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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24752/2022

ACPR/308/2024 du 29.04.2024 sur OMP/5107/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : RESTITUTION DU DÉLAI;EMPÊCHEMENT NON FAUTIF
Normes : CPP.94

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24752/2022 ACPR/308/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 29 avril 2024

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocat,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de restitution de délai rendue le 7 mars 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 21 mars 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 mars 2024, notifiée le 11 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé de lui restituer le délai d'opposition.

La recourante conclut à l’annulation de l'ordonnance querellée et à l'octroi de la restitution de délai.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissante d'Azerbaïdjan, née en 1993, a été entendue par la police le 16 novembre 2022, en qualité de prévenue pour avoir, entre le 13 octobre et le 15 novembre 2022, commis 28 vols à l'étalage dans un magasin, pour un préjudice total de CHF 600.45.

b. Questionnée sur son domicile, elle a répondu avoir, depuis son arrivée en Suisse, en 2021, "uniquement habité à la rue 1______ no. ______, [code postal] Genève". Elle a ajouté que son permis B était en cours de renouvellement et qu'elle comptait rester en Suisse pour terminer ses études.

c. Dans un courrier du 30 novembre 2022 au Ministère public, A______ a confirmé l'adresse susmentionnée.

d. Par courriel du 10 janvier 2023, elle a sollicité du Ministère public des nouvelles de la procédure.

e. Par ordonnance pénale du 7 février 2023, le Ministère public a condamné A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, avec sursis durant 3 ans, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-, pour vol (art. 139 ch. 1 CP).

f. Selon le suivi des envois recommandés de la Poste suisse, le pli contenant l'ordonnance pénale a été envoyé le 13 février 2023 au domicile de A______, pli retourné au Ministère public, avec la mention "le destinataire est introuvable à l'adresse indiquée".

g. L'ordonnance a été renvoyée le 15 février 2023 à l'adresse figurant dans les registres de l'Office cantonal de la population [C______/D______ [résidence pour étudiant-e-s], rue 2______ no. ______, [code postal] Genève, depuis le 6 janvier 2023], mais le pli recommandé est revenu en retour au Ministère public avec la mention "inconnu".

h. Chargée par le Ministère public de notifier l'ordonnance pénale, la police a répondu ne pas avoir été en mesure de joindre, ni de localiser A______. Selon l'un des responsables de l'école C______, contacté par la police, la précitée n'y avait jamais élu domicile ni étudié.

i. Le ______ 2023, le dispositif de l'ordonnance pénale a, sur demande du Ministère public, été publié dans la Feuille d'avis officielle genevoise (ci-après, FAO).

j. Le 14 novembre 2023, Me B______ s'est constitué pour la défense des intérêts de A______ et a sollicité des nouvelles de la procédure ainsi que l'accès au dossier qu'il a consulté le 21 novembre 2023.

k. Par lettre de son conseil du 18 décembre 2023, A______ a formé opposition à l’ordonnance pénale et demandé la restitution du délai. Elle n'avait pas eu connaissance de ladite ordonnance car elle était à l'étranger. De plus, à cette période, elle n'avait pas d'adresse permanente mais sous-louait des chambres d'étudiant. Sa bailleresse [de la chambre sise rue 1______ no. ______, [code postal] Genève] qui connaissait ses coordonnées, ne semblait pas avoir reçu de correspondance pour elle et ne lui avait rien transmis. En outre, la police ne pouvait pas se limiter à contacter une école dans laquelle elle n'avait jamais été inscrite et aurait dû entreprendre d'autres démarches en vue de lui notifier l'ordonnance pénale.

À l’appui, elle a produit la copie de son passeport sur lequel sont apposés des timbres humides de l'aéroport en Azerbaïdjan, notamment aux dates des 8 et 27 février 2023.

l. Le Ministère public a, par ordonnance sur opposition tardive du 28 février 2024, transmis la procédure au Tribunal de police et conclu à l'irrecevabilité de l'opposition.

m. Par ordonnance du 5 mars 2024, le Tribunal de police a retenu que l'ordonnance pénale avait été valablement notifiée le ______ 2023 par voie édictale à A______. Il a constaté l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de l'opposition, l'ordonnance pénale étant assimilée à un jugement entré en force. Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate que l'opposition formée par A______ a déjà été jugée comme tardive par le Tribunal de police. Les conditions d'une restitution de délai pour former opposition n'étaient pas réalisées. La recourante – qui devait s'attendre à recevoir une décision – n'avait pas communiqué de changement d'adresse au Ministère public ni s'était assurée d'avoir une adresse de notification valable en Suisse, en particulier en cas de voyage à l'étranger.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public de ne pas avoir pris en considération son absence de domicile permanent en Suisse. Avant son départ, elle avait pris toutes les précautions nécessaires en communiquant ses coordonnées à "la bailleresse de la chambre située à l'adresse connue des autorités" qui savait qu'elle devait recevoir un courrier important. L'enquête effectuée par la police était insuffisante, la publication dans la FAO devant être l'ultima ratio. De surcroît, elle s'était rendue plusieurs fois au Ministère public pour se renseigner sur la procédure en cours, sans recevoir d'information à ce sujet. En résumé, elle considère que l'ordonnance pénale lui a été notifiée le 21 novembre 2023, date à laquelle son conseil a consulté le dossier.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. La recourante reproche au Ministère public de ne pas lui avoir restitué le délai d'opposition.

3.1. Selon l'art. 94 al. 1 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part.

La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3; 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1 et l'arrêt cité). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute (arrêt 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1).

Par empêchement non fautif, il faut comprendre toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d’agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014). Il s'agit non seulement de l’impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l’erreur (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 94 CPP).

3.2. En l'espèce, la recourante persiste à soutenir que l'ordonnance pénale ne lui a pas été notifiée valablement le ______ 2023 par FAO. Ce grief a déjà été examiné par le Tribunal de police dans une décision désormais exécutoire. La validité de la notification par voie édictale a été constatée et il n'y a donc pas lieu d'y revenir.

L'absence de domicile permanent en Suisse et le fait d'être en déplacement à l'étranger ne suffisent pas à établir qu'elle aurait été dans l'incapacité, dans les dix jours suivant la notification de l'ordonnance pénale, de former opposition à celle-ci, par une lettre, qui n'avait pas besoin d'être motivée (art. 354 al. 2 CPP) ou de charger une personne de le faire pour son compte. L'argument qu'elle avance, à savoir que sa bailleresse n'aurait pas eu connaissance d'un envoi de la part des autorités – et ne lui aurait, en tout état, rien transmis – ne constitue pas un empêchement non fautif au sens de l'art. 94 CPP, ce d'autant que la recourante pouvait consulter un avocat avant son départ à l'étranger, ce qu'elle a du reste fait, tardivement.

Il s'ensuit que la recourante n'a pas rendu vraisemblable avoir été empêchée, en raison d'un événement l'ayant objectivement ou subjectivement mis dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, de former opposition à l'ordonnance pénale dans le délai légal.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/24752/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

-

CHF

Total

CHF

600.00