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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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PM/775/2024

AARP/428/2024 du 02.12.2024 sur JTPM/620/2024 ( EXE ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE;LIBÉRATION CONDITIONNELLE
Normes : CP.62; CP.59.al4
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/775/2024 AARP/428/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 2 décembre 2024

 

Entre

A______, domicilié c/o Service de protection de l'adulte, route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTPM/620/2024 rendu le 20 septembre 2024 par le Tribunal d'application des peines et mesures,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. En temps utile, A______ appelle du jugement JTPM/620/2024 du 20 septembre 2024, par lequel le Tribunal d'application des peines et mesures (TAPEM) a ordonné la prolongation pour une durée de trois ans, soit jusqu'au 24 septembre 2027, du traitement institutionnel (art. 59 al. 4 du Code pénal [CP]) prononcé le 25 septembre 2019 par le Tribunal correctionnel (TCO), sans préjudice des contrôles annuels prévus par l'art. 62d CP.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à sa libération conditionnelle, avec fixation de conditions et règles de conduite adéquates, et, à titre subsidiaire, à la prolongation du traitement institutionnel pour une durée maximale de six mois.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ est né le ______ 1982 à C______ au Portugal, pays dont il a la nationalité. Avant son incarcération, il n'exerçait aucune activité professionnelle et est au bénéfice d'une rente AI à 100% depuis le 1er mars 2003. Il fait l'objet d'une mesure de curatelle de portée générale prononcée le 17 décembre 2012, gérée par le Service de protection de l'adulte (SPAd).

b. Par jugement du 25 septembre 2019, le TCO a constaté que A______ avait commis les faits constitutifs de tentatives de brigandage et menaces mentionnés dans la demande du 17 juin 2019 en état d'irresponsabilité et ordonné une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 59 CP.

En substance, il lui était reproché d'avoir, le 29 janvier 2019, à Genève, à deux reprises, arraché avec violence le sac à main d'une femme, avant de prendre la fuite, puis, alors qu'un homme avait entrepris de le prendre en chasse pour aider la victime, de l'avoir repoussé au moyen d'un couteau muni d'une lame de dix centimètres, avant de se débarrasser du sac dérobé. Il lui était également reproché sa consommation régulière de cocaïne.

c. À teneur du casier judiciaire suisse, A______ n'a fait l'objet d'aucune nouvelle condamnation depuis le jugement susmentionné. Auparavant, il avait été condamné à des peines pécuniaires ou à une amende pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 CP) en 2014, ainsi que pour appropriation illégitime (art. 137 ch. 1 CP) et contravention selon l'art. 19a LStup en 2018.

d. À teneur de l'expertise psychiatrique du 14 mai 2019, rendue par les Drs D______ et E______, sur la base de laquelle la mesure institutionnelle a été ordonnée, A______ souffrait d'une schizophrénie paranoïde, pathologie chronique de sévérité importante, en état de décompensation au moment des faits, et d'une toxicodépendance liée à l'utilisation d'héroïne et de cocaïne, et présentait un syndrome de dépendance de sévérité importante.

L'intensité du risque de récidive devait être différenciée selon que l'expertisé se trouvait ou non en phase de décompensation, de rupture thérapeutique ou en manque de substances. Ainsi, dans une période de suivi médical sans rupture thérapeutique et sans consommation de toxiques, ledit risque était considéré comme moyen, en raison de l'impulsivité de l'expertisé qui présentait une intolérance à la frustration. Son anosognosie augmentait le risque de récidive, même en milieu carcéral. Le risque devait être considéré comme élevé, voire très élevé car imminent, en période de décompensation clinique, psychotique et/ou toxicologique, de même qu'en l'absence de suivi psychiatrique et de prise médicamenteuse régulière et adaptée, en présence d'un environnement social précaire et eu égard à son impulsivité et à son intolérance à la frustration. On pouvait s'attendre principalement à des infractions contre la vie et l'intégrité de la personne, mais aussi contre les biens. Le caractère irrationnel des actes lors d'une décompensation psychotique ne permettait d'exclure aucun type d'infraction.

