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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/1259/2023

ACPR/263/2024 du 18.04.2024 sur JTPM/151/2024 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PRONOSTIC;PLAN D'EXÉCUTION DES PEINES;RISQUE DE RÉCIDIVE;CONSOMMATION DE STUPÉFIANTS
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/1259/2023 ACPR/263/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 18 avril 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'Établissement de B______, représenté par Me C______, avocate,

recourant,


contre le jugement rendu le 6 mars 2024 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 21 mars 2024, A______ recourt contre le jugement du 6 mars 2024, notifié le 11 suivant, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures a refusé sa libération conditionnelle.

Le recourant conclut, avec indemnité de CHF 1'167.50 en faveur de son défenseur d'office, préalablement, à ce qu'un rapport récent de sa psychologue soit requis et le détail de ses sanctions disciplinaires versées au dossier ; principalement, à l'octroi de la libération conditionnelle.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né en 1999, ressortissant brésilien, purge actuellement une privative de liberté de 5 ans (sous déduction de 573 jours de détention avant jugement), pour actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, à réitérées reprises, actes d'ordre sexuel avec un(e) enfant, vol, tentative de vol, violation de domicile, pornographie dure et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, prononcée le 16 mars 2022 par le Tribunal correctionnel.

Un traitement ambulatoire, au sens de l'article 63 CP, a également été ordonné, ainsi que l'expulsion judiciaire pour une durée de 8 ans.

b.A______ a été incarcéré dans un premier temps à la prison de D______ dès le 22 août 2020, puis a été transféré : le 23 juin 2021 à l'Établissement de E______, le 20 mars 2023 à l'Établissement de détention ______ de F______ (ci-après : F______) et, enfin, le 31 octobre 2023 à l'Établissement pénitentiaire de B______ (ci-après : B______), où il se trouve actuellement.

c. Les deux tiers de la peine que A______ exécute actuellement sont intervenus le 20 décembre 2023, la fin étant fixée au 20 août 2025.

d. À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ – en Suisse depuis 2016 – n'a pas d'autre antécédent et aucune enquête pénale n'est en cours.

e. L'expertise psychiatrique rendue le 24 juin 2021 par le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) a posé le diagnostic de trouble de la personnalité émotionnellement labile, de dépendances à l'alcool et à la cocaïne, et de trouble de la préférence sexuelle ("paraphilie de type somnophilie").

Sous l'angle de la responsabilité, qui a été qualifiée de légèrement restreinte, les experts ont noté que les dépendances dont souffrait A______ n'avaient pas joué de rôle dans les passages à l'acte, lors desquels il n'avait pas été objectivé d'état d'intoxication aiguë (expertise, p. 16).

En revanche, dans le cadre de l'évaluation de la dangerosité, les experts ont retenu, comme effet aggravant, que l'expertisé consommait des toxiques de façon régulière, soit, à l'époque, de la cocaïne et de l'alcool (item 3 de l'échelle de Hare, expertise p. 17), présentait une faible maîtrise de soi en raison de ses conduites addictives (item 10 de l'échelle de Hare, expertise p. 17), faisait usage de substances (items S5 de l'échelle SVR-20, expertise p. 19) et avait un problème de consommation d'alcool (item 3 de l'échelle SORAG, expertise p. 21). Le risque de récidive sexuelle a été jugé de niveau moyen-élevé. La consommation de substances a été retenue comme facteur de risque de récidive d'infractions contre les biens, risque estimé à moyen.

Une mesure de soins était susceptible de diminuer le risque de récidive. Le trouble de la personnalité pouvait être traité par un suivi ambulatoire de type psychothérapeutique et une prise en charge sexologique était indispensable pour diminuer le risque de récidive en travaillant sur le trouble de la préférence sexuelle et la notion de consentement. Les dépendances de l'expertisé n'ayant pas joué de rôle direct dans la commission des faits, une mesure de type addictologie n'était pas recommandée, les experts ayant toutefois encouragé A______ à se faire aider pour maintenir son abstinence. En l'état, le précité était volontaire pour une thérapie non axée sur l'aspect sexologique, en raison de ses réticences.

La prise en charge du trouble de la personnalité était longue et difficile ; il ne fallait pas s'attendre à une diminution du risque avant plusieurs années. En cas de thérapie efficace, il "pourrait exister une diminution du risque à 5 ans".

f. Un rapport d'évaluation criminologique a été établi le 16 août 2022 par le Service de probation et d'insertion (ci-après : SPI), en vue d'évaluer le risque de violence sexuelle en milieu ouvert et à la libération.

