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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15515/2019

ACPR/416/2023 du 05.06.2023 sur ONMMP/257/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DÉNONCIATION CALOMNIEUSE
Normes : CP.303; CPP.310.al1.leta

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15515/2019 ACPR/416/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 5 juin 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ Monaco, comparant par Me Alec REYMOND, avocat,
@lex Avocats, rue de Contamines 6, 1206 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 20 janvier 2023 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 31 janvier 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 20 janvier 2023, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 24 juillet 2019 contre B______, C______ et D______, pour dénonciation calomnieuse (art. 303 CP).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et, cela fait, au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction contre les prénommés et procéder à leur audition ainsi qu'à la confrontation des parties.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. E______/1______ SA est une société holding sise au F______ [GE], active dans le domaine de la distribution de produits pharmaceutiques.

Elle est détenue à raison de la moitié chacun par C______ et A______, qui ont par ailleurs siégé à son conseil d'administration, avec signature collective à deux, dès août 2008 pour le premier, de novembre 2006 à juillet 2019 pour le second.

b. E______/1______ SA détient la totalité du capital-actions des sociétés E______/2______ SA, sise au F______, et E______/3______ LLC, constituée en 2006 en Russie et liquidée en 2019, toutes deux spécialisées dans le commerce de produits pharmaceutiques. La principale source de revenu de E______/2______ SA provenait de la promotion et de la vente en Russie de produits pharmaceutiques génériques fabriqués en Amérique du sud.

C______ et A______ ont siégé au conseil d'administration de E______/2______ SA, avec signature collective à deux, dès avril 2006 pour le premier, de juin 2008 à juillet 2019 pour le second.

c. Le 18 mai 2018, E______/1______ SA et E______/2______ SA ont déposé plainte pénale contre A______ et G______ pour gestion déloyale (art. 158 ch. 1 CP) et abus du pouvoir de représentation (art. 158 ch. 2 CP).

Selon leurs explications, le groupe E______ avait décidé, en 2014, de créer un partenariat avec le groupe étatique russe H______, actif notamment dans les domaines pharmaceutiques et biotechnologiques, en vue de faciliter la commercialisation de ses produits dans ce pays. À cette fin, A______ avait persuadé C______ que le plus à même de négocier un tel partenariat était son fils, G______, gendre du ministre ______ russe.

Le 25 septembre 2014, E______/3______ LLC avait octroyé à ce dernier le pouvoir de la représenter dans le cadre de négociations avec la société russe I______, filiale de H______, procuration valable jusqu'au 31 décembre 2015. Durant l'automne, un mémorandum d'intention et des projets de business plan et d'accord avaient été établis entre les deux sociétés et le projet présenté officiellement dans les médias russes. En décembre 2014, le conseil d'administration de E______/1______ SA avait approuvé la création par E______/3______ LLC et I______ de la société J______ LLC et leur participation à la constitution du capital social de cette dernière. Le 26 janvier 2015, I______ avait adressé au groupe E______ l'accord définitif sur la création de cette société, document qui aurait dû être signé le lendemain. Or, la réunion prévue avait été annulée le jour même par I______.

Le 15 juillet 2015, E______/1______ SA et E______/2______ SA avaient appris la création, le ______ avril 2015 au registre du commerce russe, de J______ LLC, dont les actionnaires étaient I______ et K______, société appartenant à 90% à G______, ce dernier et son père ayant par ailleurs été nommés membres de son conseil d'administration. Le groupe E______ s'était ainsi vu substituer un tiers dans ce projet commercial de grande envergure, entraînant des pertes financières conséquentes, qu'il évaluait à environ USD 75 millions pour la holding suisse.

d. Le Ministère public a ouvert une instruction pour gestion déloyale contre A______ et G______.

d.a. Dans ce cadre, il a entendu, le 13 mars 2019, C______, qui représentait E______/1______ SA et E______/2______ SA, et A______.

Confronté à un procès-verbal de juillet 2015 de l'assemblée générale des participants à J______ LLC, sur lequel les sociétés I______ et K______ sont mentionnées comme actionnaires de la précitée, C______ a déclaré qu'à l'époque, les choses n'étaient pas très claires car A______ et lui étaient des partenaires d'affaires. Il était donc difficile de comprendre la logique de son comportement, ainsi que celle de son fils.

A______ a déclaré qu'au cours des discussions sur le nom de la joint-venture et de la composition de son conseil d'administration, L______, qui représentait I______, avait refusé d'associer E______ à la joint-venture. Un compromis avait pu être trouvé par le biais de la création de K______. Il ne s'agissait donc pas d'une surprise pour C______.

d.b. Le 5 juillet 2019, A______ a produit un courriel du 27 mai 2015 de C______ ainsi que son annexe, un projet de "memorandum of understanding".

