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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/14261/2019

AARP/123/2022 du 28.04.2022 sur JTDP/924/2021 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.06.2022, rendu le 13.04.2023, REJETE, 6B_777/2022
Normes : CP.261bis
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14261/2019 AARP/123/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 28 avril 2022

 

Entre

A______, domicilié ______, FRANCE, comparant par Me U______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/924/2021 rendu le 8 juillet 2021 par le Tribunal de police,

 

et

B______ et C______, parties plaignantes, comparant par Me D______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 8 juillet 2021, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de discrimination raciale (art. 261bis al. 4 du Code pénal suisse [CP]), de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et d'injure (art. 177 al. 1 CP), l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende (art. 34 CP) à CHF 170.- l'unité, ainsi qu'au paiement des frais par CHF 2'225.-, émolument de jugement complémentaire (CHF 1'000.-) non compris.

A______ entreprend intégralement ce jugement.

b. Selon l'acte d'accusation du 22 décembre 2020, il est reproché ce qui suit à A______ :

-     entre le 4 et le 6 janvier 2019, au E______, à F______ (VD), et les 28 et 29 juin 2019, au G______, à Genève, il a déclaré, alors qu'il se produisait sur scène, devant un public, et jouait un personnage de son spectacle "H______", dont il est le co-auteur et le metteur en scène, que "les chambres à gaz n'ont jamais existé" ;

-     le 28 juin 2019, à Genève, dans les circonstances précitées, il a dit à l'attention du public : "La B______, les associations juives...ah bon ils ne m'aiment pas ces gens-là, encore aujourd'hui? Ah j'ai un procès demain? La B______ me fait un procès? Il faut leur dire d'aller se faire enculer à la B______ !" ;

-     le 22 novembre 2019, lors d'une interview donnée à Genève pour la chaîne publique Youtube de I______, il a traité C______ de raciste par ces termes : "Il [C______] apporte des affirmations qui sont des mensonges ( ), donc ça sera le rendez-vous devant les tribunaux avec cet homme qui tout simplement, a une haine envers moi, mais je pense que c'est envers le Noir que je suis. On sent qu'il porte l'héritage de ces négriers juifs qui pendant des siècles ont déporté des hommes comme moi et je pense qu'il considère que nous ne sommes pas des êtres humains et que nous sommes des animaux avec un visage humain. (...) je crois que chez lui c'est devenu une religion le mensonge et donc j'espère qu'on aura la manifestation de la vérité devant les juges suisses ; en tous cas, il avance des choses qui sont erronées. C'est un menteur, c'est un raciste."

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Entre le 4 et le 6 janvier 2019, A______ s'est produit sur la scène du E______, à F______, dans son spectacle "H______". Il l'a également joué les 28 et 29 juin 2019 au G______.

b.a. J______ et K______, employés de la B______, ont assisté aux représentations des 4 janvier et 28 juin 2019.

b.b.a. Dans une déclaration sur l'honneur datée du 21 janvier 2019, J______ a indiqué avoir relevé, lors de la représentation du 4 janvier précédent, "pour la première fois depuis qu'[il] assist[ait] à ses spectacles (ndr : ceux de A______), une phrase inacceptable [soit :] "Les chambres à gaz n'ont pas existé" (ndr : en gras dans le texte).

b.b.b. Le 4 février 2019, la B______ a déposé plainte pénale contre A______, afin de dénoncer ces propos antisémites et négationnistes.

b.c.a. Dans une déclaration sur l'honneur datée du 9 juillet 2019, J______ a indiqué avoir entendu A______ déclarer, lors de la représentation du 28 juin 2019 donnée à Genève : "Les chambres à gaz n'ont pas existé" (ndr : en gras dans le texte) et "La B______, les associations juives ah bon ils ne m'aiment pas ces gens-là encore aujourd'hui? Ah j'ai un procès demain? La B______ me fait un procès? Il faut leur dire d'aller se faire enculer à la B______" (ndr : en majuscules dans le texte).

b.c.b. Le 9 juillet 2019, la B______ a déposé une seconde plainte pénale contre A______ pour discrimination raciale et injures en raison de ces propos.

c. Un DVD du spectacle "H______" tourné à l'occasion d'une représentation donnée en France a été versé à la procédure. On y voit notamment un sketch dans lequel A______ évoque le procès de Nuremberg, qu'il qualifie de "gps de la conscience" et de "divertissement judiciaire", critiquant le fait que c'est à cette occasion qu'aurait été conçue la notion de crime contre l'humanité, se désolant du peu de cas fait de l'extermination des Indiens et de la souffrance du peuple africain. Dans un autre sketch, A______ prononce les termes "Shoah nanas". Vers la fin du spectacle, il interprète un passager québécois à bord d'un avion en train de s'écraser. Après l'annonce du commandant de bord, le passager en question dit à sa voisine, dont la vessie a lâché, qu'il faut prendre de la hauteur, rester digne et qu'il ne sert à rien de crier avant d'indiquer : " Ça commence à monter je t'emmerde compagnie de merde! J'encule la reine d'Angleterre! Ça me fait du bien tu sais. Il raconte un incident survenu lors de son embarquement puis dit : "J'aurais dû être terroriste, au moins tu crèves pour quelque chose, ils vont au bout de quelque chose. J'emmerde tout le monde, les chambres à gaz n'ont pas existé ! ". Finalement, on comprend que l'avion s'est posé sans dommage et le sketch finit sur ces paroles : "On a atterri là ? Il y a une boîte noire là-dessus ? Je crois que je suis mort là". On entend alors les rires du public. Quelques minutes avant la fin du spectacle, A______ évoque des "associations juives" qui lui font un procès et ajoute "il faut leur dire d'aller se faire enculer".

