moment avec elle … et …ne ... pas plomber l’ambiance". Elle se sentait bien à l’époque et lui racontait tout de sa vie privée.

- A______ a confirmé sa plainte et sa constitution de partie plaignante. Après le dépôt de sa plainte, G______, était venu s’asseoir dans un bus à côté d’elle et avait tenté de l’intimider, la regardant en souriant, ce qu'il avait encore fait en descendant du bus. Elle avait aussi ressenti le fait que I______ ait frôlé son épaule, alors qu'elle l'avait croisé au O______ [boîte de nuit], comme une tentative d’intimidation. Dès lors que c’était E______ qui lui plaisait à l’époque, elle contestait avoir embrassé I______ lors de la soirée du 5 mai 2017. Elle était tellement ivre qu'elle était tombée dans le Rhône. Elle avait des flashbacks des événements et ses "souvenirs chang[aient] avec le temps". Elle s’était urinée dessus et se souvenait avoir été aux toilettes avec F______ qui avait essayé de lui baisser son pantalon, ce qui n’avait pas été possible du fait qu’il était humide et trop serré. À son réveil le lendemain, tout habillée, elle était seule.

Lors de la soirée en question, elle s’était trouvée dans un coma éthylique, soit un état d’une personne "inconsciente, incapable de parler, d’ouvrir les yeux et de reprendre connaissance, dû à une grande quantité d’alcool ingérée". Les faits qu’elle dénonçait découlaient de ses souvenirs et de ses flashbacks. E______ l’avait contactée en été 2017 pour lui raconter la soirée, mais elle ne l’avait pas laissé terminer. En 2022, il avait repris contact avec elle et s’était excusé "par rapport à ce qu'il s'était passé ce soir-là avec les garçons", de sorte qu’elle n'avait à la base pas souhaité l’inclure dans sa plainte. Elle ne se souvenait pas des mots exacts qu’il avait utilisés. Si ses "souvenirs changeaient tous le temps", elle était certaine que les actes qu’elle avait décrits à la police s’étaient bien produits.

- F______ a précisé que le 5 mai 2017, personne n’était tombé dans le Rhône. Elle n’avait pas perçu d’actes à connotation sexuelle commis à l’encontre de A______, excepté le fait que celle-ci et I______ se fussent embrassés. A______ ne s’était pas trouvée dénudée. À l’issue de la soirée, elle avait accompagné A______ dans des toilettes, car elle avait "besoin de pisser". Elle ne se rappelait plus des détails. Le lendemain, alors qu'elle avait rejoint A______ pour rejoindre une nouvelle soirée, celle-ci ne lui avait pas parlé d’attouchements qu’elle aurait subis la veille. Elle lui avait dit "quelque chose" par rapport à l'herbe, qui était, sauf erreur, dans ses fesses.

i. Entendus par la police à la demande de la plaignante:

- P______ a expliqué que A______ était une amie depuis 6 ans. À la fin de l’école de culture générale (ci-après, ECG), entre 2016 et 2017, A______ lui était apparue comme bloquée, voulant tout le temps être sous drogue ou alcool, alors qu’auparavant elle était joyeuse et rigolait. Vers 2018, elle avait adopté une autre attitude envers les garçons, les utilisant comme des objets. Elle était souvent triste. Durant la scolarité, elle avait entendu G______ et d'autres personnes de sa classe parler d'une "histoire qui s'était passée au Rhône", d'une fille qui n'était pas dans son état normal. Ils parlaient de F______, et elle ignorait que celle-ci fréquentait A______.

Elle n’avait appris les faits dénoncés par son amie qu’en été 2022 et avait alors compris la raison de sa tristesse. Son amie avait été hospitalisée, sans qu'elle se souvienne si c’était avant ou après qu’elle lui eut parlé de son histoire. Elles s’étaient rapprochées car elles n’étaient pas très bien, se droguaient et buvaient ensemble. Elles faisaient "n’importe quoi".