A______ bénéficiait d'un suivi psychologique hebdomadaire auprès de la psychologue du Service de médecine pénitentiaire (ci-après : SMP), dont le travail visait aussi les délits, avec une approche sexologique. Le détenu consommait à l'occasion du cannabis, mais "ses problèmes d'addiction n'apparaiss[aient] pas pour autant comme une problématique actuelle". Il semblait conscient de la gravité de ses actes et de leur impact sur les victimes, et s'engageait dans son suivi pour comprendre sa dynamique délictuelle et ne plus les perpétrer. Ce suivi apparaissait donc aussi utile pour prévenir une éventuelle récidive. Un travail sur ses pulsions sexuelles était, de l'avis du SPI, à poursuivre, afin qu'il soit capable de les contrôler en toute circonstance, ainsi que sur l'autocontrôle en lien avec certains comportements violents envers ses codétenus et la consommation de cannabis en détention.

g. Le plan d'exécution de la sanction (ci-après : PES), validé le 22 septembre 2022, prévoit la progression de l'exécution de la sanction en deux phases, d'abord un passage en milieu ouvert, avant une éventuelle libération conditionnelle. Plusieurs objectifs ont été posés, le premier étant de s'investir dans le suivi en sexologie, le second de travailler sur l'abstinence des consommations d'alcool "et de stupéfiants" sur le long terme.

h. Le 14 mars 2023, le passage en milieu ouvert de A______ a été ordonné et le précité a été transféré à F______.

i. Selon le rapport de comportement établi le 11 mai 2023 par la direction de F______, A______ s'est bien comporté avec le personnel et les codétenus. Il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire, le 10 mai 2023, pour consommation, apport, trafic ou possession de drogues, alcool ou autres substances. Il reconnaissait les faits à l'origine de sa condamnation. Dès son retour au Brésil, il souhaitait travailler dans le domaine de l'agriculture et avoir sa propre maison.

j. Les rapports médicaux rendus les 31 mai et 1er septembre 2023 par le centre de psychiatrie forensique du réseau fribourgeois de santé mentale font état d'une bonne adhésion de A______ au suivi. Le traitement thérapeutique était orienté sur la question de l'impulsivité, notamment la gestion et la prévention des altercations en milieu carcéral. Il reconnaissait les faits à l'origine de sa condamnation et en parlait avec beaucoup de regrets.

k. Dans sa demande de libération conditionnelle, A______ expose, en substance, accepter son expulsion pénale et vouloir retourner au Brésil, pour y poursuivre sa formation en boulangerie [non terminée]. Âgé de 24 ans, il ne souhaitait "pas perdre plus de temps".

l. Le préavis de la direction de F______, du 8 septembre 2023, en vue de la libération conditionnelle est défavorable. Bien qu'ayant adopté un comportement adéquat avec le personnel et ses pairs, A______ n'arrivait pas, au vu des nombreuses sanctions disciplinaires dont il avait fait l'objet, à s'imposer une autodiscipline suffisante. Il avait été sanctionné à cinq reprises depuis son arrivée, deux fois pour "consommation, apport, trafic ou possession de drogues, alcool ou autres substances" (10 mai et 4 août 2023), deux fois pour perturbation du déroulement du travail et refus de travailler (26 juin et 11 juillet 2023), et une atteinte à l'ordre et à la sécurité (7 juin 2023).

m. Deux autres sanctions ont été prononcées contre A______, les 13 et 25 septembre 2023, par suite de deux altercations avec un codétenu. À la suite du dernier événement, au cours duquel les deux codétenus ont échangé des coups, A______ a été transféré à B______.

n. Selon le courriel du 23 novembre 2023 de B______, une semaine après l'arrivée de A______ rien de négatif n'avait été observé, à part un test d'urine positif au cannabis.

o. Selon le courriel de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) du 7 février 2023, A______ fait l'objet d'une mesure d'expulsion judiciaire obligatoire et ne peut plus prétendre à aucun statut sur le territoire suisse.

