Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/327/2022 du 06.05.2022 sur JTPM/90/2022 ( TPM ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE PM/36/2022 ACPR/327/2022 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 6 mai 2022 |
Entre
A______, actuellement détenu à l'Établissement fermé de B______, comparant par Me C______, avocat, ______ Genève,
recourant,
contre le jugement rendu le 1er février 2022 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,
et
LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 21 février 2022, A______ recourt contre le jugement du 1er février 2022, notifié le 9 suivant, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.
Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'octroi de sa libération conditionnelle et, subsidiairement, à la mise à jour de son plan d'exécution de la sanction, en ce sens qu'il soit "préparé" à sa libération "par un régime semi-ouvert, des permissions ou une conduite accompagnée".
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a.A______, né le ______ 1992, ressortissant kosovar, exécute actuellement les peines suivantes:
- une peine privative de liberté de substitution de 14 jours, en conversion d'amendes impayées d'un montant total de CHF 1'340.-, prononcée par ordonnance pénale du Service des contraventions (ci-après, SdC) du 2 octobre 2018;
- une peine privative de liberté d'ensemble de 5 ans et 6 mois, sous déduction de 505 jours de détention subie avant jugement, ainsi qu'une amende de CHF 300.-, prononcées par arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après, CPAR) du 11 octobre 2019, pour tentative d'extorsion et de chantage, vol, recel, vol par métier, dommages à la propriété, violation de domicile, tentative de violation de domicile, violation simple des règles de la circulation routière, conduite d'un véhicule sans autorisation, conduite d'un véhicule sans assurance responsabilité-civile et conduite d'un véhicule en état défectueux. La CPAR a révoqué le sursis qui avait été octroyé au condamné par jugement du Tribunal correctionnel de Genève du 22 février 2012, ainsi que la libération conditionnelle accordée par jugement du TAPEM du 2 février 2016. Elle a également ordonné son expulsion judiciaire de Suisse pour une durée de 5 ans, étant précisé que l'exécution de la peine primait celle de l'expulsion;
- une peine privative de liberté de substitution de 3 jours, en conversion d'une amende de CHF 300.-, prononcée par arrêt de la CPAR du 11 octobre 2019, pour violation simple des règles de la circulation routière et pour conduite d'un véhicule en état défectueux;
- une peine privative de liberté de substitution de 4 jours, en conversion d'amendes impayées d'un montant total de CHF 360.-, prononcée par ordonnance pénale du SdC du 2 juin 2020.
b. A______ a été incarcéré à la prison de D______ le 26 juin 2018, puis transféré le 31 juillet 2019 à l'Établissement fermé de B______ (ci-après, B______), où il demeure encore à ce jour.
c. Les deux tiers des peines qu'il exécute sont intervenus le 6 février 2022, le terme étant fixée au 15 décembre 2023.
d. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse (dans sa teneur au 4 janvier 2022), A______ a été condamné à cinq autres reprises entre les 22 février 2012 et 12 décembre 2014, principalement pour des violations des règles de la circulation routière ainsi que des infractions contre le patrimoine et une contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants. Par ailleurs, il a bénéficié d'une libération conditionnelle, par jugement du TAPEM du 2 février 2016 – avec un délai d'épreuve d'un an, le solde de peine étant de dix mois –, qui a été révoquée par l'arrêt de la CPAR du 11 octobre 2019 susmentionné.
e. À teneur de l'évaluation criminologique du Service de probation et d'insertion (ci-après, SPI) du 14 juillet 2020, A______ présentait un risque de récidive général élevé. La plupart des infractions ayant fait l'objet de l'arrêt de la CPAR du 11 octobre 2019 avaient été commises par l'intéressé durant le délai d'épreuve précédemment octroyé, durant sa libération conditionnelle et alors qu'il était soumis à des mesures de substitution.
Depuis son plus jeune âge, il montrait un solide ancrage dans la délinquance et avait agi délictueusement de manière intense et variée. Son casier judiciaire présentait six condamnations, principalement pour des infractions contre le patrimoine, mais également pour conduite sans permis et/ou sous l'influence de l'alcool. Il avait en outre, en tant que mineur, des antécédents de brigandage, agression, menaces ainsi que d'autres infractions à la LCR et au patrimoine, étant précisé qu'il avait fait plusieurs séjours au centre de détention de E______.