Également entendue en qualité de victime potentielle d’une infraction contre l’intégrité sexuelle pour qu'elle témoigne du fait, selon la plaignante, qu'un soir, I______ et E______ "l'avaient fait boire de force, voulant la pousser dans une chambre, alors qu'elle ne voulait pas", P______ n'a, à teneur du rapport de renseignements de la police du 9 février 2024, pas souhaité déposer plainte.

- Q______ a expliqué être une amie d’enfance de A______. Elle avait vu son amie se détruire progressivement, ayant beaucoup de colère et d’irritabilité, de sorte qu’elles s’étaient disputées et ne s’étaient plus vues entre l’été 2018 et le mois de février 2019. Puis, un soir, A______ lui avait dit qu’elle avait été violée, sans parvenir à nommer les auteurs. Elle lui avait alors conseillé de déposer plainte. Ultérieurement, A______ avait été témoin d’une situation similaire à celle qu’elle avait vécue, soit d’une amie ayant failli se faire violer, et avait décidé de porter plainte. C'est là qu'elle lui avait donné des noms. Par la suite, A______ l’avait informée de ses rencontres avec E______ – qui avait dit à la précitée qu'il regrettait ce qui s'était passé ce soir-là et ce qu'ils avaient fait – et de ses flashbacks, et elle avait constaté son mal-être. Depuis son dépôt de plainte, elle avait commencé à "se dégrader" encore plus et avait fait des allers-retours en psychiatrie. L'intimidation de, sauf erreur, I______, dans le bus avait été la "goutte de trop dans sa vie".

En octobre 2023 sauf erreur, elle avait croisé K______, qui l'avait remerciée d'être présente pour A______ et lui avait dit avoir également été "victime", mais que c'était une blessure trop profonde pour qu'elle dépose plainte.

- R______, entendue le 5 février 2024, a déclaré que A______ était sa meilleure amie. Elles se connaissaient depuis 10 ans. En 2017, A______ était devenue distante et avait d’autres fréquentations. Il y avait sept ou huit ans, la précitée s'était mise à pleurer et lui avait expliqué, en présence de sa sœur (à elle), avoir subi une agression sexuelle. Elle n’avait pas voulu nommer ses agresseurs. Elle-même aurait pu en deviner l'identité, car ces garçons avaient une mauvaise réputation avec les filles. A______ lui avait expliqué que lors d’une soirée au bord du Rhône elle s’était retrouvée inconsciente et s’était trouvée le lendemain avec "plein de sperme", "de l’herbe et du sperme au niveau de ses parties génitales", sans savoir ce qu'il s'était passé. Puis, elle avait eu des flashbacks et s’était mise à poser des questions par messages à "F______" et un tiers, qui l’avaient amenée à se convaincre de la réalité des faits. Elle lui avait montré des messages qu’elle avait échangés avec les gens au cours de son enquête. R______ a aussi évoqué les attouchements dont A______ aurait été victime de la part de son oncle.

j. Il ressort du rapport de renseignements du 9 février 2024 qu'à la demande de la plaignante :

- R______ avait également été entendue en qualité de victime potentielle d’une infraction contre l’intégrité sexuelle au motif "qu'elle aurait failli se faire violer par H______";

- Q______ a aussi été entendue par la police en qualité de victime potentielle d’une infraction contre l’intégrité sexuelle au motif que I______ "l'aurait harcelée sexuellement";

étant précisé que ces déclarations n'ont pas été versées à la procédure.

- K______, dont l’audition était requise au motif que I______, E______ et H______ "l'auraient violée dans des circonstances qui ressemblent à celles des faits", ainsi que "sur la raison pour laquelle elle n'a pas porté plainte", avait déjà été contactée par la police ensuite du dépôt de plainte de A______ en 2022 et avait refusé de parler, expliquant qu’elle avait "tourné la page". Approchée à nouveau par la police le 11 janvier 2024, elle avait déclaré ne pas vouloir déposer plainte et ne pas vouloir "être dans ces histoires".

k. À la suite de l’avis de prochaine clôture du 19 avril 2024, A______ a derechef sollicité l’audition de différentes personnes pouvant attester de comportements jugés intimidant à son égard de la part de I______ et G______, à fin avril 2023, de même que de sa thérapeute et de K______.