d.a. Le 18 novembre 2019, lors d'une interview donnée sur L______ en relation avec le spectacle "H______", C______, secrétaire général de la B______, a en substance tenus les propos suivants :

"[A______] est un individu qui a fait l'objet de condamnations diverses, alors je vous l'ai dit pour antisémitisme, aussi pour fraude fiscale, blanchiment. Les propos qu'il tient, et notamment ceux qu'il a tenus, qui sont des propos négationnistes visant à nier l'existence de la Shoah pendant son dernier spectacle qu'il a tenu en Suisse à deux reprises, sont des propos qui tombent sous le coup de la loi, heureusement d'ailleurs que la justice est bien faite et que nous sommes un état de droit. À chaque spectacle, en fait, il trouve un moyen de faire soit la promotion du terrorisme, on a vu ça avec V______, soit de faire de l'antisémitisme. Ce leader ou ce gourou politique balance des messages racistes et antisémites. Ils [M______ et A______] ont bénéficié du soutien d'un état étranger qui est donc l'Iran pour financer leur parti qui était à l'époque le parti antisioniste. [Ils] ont été condamnés à maintes reprises et continuent tranquillement à vivre leur petite vie. Ils profitent un peu du système qu'ils dénoncent en permanence, mais enfin c'est eux le système. On a affaire aujourd'hui à la fachosphère qui alimente les réseaux complotistes conspirationnistes qui viennent soutenir les actions terroristes et dénoncer les juifs pour ce qu'ils sont."

d.b. Le 22 novembre 2019, A______ a réagi aux propos de C______ lors d'une interview sur la chaine Youtube de I______ :

"Il [C______] me diffame, il nous diffame, avec M______ [prénom]. Il apporte des affirmations qui sont des mensonges ( ), donc ça sera le rendez-vous devant les tribunaux avec cet homme qui tout simplement, a une haine envers moi, mais je pense que c'est envers le Noir que je suis. On sent qu'il porte l'héritage de ces négriers juifs qui pendant des siècles ont déporté des hommes comme moi et je pense qu'il considère que nous ne sommes pas des êtres humains et que nous sommes des animaux avec un visage humain. Moi je le considère comme un homme et donc je lui donne rendez-vous devant le Tribunal, tous ses mensonges, parce que je crois que chez lui c'est devenu une religion le mensonge et donc j'espère qu'on aura la manifestation de la vérité devant les juges suisses, en tous cas il avance des choses qui sont erronées. C'est un menteur, c'est un raciste."

e.a. Devant le MP, J______ a indiqué travailler en qualité d'analyste pour la B______. À la demande de son employeur, il s'était rendu aux spectacles de A______, afin de vérifier ses propos. Il se rappelait l'avoir entendu dire "les chambres à gaz n'ont pas existé" lors des deux représentations auxquelles il avait assisté et "il faut leur dire d'aller se faire enculer à la B______" lors du spectacle donné à Genève. Il avait retranscrit ces termes en majuscules dans son attestation car cela concernait la B______.

e.b. N______, enseignante, avait assisté au spectacle des 28 ou 29 juin 2019, mais ne se rappelait pas avoir entendu l'humoriste évoquer la B______. Elle se rappelait d'un sketch sur les chambres à gaz, issu du spectacle du même humoriste, intitulé "Gilets jaunes".

e.c. O______, enseignant à la retraite, avait assisté au spectacle du 28 juin 2019. Il n'avait pas souvenir d'une mention de la B______ pendant la représentation.

e.d. P______, éducateur, avait assisté au spectacle en juin 2019. Il n'avait jamais entendu A______ nier l'existence des chambres à gaz.

f. Entendu depuis une prison française, Q______ a expliqué avoir co-écrit le spectacle "H______" avec A______. Il était l'auteur de la majeure partie du texte initial "relatif aux juiveries" et, en particulier, de la phrase : "les chambres à gaz n'ont jamais existé". Sa famille ayant été touchée par les atrocités commises dans les camps (ndr : de concentration) et étant de confession juive, il était légitimé à rédiger ce type de sketch, ce d'autant qu'il maîtrisait l'humour juif, "c'est-à-dire la capacité de se moquer de soi-même et de ses souffrances pour mieux les exorciser".