Il avait par ailleurs adopté des comportements violents et antisociaux. Tout au long de son parcours de vie, il avait été mêlé à des bagarres, tant en milieu carcéral qu'en société, et avait un rapport conflictuel avec l'autorité.
Le caractère dissuasif des condamnations et incarcérations n'avait eu aucun effet sur A______, étant relevé que celui-ci avait récidivé durant son délai d'épreuve, démontrant des difficultés à se conformer à un cadre. S'il parvenait à identifier des aspects problématiques de sa vie, ainsi que des facteurs de prédisposition à la délinquance, il évoquait toutefois régulièrement le côté inévitable de son parcours, au vu du quartier dans lequel il avait grandi et de ses fréquentations. Il déclarait en outre porter un regard valorisant sur ses cambriolages et évaluer les gains plus intéressants que les risques encourus, évoquant même un choix de vie.
Tout au long de son parcours, il avait majoritairement fréquenté des jeunes délinquants et l'influence criminogène s'était probablement accentuée durant ses séjours en prison. Il adoptait une attitude provocante et arrogante en détention et avait fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires depuis son placement à l'établissement de B______. Il ne reconnaissait que partiellement les faits ayant donné lieu à sa dernière condamnation et minimisait les conséquences de ses actes. Il n'avait, pour le surplus, présenté aucun projet de réinsertion professionnelle concret et avait des difficultés à se projeter dans l'avenir, en raison de son opposition à son renvoi de Suisse.
Le risque de récidive était plus important pour des infractions contre le patrimoine ou à la LCR que pour des infractions violentes. Sa problématique délinquante demeurait préoccupante, dans la mesure où son discours était stratégique, qu'il ne démontrait pas de réel désir de changement, en particulier en s'impliquant sérieusement dans un projet professionnel, et que son intérêt pour "l'argent facile" restait présent. Par conséquent, il apparaissait essentiel qu'il développe un projet d'insertion professionnelle en tenant compte de son expulsion de Suisse et qu'il économise son pécule jusqu'à sa sortie, ceci pour limiter "l'imminence" d'un nouveau passage à l'acte.
f. Le 14 septembre 2020, le plan d'exécution de la sanction pénale (ci-après, PES) a été validé par le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM), prévoyant uniquement le maintien de A______ en milieu fermé.
Il ressort notamment de ce document que les proches du condamné vivant au Kosovo ignorent son incarcération et qu'il ne conçoit pas de leur demander de l'accueillir à sa sortie, par honte. Ne souhaitant en aucun cas vivre au Kosovo, il espérait pouvoir rejoindre un État Schengen, tel que la France, afin d'être à proximité de sa famille vivant en Suisse.
Les objectifs à atteindre par l'intéressé durant la détention étaient de définir un projet professionnel concret, réaliste et conforme avec sa situation administrative; maintenir des contacts réguliers avec sa famille; réfléchir à une solution de logement et contacter éventuellement des proches qui pourraient l'accueillir à son retour au Kosovo; et thésauriser, au vu de sa probable situation précaire à sa sortie.
g. À teneur du rapport de suivi psychothérapeutique établi le 19 mars 2021 par le Service de médecine pénitentiaire de B______, A______ avait sollicité un suivi thérapeutique dans l'espoir de pouvoir bénéficier d'une "réévaluation" du PES et pour faire un point sur sa situation. Lors des entretiens, il avait exprimé un sentiment d'injustice à l'égard des éléments retenus tant dans le PES que dans l'évaluation criminologique du 14 juillet 2020. Il avait également manifesté un sentiment d'impuissance face à son expulsion judiciaire, souffrant de devoir s'imaginer dans un pays où il n'avait aucun projet. Il ne parvenait pas à accepter cette décision et souhaitait qu'une nouvelle chance lui soit accordée.