L'expertisé nécessitait un suivi médical régulier, avec un traitement médicamenteux par antipsychotique ou neuroleptique, un traitement substitutif adapté à sa poly-toxicomanie et un accompagnement médico-social et psychothérapeutique spécialisé. Compte tenu des troubles présentés, un tel traitement devrait probablement être suivi à vie ou, à tout le moins, à très long terme. Les experts n'étaient pas en mesure d'évaluer les perspectives de diminution du risque de récidive dans les cinq ans au vu des données actuelles. Une mesure institutionnelle en milieu fermé, tel que F______, était préconisée.

e. Après avoir passé environ une année à la prison de G______, A______ a été transféré, le 17 février 2020, à l'établissement pénitentiaire fermé de F______.

Par décision du 21 juin 2022, en raison de sa bonne évolution, soulignée par les préavis de l'établissement du 20 mai 2022 et de la Commission d'évaluation de la dangerosité (CED) du 25 mai 2022, le SAPEM a autorisé le passage de A______ en milieu ouvert, dans une structure adaptée.

Depuis le 28 juin 2022, il est placé au [centre d'accueil] H______ à I______ [VS].

f. Un bilan de phase et progression dans l'exécution de la sanction pénale (Plan d'exécution de la sanction ; PES), élaboré par le H______ en janvier 2023 et validé par le SAPEM le 10 février 2023, prévoit comme palier de progression, en sus de la première étape d'intégration en milieu plus ouvert, une phase de sorties non accompagnées afin de permettre au cité de reprendre progressivement contact avec l'extérieur, avant de pouvoir "accéder aux ouvertures suivantes (appartement protégé, libération conditionnelle…".

g. Dès le 20 mars 2023, le SAPEM a ainsi octroyé à A______ un régime de sorties non accompagnées fractionné en six étapes, le passage de l'une à l'autre devant faire l'objet d'un bilan du H______ et d'une validation du SAPEM au moment jugé opportun par l'établissement. Le 17 juin 2024, le SAPEM a validé le passage à l'étape 3, permettant à A______ à l'heure actuelle de bénéficier de six heures de sorties non accompagnées le week-end, en sus de deux heures au maximum à prendre du lundi au vendredi.

En mars 2024, le SAPEM a également accordé à A______ de se rendre seul à vélo aux ateliers encadrés par le H______, puis, en juin 2024, a validé la participation de l'intéressé à un camp de vacances au Tessin à l'été 2024 organisé par l'établissement.

Dans le cadre de ces allégements de régime, le SAPEM expliquait ne pas douter de l'absence de dangerosité de l'intéressé.

h. À teneur des rapports figurant au dossier, tous les professionnels préconisent le maintien de la mesure thérapeutique institutionnelle.

h.a. Les rapports de suivi thérapeutique des 21 février et 24 mai 2024, rédigés par J______, psychologue, et Dr K______, psychiatre-psychothérapeute au sein du H______, font état de la bonne participation de A______ aux entretiens thérapeutiques. Ce dernier amenait spontanément les thèmes à aborder et s'exprimait ouvertement et avec authenticité sur sa maladie et ses symptômes. Il était réceptif aux observations des professionnels quant à son état psychique, apparaissait conscient de sa maladie et de la nécessité d'un traitement médicamenteux, auquel il se montrait compliant. Il avait encore du mal à se rendre compte des aspects touchant à son trouble de l'humeur. Sa thymie s'était trouvée nettement abaissée à l'automne 2023, puis en avril 2024, ce qu'il mettait en lien avec des difficultés relationnelles avec son père. Il maintenait son abstinence aux toxiques, ce que les contrôles négatifs depuis son arrivée confirmaient, assurant ne plus avoir d'envie de consommer. Les objectifs du traitement étaient de poursuivre l'accompagnement vers une meilleure compréhension de la schizophrénie et retrouver et maintenir une meilleure stabilité psychique dans le cadre des situations de changements.