Le sketch incriminé mettait en scène un Juif reconnaissable à ses papillotes et sa kippa, qui, après avoir échappé à la mort en se réfugiant au Québec, se trouvait dans un avion sur le point de s'écraser et criait alors que les chambres à gaz n'avaient pas existé. Il s'agissait d'une caricature de Juif qui, confronté à sa mort imminente, osait critiquer les associations de défense des victimes qui s'enrichissaient sur des cadavres. Le personnage prononçait alors la phrase incriminée dans le but de s'"exorciser" et de se détacher du cliché de la victime pleurnicharde. L'immense majorité des Juifs tombés pendant la seconde guerre mondiale étant décédés des suites de mauvais traitements, il demeurait un doute sur la question de savoir s'il avait été nécessaire de recourir à "autre chose" pour les exterminer. Le contexte et, en particulier, la chanson qu'il avait écrite pour ce sketch, constituaient des éléments très importants pour comprendre l'évolution du personnage jusqu'à son détachement complet, soit le moment où il affirmait que les chambres à gaz n'avaient pas existé.

g. Devant le MP et le premier juge, A______ a contesté avoir tenu des propos antisémites, attribuant la phrase "les chambres à gaz n'ont pas existé" à un personnage issu de son spectacle. Après avoir indiqué ne pas être en mesure de dire si les chambres à gaz auxquelles il était fait référence étaient celles destinées à exterminer les Juifs pendant la seconde guerre mondiale, il a reconnu que tel était effectivement le cas, tout en relevant qu'il existait également de telles installations aux Etats-Unis.

Il peinait à comprendre ce qui lui était reproché, dans la mesure où son avocat français avait validé ses textes, relevant au passage que Charlie CHAPLIN n'avait jamais dû s'expliquer pour ses saluts hitlériens dans le film "Le Dictateur". Son avocat fiscaliste [sic] français l'avait assuré que son spectacle ne contenait pas de propos problématique.

Il avait rencontré Q______ dans le cadre d'un atelier théâtral qu'il donnait en prison, afin d'aider les détenus à écrire des chansons. "C'était de la responsabilité de Q______ de gérer ce personnage", qui lui ressemblait et appartenait comme lui à la communauté juive. Il avait néanmoins réduit la version du sketch initial, qui lui paraissait trop longue, en supprimant notamment la chanson imaginée par son co-auteur. Il était question de montrer que, dans la panique, son personnage devenait drôle, excessif et délirant, et qu'il disait des choses qu'il n'aurait jamais dites en temps normal, comme "j'encule la reine d'Angleterre" ou "les chambres à gaz n'ont pas existé". Dans son spectacle, il y avait également un asiatique et un africain qui s'exprimaient. Il déplorait l'existence d'une sorte de compétition victimaire, notamment entre les Noirs et les Juifs, alors que la souffrance était unique et universelle. Il ne niait pas l'existence des chambres à gaz, lesquelles avaient "certainement existé", mais critiquait le fait de laisser entendre que la souffrance des Juifs était unique. Son personnage étant de confession juive, la phrase incriminée s'inscrivait dans un contexte humoristique, l'absurdité de la situation consistant à faire dire à l'intéressé une phrase qu'il n'aurait jamais dite en temps normal.

Il avait eu vent de la présence de la B______ dont les membres venaient manifester et donner des tracts devant les salles où il produisait son spectacle. Il était possible qu'il ait pu prononcer "quelques mots" à leur endroit lors de la représentation du 28 juin 2019, mais ne pensait pas avoir dit qu'ils devaient "aller se faire enculer", ce genre de propos ne lui ressemblant pas.

Il s'était exprimé lors d'une interview filmée à propos de C______ en réponse à " une intervention raciste, diffamatoire et injurieuse de cet individu" qui avait fait des amalgames en associant tous les Noirs au terrorisme. Il avait perçu chez l'intéressé de la haine envers le peuple noir. Il l'avait vu dans son rictus, sa posture d'arrogance et son "regard de haine", dans lequel il ressentait "les lanières de cuir qui venaient lacérer le dos de [s]a grand-mère".

A______ s'est dit abasourdi de constater que l'un de ses personnages se retrouvait devant un Tribunal, ce qui ne lui était jamais arrivé en 30 années de carrière. Issu d'une union entre une mère blanche et un père noir, il était étonné qu'on le qualifie de raciste.

h.a. Lors des débats de première instance, C______ a indiqué que les propos tenus par A______ à son encontre visaient à le salir et à nuire à sa respectabilité "dans son engagement", alors qu'il avait fait de son combat contre le racisme sa profession. Il était effondré qu'on puisse le qualifier de négrier, ce d'autant que depuis une dizaine d'années, il collaborait avec la B______ à la commémoration d'autres génocides en rendant hommage aux victimes tutsies et arméniennes.

h.b. K______, employée de la B______, s'était rendue à la représentation du 28 juin 2019, où elle avait notamment entendu A______ dire à la B______ d'aller "se faire enculer", avant sa phrase sur les chambres à gaz.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b.a. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