Aucun objectif psychothérapeutique n'ayant pu être mis en avant, l'intéressé a décidé de mettre un terme au suivi à l'issue du quatrième entretien.
h. Dans un courriel du 3 novembre 2021, l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM) précise que A______ fait l'objet d'une expulsion judiciaire d'une durée de cinq ans. Il est titulaire d'un passeport serbe valable jusqu'au 3 septembre 2024.
i. Dans le formulaire qu'il a rempli le 8 novembre 2021 en vue de l'examen de sa libération conditionnelle, A______ déclare être célibataire, sans enfants et disposer d'une pièce d'identité serbe. Il n'a pas répondu à la question de savoir s'il était autorisé à séjourner en Suisse et a indiqué ne pas avoir connaissance de sa situation auprès des autorités de migration. À sa libération, il souhaitait se rendre au Kosovo, dans la région de Gora, où vivait sa grand-mère. Il mentionne ses parents comme étant susceptibles de l'aider à sa libération et précise qu'il bénéficiera, "le temps de partir à l'étranger", d'un logement dans le village de I______, au Kosovo, où résiderait sa grand-mère. Les perspectives de trouver un travail au Kosovo, pays dont il ne parlait pas la langue, étaient inexistantes, de sorte qu'il n'avait aucun avenir là-bas. Il avait le projet de s'établir dans un pays francophone pour y travailler comme menuisier ou chauffagiste. Une fois établi, il continuerait à rembourser le dommage causé. Il espérait pouvoir revenir en Suisse au terme du délai d'expulsion, pays dans lequel vivaient ses parents et frère et sœurs.
j. Le 25 novembre 2021, la direction de B______ a émis un préavis favorable à la libération conditionnelle de A______. Depuis son incarcération, le 31 juillet 2019, il avait fait l'objet de diverses sanctions disciplinaires, soit les 22 novembre 2019, 13 février et 14 avril 2020 pour refus de travailler, le 23 juillet 2020 pour introduction et détention de produits stupéfiants, comportement contraire au but de l'établissement et trouble à l'ordre et à la tranquillité de l'établissement ou ses environs, le 12 janvier 2021 pour introduction et détention de produits stupéfiants, ainsi que d'un avertissement, le 2 mai 2021, pour comportement contraire au but de l'établissement.
Malgré une attitude positive au sein des divers ateliers, l'intéressé avait adopté un comportement contraire au but de l'établissement et a démontré une attitude transgressive. Il faisait preuve d'arrogance à l'égard du personnel de détention et s'était régulièrement montré hautain. Il avait également été menaçant et insultant envers ses codétenus, causant de nombreuses tensions pouvant mener à des altercations.
Nonobstant ces faits, son comportement s'était nettement amélioré depuis le mois de janvier 2021, dès lors qu'il n'avait plus fait l'objet de sanction disciplinaire et adoptait une attitude plus calme et positive.
S'agissant de son parcours en ateliers, il avait travaillé du 13 août au 7 octobre 2019 à l'atelier "Évaluation", où il avait exécuté les tâches dévolues avec soin et de manière appliquée. Il disposait de bonnes capacités manuelles et s'était montré poli et respectueux à l'égard du personnel et de ses codétenus. Du 8 octobre 2019 au 25 septembre 2020, il avait œuvré au sein de l'atelier "Fer", où il avait travaillé avec une grande motivation. Le responsable de l'atelier l'avait décrit comme poli, travailleur, ponctuel et volontaire. Depuis le 26 septembre 2020, il avait intégré l'atelier "Nettoyage secteur" où il réalisait correctement son travail et faisait preuve d'une attitude positive.
A______ avait commencé à rembourser les frais de justice le 28 février 2020, à hauteur de CHF 30.- par mois, puis de CHF 20.- dès le mois de mai 2020, et les indemnisations des victimes à raison de CHF 20.- par mois depuis le 30 juin 2021.
S'agissant de l'état de ses comptes, il disposait de CHF 40.30 sur son compte libre, CHF 821.25.- sur son compte réservé, CHF 1'941.80.- sur son compte bloqué, CHF 340.- sur son compte LAVI et CHF 460.- sur son compte Justice.
Il avait été soumis à des examens toxicologiques le 17 novembre 2021, qui s'étaient révélés négatifs. Enfin, il recevait la visite régulière de sa famille et ses amis.
k. Selon le rapport socio-judiciaire établi le 3 décembre 2021 par le SPI, A______ avait achevé sa scolarité obligatoire en Suisse mais ne bénéficiait d'aucune formation ni diplôme. Il avait interrompu un apprentissage de monteur-chauffagiste, puis une formation dispensée à l'école F______. Il avait ensuite travaillé en qualité d'aide-menuisier durant une année. En détention, il suivait une formation à distance de "personal trainer", étant précisé qu'à sa sortie de prison, il souhaitait exercer une activité lucrative générant un revenu confortable. Il était opposé à son renvoi au Kosovo, de sorte qu'aucun projet de retour n'avait pu être mis en place.