La stabilité psychique de A______ demeurait néanmoins très relative et fragile car il restait sensible au moindre facteur de stress, pouvant provoquer une recrudescence des symptômes psychotiques. Un cadre contenant et sécurisant était nécessaire afin de le canaliser et lui permettre de trouver un apaisement. L'adaptation de la médication avait permis d'améliorer ses symptômes et pouvait encore faire l'objet d'ajustements. Il était également sensible à la fatigue, laquelle était provoquée par sa maladie, le traitement médicamenteux et des troubles du sommeil récurrents. Par ailleurs, au vu de son envie de tout faire parfaitement, il avait tendance à en faire trop, sans réussir à trouver un équilibre entre ses propres exigences et le respect de ses besoins et capacités.

h.b. Les rapports du H______ des 13 février et 14 juin 2024 décrivent le comportement de A______ depuis son arrivée comme exemplaire. L'intéressé se montrait partenaire de son placement, s'investissant au mieux et selon ses capacités dans la poursuite de ses objectifs, participait aux activités et aux ateliers. Il continuait à présenter des symptômes psychotiques fluctuants, ainsi qu'une forte interprétativité et restait fragile et facilement déstabilisé par de multiples facteurs de stress internes ou externes. Le moindre imprévu pouvait le rendre perméable au doute et à l'anxiété ; il peinait encore à mettre en place des solutions de façon autonome face à ces évènements du quotidien. Cependant, il faisait, dans ces situations, preuve d'une belle collaboration avec les intervenants du H______, qu'il n'hésitait pas à solliciter. Au mois d'avril 2024, il avait présenté une péjoration de son état psychique, avec une recrudescence de certains symptômes, laquelle pouvait être mise en lien avec la relation qu'il entretient avec son père. Il s'investissait bien dans les différents ateliers auxquels il était inscrit, se montrant ponctuel, travailleur et agréable avec ses pairs comme avec les professionnels. La reconnaissance de sa pathologie et de ses symptômes pouvait fluctuer, car il avait de la peine dans certaines situations à distinguer ses propres interprétations de la réalité. Il évoluait donc positivement dans le cadre contenant et sécurisant du centre, qui demeurait ainsi nécessaire, A______ se disant d'ailleurs satisfait de l'environnement offert par le H______.

h.c. Selon le compte-rendu de réseau du 17 juin 2024, A______ n'était pas encore prêt pour un résidentiel hors-murs, les différentes étapes devant être passées progressivement. Il se montrait capable de suivre les règles en lien avec un certain perfectionnisme, souhaitant démontrer que tout se passait bien, mais avait de la peine à voir ses limites, de sorte que les intervenants devaient parfois le stopper. Un travail pour qu'il devienne autonome dans la gestion de ses limites devait se poursuivre. Les intervenants du réseau se montraient favorables à un passage à l'étape 3 de son régime de sorties non accompagnées, mais une libération conditionnelle au profit d'un cadre civil était prématurée. Il était en effet très compliqué de se prononcer sur sa gestion autonome du traitement médicamenteux et sur son abstinence aux toxiques en dehors du cadre pénal actuel.

h.d. Le rapport d'évaluation du 4 juin 2024, rédigé par le Prof. L______ du Service des mesures institutionnelles (SMI) des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), ajoute que la mesure avait porté ses fruits et devait être poursuivie pour consolider les acquis. A______ exprimait un fort regret vis-à-vis de ses délits et le désir de ne plus en commettre, mais bien que le patient ait connu une bonne évolution, il était essentiel que le cadre actuel soit maintenu sur le long terme, sa psychopathologie étant sévère et le patient très sensible aux changements.

i. Par courrier du 18 juillet 2024, le SAPEM a préavisé favorablement la prolongation de la mesure institutionnelle pour une durée de trois ans.