De l'art. 261bis al. 4 CP

La phrase incriminée provenant d'un sketch, il était essentiel de la replacer dans un contexte humoristique relevant de l'absurde et de l'ironie. Le double ressort comique découlant du fait de nier l'existence des chambres à gaz s'exprimait tout d'abord par le fait que le personnage se demandait s'il était mort alors qu'il venait d'échapper à un crash d'avion et le second résultait du fait qu'il se considérait de toute façon mort pour avoir prononcé la phrase en question en public, laquelle avait pu être enregistrée par la boîte noire de l'avion. Cette mise en scène servant à démontrer que les propos en question étaient à ce point interdits qu'ils pouvaient entraîner une sanction équivalant à la mort, personne dans le public n'avait pu imaginer qu'il était question de nier véritablement l'existence des chambres à gaz. Dans la mesure où A______ avait lui-même fait l'objet de condamnations pour des faits similaires, le public pouvait faire le parallèle entre ses antécédents et l'histoire de son personnage, avec une pointe d'ironie et de dérision, une telle mort "figurative" équivalant à celle vécue par l'humoriste à la suite de ses condamnations. Il ne s'agissait donc pas, à proprement parler, d'une négation au sens de l'art. 262bis al. 4 CP.

Ainsi qu'il l'avait souligné en cours de procédure, A______ n'avait pas eu l'intention de nier l'existence des chambres à gaz, dont l'utilisation pendant la seconde guerre mondiale ne faisait pour lui aucun doute, mais uniquement de faire rire en construisant un personnage délirant à l'approche de la mort. Il n'était donc pas possible de lui attribuer un quelconque mobile discriminatoire, sa seule vocation ayant été de faire rire son public.

Son droit à la satire, consacré à l'art. 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), l'autorisait à provoquer en usant de l'exagération et de la déformation de la réalité, ce qu'il avait fait en instrumentalisant le caractère punissable des propos litigieux. Aucun mobile discriminatoire ne pouvait être retenu à son encontre, dès lors que ses propos avaient pour seule vocation d'être humoristiques.

De la diffamation

C______ s'étant senti attaqué dans son engagement, seule sa réputation sociale – et non morale – était en jeu, laquelle était exclue du champ d'application de l'art. 173 ch. 1 CP. Au surplus, les propos incriminés avaient été prononcés en réponse à des déclarations attentatoires à l'honneur proférées par le précité, ce qui devait aboutir, en cas de condamnation, à une exemption de peine. Enfin, eu égard à la manière dont C______ s'était exprimé au sujet de A______, il n'était pas exorbitant de se poser la question de savoir si ce dernier s'était effectivement senti discriminé et injurié en raison de sa race.

De l'injure

L'attestation de J______ et, en particulier, l'utilisation de majuscules, trahissait une "dérive émotionnelle militante et engagée" livrant un témoignage dont il convenait de se distancer, ce d'autant qu'il avait situé cette phrase après le sketch de l'avion, en contradiction avec les propos de K______, qui l'avait située avant. Cette phrase étant "hors de propos", elle n'avait pas sa place à la fin du spectacle au risque de "casser" le ressort comique du sketch. À cela s'ajoutait le lien de subordination liant les témoins à leur employeur, qui rendait leurs propos moins crédibles.

A______ a produit notamment une attestation datée du 12 janvier 2022 de MR______, avocat au Barreau de S______ [France], indiquant que le spectacle en question n'avait fait l'objet d'aucune poursuite pénale en France et que celui-ci respectait "les textes en vigueur sur la liberté d'expression humoristique, notamment le respect des critères du spectacle vivant qui autorise une outrance particulière et plus large du fait de l'ambition humoristique du propos". Il a également produit un courrier de T______, dont il ressort que celui-ci s'était rendu à une représentation du spectacle le 28 juin 2019 et qu'il ne se rappelait pas avoir entendu A______ dire que les gens de la B______ "pouvaient aller se faire enculer".

b.b. Il produit une note d'honoraires de son avocat comptabilisant 42 heures et 50 minutes pour la procédure de première instance et 58 heures et 40 minutes pour la procédure d'appel pour un montant total de CHF 35'756.-.

c. Pour le MP, le mobile discriminatoire découlait de la phrase prononcée, des antécédents spécifiques du prévenu et de l'insulte proférée à la fin de la représentation à l'encontre de la B______. A______ ne pouvait se prévaloir d'utiliser l'humour pour exorciser une réalité douloureuse, dès lors qu'il n'abordait pas le traumatisme de la Shoah en tant que tel, mais se bornait à nier l'existence des chambres à gaz. Dénués de toute ironie, ces propos ne bénéficiaient pas de la liberté d'expression.

L'utilisation du terme "raciste" visait C______ en sa qualité d'homme et non de président de la B______. A______ avait conscience du caractère attentatoire de ses propos, qu'il avait volontairement utilisés lors de son interview. Le fait qu'il ait ressenti le besoin de se défendre ne justifiait aucunement son comportement, dès lors qu'il avait sciemment choisi les termes employés dans le but de diffamer.