l. le 10 janvier 2022, le SAPEM a préavisé défavorablement la libération conditionnelle de A______. Bien que son comportement en détention s'était amélioré depuis janvier 2021, son pronostic de récidive étant manifestement défavorable. Ses antécédents, de gravité croissante, étaient nombreux, et il n'avait su tirer profit ni de ses précédentes incarcérations, ni du sursis dont il avait bénéficié le 22 février 2012, ni de la libération conditionnelle accordée le 2 février 2016. En détention, il se montrait hautain, arrogant à l'égard du personnel pénitentiaire, menaçant et insultant envers ses codétenus et avait provoqué des altercations. Il ne reconnaissait que partiellement les faits ayant donné lieu à sa dernière condamnation et minimisait les conséquences de ses actes. Il s'opposait à son renvoi de Suisse et n'avait présenté aucun projet de réinsertion réaliste et concret, de sorte qu'à sa sortie de prison, il se retrouverait dans la même situation que celle l'ayant menée à ses dernières condamnations.
m. Par requête du 13 janvier 2022, le Ministère public a conclu au refus de la libération conditionnelle, se référant au préavis du SAPEM.
n. Par décision du 18 janvier suivant, le TAPEM a ordonné la défense d'office de A______ et nommé Me C______ à cet effet.
o. À l'audience du 1er février 2022 devant le TAPEM, A______ a déclaré vivre depuis 22 ans à Genève, où ses parents et frère et sœurs résidaient, et considérer n'avoir pas d'autre patrie que la Suisse. Il n'avait que très peu de famille au Kosovo, ne parlait pas l'albanais mais seulement un dialecte macédonien. Son village d'origine était très petit. Outre la barrière de la langue, il ne voyait pas comment il pourrait se réinsérer au Kosovo, dont il ne partageait pas la culture. Il souhaitait vivre dans un pays francophone et travailler dans la menuiserie ou le chauffage, professions qu'il avait déjà exercées par le passé. Conscient de son parcours délictueux, il s'était autodétruit durant des années et n'avait pas fait preuve d'assez de maturité pour se rendre compte de la souffrance qu'il avait pu occasionner. Il estimait être désormais à un tournant de sa vie.
Sa situation en prison n'avait jamais été bien, ni très mal. Il avait connu quelques égarements mais sans altercation physique. Il avait essayé de "faire au mieux" durant son parcours carcéral, étant précisé qu'il ne lui était pas facile de se plier aux règles.
Pour lui, une autre forme de prison l'attendait hors de Suisse; il espérait toutefois pouvoir revenir sur le territoire helvétique au terme de son expulsion. Il acceptait désormais l'idée d'être renvoyé au Kosovo, n'ayant pas le choix et souhaitant avancer. Si sa famille pourrait l'aider financièrement, son problème majeur au Kosovo était la langue, qu'il ne parlait pas. Il s'agissait d'une situation catastrophique pour lui mais il comprenait devoir être expulsé. Double national, il était titulaire d'un passeport serbe, encore valable, et d'un passeport kosovar, échu, qui se trouvait chez ses parents.
C. Dans son jugement querellé, le TAPEM constate que, dès le 6 février 2022, la condition temporelle pour l'octroi de la libération conditionnelle était réalisée. Cela étant, le SAPEM et le Ministère public s'y opposaient tous deux, nonobstant le comportement en détention de A______ désormais considéré comme satisfaisant.
Ses chances de réinsertion sociale étaient inexistantes en Suisse, compte tenu de son expulsion obligatoire. Le risque de récidive était, en outre, particulièrement élevé, que ce soit au Kosovo ou dans un pays francophone, que l'on comprenait être la France, au vu de la précarité de sa situation personnelle, professionnelle et financière, de ses antécédents pénaux et de l'échec de sa précédente libération conditionnelle. De plus, il n'avait rien entrepris à ce jour pour entamer une formation en détention et préparer un tant soit peu sa sortie. En outre, s'il n'avait pas trouvé les ressources nécessaires en lui-même, durant toutes ses années passées en Suisse, pour achever une formation, trouver un emploi et construire sa vie dans la légalité, on ne voyait pas comment il en serait capable une fois libéré, dans un pays qu'il connaissait très peu et où l'encadrement social serait nécessairement moins favorable que celui dont il bénéficiait en Suisse. Ses projets de séjour et de travail à l'étranger demeuraient, en l'état, sans aucune consistance, de sorte qu'ils n'étaient pas susceptibles de prévenir sérieusement la commission de nouvelles infractions, que ses trop nombreux antécédents pénaux et son ancrage dans la délinquance faisaient légitimement craindre.