C. Dans l'ordonnance querellé, le Juge des mineurs a retenu qu'une mise en accusation des prévenus était vouée à l’échec.

La plaignante avait déposé plainte presque six ans après les faits et disait n'avoir quasi aucun souvenir de la soirée en raison d’une consommation excessive d'alcool. Sa plainte résultait de discussions qu’elle avait eues avec E______ durant l'été 2017, de flashbacks, de cauchemars, deux ou trois ans après les faits, d’un mal-être persistant. S'y ajoutait la sensation de courbatures et l'herbe trouvée dans ses fesses, le lendemain de la soirée, à son réveil. Elle avait concédé que ses "souvenirs changeaient tout le temps".

Elle traversait déjà à l’époque des faits dénoncés une période compliquée, marquée par une consommation excessive d’alcool et de stupéfiants, en relation avec une procédure pour des abus sexuels antérieurs, période durant laquelle elle avait été hospitalisée.

Il était établi qu'elle avait entretenu une relation avec E______ jusqu’en avril 2022.

Les prévenus avaient constamment contesté toute contrainte sexuelle et décrit des comportements sexuellement connotés lors de cette soirée, impliquant tant la plaignante que F______. Celle-ci, seule témoin présente, n’avait constaté aucune forme de contrainte sexuelle au détriment de la plaignante. La plaignante et I______ s’étaient selon elle embrassés, ce que ce dernier admettait, mais que contestait A______.

Seule la partie plaignante affirmait être tombée dans le Rhône. Ses déclarations à R______ ne concordaient pas avec les éléments de sa plainte ni de la procédure, puisqu'elle n'avait jamais évoqué s’être retrouvée le lendemain matin recouverte "avec plein de sperme", "de l’herbe et du sperme au niveau de ses parties génitales".

Ainsi, les déclarations de la partie plaignante étaient trop peu détaillées, vagues et imprécises. Ses nouvelles réquisitions de preuve ne sauraient remédier à ce constat. Une partie concernait des faits survenus à fin avril 2023 et l’audition de sa thérapeute n’était pas de nature à élucider les faits, dans la mesure où sa patiente ne s’était que tardivement confiée à elle, où son mal-être était préexistant à la soirée en cause et où cette thérapeute n'y avait pas participé et était sa confidente.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que le Juge des mineurs n'avait à tort donné aucune suite à ses demandes d'audition des 16 mai et 21 juin 2024, de sa thérapeute, de sa belle-sœur, d'une connaissance de I______, E______ et H______ – qui pouvait témoigner des agressions sexuelles qu'elle avait subies de leur part –, d'une amie témoin des faits survenus au O______ dans la nuit du 22 au 23 avril 2023 impliquant I______, et de l'ami auquel elle avait relaté comment G______ l'avait intimidée le 24 avril 2023, ce qui permettrait de comprendre son hospitalisation. Ces auditions, faciles à mettre en œuvre, s'imposaient d'autant plus que les faits reprochés étaient graves et qu'il en allait de son intégrité sexuelle et psychique, son équilibre étant grandement fragilisé à la suite de l'agression et du prononcé du classement.

Aucun des prévenus n'avait pu expliquer, lors de l'audience du 28 septembre 2023, pour quelle autre raison elle aurait déposé plainte. Elle n'avait aucun intérêt à le faire et il était fréquent que des victimes d'agression sexuelle prennent du temps avant le dévoilement.

Bien qu'inconsciente au moment de l'agression, ses souvenirs, mélangés à ses cauchemars et ses flashbacks, s'étaient en très grande partie révélés vrais, puisqu'elle s'était retrouvée par terre au milieu de l'herbe, que tous avaient dit que I______ l'avait embrassée et qu'elle était allée dans les toilettes du parc L______ avec F______. C'était d'ailleurs troublant qu'elle livre une description aussi détaillée de ce moment.

L'ordonnance querellée ne disait mot de la découverte d'herbe dans son anus, alors qu'elle se douchait, confirmée par F______. Il était plus vraisemblable que sa culotte ait été retirée lors de la soirée, contrairement à ce qu'avaient déclaré tous les prévenus.