De par leur mission, les témoins J______ et K______ avaient fait preuve d'une attention accrue pendant les représentations, ce qui ressortait d'ailleurs de la qualité des attestations produites, lesquelles traduisaient fidèlement le déroulement du spectacle et les propos tels qu'ils ressortaient du visionnage des sketchs. À l'inverse, les autres témoignages recueillis reflétaient une attention moyenne, aucun d'entre eux n'ayant été en mesure de confirmer la phrase sur les chambres à gaz.

d.a. La B______ relève qu'au vu des nombreux antécédents spécifiques de A______, les propos incriminés étaient de toute évidence mus par ses propres idées négationnistes et antisémites. La crédibilité des témoins J______ et K______ était entière, ceux-ci ayant été entendus par le MP après avoir prêté serment et rien dans le dossier ne permettant de remettre en question leur version des faits.

Enfin, A______ avait traité C______ de raciste exclusivement dans le but de nuire à sa respectabilité et non pour se défendre.

d.b. Les intimés produisent une note d'honoraires de leur avocat comptabilisant sept heures pour la procédure d'appel pour un montant de CHF 2'638.65, TVA incluse.

e. Dans sa réplique, A______ soutient que les témoins J______ et K______ suivaient forcément le combat politique de leur employeur, dont ils étaient par définition des membres militants, ce qui nuisait à leur objectivité. Les antécédents de l'humoriste ne pouvaient, à l'instar des articles relayés dans la presse sur ses prétendues "tendances négationnistes", servir à fonder un mobile discriminatoire.

f. Au terme de leur duplique, les intimés soutiennent que la crédibilité des témoins J______ et K______ ne pouvait être remise en question uniquement sur la base d'un lien de subordination les unissant à la B______.

D. a. A______, de nationalités française et camerounaise, est né le ______ 1966 en France. Il est père de sept enfants âgés de 21 à 10 ans, dont trois sont encore à sa charge. Après avoir obtenu son baccalauréat en France, il a commencé à faire des spectacles et n'a jamais exercé d'autre métier que celui d'humoriste. Il dit réaliser un revenu de l'ordre de EUR 100'000.- par an.

b.a. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ n'a aucun antécédent judiciaire.

b.b.a. Il ressort de son casier judiciaire français qu'il a été condamné à 20 reprises depuis 2006, notamment pour injure publique ou diffamation envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine, ainsi que provocation à la discrimination nationale, raciale ou religieuse et provocation à la haine ou à la violence en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion. Il a été condamné à des amendes allant de EUR 1'000.- à EUR 20'000.-, à des peines pécuniaires ainsi qu'à des peines d'emprisonnement.

b.b.b. A______ a également été condamné le 20 janvier 2017 en Belgique pour calomnie/diffamation dans des réunions ou des lieux publics, l'un des mobiles étant la haine, le mépris ou l'hostilité à l'égard de la victime en raison notamment de sa prétendue race, couleur, origine nationale ou ethnique, ainsi que pour racisme, xénophobie et infraction à la loi sur l'égalité, à une peine d'emprisonnement de deux mois et à une amende de EUR 9'000.-.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence, mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF
127 I 38 consid. 2a et les arrêts cités).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF
120 Ia 31 consid. 2 p. 33 ss ; ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87 ss).

2.2.1. À teneur de l'art. 261bis al. 4 CP celui qui aura publiquement, par la parole, l'écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion ou qui, pour la même raison, niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

De manière générale, l'art. 261bis CP protège la dignité de l'homme en tant que membre d'une race, d'une ethnie ou d'une religion (ATF 126 IV 20 consid. 1c p. 24 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1100/2014 du 14 octobre 2015 consid. 3.1). Classé parmi les infractions contre la paix publique, il protège celle-ci, notamment lorsqu'elle est menacée par des actes qui peuvent conduire à dresser des groupes humains les uns contre les autres (ATF 130 IV 111 consid. 5.1 p. 118
= JdT 2005 IV 292 ; ATF 124 IV 121 consid. 2c p. 125 ; ATF 123 IV 202 consid. 2 p. 206 = JdT 1999 IV 34).

2.2.2. Seule la discrimination fondée sur l'appartenance raciale, ethnique ou religieuse est réprimée par l'art. 261bis CP. Par religion, on vise un groupe de personnes qui se différencient par leurs croyances transcendantales communes (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd., Berne 2010, n. 13 ad art. 261bis). Le judaïsme constitue une religion au sens de l'art. 261bis CP (ATF
123 IV 202 consid. 4c p. 209).

2.2.3. Sur le plan subjectif, l'infraction implique un comportement intentionnel ; le dol éventuel suffit (ATF 123 IV 202 consid. 4c p. 210). L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs objectifs de l'infraction, soit ceux propres à chaque variante de l'art. 261bis CP.

2.2.4. Pour apprécier si une expression relève du droit pénal, il faut se fonder sur le sens qu'un tiers moyen non averti doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer. Une expression faite publiquement relève de l'art. 261bis al. 4 1ère partie CP lorsqu'elle serait comprise par un tiers moyen non averti dans les circonstances d'espèce comme relevant de la discrimination raciale et que le prévenu s'est accommodé du fait que son expression pouvait être interprétée dans ce sens. Les circonstances tenant à la personne du prévenu et celles tenant à la personne visée appartiennent aussi aux critères essentiels d'interprétation de l'expression, tout


comme les circonstances de l'acte en tant que tel (ATF 140 IV 67 consid. 2.1.2 p. 69 et les références citées = JdT 2015 IV p. 6).