D. a. Dans son recours, A______ relève que, depuis le mois de janvier 2021, il adoptait un comportement satisfaisant en détention. Il payait régulièrement les indemnités dues aux victimes, "véritable apprentissage de l'empathie et du respect d'autrui". Il ne faisait plus l'objet de sanctions disciplinaires et les rapports toxicologiques du mois de novembre 2021 s'étaient révélés négatifs.
Si la réception du PES – qui ne comportait qu'une seule et unique phase – avait constitué un coup dur pour lui, il ne s'était toutefois pas laissé abattre. Bien plutôt, il avait fait preuve d'une grande maturité en contactant le service psychologique de l'établissement pénitentiaire afin de bénéficier d'un soutien adéquat. Il avait maintenu le cap de son parcours de redressement et d'amendement. Constatant ses progrès et venant "couronner ses efforts quotidiens", l'établissement de B______ avait d'ailleurs rendu un préavis favorable à l'octroi de sa libération conditionnelle, démontrant que l'exigence du comportement était remplie.
Concernant son pronostic de réinsertion, l'évaluation criminologique datait de près de deux ans et se basait sur son passé. Au cours de ces dernières années, il avait pourtant évolué; désormais âgé de trente ans, il avait pris conscience de ses fautes et cherchait depuis plus d'un an à se hisser vers le haut.
La majeure partie des infractions commises était dirigée contre le patrimoine, la seule visant l'intégrité corporelle étant une tentative d'extorsion et de chantage sur son ancien complice, de sorte que son importance devait être pondérée dans l'appréciation du risque de récidive. Pour le surplus, les cinq ans et demi auxquels il avait été condamné étaient dus à des révocations de libération conditionnelle et de sursis, de sorte qu'il ne s'agissait pas d'une peine d'ensemble. Le risque de récidive n'aurait donc pas dû être si élevé au point de justifier un refus de libération conditionnelle.
Il était par ailleurs étonnant que les préavis négatifs, qui se fondaient essentiellement sur l'évaluation criminologique du 14 juillet 2020, ne prenaient pas davantage en considération l'influence criminogène de ses séjours en détention établie par les experts. Or, l'appréciation de la dangerosité d'un auteur devait comprendre le risque d'une désadaptation sociale résultant d'une trop grande ascendance du monde carcéral.
Offrir des garanties sur sa situation professionnelle à sa sortie était une tâche laborieuse et compliquée, à plus forte raison qu'il devait refaire sa vie à l'étranger, dans un pays qu'il ne connaissait plus et dont il ne parlait pas la langue. Quoiqu'il en soit, tout en suivant une formation de "personal trainer" en détention, qui pourrait s'avérer utile dans son pays de renvoi, il avait réussi à obtenir une promesse d'embauche dans une ville proche de son futur logement. Ainsi, il avait réalisé les objectifs prévus par le PES.
Ce dernier document avait du reste été établi en juillet 2020, soit deux ans plus tôt, et omettait l'étape de préparation à la sortie, pourtant cruciale pour minimiser le risque de récidive. Son "inconformité" devait donc être prise en compte dans l'appréciation de sa libération conditionnelle.
À l'appui de son recours, A______ produit une attestation non signée, établie par un dénommé G______, à H______ (Kosovo), le 10 février 2022, et sa traduction libre, dont la teneur est la suivante:
"Bonjour, je m'appelle G______, je suis à la tête d'un magasin de meubles à H______ et connaissant la famille A______ par le biais d'amis, j'aimerais les aider et embaucher leur fils A______ (lorsqu'il rentrera au Kosovo) en tant qu'assembleur et fournisseur de meubles, car je pense avoir besoin d'un tel profil. Je pense embaucher A______ en contrat à durée indéterminée à 50%, avec une période d'essai de deux mois."
b. Le TAPEM maintient les termes de son jugement sans autres observations.
c. Le Ministère public conclut à l'irrecevabilité de la conclusion subsidiaire du recourant, visant à l'adaptation du PES, dès lors qu'il lui appartenait de s'adresser à cet égard au SAPEM et, cas échéant, user des voies de droit ouvertes contre la décision rendue par cette autorité.