À teneur dudit projet, A______ et C______, représentant E______/1______ SA, G______, ainsi que M______, prévoyaient de constituer une nouvelle société, dont le nom provisoire était "E______/4______ SA", détenue par les précités à hauteur de participations à définir mais fixée à 70% pour le groupe E______. La société à constituer avait pour but d'entrer dans une joint-venture destinée à développer ses activités commerciales en Russie. Le projet d'accord faisait mention d'une société russe, libellée "K______ (K______?)" [raison sociale orthographiée différemment], impliquée dans une joint-venture existante avec I______.

Selon A______, la mention de la société K______ montrait que C______ voulait constituer une structure particulière en vue de créer la joint-venture plutôt que d'associer directement E______/3______ LLC et I______.

d.c. Le 20 août 2019, E______/1______ SA et E______/2______ SA ont expliqué que le projet de memorandum of understanding du 27 mai 2015 avait précisément pour but une joint-venture avec I______, ce qui impliquait que J______ LLC n'était pas encore constituée à cette date. Or, cette dernière avait été inscrite au registre du commerce de N______ [Russie] le ______ avril 2015. Dès lors, A______ avait laissé croire à C______ qu'une joint-venture était encore possible, malgré le fait qu'il avait déjà écarté le groupe E______, à l'insu de ce dernier. Par ailleurs, la désignation incertaine de la société K______, orthographiée "K______ (K______?)" montrait que C______ ne savait rien de cette société.

e. Par ordonnance rendue le 30 avril 2020, le Ministère public a classé les faits objet de la plainte pénale du 18 mai 2018 (P/5______/2018). Il a retenu qu'aucune violation du devoir de fidélité ni abus du pouvoir de représentation ne pouvaient être reprochés à A______ et à G______. Le courriel du 27 mai 2015 et le memorandum of understanding qui y était annexé montraient que les plaignantes avaient été dûment informées que K______ – alors déjà constituée et détenue par G______ – avait remplacé E______/3______ LLC dans la joint-venture avec I______. Par ailleurs, seul E______/3______ LLC avait confié un mandat de représentation au précité, et non les plaignantes, que ledit mandat ne concernait pas. En outre, la compétence des autorités suisses faisait défaut pour connaître d'un éventuel abus, par G______, de son pouvoir de représentation. Enfin, les plaignantes ne pouvaient se prévaloir d'aucun dommage direct, dès lors que seule E______/3______ LLC aurait été directement lésée par le fait d'avoir été écartée de la joint-venture.

f. Par arrêt ACPR/889/2020 rendu le 9 décembre 2020, la Chambre de céans a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé le 11 mai 2020 par E______/1______ SA et E______/2______ SA contre l'ordonnance précitée.

g. Par arrêt 6B_103/2021 rendu le 26 avril 2021, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par les sociétés précitées contre l'arrêt de la Chambre de céans.

h. Le 24 juillet 2019, A______ a déposé plainte contre B______, C______ et D______ pour dénonciation calomnieuse.

Il a expliqué que la plainte du 2 mai 2018 de E______/1______ SA et de E______/2______ SA était fondée sur un mensonge. C______ connaissait parfaitement – voire soutenait – le rôle joué par K______ dans la joint-venture, comme l'attestait un courriel que lui avait adressé l'intéressé le 27 mai 2015, ainsi qu'à G______ et à M______. À ce courriel était annexé le projet de "memorandum of understanding" résumant l'accord trouvé entre les précités en lien avec la joint-venture avec I______. Or, le rôle et l'implication de la société K______ y étaient expressément mentionnés. C______ avait donc déposé plainte contre lui en alléguant avoir été dupé alors qu'il avait toujours agi avec l'accord de celui-ci. De plus, la joint-venture n'avait finalement pas été réalisée, de sorte que ni A______ ni G______ n'avaient tiré le moindre avantage de celle-ci.

La plainte avait été signée par B______, qui était membre du conseil d'administration des plaignantes aux côtés de C______ et D______. Aucun d'entre eux n'avait pris contact avec lui pour clarifier les faits reprochés avant le dépôt de la plainte.