Le Juge des mineurs ne tirait aucun constat de ses discussions avec E______ en été 2017, puis entre mars et avril 2022. C'était après la seconde de ces discussions qu'elle avait eu le courage de porter plainte.

Les prévenus avaient pu parler entre eux avant d'être auditionnés. Il était troublant qu'ils disent tous la même chose, sans apporter de quelconque détail personnel. Leurs déclarations perdaient en crédibilité. F______, qui pourtant ne lui parlait plus depuis 2018 et était plus proche de certains prévenus, avait confirmé qu'elle-même lui avait montré de l'herbe enfouie dans ses fesses, qu'elle ne pensait pas qu'elle avait menti et avait été gênée lorsqu'elle avait dû s'expliquer le 19 janvier 2023 sur des messages qu'elle lui avait envoyés ("Ce jour jai été abise – Comme tpi – Toi").

K______ n'avait pas démenti à la police avoir été victime d'abus sexuels, alors qu'elle était ivre, de la part de E______, I______ et H______, puisqu'elle avait déclaré avoir "tourné la page".

Les séquelles laissées par cette soirée étaient considérables et elle avait été choquée en avril 2023 de voir I______ et G______, au point de tenter de se suicider.

Les prévenus devaient être poursuivis en application du principe in dubio pro duriore.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 3 al. 1 PPMin; 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance du Tribunal des mineurs sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 39 al. 1 PPMin; 393 al. 1 let. b CPP) et émaner de partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante soutient que c'est à tort que le Juge des mineurs a classé la procédure sous l'angle d'une infraction à l'art. 191 aCP, subsidiairement 189 aCP.

3.1. En vertu de l'art. 319 al. 1 let. b CPP, la cause doit être classée quand les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réalisés.

Cette norme s’interprète à la lumière du principe in dubio pro duriore, lequel impose, dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur le récit de la victime, auquel s'oppose celui de l’auteur, et que ces récits sont d’une crédibilité équivalente, que le prévenu soit mis en accusation. Cela vaut en particulier pour les infractions commises contre l'intégrité sexuelle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.1 et 2.2).

Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu, le principe précité impose, en règle générale, que ce dernier soit mis en accusation. Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation, mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2). L'autorité de recours ne saurait ainsi confirmer un classement au seul motif qu'une condamnation n'apparaît pas plus probable qu'un acquittement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1381/2021 du 24 janvier 2022 consid. 2; 6B_258/2021 du 12 juillet 2021 consid. 2.2).

Il peut néanmoins être renoncé à une mise en accusation si la victime fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles, lorsqu'une condamnation apparaît, au vu de l'ensemble des circonstances, a priori improbable pour d'autres motifs, ou lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre des versions opposées des parties comme étant plus ou moins plausible et qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 6B_957/2021 du 24 mars 2022 consid. 2.3).

3.2. Selon le Tribunal fédéral, le temps écoulé depuis le déroulement des faits ne suffit pas pour rendre une ordonnance de non-entrée en matière sur une infraction dont la prescription n'a largement pas été atteinte, étant précisé qu'il est fréquent que les victimes d'abus sexuels prolongés n'en parlent pas, ou seulement longtemps après les faits; elles en sont empêchées par des sentiments de souffrance, d'humiliation et de honte (arrêt 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 5.7).

3.3.1. L'art. 2 CP délimite le champ d'application de la loi pénale dans le temps. L'al. 1 pose le principe de la non-rétroactivité, en disposant que la loi ne s'applique qu'aux infractions commises après son entrée en vigueur. L'al. 2 fait exception à ce principe pour le cas où l'auteur est mis en jugement sous l'empire d'une loi nouvelle; en pareil cas, cette dernière s'applique si elle est plus favorable à l'auteur que celle qui était en vigueur au moment de la commission de l'infraction (lex mitior).

3.3.2. En l'espèce, le droit en vigueur au moment des faits, en mai 2017, s'applique, à savoir antérieur à la modification du code pénal en vigueur dès le 1er juillet 2024.

3.4. Enfreint l'art. 191 aCP celui qui, sachant qu’une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l’acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d’ordre sexuel.