Il ressortait clairement du préavis du SAPEM, partagé par le Ministère public, de même que du jugement entrepris, que le pronostic de récidive avait été posé après un examen de l'ensemble des éléments pertinents et pas uniquement sur la base de l'évaluation criminologique du 14 juillet 2020. Le recourant n'avait présenté aucun projet concret, la production, dans la procédure de recours, d'une vague promesse de travail non signée étant manifestement insuffisante. Il n'existait donc aucune raison de s'écarter des conclusions de l'évaluation criminologique, laquelle avait retenu un risque de récidive général élevé, étant précisé que le recourant avait déjà bénéficié d'une libération conditionnelle et récidivé durant le délai d'épreuve.
d. Le SAPEM précise que, s'il était vrai que le recourant adoptait un meilleur comportement depuis quelques mois, ce qu'il convenait de saluer, il n'en demeurait pas moins que son attitude n'était globalement pas satisfaisante. Il avait d'ailleurs fait l'objet d'une nouvelle sanction disciplinaire, le 25 janvier 2022, pour comportement inadéquat envers un agent de détention et trouble à l'ordre et à la tranquillité de l'établissement ou ses environs, ce qui lui avait valu la suppression des formations, des activités sportives, loisirs et repas en commun durant trois jours.
Il ressortait du certificat du Service de médecine pénitentiaire de B______, du 19 mars 2021, que l'intéressé avait demandé un suivi psychothérapeutique dans l'unique but d'obtenir une réévaluation du PES. Il avait donc initié cette démarche à une fin purement utilitaire et l'avait interrompue après avoir constaté qu'il n'était pas du ressort de la thérapeute de procéder à la modification du document en question.
Un bilan de phase, ainsi qu'une nouvelle évaluation criminologique seraient toutefois prochainement établis par le SPI afin d'envisager d'éventuels allégements, notamment un passage en milieu ouvert de l'intéressé.
Le SAPEM produit un document intitulé "Notification de sanction" établi par B______ pour la sanction disciplinaire dont le recourant avait fait l'objet le 25 janvier 2022.
e. Le recourant n'a pas répliqué.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1 et les références citées), dont le jugement constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363). ![endif]>![if>
1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).
1.3. En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé selon les forme et délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
1.4. Les pièces nouvelles produites à l'appui du recours et des réponses à celui-ci sont recevables (arrêts du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.1 et 3.2 et les références citées).
2. Le recourant conteste le refus de sa demande de libération conditionnelle. ![endif]>![if>
2.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2 p. 203). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 p. 203 s. et les références citées). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b p. 7).![endif]>![if>
Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 p. 203 et les références citées). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb p. 198 ss).
2.2. En l'espèce, la condition objective d'une libération conditionnelle est, certes, réalisée depuis le 6 février 2022. Cela étant, le recourant bénéficie de préavis négatifs, hormis celui de l'établissement de détention, qui n'est, à lui seul, pas déterminant en terme de risque de récidive. ![endif]>![if>
De plus, ce préavis favorable est fondé sur le bon comportement en détention du recourant depuis janvier 2021 seulement, qui doit toutefois être tempéré par la nouvelle sanction disciplinaire ordonnée le 25 janvier 2022.
Si, à teneur de la jurisprudence sus-rappelée, le risque de récidive que l'on peut admettre est généralement moindre si l'auteur s'en est pris à l'intégrité physique d'autrui que s'il a commis des infractions contre le patrimoine, elle n'énonce pas que, dans ce dernier cas, le pronostic devrait toujours être favorable. En l'occurrence, le recourant a été condamné à cinq autres reprises entre les mois de février 2012 et décembre 2014, essentiellement pour des faits semblables à ceux à l'origine des peines qu'il purge actuellement. Le sursis qui lui a été accordé a été révoqué et il a déjà bénéficié d'une libération conditionnelle, mais a récidivé dans le délai d'épreuve. Ce tableau rend le risque de réitération important, étant au demeurant relevé que les condamnations ne se limitent pas à des infractions contre le patrimoine, mais englobent également une infraction d'extorsion et chantage ainsi que des infractions à la LCR, lesquelles ne sont pas à minimiser en termes de sécurité publique. Le recourant s'est ainsi installé durablement dans la délinquance et les sanctions prononcées et exécutées n'ont pas eu à ce jour l'effet dissuasif escompté.
