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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15848/2023

ACPR/452/2024 du 13.06.2024 sur ONMMP/3176/2023 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE;DÉLAI;ACTE DE RECOURS;RESTITUTION DU DÉLAI;CALOMNIE;SOUPÇON
Normes : CPP.85.al2; CPP.94

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15848/2023 ACPR/452/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 13 juin 2024

 

Entre

A______, p.a. Autorité tutélaire, rue des Glacis-de-Rive 6, 1207 Genève, agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 14 août 2023 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 30 mars 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 août 2023, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte contre le Dr B______.

Le recourant demande la restitution du délai de recours, se dit "choqué" par la décision du Ministère public et persiste dans les termes de sa plainte.

b. Le recourant a été dispensé de verser les sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le Dr B______ est médecin adjoint agrégé responsable d’unité du Service C______ (ci-après, C______) des Hôpitaux universitaires de Genève.

b. Le 18 août 2022, il a écrit au Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) pour l'informer que A______ avait quitté l'unité D______ (D______) début août, pour revenir à l'unité E______ de la clinique de F______. Le 16 août 2022, A______ avait, en raison de son comportement, dû être placé en chambre de soins intensifs par le médecin de garde et par la sécurité. À cette occasion, A______ s'était "montré agressif physiquement envers les agents de sécurité, [avait] insult[é] et pro[féré] des menaces de mort envers les personnes présentes (agents, infirmiers et médecin)".

c. Le 10 juillet 2023, A______ a déposé plainte contre le Dr B______ pour calomnie (art. 174 CP) et faux dans les titres (art. 251 CP). Il reprochait au précité de l'avoir, dans son courriel au SAPEM, le 18 août 2022, accusé faussement de s'être montré agressif physiquement envers les agents de sécurité, deux jours plus tôt. Il n'avait pris connaissance de ce rapport que le 4 juillet 2023.

C. a. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que le Dr B______ avait rédigé son rapport, dans le cadre de sa mission, sur la base des éléments qui lui avaient été rapportés. Il était impossible d'inférer des circonstances qu'il aurait volontairement rédigé un faux rapport. Partant, les éléments constitutifs d'une quelconque infraction n'étaient manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

b. Cette décision a été envoyée par pli simple au plaignant à son adresse auprès du Service tutélaire.

D. a. Dans son recours, A______ expose s'être rendu le 6 mars 2024 au Ministère public pour s'enquérir sur la suite donnée à sa plainte et avoir appris à cette occasion qu'une décision de non-entrée en matière avait été rendue. La notification n'avait pas eu lieu conformément à l'art. 85 CPP et il avait été privé de son droit de faire recours. C'est pourquoi il demandait la restitution du délai, selon l'art. 94 CPP.

Au fond, A______ relève que la décision ne se prononçait pas sur sa plainte pour calomnie. Or, le Dr B______ savait que durant les 14 années où il (le recourant) avait été privé de liberté, il n'avait jamais réagi de manière physiquement agressive contre qui que ce soit. Il s'agissait donc d'une calomnie "en connaissance de cause". Le médecin aurait pu et dû l'entendre, pour s'assurer que les informations qu'il transmettait à l'autorité pénale en tant que "psychiatre assermenté" étaient vraies, ou à tout le moins vraisemblables. Le Dr B______ s'était au contraire empressé de faire parvenir les informations que "quelqu'un lui avait rapportées", sachant que la réaction serait un renvoi en prison. La décision querellée équivalait à "autoriser tout le monde à calomnier tout le monde", sans jamais rien vérifier.

De plus, le recourant persiste à dire que le Dr B______ avait falsifié un titre, soit un rapport dont il connaissait les conséquences possibles.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Reste à examiner s'il l'a été dans le délai prescrit par l'art. 396 al. 1 CPP.

1.2. Le recourant demande la restitution du délai de recours, déclarant n'avoir pas reçu la décision querellée lorsqu'elle lui avait été communiquée, en août 2023, par pli simple.

1.2.1. Le fardeau de la preuve de la notification et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_876/2013 du 6 mars 2014 consid. 2.3.2; 6B_652/2013 du 26 novembre 2013 consid. 1.4.2). En principe, tant que l'acte n'a pas été notifié au destinataire, il est sans effet; les délais ne commencent pas à courir et on ne peut, par conséquent, pas reprocher à un justiciable d'avoir omis de respecter un délai (ATF 142 IV 201 consid. 2.4). Le délai de recours ne commence à courir qu'au moment où la partie a pu prendre connaissance de la décision, dans son dispositif et ses motifs (ATF 139 IV 228 consid. 1.3).

1.2.2. Selon l'art. 94 CPP, une partie peut demander la restitution du délai si elle a été empêchée de l'observer et qu'elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable; elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (al. 1). La demande de restitution, dûment motivée, doit être adressée par écrit dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé, à l'autorité auprès de laquelle l'acte de procédure aurait dû être accompli. L'acte de procédure omis doit être répété durant ce délai.

La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3; 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1 et l'arrêt cité). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute (arrêt du Tribunal fédéral 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1).