p. Le Service de l'application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) a préavisé favorablement la libération conditionnelle de A______, au jour de son expulsion. Même s'il avait fait l'objet de plusieurs sanctions durant son incarcération à F______, le précité avait adopté un comportement satisfaisant durant l'ensemble de l'exécution de sa peine. D'ailleurs, bien que défavorable, le préavis de F______ démontrait que le comportement de l'intéressé ne posait pas de problèmes particuliers à l'institution, sous réserve des sanctions disciplinaires prononcées. En outre, s'il n'était certes pas excusable, le comportement à l'origine de la demande de transfert à B______ découlait "d'incidents contextualisés" en lien avec le même codétenu. A______ formulait des projets réalistes en vue de sa sortie de prison, et en adéquation avec son statut administratif. Il n'avait en outre jamais bénéficié d'une libération conditionnelle, s'agissant de sa première condamnation en Suisse. Un maintien en détention jusqu'à la fin de la peine n'apporterait pas de réelle plus-value en termes de prévention de la récidive, étant précisé que l'intéressé s'était investi autant que possible et de manière authentique dans son suivi thérapeutique. Au contraire, le solde de peine à exécuter en cas de retour en Suisse et de commission d'une infraction devrait être à même de l'inciter à se tenir éloigné de la délinquance.

q. Par soit-transmis du 4 décembre 2023, le Ministère public a conclu à l'octroi de la libération conditionnelle.

r. Le TAPEM ayant requis le préavis de la Commission d'évaluation de la dangerosité (ci-après : CED), cette dernière a, dans son rapport du 31 janvier 2024, conclu que A______ présentait un danger pour la collectivité dans le cadre d'une libération conditionnelle. Se fondant sur les éléments du dossier, elle a rappelé que le risque de réitération du précité pour des infractions sexuelles se trouvait au-dessus de la moyenne. A______ reconnaissait une forme d'impulsivité, mais cette remise en question se doublait parfois "d'un discours qui tend[ait] à légitimer [un] éventuel passage à l'acte hétéro-agressif". Il présentait une tendance à la victimisation et à la projection de la responsabilité sur des facteurs externes, tels ses consommations de substances. Plusieurs facteurs de risques étaient identifiés, en premier lieu son trouble de la personnalité et la somnophilie, auxquels s'ajoutaient son jeune âge et une certaine impulsivité, laquelle se manifestait en raison des faibles aptitudes cognitives pour résoudre les problèmes de la vie. L'intéressé n'avait pas su où trouver de l'aide pour atténuer ses ruminations et avait donc adopté des stratégies déficitaires, comme la consommation de drogues ou la sexualité "débridée", pour s'en détourner. De l'autre côté, le niveau de facteurs de protection, à même de contrebalance les facteurs de risque, était faible à modéré.

Après avoir auditionné A______, la CED était d'avis que ce dernier présentait un risque de décompensation sur le plan psychiatrique, notamment dans le cas de consommation de toxiques. Relatant son état mental au moment des faits, il avait décrit une perte de contrôle de son corps et de ses pensées, un sentiment de paranoïa évoquant un état psychotique aigu. Cette vulnérabilité était centrale dans un éventuel risque de récidive.

Ainsi, elle estimait pertinent que le précité poursuive sa thérapie et la consolide en abordant de manière plus franche les questions de ses addictions et de son positionnement aux actes en lien avec sa paraphilie. Au vu de son jeune âge, il pouvait en outre mettre à profit une période, au niveau du solde de sa peine, pour apprendre un métier, dans un domaine qui semblait l'intéresser, comme par exemple la boulangerie, dans un établissement dans lequel ce type de formation pourrait être dispensé.

s. Par observations écrites, du 29 février 2024, A______ a conclu à sa libération conditionnelle. Sa nouvelle psychologue, à B______, qu'il voyait une fois par semaine, aurait envoyé, spontanément, un rapport au TAPEM, dont il sollicitait une copie. Si ce document ne figurait pas au dossier, il demandait qu'un rapport soit requis auprès de ladite thérapeute.

C. Dans la décision querellée, le TAPEM, partageant l'avis de la CED, a estimé que la libération conditionnelle de A______ était prématurée. Le PES posait comme objectif au précité de travailler sur l'abstinence à l'alcool et aux stupéfiants sur le long terme, sans évoquer un stupéfiant en particulier. La consommation de cannabis par A______ était donc clairement contraire à cet objectif. Par ailleurs, si, selon les experts, les passages à l'acte n'avaient certes pas été suscités par la dépendance aux substances, il "ressort[ait] de l'expertise psychiatrique que la consommation de substances et les conduites addictives [étaient] des facteurs péjorant le pronostic pénal", lequel demeurait ainsi défavorable.

D. a. Dans son recours, A______ reproche, en premier lieu, au TAPEM d'avoir violé son droit d'être entendu, en ne traitant pas sa demande qu'un rapport soit obtenu de sa nouvelle psychothérapeute.