2.2.5. Mettre en doute l'existence des chambres à gaz revient à contester les crimes commis par le régime nazi, en particulier l'extermination systématique des Juifs dans des chambres à gaz (ATF 121 IV 76 consid. 2b/cc p. 85).

2.2.6. L'auteur doit agir publiquement, ce qui suppose qu'il s'adresse à un large cercle de destinataires déterminés ou qu'il s'exprime de manière telle qu'un cercle indéterminé de personnes peuvent prendre connaissance de son message (ATF
130 IV 111 consid. 3.1 p. 113 ; ATF 126 IV 20 consid. 1c p. 25 ; ATF 126 IV 176 consid. 2b p. 178 ; ATF 126 IV 230 consid. 2b/aa p. 233 ; ATF 124 IV 121 consid. 2b p. 124 ; ATF 123 IV 202 consid. 3d p. 208). Il n'est pas nécessaire qu'il s'adresse à la personne attaquée, son public pouvant être constitué de tiers. Ce qui importe c'est qu'il s'en prenne directement à un groupe déterminé en raison de son appartenance à une race, une ethnie ou une religion (ATF 126 IV 20 consid. 1c et 1g pp. 25, 28-29).

2.2.7. Dans les arrêts publiés aux ATF 123 IV 202 (consid. 4c p. 210) et 124 IV 121 (consid. 2b p. 125), le Tribunal fédéral a jugé que le comportement incriminé devait être dicté par des mobiles de discrimination raciale. Cela étant et par la suite, il a laissé cette question – débattue en doctrine – ouverte dans plusieurs arrêts (ATF
127 IV 203 consid. 3 p. 206 ; ATF 126 IV 20 consid. 1d p. 26 et arrêts du Tribunal fédéral 6B_1017/2014 du 3 novembre 2015 consid. 2.4.1 et 6B_398/2007 du 12 décembre 2007 consid. 5). Selon cette exigence, l'acte doit s'expliquer principalement par l'état d'esprit de l'auteur, qui déteste ou méprise les membres d'une race, d'une ethnie ou d'une religion. En ce sens, l'art. 261bis CP ne doit pas s'appliquer dans le cas d'une recherche scientifique objective ou à un débat politique sérieux, exempt d'animosité ou de préjugés racistes (B. CORBOZ, op. cit., n. 37 ad art. 261bis CP).

2.2.8. Pour certains génocides ayant eu lieu pour des raisons essentiellement raciales, telles que l'extermination des juifs, la jurisprudence a adopté un certain automatisme entre le fait de minimiser ou remettre en question ces évènements et la volonté de discriminer (Simone SCHÜRCH, L'exigence d'un mobile discriminatoire dans l'art. 261bis al. 4 CP, in : www.lawinside.ch/709/).

2.3.1. L'art. 261bis CP pourra entrer en conflit avec la liberté d'opinion, garantie par l'art. 16 Cst. et l'art. 10 CEDH. À l'instar des autres droits fondamentaux, la liberté d'opinion n'a toutefois pas une valeur absolue. Des restrictions peuvent y être apportées si elles sont fondées sur une base légale, sont justifiées par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et demeurent proportionnées au but visé (art. 36 Cst. ; art. 10 § 2 CEDH).

2.3.2. À teneur de l'art. 10 CEDH, toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations (al. 1).

L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire (al. 2).

2.3.3. Dans un arrêt de 2020, le Tribunal fédéral a nié l'ironie d'un "tweet" rédigé par un politicien en lien avec une fusillade dans une mosquée ("On en redemande") au motif qu'en dehors de tout cadre reconnaissable dédié à l'humour, à la satire ou à la caricature, un tel message ne pouvait avoir un sens clairement univoque et que son ambigüité était recherchée, un tel procédé relevant d'une '"ironie de façade" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_644/2020 du 14 octobre 2020 consid. 2.3.5).

2.3.4. Dans un arrêt du 20 octobre 2015, la CEDH a considéré que le fait pour A______ d'inviter W______, un universitaire condamné en France à plusieurs reprises en raison de ses thèses négationnistes et révisionnistes, à le rejoindre sur scène à la fin de son spectacle pour se faire remettre le "prix de l'infréquentabilité et de l'insolence" par un homme représentant un déporté juif des camps de concentration, ne correspondait pas à la définition d'un spectacle qui, même satirique ou provocateur, relèverait de la protection de l'article 10 de la CEDH. La soirée avait perdu son caractère de spectacle de divertissement pour devenir un meeting qui, sous couvert de représentation humoristique, valorisait le négationnisme en remettant en cause l'Holocauste. Travestie sous l'apparence d'une production artistique, elle était aussi dangereuse qu'une attaque frontale et abrupte, tout en représentant l'expression d'une idéologie qui va à l'encontre des valeurs de la CEDH (Affaire A______ c. France no 1______, § 37, 38 et 39, du ______ 2015).