1.2.3. En l'espèce, la décision querellée a été communiquée au plaignant par pli simple, sans respecter les réquisits de l'art. 85 al. 2 CPP. Conformément aux principes sus-rappelés, le délai pour former recours a donc commencé à courir le lendemain du 6 mars 2024 (art. 90 al. 1 CPP), date à laquelle le plaignant s'est rendu au Ministère public pour s'enquérir de l'issue de sa plainte et qu'il a eu connaissance de la décision querellée. Le délai pour former recours est donc venu à échéance dix jours plus tard, soit le lundi 18 mars 2024 (art. 90 al. 2, 91 al. 2 et 396 al. 1 CPP). Expédié le 30 mars 2024, le recours est tardif.

Contrairement à ce que semble penser le recourant, on ne se trouve pas ici dans un cas d'empêchement de procéder, au sens de l'art. 94 CPP, de sorte qu'il aurait dû agir dans les 10 jours dès réception de la décision qu'il conteste, et non dans le délai de 30 jours accordé par l'art. 94 al. 2 CPP.

Pour ces raisons, le recours est irrecevable, ce que la Chambre de céans pouvait constater d'office, sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

2.             Dans la mesure où le recourant agit en personne, il sera démontré ci-après que, même si son recours avait été formé en temps utile, il aurait été rejeté.

2.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

2.2. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon.

La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

L'honneur protégé par ces dispositions est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme. Tel est le cas lorsqu'on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2). Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer. S'agissant d'un texte, l'analyse ne doit pas s'opérer exclusivement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais selon le sens général qui se dégage du texte pris dans son ensemble (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3).

Le simple fait de répéter un propos attentatoire à l’honneur et en citer la source est punissable. Il ne suffit pas d’attribuer des propos à un tiers ou de le reproduire pour échapper à une condamnation (ATF 118 IV 153 consid. 4a JdT 1994 IV 109; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 56 ad art. 173).

2.3. Selon l'art. 251 ch. 1 CP, se rend coupable de faux dans les titres quiconque, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, crée un titre faux, falsifie un titre, abuse de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constate ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

La notion de titre utilisé par l'art. 251 CP est définie par l'art. 110 al. 4 CP. Selon cette disposition, sont des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait.

L'art. 251 CP (faux dans les titres) protège en premier lieu un bien juridique collectif, à savoir la confiance que l'on peut accorder, dans les relations juridiques, à un titre en tant que moyen de preuve (ATF 142 IV 119 consid. 2.2; 137 IV 167 consid. 2.3.1) et dans la vie des affaires, aux pièces de légitimation, certificats et attestations
(ATF 95 IV 68). Toutefois, cette disposition vise également la protection d’intérêts individuels, puisque la volonté d’atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui constitue l’un des éléments subjectifs alternatifs. Ainsi, lorsque le faux dans les titres vise à nuire à une personne déterminée, celle-ci a qualité de lésé
(ATF 140 IV 155 consid. 3.3.3; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 11 ad art. 115).

L'art. 251 CP vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité (ATF 146 IV 258 consid. 1.1; 144 IV 13 consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_367/2022 du 4 juillet 2022 consid. 1.1).

Un simple mensonge écrit ne constitue pas un faux intellectuel. Le document doit revêtir une crédibilité accrue et son destinataire pouvoir s'y fier raisonnablement (ATF 138 IV 130 consid. 2.1; ATF 132 IV 12 consid. 8.1). Tel est le cas lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration. Il peut s'agir, par exemple, d'un devoir de vérification qui incombe à l'auteur du document ou de l'existence de dispositions légales qui définissent le contenu du document en question (ATF 132 IV 12 consid. 8.1; 129 IV 130 consid. 2.1). En revanche, le simple fait que l'expérience montre que certains écrits jouissent d'une crédibilité particulière ne suffit pas, même si dans la pratique des affaires il est admis que l'on se fie à de tels documents (ATF 138 IV 130 consid. 2.1; 132 IV 12 consid. 8.1).

2.4. En l'occurrence, le recourant allègue que l'écrit du mis en cause, médecin adjoint agrégé responsable d’unité au C______, adressé au SAPEM, avait une conséquence directe sur sa personne, puisque ce rapport aurait pu le faire renvoyer en prison. Sous cet angle, la qualité de lésé doit être reconnue au recourant.

Cela étant, le courriel adressé par le mis en cause au SAPEM n'est pas un "titre" au sens des art. 251 et 110 al. 4 CP, puisqu'un tel écrit – quel que soit son support – n'a pas de portée juridique. Le mis en cause n'a pas établi un certificat médical contenant un diagnostic, il a simplement relaté des faits. Certes, le SAPEM aurait pu se fonder sur un tel rapport pour envisager de prendre une mesure contre le recourant, mais, en soi, et nonobstant la position de son auteur, le compte rendu n'a pas de crédibilité accrue au sens de la jurisprudence sus-citée, ce d'autant que le mis en cause n'a rien constaté personnellement. Le courriel litigieux n'étant pas un titre, son auteur ne pouvait ainsi se rendre coupable de l'infraction visée à l'art. 251 CP.

Le recourant estime encore que, contenant des faits que le mis en cause savait faux, le courriel litigieux serait calomnieux. Toutefois, le fait de dire que le recourant se serait "montré agressif physiquement envers les agents de sécurité" n'est pas attentatoire à son honneur, que ce fait ait été avéré ou non.

Partant, c'est à bon droit que le Ministère public a retenu que les faits dénoncés par le recourant n'étaient constitutifs d'aucune infraction pénale.

3.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 400.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), pour tenir compte de sa situation personnelle.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 400.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/15848/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

400.00

Total

CHF

485.00