Se basant sur les rapports susvisés, il relevait l'évolution favorable de A______, tout en considérant que le maintien de la mesure était adéquat, nécessaire et proportionné, la stabilité de A______ devant encore être observée dans le cadre des différentes étapes du régime progressif d'ouverture.

j. Le Ministère public (MP) a fait siens le préavis et les conclusions du SAPEM et requis la prolongation de la mesure auprès du TAPEM le 22 juillet 2024.

C. a. Aux débats d'appel, A______ a expliqué avoir conservé un comportement exemplaire depuis les derniers rapports au dossier. Il bénéficiait toujours de six heures de sorties hebdomadaires mais s'apprêtait à faire une demande d'élargissement supplémentaire, afin de pouvoir disposer d'une journée ou d'un week-end pour aller rendre visite à son père à Genève. Tous les intervenants lui disaient qu'il avait un bon comportement, de sorte qu'il espérait pouvoir obtenir plus de libertés. Les différentes étapes prenaient du temps et il souhaitait que les choses s'accélèrent. Si la libération conditionnelle était prononcée, il poursuivrait une occupation au sein des ateliers, puisqu'il entendait rester au H______ sur une base volontaire. Bien que conscient de ce qu'il nécessitait encore des soins au niveau psychologique, il était persuadé de pouvoir réussir à disposer de son propre appartement et faire ses preuves. Il le souhaitait et était décidé à aller de l'avant. Il avait toujours accepté les traitements médicamenteux et était prêt à continuer le suivi thérapeutique même si la mesure était levée, au besoin à vie. Il avait fait une croix sur toutes ses consommations de toxiques (alcool et drogues), envisageant même d'arrêter le tabac, ainsi que sur ses mauvaises fréquentations de l'époque à Genève. Il tenait à "s'en tirer", à oublier le passé et à continuer "avec bonne foi" à faire de son mieux.

b. Par la voix de son conseil, il persiste dans ses conclusions.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement querellé, auquel il se réfère.

d. Les arguments des parties seront repris ci-après dans la mesure de leur pertinence.

D. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 21 heures et 20 minutes d'activité de collaborateur et deux heures et 25 minutes d'activité de chef d'étude, hors débats d'appel, lesquels ont duré une heure, dont une heure et 25 minutes pour la réception du jugement et la rédaction de l'annonce d'appel, six heures et 50 minutes pour la rédaction de la déclaration d'appel et huit heures et 40 minutes de préparation à l'audience.

EN DROIT :

1. Un jugement du TAPEM ordonnant la prolongation d'une mesure thérapeutique institutionnelle est, depuis le 1er janvier 2024, sujet à appel auprès de la Chambre de céans (art. 365 al. 3 du Code de procédure pénale [CPP] et 42 al. 2 de la loi genevoise d'application du code pénal [LaCP]).

Interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP), l'appel est recevable.

2. 2.1.1. Selon l'art. 62 du Code pénal [CP], l'auteur est libéré conditionnellement de l'exécution institutionnelle de la mesure dès que son état justifie de lui donner l'occasion de faire ses preuves en liberté (al. 1). Le délai d’épreuve est d'un an à cinq ans en cas de libération conditionnelle de la mesure prévue à l’art. 59 (al. 2). La personne libérée conditionnellement peut être obligée de se soumettre à un traitement ambulatoire pendant le délai d’épreuve ; l’autorité d’exécution peut ordonner, pour la durée du délai d’épreuve, une assistance de probation et lui imposer des règles de conduite (al. 3).