3.4.1. Le but de l'art. 191 aCP est de protéger les personnes qui ne sont pas en état d'exprimer ou de manifester physiquement leur opposition à l'acte sexuel. L'art. 191 aCP vise une incapacité de discernement totale, qui peut se concrétiser par l'impossibilité pour la victime de se déterminer en raison d'une incapacité psychique, durable (p. ex. maladie mentale) ou passagère (p. ex. perte de connaissance, alcoolisation importante, etc.), ou encore par une incapacité de résistance parce que, entravée dans l'exercice de ses sens, elle n'est pas en mesure de percevoir l'acte qui lui est imposé avant qu'il ne soit accompli et, partant, de porter jugement sur celui-ci et, cas échéant, le refuser (ATF 133 IV 49 consid. 7.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_10/2014 du 1er mai 2014 consid. 4.1.1).

Une incapacité de résistance peut être retenue lorsqu'une personne, sous l'effet de l'alcool et de fatigue ne peut pas ou que faiblement s'opposer aux actes entrepris (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_238/2019 du 16 avril 2019 consid. 2.1; 6B_232/2016 du 21 décembre 2016 consid. 2.2; 6B_128/2012 du 21 juin 2012 consid. 1.4). L'infraction n'est en revanche pas réalisée si c'est la victime qui a pris l'initiative des actes sexuels ou qu'elle y a librement consenti (arrêt du Tribunal fédéral 6B_762/2018 du 14 décembre 2018 consid. 2.2).

3.4.2. Sur le plan subjectif, l'art. 191 aCP est une infraction intentionnelle. Il appartient au juge d'examiner avec soin si l'auteur avait vraiment conscience de l'état d'incapacité de la victime. Le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_762/2018 précité, consid. 2.2).

3.5. Selon l'art. 189 aCP, celui qui aura contraint autrui à subir un acte d'ordre sexuel, notamment en usant de menace envers une personne ou en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique, se rend coupable de contrainte sexuelle.

Les éléments constitutifs objectifs de cette infraction sont ainsi la réalisation d'un acte d'ordre sexuel non-consenti au moyen d'une contrainte (ATF 148 IV 234 consid. 3.3 ; 122 IV 97 consid. 2b ; 119 IV 309 consid. 7b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_924/2022 du 13 juillet 2023 consid. 2.2.1).

Sur le plan subjectif, la contrainte sexuelle est une infraction intentionnelle ; l'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité (ATF 148 IV 234 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_924/2022 du 13 juillet 2023 consid. 2.2.2 ; 6B_808/2022 du 8 mai 2023 consid. 3.2 ; 6B_803/2021 du 22 mars 2023 consid. 7.1.1).

3.6. En l'espèce, il est constant que la plaignante, une amie et les cinq mis en cause ont passé une soirée le 5 mai 2017 au bord du Rhône, au cours de laquelle tous ont passablement bu de l'alcool. La première s'est retrouvée dans un état tel qu'elle a dû s'allonger au sol. Elle soutient avoir été victime d'un coma éthylique, alors que E______ et elle-même dans sa plainte, ont dit qu'elle s'était endormie, G______ ayant toutefois déclaré qu'elle était inconsciente à un moment donné, au point qu'ils allaient devoir la soulever et l'aider à remonter du bord du Rhône au quartier de M______.

Le principe jurisprudentiel commandant qu'en cas de doute, particulièrement en cas d'actes perpétrés "entre quatre yeux", la cause devrait être soumise à l'appréciation du juge du fond, n'est pas absolu. Même en présence d'infractions graves, notamment en matière sexuelle, le Tribunal fédéral admet qu'un classement puisse se justifier, en particulier lorsque les éléments du dossier permettraient déjà à ce stade de considérer qu'une mise en accusation aboutirait à un acquittement avec une vraisemblance confinant à la certitude (cf. par exemple arrêt du Tribunal fédéral 6B_277/2021 du 10 février 2022).

Tel est le cas en l'occurrence.