2.3.5. Dans un arrêt récent, la CEDH a rappelé que la satire était une forme d'expression artistique et de commentaire social qui, de par l'exagération et la déformation de la réalité qui la caractérise, visait naturellement à provoquer et à agiter, d'où la nécessité d'examiner avec une attention particulière toute ingérence dans le droit d'un artiste – ou de toute autre personne – à s'exprimer par ce biais (Affaire Eon c. France no 26118/10, § 60, du 14 mars 2013). En ce sens, la Cour a considéré que le discours humoristique ou les formes d'expression qui cultivent l'humour sont protégés par l'article 10 de la Convention, y compris s'ils se traduisent par la transgression ou la provocation et ce, peu importe qui en est l'auteur. Si ces formes d'expression ne peuvent être appréciées ou censurées à l'aune des seules réactions négatives ou indignées qu'elles sont susceptibles de générer, elles n'échappent pas pour autant aux limites définies au paragraphe 2 de l'article 10 de la Convention. En effet, le droit à l'humour ne permet pas tout et quiconque se prévaut de la liberté d'expression assume, selon les termes de ce paragraphe, des « devoirs et des responsabilités » (Affaire Z.B. c. France no 46883/15 du 2 septembre 2021, § 56 et 57).

2.4.1. À titre préliminaire, il sied de relever que l'implication du témoin Q______ dans la co-écriture du sketch incriminé ne saurait exonérer ni même atténuer la responsabilité de l'appelant, d'autant plus que ce dernier a passablement modifié le texte initial, se l'appropriant de la sorte, et décidé seul de sa mise en scène ainsi que sa diffusion devant des tiers. L'appelant a ainsi écarté une chanson qualifiée de "très importante" pour le témoin Q______ et repensé entièrement l'identité du personnage principal, dont rien n'indique qu'il serait juif – contrairement au souhait de son co-auteur qui l'avait imaginé avec une kippa et des papillotes – ou un déporté ayant émigré au Canada. C'est donc à l'appelant seul qu'incombe la responsabilité du contenu du sketch et c'est à lui uniquement qu'il sied d'attribuer la paternité de la phrase incriminée.

2.4.2. En l'espèce, il est incontestable – et incontesté – que la phrase consistant à dire que les chambres à gaz n'ont pas existé fait référence en particulier à l'extermination des personnes de confession juive pendant la seconde guerre mondiale, ce que le public - averti ou non – ayant assisté au spectacle joué par l'appelant a forcément compris, vu la nature particulièrement explicite des propos en question.

Les indications fournies par le témoin Q______ sur la genèse du sketch qu'il avait imaginé, ainsi que ses propos sur la question du sort des Juifs pendant la Shoah, cumulés aux critiques formulées par l'appelant contre le postulat selon lequel la souffrance des Juifs était unique, ne laissent par ailleurs aucune place au doute quant au contenu négationniste assumé du sketch incriminé.

Il est largement admis qu'une telle assertion revient à minimiser la souffrance subie par les victimes de l'Holocauste (cf. consid. 2.2.5. supra), ce qui n'a manifestement pas échappé à l'appelant qui se prévaut, par l'entremise de son conseil, d'avoir délibérément fait dire à son personnage une phrase "interdite", dans l'optique de le placer face à une mort "figurative", immédiatement après avoir réchappé au crash d'un avion.

Reste par conséquent à déterminer l'existence d'un mobile discriminatoire.

2.4.3. S'il est vrai que le sketch en question ne fait aucune mention, hormis la phrase incriminée, à la religion juive ni aux crimes perpétrés pendant la seconde guerre mondiale, le spectacle pris dans son ensemble contient diverses allusions plus ou moins évocatrices de l'état d'esprit de l'humoriste et, en particulier, de son inclinaison à se moquer des victimes de l'Holocauste. Ainsi, le fait de tourner en dérision, d'entrée de cause, le procès de Nuremberg en le qualifiant notamment de "divertissement judiciaire", cumulé à l'utilisation de la formule "Shoah nanas" et aux injures envers les associations juives auxquelles il indiquait déjà lors de la représentation filmée d'aller "se faire enculer", sont autant d'éléments qui dénotent un mépris certain des victimes de la Shoah, des associations qui les défendent et, d'une manière plus générale, des membres de la communauté juive.

Pour ces raisons déjà, l'existence d'un mobile discriminatoire est établie.

D'autres éléments contextuels, soit les très nombreuses condamnations de l'appelant pour diffamation et provocation à la discrimination nationale, raciale ou religieuse, viennent confirmer la propension de celui-ci à adopter des comportements méprisants et discriminatoires. À cet égard, l'on notera que l'une de ses dernières condamnations portait sur le fait d'avoir invité un négationniste notoire sur scène à l'occasion de l'un de ses spectacles, faisant ainsi écho au comportement qui lui est reproché et, en particulier, aux relents négationnistes du sketch incriminé.

À noter qu'il importe peu ici de déterminer ce que pense effectivement l'appelant des chambres à gaz ou de leur utilisation pendant la seconde guerre mondiale, dans la mesure où il apparaît que c'est dans le but de minimiser l'importance d'un tel génocide et la souffrance des victimes qu'il a proféré les propos litigieux.