Une libération conditionnelle n'est pas subordonnée à la guérison de l'auteur, mais à une évolution ayant pour effet d'éliminer ou de réduire dans une mesure suffisante le risque de nouvelles infractions. Il n'est donc pas nécessaire que l'auteur soit mentalement normal. Il suffit qu'il ait appris à vivre avec ses déficits, de manière que l'on puisse poser un pronostic favorable quant à son comportement futur, étant rappelé que s'agissant de la décision sur le pronostic, le principe in dubio pro reo est inapplicable (ATF 137 IV 201 consid. 1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_690/2022 du 13 juillet 2022 consid. 1.1 ; 6B_660/2019 du 20 août 2019 consid. 5.1).

Ce pronostic doit être posé en tenant compte du principe de la proportionnalité (art. 56 al. 2 CP) selon lequel l'atteinte aux droits de la personnalité qui résulte pour l'auteur d'une mesure ne doit pas être disproportionnée au regard de la vraisemblance qu'il commette de nouvelles infractions et de leur gravité. Cette disposition postule de la sorte la pesée à effectuer entre l'atteinte aux droits inhérente à la mesure ordonnée et la dangerosité de l'auteur (ATF 137 IV 201 consid. 1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_690/2022 précité consid. 1.1 ; 6B_660/2019 précité consid. 5.1). Présente un caractère de dangerosité le délinquant dont l'état mental est si gravement atteint qu'il est fortement à craindre qu'il commette de nouvelles infractions. Lors de l'examen du risque de récidive, il convient de tenir compte de l'imminence et de la gravité du danger, ainsi que de la nature et de l'importance du bien juridique menacé. Lorsque des biens juridiques importants, tels que la vie ou l'intégrité corporelle, sont mis en péril, il faut se montrer moins exigeant quant à l'imminence et à la gravité du danger que lorsque des biens de moindre valeur, tels que la propriété ou le patrimoine, sont menacés. Le pronostic doit également tenir compte de la durée de la privation de liberté déjà subie par l'auteur (ATF 137 IV 201 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_690/2022 précité consid. 1.1).

2.1.2. L'autorité compétente examine, d'office ou sur demande, si l'auteur peut être libéré conditionnellement de l'exécution de la mesure ou si la mesure peut être levée et, si tel est le cas, quand elle peut l'être. Elle prend une décision à ce sujet au moins une fois par an. Au préalable, elle entend l'auteur et demande un rapport à la direction de l'établissement chargé de l'exécution de la mesure (art. 62d al. 1 CP). Si l'auteur a commis une infraction prévue à l'art. 64 al. 1 CP [dont fait partie le brigandage], l'autorité compétente prend une décision sur la base d'une expertise indépendante, après avoir entendu une commission composée de représentants des autorités de poursuite pénale, des autorités d'exécution et des milieux de la psychiatrie (art. 62d al. 2 CP) – à Genève la CED assume ce rôle (art. 4 al. 1 let. a de la loi d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale [LaCP]).

2.2. L'art. 59 al. 4 CP prévoit que la privation de liberté entraînée par le traitement institutionnel ne peut en règle générale excéder cinq ans. Si les conditions d'une libération conditionnelle ne sont pas réunies après cinq ans et qu'il est à prévoir que le maintien de la mesure détournera l'auteur de nouveaux crimes ou de nouveaux délits en relation avec son trouble mental, le juge peut, à la requête de l'autorité d'exécution, ordonner la prolongation de la mesure de cinq ans au plus à chaque fois.

Le traitement thérapeutique institutionnel peut se poursuivre au-delà du délai de cinq ans, mais non sans un examen. Après l'écoulement de ce délai, la mesure nécessite un examen judiciaire. Si elle se révèle toujours nécessaire et appropriée, notamment au vu de l'état psychique de l'intéressé et des risques de récidive, elle peut être prolongée de cinq ans au plus à chaque fois. Lors de cet examen, le juge doit donner une importance accrue au respect du principe de la proportionnalité, d'autant plus que la prolongation revêt un caractère exceptionnel et qu'elle doit être particulièrement motivée. Une expertise n'est toutefois pas exigée (ATF 135 IV 139 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_129/2023 du 5 mai 2023 consid. 2.1 ; 6B_1247/2022 du 19 janvier 2023 consid. 4.1).