Si les faits en cause, à savoir des actes d'ordre sexuel que la plaignante dit lui avoir été imposés alors qu'elle se trouvait sous l'effet de l'alcool, sont graves, le prononcé d'un classement s'impose néanmoins pour les raisons qui suivent.

La recourante explique avoir réussi à déposer plainte pénale après que, en mars ou avril 2022, E______ avait repris contact avec elle pour, selon elle, s'excuser pour ce qu'il s'était passé le 5 mai 2017, à savoir qu'il aurait vu H______ et I______ "sur elle". Ils en auraient parlé entre eux et se seraient dit qu’ils "avaient abusé et qu’ils avaient été loin". Elle ne s'est toutefois rendue à la police que quatre mois plus tard, en août 2022.

S'agissant des actes dont la plaignante a déclaré avoir été victime dans la soirée du 5 mai 2017, elle n'a pu en donner qu'une description très vague, sur la base de cauchemars, de flashbacks et de rares souvenirs. Le fait qu'elle ait dansé avec E______ relève de ses souvenirs, des déclarations de celui-ci – qui a déclaré qu'elle s'était "frottée" à lui –, et éventuellement de son amie, qui a dit l'avoir vue danser "sur les garçons, se plaçant devant eux et collant ses fesses contre eux". Ces actes, et la plaignante ne le soutient pas, ne sauraient être qualifiés pénalement.

La plaignante indique avoir vu dans ses rêves C______ avait participé à l'agression. Elle n'a pas donné davantage de détail. Selon E______, C______ et la plaignante se seraient embrassés. Il ressort de la procédure C______ a quitté la soirée environ 1h-1h30 après son arrivée. Toujours dans ses rêves, H______ s'était placée sur elle et avait mis des doigts dans son vagin, I______ ayant également introduit ses doigts dans son intimité. Concernant ce dernier, elle se souvenait qu'il l'avait embrassée. Ce dernier souvenir [s'être embrassés] correspond à ce que F______ a dit avoir constaté, tout comme E______ et G______. F______ a encore indiqué que la plaignante avait embrassé G______, et l'intéressée dit se souvenir qu'il avait mis son pénis dans sa bouche. G______ a indiqué ne pas se souvenir l'avoir fait – à la police – pour ensuite – devant le Juge des mineurs – contester l'avoir fait.

Ainsi, le récit donné par la plaignante près de six ans après les faits manque de précision. Il n'est corroboré que pour une petite partie par certains des protagonistes présents, s'agissant du fait qu'elle ait dansé et embrassé l'un ou l'autre, alors qu'elle se tenait encore debout. Quand bien même l'explication de l'imprécision de son récit serait à trouver dans son alcoolémie massive et l'écoulement du temps, les déclarations des uns et des autres ne suffisent pas à fonder le soupçon que certains des garçons présents à la soirée se seraient livrés sur la plaignante à des actes d'ordre sexuel alors qu'elle aurait été inconsciente.

Le fait que tant la plaignante que son amie présente aient le souvenir que toutes deux se soient rendues dans des toilettes [du parc] L______ ne suffit pas à renverser ce constat. Ce souvenir est tout au plus à même de soutenir la version de la plaignante selon laquelle elle était alcoolisée au point d'avoir besoin d'aide pour aller se soulager et qu'elle n'a pas pu baisser son jeans à temps. Cet épisode démontre au demeurant qu'elle était alors apte à se rendre, certes avec une aide, aux toilettes.