Même en prenant en compte les points positifs du parcours du recourant, tels que soulignés dans son recours, de l'amélioration globale de son comportement en détention ces derniers mois et de l'acceptation apparente de son expulsion de Suisse, ces éléments restent insuffisants pour établir que le pronostic n'est pas défavorable. Avec les fluctuations observées dans son comportement et sa motivation, il est nécessaire de pouvoir observer une amélioration durable de son attitude et de son investissement avant d'envisager une libération.
En outre, ses projets d'avenir sont flous, puisqu'il ne fournit aucune précision fiable et concrète s'agissant des perspectives professionnelles alléguées. La promesse d'embauche – produite à l'appui de son recours – pour un travail de monteur de meubles à H______ – à un salaire non précisé – n'apparaît pas propre à modifier ce constat, étant précisé qu'il s'agirait d'un poste à temps partiel, ne lui garantissant vraisemblablement pas un revenu suffisant. À ce dernier propos, il ressort de l'évaluation criminologique et des rapports socio-judiciaire du SPI que le recourant souhaite, à sa libération, exercer une activité lucrative lui procurant un revenu confortable et que son intérêt pour "l'argent facile" reste actuel. Dans ces circonstances, il est donc à craindre, faute de projet de vie lui garantissant une stabilité économique, qu'il cède à la tentation de l'appât du gain facile, laquelle le conduirait à commettre de nouvelles infractions. Pour le surplus, il ressort de sa demande de libération et de ses déclarations devant le TAPEM qu'il ne paraît pas avoir le projet de rester au Kosovo – où il considère n'avoir aucun avenir – et souhaite se rendre dans un pays francophone – vraisemblablement la France – pour y travailler comme menuisier ou chauffagiste. Outre que ce projet n'est nullement étayé, il apparaît également difficilement réalisable, le recourant étant démuni d'autorisation de séjour dans ce pays et n'ayant entrepris aucune démarche pour s'en procurer.
Enfin, son projet d'aller vivre chez sa grand-mère au Kosovo apparaît également hasardeux, dans la mesure où il ressort du PES du 14 septembre 2020 que le recourant n'a pas informé sa famille dans son pays d'origine de sa détention, et ne concevait pas de leur demander de l'accueillir à sa sortie, par honte.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les conditions d'une mise en liberté conditionnelle ne sont, en l'état, pas réalisées. L'appréciation émise par le TAPEM ne souffre dès lors d'aucune critique.
3. La conclusion subsidiaire du recourant, portant sur les modalités d'exécution de sa sanction (mise à jour de son PES) est irrecevable en tant qu'elle n'a pas fait l'objet d'une décision préalable. En tout état de cause, le SAPEM a indiqué, dans ses observations, qu'un bilan de phase et une nouvelle évaluation criminologique seraient prochainement réalisés par le SPI afin d'envisager d'éventuels allégements, notamment un passage en milieu ouvert de l'intéressé. ![endif]>![if>
4. Justifié, le jugement querellé sera donc confirmé.![endif]>![if>
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à
CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).![endif]>![if>
6. Le défenseur d'office du recourant n'a pas produit d'état de frais en instance de recours.![endif]>![if>
6.1. À teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ; il prévoit une indemnisation sur la base d'un tarif horaire de CHF 200.- pour un chef d'étude (art. 16 al. 1 let. c RAJ).
Selon l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu. Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3).
6.2. En l'occurrence, eu égard à l'activité déployée, soit un recours de 15 pages, dont 6 pages de développements topiques en droit, il sera alloué au défenseur d'office une indemnité fixée ex aequo et bono à CHF 800.- TTC.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 600.-.
Arrête à CHF 800.- TTC l'indemnité due à Me C______ au titre de la défense d'office pour la procédure de recours.
Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au TAPEM et au Ministère public.
Le communique, pour information, au SAPEM.
Siégeant :
Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| Le président : Christian COQUOZ |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
PM/36/2022 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 515.00 |
- | CHF | |
Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9) | CHF | 600.00 |