La possibilité de prolonger la mesure est subordonnée à deux conditions. Elle suppose d'abord que les conditions pour une libération conditionnelle ne soient pas données, à savoir qu'un pronostic favorable ne puisse pas être posé quant au comportement futur de l'auteur en liberté (cf. art. 62 al. 1 CP ; ATF 135 IV 139 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_871/2022 du 15 février 2023 consid. 5.1.3). Par ailleurs, le maintien de la mesure doit permettre de détourner l'auteur de nouveaux crimes et délits en relation avec son trouble (ATF 135 IV 139 consid. 2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_871/2022 du 15 février 2023 consid. 5.1.3). La prolongation de la mesure thérapeutique institutionnelle doit avoir un impact thérapeutique dynamique sur l'auteur et ainsi être susceptible d'engendrer une amélioration du pronostic légal (ATF 134 IV 315 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_871/2022 précité consid. 5.1.3). Il s'ensuit que, pour qu'une mesure thérapeutique institutionnelle puisse être maintenue, c'est le traitement médical, non la privation de liberté qui lui est associée, qui doit conserver une chance de succès du point de vue de la prévention spéciale (ATF 137 IV 201 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_690/2022 du 13 juillet 2022 consid. 2.1 ; 6B_1051/2020 du 24 septembre 2021 consid. 4.1).

Le principe de la proportionnalité doit s'appliquer non seulement en ce qui concerne le prononcé ordonnant la prolongation de la mesure, mais également en ce qui concerne sa durée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_871/2022 précité consid. 5.1.4).

2.3.1. À teneur de l'expertise psychiatrique rendue en 2019, l'appelant souffre de schizophrénie paranoïde, pathologie chronique de sévérité importante, couplée à une poly-toxicodépendance, de sévérité importante également. Ses troubles l'ont conduit à commettre des infractions pénales d'une gravité certaine puisque constitutives pour les principales de tentatives de brigandage. Le risque de récidive est considéré comme moyen dans le cadre d'un suivi médical sans rupture thérapeutique, mais comme élevé, voire très élevé, en l'absence d'un tel suivi. Les experts ont expliqué qu'une telle pathologie nécessitait un traitement à (très) long terme, si ce n'est à vie.

Depuis cette expertise, l'appelant a évolué favorablement. Mieux, depuis son placement au H______, en 2022, son comportement est qualifié d'"exemplaire". Il a à cœur de faire "tout juste", tant dans l'implication thérapeutique, l'abstinence aux toxiques que dans la participation aux activités du H______. Grâce aux efforts consentis, il a connu des ouvertures progressives du cadre de la mesure, franchissant avec succès les différentes étapes du plan d'exécution, ce qui lui permet de gagner graduellement en indépendance.

Il appert néanmoins, aux dires des intervenants, que sa stabilité psychique demeure fragile, qu'il est particulièrement sensible aux changements et aux facteurs de stress, que la médication doit parfois être adaptée et qu'il peut présenter des troubles de l'humeur avec une recrudescence des symptômes pathologiques/psychotiques, son état s'étant par exemple péjoré en octobre 2023 et en avril 2024.

Ce constat incite à la prudence.

Il faut concéder à l'appelant que le SAPEM ne se prononce pas expressément, dans son préavis du 18 juillet 2024, sur sa dangerosité, partant sur le risque de récidive actuel, pas plus que ne le font les documents produits à l'appui de la demande d'examen d'ailleurs. Cela étant, les rapports des praticiens fournissent les éléments d'appréciation médicaux utiles à l'évaluation de la dangerosité. Or il en découle que le pronostic ne saurait être considéré comme favorable en l'état dans le cadre d'une libération conditionnelle, pour les motifs développés précédemment. L'état psychique de l'appelant n'est pas suffisamment stable pour éliminer voire réduire dans une mesure suffisante le risque de nouvelle infraction. Même en cas de suivi médical, ce risque est qualifié de moyen par les experts, ce qui suffit, lorsque sont à craindre, comme ici, des infractions contre l'intégrité corporelle, voire la vie, à priver l'appelant de l'occasion de faire ses preuves en liberté.

