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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10916/2020

ACPR/735/2022 du 26.10.2022 sur OTMC/3152/2022 ( TMC ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : DÉTENTION POUR DES MOTIFS DE SÛRETÉ;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10916/2020 ACPR/735/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 26 octobre 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocat, ______, Genève,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 10 octobre 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 13 octobre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 octobre 2022, notifiée le 12 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prononcé sa mise en détention pour des motifs de sûreté jusqu'au 6 janvier 2023.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa libération immédiate.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, ressortissant somalien né en 1980, est en couple depuis 2007 avec D______, mère de trois enfants nés entre 2009 et 2011, issus d'une précédente relation. Ensemble, ils ont eu deux enfants, nés respectivement en 2019 et ______ 2022.

b. À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à 12 reprises, depuis 2007, principalement pour lésions corporelles graves (2007), tentative de lésions corporelles graves (2013), violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (2013, 2016, 2018, 2020), menaces (2015 et 2017), délit contre la loi sur les stupéfiants (2015) et dommages à la propriété (2015 et 2016).

En mars 2020, il a été condamné à 180 jours de peine privative de liberté pour lésions corporelles simples, menaces, contrainte et voies de fait contre sa partenaire, D______, et voies de fait sur deux des enfants de celle-ci.

c. En exécution de la peine précitée, A______ a été détenu à la prison de B______ du 18 août 2020 au 27 avril 2021.

Dès sa sortie de prison et jusqu'en décembre 2021, il a vécu tantôt chez ses parents, tantôt chez D______, le couple ne s'étant jamais définitivement séparé. Dès décembre 2021, il a vécu exclusivement au domicile conjugal.

d. A______ a été arrêté le 5 février 2022, dans la présente procédure, et placé en détention provisoire, régulièrement prolongée depuis.

Par arrêt ACPR/566/2022 du 16 août 2022, la Chambre de céans a rejeté le recours formé, en personne, par A______ contre la prolongation de la détention provisoire ordonnée par le TMC jusqu'au 5 octobre 2022. La violation du principe de la célérité, dénoncée par le prévenu, n'était pas réalisée ; toutefois, le Ministère public a été invité à faire diligence afin que les actes d'enquête ordonnés et les rapports requis d'autres autorités soient accomplis, respectivement obtenus, sans tarder.

A______ a encore recouru, en personne, contre la prolongation de détention suivante, au 2 novembre 2022, ordonnée par le TMC le 27 septembre 2022. Ce recours a été déclaré sans objet (cf. arrêt ACPR/734/2022 de ce jour).

e. Par acte d'accusation du 7 octobre 2022, le Ministère public a renvoyé A______ en jugement principalement pour lésions corporelles simples aggravées et voies de fait aggravées envers des enfants, lésions (et tentatives de lésions) corporelles simples aggravées envers sa partenaire, voies de fait aggravées et menaces aggravées envers celle-ci, injure, violation du devoir d'assistance ou d'éducation, et séjour illégal.

Il lui est en substance reproché d'avoir, depuis avril 2020, régulièrement frappé, menacé et injurié D______ et trois des enfants de celle-ci, qui ont été entendus selon le protocole EVIG.

Le Ministère public requiert le prononcé d'une peine privative de liberté ferme de 11 mois, sous déduction de la détention subie avant jugement ; d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- le jour, sans sursis ; d'une amende de CHF 3'000.-, assortie d'une peine privative de liberté de substitution de 30 jours ; et d'une expulsion pour 10 ans.

f. A______ admet avoir été physiquement violent à l'égard de sa compagne, mais pas des enfants ; il lui était arrivé de leur hurler dessus et de leur donner des fessées, mais pas plus.

g. Le Ministère public a requis la mise en détention de A______ pour des motifs de sûreté, en raison des risques de réitération et collusion.

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu l'existence de charges suffisantes, en dépit des dénégations partielles de A______. La partie plaignante et les enfants le mettaient clairement en cause pour des violences conjugales et familiales. Le risque de collusion perdurait de manière concrète vis-à-vis de D______, en vue de l'audience de jugement, sous forme de pressions voire de menaces. Il existait également un risque concret et très élevé de réitération, au vu des nombreux antécédents spécifiques, en particulier la dernière condamnation de mars 2020, qui ne l'avaient pas dissuadé d'avoir à nouveau recours à la violence verbale et physique à l'encontre de sa compagne et des enfants de celle-ci. Aucune mesure de substitution n'était susceptible, compte tenu de l'intensité des risques retenus, d'atteindre le but de la détention, en particulier pas une interdiction de contacter ou d'approcher D______ ni une obligation de résider dans un domicile séparé.

La mise en détention pour des mesures de sûreté, pour 3 mois, demeurait proportionnée à la peine susceptible d'être infligée, peine qui pourrait être égale, supérieure ou inférieure aux 11 mois requis. Le prévenu était en détention depuis 8 mois et il n'appartenait pas au TMC de prendre en compte l'éventualité du prononcé d'une libération conditionnelle.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ estime que sa détention devrait être examinée en lien avec le but de la détention pour des motifs de sûreté – lequel était différent de la détention provisoire –, soit assurer sa présence à l'audience de jugement et pour l'exécution de la peine. Or, rien au dossier ne permettait de retenir qu'il ne se présenterait pas à l'audience de jugement. Dès lors qu'il avait l'intention de s'opposer à la peine requise par le Ministère public, il était dans son intérêt de comparaître. En outre, il avait déjà purgé les trois quarts de la peine envisagée par le Ministère public, de sorte qu'il était manifeste que le rapport entre le peine requise et celle déjà effectuée "ne plaid[ait] pas en faveur d'un risque de fuite". La durée ordonnée – trois mois – était de plus disproportionnée.