À l'appui de sa plainte, A______ a produit deux procès-verbaux du 7 juin 2019 des conseils d'administration respectifs de E______/1______ SA et de E______/2______ SA, dont il ressort que le premier a une position minoritaire au sein des deux conseils.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public retient que l'élément subjectif de la dénonciation calomnieuse faisait défaut (art. 310 al. 1 let. a CPP) et que la culpabilité des mis en cause et les conséquences de l'acte étaient peu importantes, justifiant l'application de l'art. 52 CP.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que le Ministère public n'avait pas instruit la bonne foi de C______, bien qu'il eût retenu que l'échec de la joint-venture pouvait laisser l'intéressé et les autres membres du conseil d'administration penser à une violation du devoir de fidélité par A______. Or, les éléments au dossier, en particulier le courriel du 27 mai 2015 de C______, permettaient d'exclure la bonne foi de celui-ci, dès lors que la substitution, dans le cadre de la joint-venture avec I______, de E______/3______ LLC par K______ avait été décidée d'entente entre A______ et C______, après l'arrêt des négociations du représentant de I______ avec le groupe E______. De plus, il n'y avait aucune explication à la durée écoulée entre la prise de connaissance, selon le mis en cause en automne 2016, de l'éviction de E______ de la joint-venture et le dépôt de la plainte en mai 2018, étant relevé qu'il avait poursuivi la conduite des affaires du groupe E______ jusqu'au printemps 2019, sans être mis en cause par le conseil d'administration, qui lui reprochait pourtant en procédure d'avoir fait perdre au groupe CHF 75 millions à son profit personnel et à celui de son fils. Le mis en cause avait, avec conscience et volonté, déposé une plainte contre lui, alors qu'il le savait parfaitement innocent, dans le but de faire ouvrir une procédure pénale et prendre le contrôle du groupe E______. Les éléments constitutifs de l'art. 303 CP étaient par conséquent réalisés.

S'agissant de l'art. 52 CP, il expose qu'au vu du courriel du 27 mai 2015, la culpabilité du mis en cause, qui avait porté de graves accusations à son encontre, était lourde et les conséquences importantes. Lesdites accusations visaient à justifier la prise de contrôle du groupe E______ par A______ et ce dernier continuait à s'en prévaloir dans des procédures judiciaires pendantes.

b. Le Ministère public conclut, sous suite de frais, au rejet du recours. Bien que faisant référence à une joint-venture existante avec K______, le projet de memorandum of understanding impliquait une société suisse à créer, contrôlée par le groupe E______. Il en découlait que les négociations s'étaient poursuivies et que le groupe E______ devait participer à une autre joint-venture, qui ne s'était finalement pas concrétisée. Dès lors, les éléments constitutifs de l'art. 303 CP n'étaient pas réalisés. Par ailleurs, l'application de l'art. 52 CP n'était exclue ni pour des infractions particulières ni pour les cas où la culpabilité du mis en cause était établie ; seul importait que celle-ci soit peu importante. En outre, le recourant avait pu produire le courriel du 27 mai 2015 à la défense de ses intérêts, de sorte qu'une éventuelle volonté de dissimuler cette pièce n'avait eu aucune conséquence. Enfin, rien ne permettait, à teneur de dossier, de retenir que la plainte du 18 mai 2018 avait pour but de prendre le contrôle du groupe E______ en se prévalant d'une rupture de confiance des deux actionnaires, ce d'autant moins que A______ alléguait avoir poursuivi la conduite du groupe jusqu'en 2019. Aux circonstances précitées s'ajoutaient le déroulement (une seule audience) et l'issue (un classement, avec indemnisation du prévenu) de la procédure P/5______/2018, de sorte que l'application de l'art. 52 CP se justifiait.

c. Dans sa réplique, A______ soulève que le raisonnement du Ministère public – selon lequel C______ n'aurait pas réalisé que la joint-venture ne serait finalement pas conclue entre E______ et I______ – contredisait son ordonnance de classement dans la P/5______/2018. Par ailleurs, dans leur plainte du 2 mai 2018, E______/1______ SA et E______/2______ SA ne s'étaient pas contentées de lui imputer l'échec de la joint-venture, mais lui avaient reproché, ainsi qu'à son fils, d'avoir, le 21 juillet 2015 et à l'insu du groupe E______, substitué leur propre société dans ce cadre afin d'en tirer des avantages. Or, le caractère erroné de telles allégations était connu des mis en cause, compte tenu du courriel du 27 mai 2015. S'agissant de l'application de l'art. 52 CP, le Ministère public semblait confondre l'efficacité de sa défense avec l'importance de la culpabilité des mis en cause. En outre, dans le cadre d'une procédure devant le Tribunal des prud'hommes, E______/2______ SA avait allégué que A______ avait été exclu de son conseil d'administration le 8 juillet 2019 en raison des agissements objet de la plainte du 2 mai 2018, dévoilant ainsi le but réel de ladite plainte.