La nécessité de poursuivre la mesure actuelle, mise en avant par tous les intervenants, induit l'absence de pronostic favorable.

Contrairement à ce qu'avance l'appelant, si le SAPEM assurait ne pas douter de l'absence de dangerosité dans ses décisions précédentes, celle-ci n'avait pas trait à la libération conditionnelle mais aux allégements dont l'octroi entrait alors en considération (congés, vélo), dangerosité sur laquelle le SAPEM était en mesure de se prononcer de manière catégorique (art. 75a al. 1 let. b CP).

Il n'appert pas, en cas de libération conditionnelle, que le risque de récidive puisse être réduit par l'octroi d'un délai d'épreuve et la mise en place de mesures d'accompagnement (art. 62 al. 2 et 3 CP). Les thérapeutes ne font nullement état de ce qu'un suivi ambulatoire, par hypothèse, accompagné d'une assistance de probation et de contrôles réguliers apparaîtrait opportun ou suffisant pour pallier le risque de récidive à ce stade.

Le respect des étapes progressives prévues par le plan d'exécution demeure nécessaire pour préparer l'appelant à plus de libertés.

Dans ces conditions, il faut retenir qu'une libération conditionnelle de la mesure n'est pas envisageable dans l'immédiat.

C'est le lieu de préciser que ni une (nouvelle) expertise indépendante ni un préavis de la CED (art. 62d al. 2 CP) ne sont nécessaires pour statuer in casu. Ils ne le seraient, comme verrous de sécurité supplémentaires, que si la libération conditionnelle était envisagée, afin de mieux garantir la sécurité publique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_785/2020 du 11 novembre 2020 consid. 2.3).

2.3.2. Les conditions de la libération conditionnelle n'étant pas remplies, il convient d'examiner la seconde condition de l'art. 59 al. 4 CP, à savoir s'il est à prévoir que le maintien de la mesure détournera l'appelant de nouveaux crimes ou délits en relation avec son trouble mental.

L'appelant bénéficie du cadre nécessaire et adéquat à sa pathologie psychiatrique au sein du H______. Les professionnels s'accordent sur le fait que la mesure thérapeutique en milieu institutionnel s'impose toujours.

L'appelant lui-même se dit prêt à se soumettre au suivi actuel "sur une base volontaire". L'ambivalence de ses propos à ce sujet, lequel conclut à une libération conditionnelle tout en demandant à pouvoir rester au H______, doit sans doute être mise en lien avec son trouble. Il n'en reste pas moins qu'il est conscient de sa condition et semble avoir intégré qu'elle nécessitera encore des soins, en ce lieu précisément. Il n'est au demeurant pas prêt pour du résidentiel hors-murs, selon les intervenants.

Il y a tout lieu de penser que la poursuite de la mesure permettra à l'appelant de se réinsérer progressivement dans la société, grâce aux prochains élargissements de cadre prévus. Le souhait de pouvoir rendre visite à son père semble réalisable dans le cadre de l'ouverture progressive du PES.

Sous l'angle du principe de la proportionnalité, l'appelant est certes privé de liberté depuis cinq ans. Mais l'atteinte aux droits de la personnalité résultant de la poursuite du traitement, en milieu ouvert, n'apparait pas démesurée au regard de la vraisemblance que l'appelant commette de nouvelles infractions, contre l'intégrité corporelle notamment.

En conclusion, le traitement médical actuel conserve une chance de succès du point de vue de la prévention spéciale. Le maintien de la mesure est propre à détourner l'appelant de nouveaux crimes ou délits en relation avec son trouble mental.