Il lui reproche ensuite d'avoir constaté les faits de manière erronée et d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation. L'expertise ne mentionnait nullement qu'un risque général et abstrait pour toutes les addictions envisageables péjorerait le pronostic pénal. Le TAPEM s'était ainsi substitué aux médecins et avait interprété de manière incorrecte l'expertise psychiatrique.

En outre, l'expertise psychiatrique [du 24 juin 2021] et l'évaluation criminologique [du 16 août 2022] étaient trop anciennes. D'ailleurs, la seconde précisait que la validité des résultats obtenus au moyen des échelles était "généralement considérée de six mois à un an" (page 8 de l'évaluation), de sorte qu'elle était, désormais, datée. Il avait évolué depuis lors, notamment dans le cadre de sa thérapie, initiée en 2020, et cette évolution n'avait pas été prise en compte par l'autorité précédente, qui s'était fondée sur une "vieille expertise psychiatrique", sans solliciter l'avis de sa nouvelle psychologue.

Au demeurant, l'expertise psychiatrique avait conclu que ses dépendances à l'alcool et à la cocaïne – qu'il ne consommait désormais plus –, n'avaient pas joué de rôle direct dans la commission des faits. Or, le PES avait été élaboré en lien avec les addictions relevées dans l'expertise psychiatrique, étant relevé que "la consommation de cannabis n'est pas pénalisée (art. 19b LStup)". Partant, il ne voyait pas pourquoi la libération conditionnelle avait été refusée sur la base de sa consommation de cannabis, alors que celle-ci n'avait aucun lien avec les infractions commises.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1), dont le jugement constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé selon les forme et délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant demande l'apport du détail des sanctions disciplinaires figurant au dossier. Cette information est toutefois sans pertinence, le jugement querellé n'étant pas fondé sur ces sanctions, de sorte que la requête préalable est rejetée.

4.             Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu.

4.1. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité l'obligation de motiver sa décision afin, d'une part, que son destinataire puisse l'attaquer utilement et, d'autre part, que la juridiction de recours soit en mesure d'exercer son contrôle (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1).

Le droit à une décision motivée déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. n'impose pas au juge de discuter n'importe quel argument. Il peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2 p. 157 ; 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183).

4.2. En l'espèce, à teneur du jugement – et du dossier remis à la Chambre de céans –, aucun rapport de la nouvelle psychologue du recourant ne figure au dossier.

Dans la mesure où le TAPEM a dûment détaillé les raisons pour lesquelles il a estimé que la libération conditionnelle du recourant était prématurée, le droit d'être entendu de ce dernier n'a pas été violé du seul fait que le tribunal n'a, sans en expliquer les raisons, pas estimé utile de requérir l'avis de la nouvelle psychologue. On comprend aisément de la motivation du jugement que les éléments retenus par le tribunal étaient suffisants à le convaincre que la libération conditionnelle était prématurée, sans que l'avis de la thérapeute puisse changer cette conviction. Le recourant a été en mesure de former recours en contestant cette position, de sorte que son droit d'être entendu n'a pas été violé.

Le grief est dès lors infondé.

5.             Le recourant reproche au TAPEM d'avoir constaté les faits de manière erronée.

5.1. Aux termes de l'art. 393 al. 2 let. b CPP, le recours peut être formé pour constatation incomplète ou erronée des faits.

Une constatation est erronée (ou inexacte) lorsqu'elle est contredite par une pièce probante du dossier ou lorsque le juge chargé du recours ne peut déterminer comment le droit a été appliqué (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 17 ad art. 393 ; ACPR/609/2015 du 11 novembre 2015 consid. 3.1.1).

5.2. En l'espèce, le recourant reproche au TAPEM d'avoir retenu, à tort, qu'il ressortait de l'expertise psychiatrique que sa consommation de substances et ses conduites addictives étaient des facteurs péjorant le pronostic pénal.

Tout d'abord, cette affirmation, exposée dans la mineure du jugement, fait partie du raisonnement de l'autorité précédente, soit son interprétation de l'expertise psychiatrique versée au dossier. Cette analyse n'est nullement une constatation, au sens de la jurisprudence sus-rappelée.

Ensuite, cette affirmation n'est pas erronée. En effet, il ressort du contenu de l'expertise psychiatrique (cf. B.e. supra) que, dans le cadre de l'évaluation de la dangerosité, les experts ont retenu, comme effet aggravant pour les infractions contre l'intégrité sexuelle, la consommation régulière de toxiques (soit, à l'époque, la cocaïne et l'alcool), la faible maîtrise de soi en raison des conduites addictives, l'usage de substances et le problème de consommation d'alcool.