Le risque de collusion devait être relativisé, puisque l'instruction était terminée. Il avait la possibilité d'être logé auprès de sa famille, notamment de son père dont le domicile n'était pas à proximité de celui de D______. Le risque de réitération était "purement théorique", puisqu'il n'avait aucune intention de cette nature, et que son hébergement par sa famille serait suffisant. Au demeurant, il "devra forcément être libéré à brève ou moyenne échéance". Au surplus, une réitération "serait de mauvais effet au moment du jugement".

b. Le Ministère public s'en rapporte aux termes de sa demande de détention pour des motifs de sûreté, ainsi qu'à ceux de l'ordonnance querellée.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.

d. Le recourant persiste dans ses conclusions

E. L'audience de jugement a été fixée au 15 novembre 2022.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne s'exprime pas sur les charges retenues. Il n'y a donc pas à s'y attarder, mais à renvoyer, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références), qui expose les indices graves et concordants pesant sur le prévenu, qui est du reste renvoyé en jugement.

3.             Le recourant conteste tout risque de fuite, exposant qu'il aurait bel et bien l'intention de comparaître à l'audience de jugement. Ce grief est toutefois vain, aucun risque de fuite n'ayant été retenu contre lui.

4.             Le recourant conteste un risque de réitération.

4.1.       Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 146 IV 326 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_668/2021 du 4 janvier 2022 consid. 4.1).

4.2.       En l'espèce, le recourant semble alléguer que la détention pour des motifs de sûreté ne serait autorisée que pour pallier l'éventuel risque qu'il ne comparaisse pas à l'audience de jugement. C'est toutefois faire fi de l'art. 221 al. 1 1ère phrase CPP, lequel prévoit que tant la détention provisoire que la détention pour des motifs de sûreté peuvent être ordonnées lorsque l'un des trois risques énoncés, soit fuite, collusion ou réitération, est réalisé.

En l'occurrence, le risque de récidive, loin d'être "théorique", est bel et bien patent, le recourant ayant non seulement été condamné à plusieurs reprises pour des actes de violence contre des tiers, mais il a été condamné en 2020 à une peine privative de liberté pour s'en être pris physiquement à D______ et aux enfants de celle-ci.

5.             Le risque de réitération étant réalisé, l'autorité de recours peut se dispenser d'examiner si un autre risque – alternatif – l'est également (arrêt du Tribunal fédéral 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1 et la jurisprudence citée).

6.             Le recourant sollicite le prononcé de mesures de substitution.

6.1.       Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple l'assignation à résidence ou l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (al. 2 let. c) et/ou l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (al. 2 let. g).

6.2.       Une interdiction d'approcher peut dans certains cas suffire à prévenir le risque de collusion. Tel est notamment le cas lorsque les déclarations à charge émanent de la victime elle-même (cf. ATF 137 IV 122 consid. 4.3 p. 128 et 6.4), puisque l'on peut attendre de celle-ci qu'elle signale spontanément et immédiatement à l'autorité toute tentative de prise de contact ou d'intimidation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_172/2015 du 28 mai 2015 consid. 4.2.).

6.3.       En l'espèce, une partie des faits reprochés au recourant – et pour lesquels il est renvoyé en jugement – sont soupçonnés d'avoir été commis alors qu'il résidait chez ses parents, après sa libération de prison en avril 2021. On ne saurait donc considérer que l'hébergement proposé ici, chez son père, serait de nature à pallier le risque important de réitération retenu ci-dessus, étant relevé que, dans la présente affaire, des enfants mineurs sont concernés, dont on ne saurait attendre qu'ils signalent toute prise de contact ou tentative d'approche par l'intéressé.

7.             Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité.

7.1.       À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

7.2. En l'espèce, il est prévu que le recourant, détenu depuis un peu plus de 8 mois, sera jugé le 15 novembre 2022. À cette date, la détention provisoire et pour des motifs de sûreté accomplie ne dépassera pas la peine de 11 mois requise par le Ministère public, de sorte que le principe de la proportionnalité n'est pas violé.

En revanche, la date de l’audience de jugement étant désormais connue, il n’y a pas lieu de prolonger la détention au-delà des quelques jours qui pourraient, éventuellement, être nécessaires à une demande de prolongation, si la procédure devait connaître un retard imprévu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_405/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.3). Le recours doit, dès lors, être admis sur ce point.

8.             Le recours s'avère ainsi très partiellement fondé et l'ordonnance querellée sera en partie annulée pour ramener l'échéance de la détention pour des motifs de sûreté au 30 novembre 2022.

9.             Le recourant, qui succombe presque intégralement, supportera les deux tiers des frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.-, soit CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

10.         Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

10.1.   Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

10.2.   En l'occurrence, compte tenu de l'issue du recours, l'acte ne procédait pas d'un abus. L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet partiellement le recours.

Annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle a ordonné la détention pour des motifs de sûreté de A______ jusqu'au 6 janvier 2023 et en fixe l'échéance au 30 novembre 2022.

Condamne A______ aux deux tiers des frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 900.-, soit CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONLUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/10916/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

-

CHF

 

 

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

900.00