Aussi, bien que le terme de cinq ans prévu à l'art. 59 al. 4 CP soit atteint, il convient de reconduire la mesure.

2.3.3. Autre est la question de la durée de cette reconduction. Le TAPEM a fixé celle-ci à trois ans, sans motivation. Ni les praticiens ni l'établissement ne se prononcent sur cette durée. Seul le SMI mentionne que le cadre actuel devrait être maintenu sur le long terme – ce que retenait déjà l'expertise psychiatrique de 2019, qui parlait d'un traitement à très long terme, voire à vie, le trouble de l'appelant se voulant chronique. Quant au compte-rendu de réseau, il souligne qu'il est très compliqué de se prononcer sur l'avenir, en particulier sur la gestion autonome du traitement médicamenteux et la consommation de toxiques hors du cadre pénal.

La mesure institutionnelle ne saurait être prolongée indéfiniment. Au vu de l'ouverture du cadre dont a déjà bénéficié l'appelant, on ne peut exclure que les prochaines étapes du PES soient atteintes/passées relativement rapidement.

Aussi, compte tenu des progrès accomplis et de la bonne volonté, remarquée, affichée par l'appelant, d'une part, et de la chronicité du trouble mental, d'autre part, mais aussi de la difficulté de parier sur l'avenir et en l'absence de durée quantifiée par l'un ou l'autre praticien, une prolongation de deux ans apparait adéquate à l'aune du principe de proportionnalité.

Le jugement querellé sera modifié en ce sens.

3. L'appelant succombe sur le principe mais voit sa situation améliorée par la limitation de la durée de la mesure. Il ne supportera par conséquent que la moitié des frais de la procédure de seconde instance, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP).

4. 4.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, le règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu. On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels (VALTICOS/REISER /CHAPPUIS/BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12).

L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3).

4.2. En l'occurrence, l'état de frais déposé par Me B______, défenseur d'office de A______, ne peut être avalisé tel quel. Il n'y a pas lieu d'indemniser d'activité en lien avec la réception du jugement de première instance, la convocation aux débats, la rédaction de l'annonce et celle de la déclaration d'appel, lesquelles sont couvertes par le forfait, ni le classement et la reconstitution du dossier ou encore la préparation du bordereau et de l'état de frais, qui relèvent d'une activité de secrétariat. De même, les vacations en vue du dépôt d'écritures ou de courriers au greffe ne donnent pas lieu à indemnisation, un envoi postal suffisant à répondre aux exigences légales. Enfin, le temps de préparation de l'audience d'appel en huit heures et 30 minutes pour la collaboratrice et 40 minutes pour le chef d'étude apparait excessif au vu de la durée prévue et effective de l'audience et de la difficulté relative du cas ; il sera ramené à quatre heures pour la collaboratrice et à 30 minutes pour le chef d'étude.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 1'832.30 correspondant à 30 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure et à huit heures et 45 minutes au tarif de CHF 150.-/heure, plus la majoration forfaitaire de 20%, deux déplacements à CHF 75.- et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% en CHF 137.30.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTPM/620/2024 rendu le 20 septembre 2024 par le Tribunal d'application des peines et mesures dans la procédure PM/775/2024.

L'admet partiellement.

Annule le jugement dont est fait appel et, statuant à nouveau :

Ordonne la poursuite et la prolongation du traitement institutionnel (art. 59 al. 4 CP) pour une durée de deux ans, soit jusqu'au 24 septembre 2026, sans préjudice des contrôles annuels prévus par l'art. 62d CP.

Constate que les frais de la procédure de première instance ont été laissés à la charge de l'État.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'175.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 587.50, à la charge de A______ et en laisse le solde à la charge de l'État.

Arrête à CHF 1'832.30, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal d'application des peines et mesures et au Service de l'application des peines et mesures.

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

40.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'175.00