Il a produit le mémoire de réponse du 14 août 2020 de E______/2______ SA dans la cause C/6______/2019, dont il ressort l'allégué précité.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification n'ayant pas été observées (art. 85 al. 2 CPP) –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles sont recevables (arrêts du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.1 et 3.2; 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

2.             Le recourant fait grief au Ministère public de n'être pas entré en matière sur sa plainte.

2.1.       Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1;
138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées). Face à des versions contradictoires des parties, il peut être exceptionnellement renoncé à une mise en accusation lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre version comme étant plus ou moins plausible et qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêts du Tribunal fédéral 6B_174/2019 du 21 février 2019 consid. 2.2 et les références citées).

2.2.       L'art. 303 al. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse celui qui aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'elle savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

Sur le plan objectif, une dénonciation est composée de deux éléments soit qu'une dénonciation soit faite et qu'elle fasse porter l'accusation sur une personne innocente. La dénonciation n'est calomnieuse que si la personne mise en cause est innocente, en ce sens qu'elle n'a pas commis les faits qui lui sont faussement imputés, soit parce que ceux-ci ne se sont pas produits, soit parce qu'elle n'en est pas l'auteur. Une dénonciation pénale n'est pas punissable du seul fait que la procédure pénale ouverte consécutivement à la dénonciation est classée. L'infraction n'est réalisée que si l'innocence de la personne dénoncée a été constatée dans une procédure précédente (ATF 136 IV 170 consid. 2.2 p. 177).

L'élément constitutif subjectif de l'infraction exige l'intention et la connaissance de la fausseté de l'accusation. L'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Par conséquent, il ne suffit pas que l'auteur ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son accusation est inexacte. Le dol éventuel ne suffit donc pas (arrêt du Tribunal fédéral 6B_753/2016 du 24 mars 2017 consid. 2.1.2). Celui qui admet que sa dénonciation est peut-être fausse ne sait pas innocente la personne dénoncée (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 p. 176). Par ailleurs, l'auteur doit agir en vue de faire ouvrir une poursuite pénale contre la personne qu'il accuse injustement. Le dol éventuel suffit quant à cette intention (arrêt du Tribunal fédéral 6B_324/2015 du 18 janvier 2016 consid. 2.1). L'art. 303 CP n'exige pas tant l'innocence de la personne dénoncée que la connaissance certaine de cette innocence par l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1003/2017 du 20 août 2018 consid. 4.2). En l'absence d'aveu, l'élément subjectif se déduit d'une analyse des circonstances permettant de tirer, sur la base des éléments extérieurs, des déductions sur les dispositions intérieures de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_502/2017 du 16 avril 2018 consid. 2.1).

2.3. En l'espèce, le recourant soutient qu'il ressortait clairement du memorandum of understanding du 27 mai 2015 que les mis en cause connaissaient la fausseté des accusations portées à son encontre dans leur plainte du 2 mai 2018. Selon lui, cette impression était renforcée par le fait que la joint-venture avec K______ ne s'était finalement pas réalisée, ainsi que par la poursuite de sa participation à la conduite des affaires du groupe E______ jusqu'au printemps 2019.

La simple connaissance, par les mis en cause, de l'existence de la société K______ lors de la rédaction du projet de memorandum of understanding ne conduit pas à retenir un caractère calomnieux à la plainte du 2 mai 2018. Ledit projet mentionne en effet deux joint-ventures, dont l'une – impliquant K______ – existait déjà et dont l'autre était à créer avec une société sous contrôle majoritaire du groupe E______. Le projet de memorandum ne précise pas l'articulation de la joint-venture prévue, ni le rôle exact joué dans ce cadre par la société K______. Ainsi, l'hypothèse que le recourant et son fils souhaitaient évincer le groupe E______ en attribuant à leur société un rôle plus important qu'envisagé ne pouvait être exclue. L'entrée du recourant et de son fils dans le conseil d'administration de la société constituée en vue de la joint-venture pouvait, en outre, renforcer, aux yeux des mis en cause, l'impression d'avoir été trompés. À tout le moins, la connaissance du projet de memorandum of understanding ne suffit pas à retenir que les mis en cause aient sciemment porté de fausses accusations contre le recourant lors du dépôt de la plainte du 2 mai 2018, étant rappelé que le dol éventuel ne suffit pas pour retenir une infraction à l'art. 303 al. 1 CP.

Par ailleurs, l'échec ultérieur du projet de joint-venture entre I______ et K______ ne suffisait pas à enlever d'emblée, aux yeux des mis en cause, tout soupçon de gestion déloyale visant le recourant.

À la lumière de ces éléments, on ne voit pas comment il pourrait être retenu à la charge des mis en cause d’avoir porté délibérément une fausse accusation de gestion déloyale contre le recourant.

3.             Les éléments constitutifs de l'art. 303 CP n'étant pas réalisés, le grief relatif à l'application de l'art. 52 CP n'a plus d'objet.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'200.- pour la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui à son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/15515/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

     

Total

CHF

1'200.00