La découverte d'herbe "dans son anus" le lendemain des faits, au moment de prendre sa douche – ce que F______, présente dans la salle de bains, a confirmé pour avoir entendu la plaignante faire cette remarque et vu de l'herbe "sur son corps" – est certes un élément troublant. Il ne suffit toutefois pas, au vu de ce qui vient d'être développé, à mettre suffisamment en cause l'un ou l'autre des jeunes présents lors de la soirée pour des actes d'ordre sexuel intervenus alors que la jeune fille aurait été hors d'état de résister. Tous ont déclaré ne pas avoir vu la plaignante dévêtue de son jeans et de sa culotte. Si leurs dires, notamment sur ce point, doivent être pris avec circonspection vu leur mise en cause, et les nombreuses années durant lesquelles ils ont pu s'accorder sur une version commune, F______, qui était alors pourtant l'amie de la plaignante, n'a pas prétendu qu'elle aurait vu celle-ci sans ses vêtements au cours de la soirée. Sur la présence d'herbe encore sur le corps de la plaignante, il sera relevé que cette dernière s'est ouverte d'une agression au bord du Rhône à son amie R______ "sept ou huit ans" avant que celle-ci ne dépose à la police. Ce serait donc rapidement après la soirée du 5 mai 2017 que toutes deux en auraient parlé. La plaignante aurait dit à ce témoin avoir découvert à la suite des faits "plein de sperme", "de l’herbe et du sperme au niveau de ses parties génitales". Or, la plaignante n'a à aucun moment de la procédure fait état de sperme. Ici encore, les différentes versions livrées par la plaignante ne permettent pas de retenir un état de fait suffisamment précis à l'appui de ses accusations contre les prévenus.

Quant aux douleurs et courbatures que la plaignante dit avoir ressenties à son réveil, de même que les bleus qu'elle aurait présentés sur ses cuisses, ils peuvent s'expliquer par la manière dont elle a été remontée du bord du Rhône au quartier de M______, par un sentier "abrupt et glissant" (F______), avec notamment l'aide de G______.

Au rang des éléments objectifs, il n'existe aucun rapport au dossier, en particulier de constat de lésions traumatiques.

Nul ne remet en cause le profond mal-être dont la recourante souffre depuis les faits dénoncés à l'encontre de son oncle en 2016, à savoir "une période compliquée, marquée par une consommation excessive d’alcool et de stupéfiants […] durant laquelle elle avait été hospitalisée". Ceci peut expliquer que, quand bien même elle aurait mal vécu en définitive la soirée du 5 mai 2017, elle se soit rendue le lendemain à une soirée identique avec les mêmes protagonistes.

Il n'est de même pas question de remettre en cause son ressenti, soit d'avoir été "choquée" d'être involontairement confrontée, coup sur coup, dans la nuit des 22 au 23 avril 2023 à I______, au O______, puis le 24 avril 2023, à G______, dans un bus, au point de vouloir se suicider. Il ne peut être exclu qu'ils aient, ne serait-ce qu'en s'approchant de la plaignante, causé chez elle des réminiscences de ce qu'elle dénonce avoir subi de leur part.

Enfin, s'il est possible que d'autres jeunes filles aient eu à déplorer des comportements sexuels a priori inappropriés de l'un et/ou l'autre des mis en causes, il ne ressort pas de la procédure qu'une suite pénale ait été donnée à ceux-ci. La personne concernée n'a pas non plus confirmé ces accusations, et le fait qu'elle déclare vouloir "tourner la page" n'est pas suffisant pour retenir l'existence de tels actes.

En conséquence, au vu de ce qui précède, c'est à raison que le Juge des mineurs a classé la procédure faute de soupçons suffisants. Il pouvait le faire sans procéder à l'audition de la psychologue de la recourante, qui n'aurait pu que confirmer ce que lui a livré sa patiente plusieurs années après la soirée en cause; de proches auxquels elle aurait aussi parlé de ces faits, des années plus tard; de jeunes filles qui auraient eu à se plaindre du comportement de certains des mis en cause à leur égard; de personnes présentes au O______ dans la nuit du 22 au 23 avril 2023; ou de l'ami auquel elle avait raconté sa rencontre avec G______ dans le bus le 24 avril 2023.

4.             Mal fondé, le recours sera dès lors rejeté.

5.             La recourante succombe (art. 428 al. 1 CPP).

Les frais de la procédure seront toutefois laissés à la charge de l’État, dans la mesure où un montant de CHF 400.- a été mis à la charge de la recourante, à ce titre, dans un autre arrêt, rendu le même jour, dans la même affaire. Elle n'est en effet pas responsable de la coexistence de cinq procédures distinctes qui l'ont conduite à devoir déposer autant de recours.

6.             Dans la mesure où elle succombe, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle son conseil, à C______, soit pour lui son conseil, au Tribunal des mineurs ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).