Partant, l'autorité précédente ne s'est pas livrée à une constatation erronée des faits, étant relevé que, quoi qu'il en soit, la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2), de sorte que les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du TAPEM auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

6. Le recourant reproche en outre au TAPEM d'avoir considéré que les conditions d'octroi de sa libération conditionnelle n'étaient pas remplies.

6.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b).

Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb).

6.2. Si aucun changement significatif ne s'est produit dans la situation du condamné, permettant de mettre en doute l'actualité de l'expertise psychiatrique du précité, l'autorité compétente peut se fonder sur celle-ci. Elle doit toutefois tenir compte du fait que, selon les milieux de la psychiatrie, un pronostic de dangerosité fiable ne peut être établi pour une longue période. La doctrine évoque un délai de l'ordre de trois ans pour un renouvellement de l'expertise (arrêt du Tribunal fédéral 6B_815/2015 du 11 avril 2016 consid. 1.2.).

6.3. En l'occurrence, la condition objective d'une libération conditionnelle est réalisée depuis le 20 décembre 2023. Les préavis du SAPEM et du Ministère public sont favorables, tandis que ceux de F______ et de la CED ne le sont pas. En se fondant sur l'expertise psychiatrique, le PES et l'avis de la CED, le TAPEM est parvenu à la conclusion que le recourant présentait un pronostic défavorable.

Le recourant estime que l'expertise psychiatrique et l'évaluation criminologique seraient trop anciennes pour être prises en compte. S'agissant de la seconde, le grief est sans portée, la décision du TAPEM n'étant pas fondée sur celle-ci. Quant à la première, rendue le 24 juin 2021, elle n'a pas encore trois ans, qui est un délai d'ordre. En outre, si le recourant a certes suivi une psychothérapie en détention, il consomme du cannabis. Ainsi, sa situation ne s'est pas modifiée de manière si significative à rendre obsolète l'expertise psychiatrique. Au demeurant, les experts avaient estimé que la prise en charge du trouble de la personnalité serait longue, une diminution du risque pouvant intervenir, en cas de thérapie "efficace", à un horizon de cinq ans ; ce délai n'est en l'occurrence pas atteint.

Or, la consommation de cannabis est contraire aux objectifs du PES, lequel prévoit, quoi qu'en pense le recourant, l'abstinence à tout stupéfiant. En effet, la consommation de drogue est un facteur aggravant du risque de réitération, raison pour laquelle l'absence de toute consommation figure en deuxième place des objectifs du PES. Que l'absorption d'alcool et de cocaïne n'aient pas joué de rôle dans les passages à l'acte ne rend pas la consommation de cannabis sans portée puisque l'expertise psychiatrique désigne la prise de stupéfiants comme un facteur aggravant du risque de réitération. Qui plus est, la consommation de cannabis est, contrairement à l'opinion du recourant, bel et bien une infraction, selon l'art. 19a LStup.

L'activité professionnelle est quant à elle un facteur de protection, le recourant ayant commis les infractions alors qu'il était désœuvré. Or, si le recourant semble intéressé par les métiers de la boulangerie, il n'a pas terminé cette formation, raison pour laquelle la CED estime qu'il devrait aller au bout de celle-ci.

Ainsi, au vu de l'importance du bien menacé, soit l'intégrité sexuelle de tiers, le TAPEM n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant, en l'état, un pronostic défavorable, pour les raisons invoquées. L'attestation de la nouvelle psychologue – que le recourant aurait au demeurant pu lui-même solliciter et produire –, n'est pas de nature à modifier ce qui précède, puisqu'il n'est pas contesté que le recourant est investi dans son travail thérapeutique. Le TAPEM pouvait donc, par appréciation anticipée des preuves, se dispenser d'en ordonner l'apport.

7. Justifié, le jugement querellé sera donc confirmé.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

9.             Son défenseur d'office, nommé par le TAPEM, a requis une indemnité de CHF 1'167.50, correspondant à une activité de 4 heures 30, plus TVA à 8.1%, laquelle paraît appropriée eu égard à l'acte de recours, de sorte qu'elle sera octroyée.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 800.-.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'167.50, TVA (8.1% incluse).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son défenseur), au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.

Le communique, pour information, au SAPEM.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/1259/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

800.00

 

 

 

Total

CHF

885.00