L'appelant ne saurait par ailleurs tirer un crédit quelconque de son combat contre le racisme, ladite cause, aussi noble soit-elle, ne l'empêchant pas d'adopter un comportement répréhensible au regard de l'art. 261bis CP.

Il doit par conséquent être retenu que c'est uniquement dans le but de stigmatiser les victimes de la Shoah et de minimiser leur souffrance que l'appelant a prononcé cette phrase, alimentant au passage la polémique autour de sa position ambigüe en matière de négationnisme, réalisant ainsi l'élément constitutif subjectif.

2.4.4. Se pose encore la question de savoir si, s'agissant d'un spectacle humoristique et, plus particulièrement, de propos sortis de la bouche d'un personnage de fiction, la liberté d'expression peut trouver ici application.

S'il n'appartient pas à la Cour de céans de se prononcer sur le potentiel artistique ni comique du sketch en question, elle ne saurait non plus accorder automatiquement un blanc-seing à tout artiste tenant des propos négationnistes, sous prétexte qu'il agirait dans le cadre de l'expression de son art ou par le biais d'un personnage de fiction.

En l'espèce, la phrase incriminée a été prononcée par un personnage parlant avec un accent québécois, au moment où l'avion dans lequel il avait pris place était sur le point de s'écraser. Si l'on peut éventuellement comprendre qu'à l'approche de la mort, ledit personnage se désinhibe et tient des propos de plus en plus incohérents, comme le souhait de faire "comme les terroristes" et de "mourir pour quelque chose" ou encore d'"enculer la reine d'Angleterre", l'on perçoit mal le ressort humoristique tendant à dire que les chambres à gaz n'ont pas existé. En effet, il ne peut être retenu que l'humoriste parodiait un négationniste, à la manière de Charlie Chaplin parodiant Hitler dans "le Dictateur", en l'absence de tout élément - verbal ou vestimentaire - allant dans ce sens. L'absurdité du propos découlant du fait que cette phrase aurait été prononcée par une personne de religion juive qui se retourne contre sa propre communauté – ainsi que l'avait imaginé le témoin Q______ – ne saurait non plus être retenue, en l'absence de tout indice susceptible de corroborer l'identité religieuse dudit personnage.

L'appelant ne convainc pas non plus lorsqu'il prétend avoir voulu mettre en exergue la mise à mort "figurative" de son personnage en lien avec le fait d'avoir prononcé une phrase "interdite", alors qu'il venait précisément d'échapper à une mort certaine. En effet, à défaut d'une construction plus aboutie du sketch, il n'est question, aux yeux du public, que d'un personnage lambda prononçant une phrase négationniste à l'article de la mort et le regrettant ensuite. L'on perçoit alors mal le ressort comique d'une telle assertion, en décalage complet avec le narratif, dont la véritable portée – outre qu'elle est discriminatoire - semble plutôt celle de minimiser la souffrance de toute une communauté et d'affirmer le positionnement de l'appelant vis-à-vis de ce courant de pensée.

La CPAR retiendra donc que la phrase incriminée n'a pas été prononcée à des fins humoristiques, parodiques, ni même satiriques, mais plutôt afin de minimiser la souffrance d'un peuple, dans le cadre de ce que l'appelant appelle une "compétition victimaire", voire de provoquer et de créer la polémique, au détriment des membres de la communauté juive, pour lesquels cette question est susceptible de jouer un rôle identitaire central.

2.4.5. Au vu de ce qui précède, la CPAR a acquis la conviction que c'est avec conscience et volonté que l'appelant a tenu des propos négationnistes et discriminants envers les victimes de la Shoah de manière à porter atteinte à leur dignité humaine au sens de l'art. 261bis al. 4 1ère partie CP.

Par voie de conséquence, l'appelant sera reconnu coupable de discrimination raciale.

2.5.1. L'honneur que protègent les art. 173 ss CP est le sentiment d'être une personne honnête et respectable, la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme un individu digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues et, par conséquent, le droit de ne pas être méprisé en tant qu'être humain ou entité juridique (ATF 132 IV 112 consid. 2.1 p. 115 ; 128 IV 53 consid. 1a). Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable, qu'il s'agisse d'un être humain ou d'une entité juridique (ATF 114 IV 14 consid. 2a).

En revanche, la réputation relative à l'activité professionnelle ou au rôle joué dans la communauté n'est pas pénalement protégée ; il en va ainsi des critiques qui visent comme tels la personne de métier, l'artiste, le politicien ou la politicienne, même si elles sont de nature à blesser et à discréditer (ATF 119 IV 44 consid. 2a).

Dans le domaine des activités socio-professionnelles, il ne suffit pas de dénier à une personne certaines qualités, de lui imputer des défauts ou de l'abaisser par rapport à ses concurrents. En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ces domaines, si on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (B. CORBOZ, op. cit., n. 11 ad art. 173 ; ATF 116 IV 205 consid. 2 et 103 IV 161 consid. 2).

2.5.2.1. Se rend coupable d'injure celui qui aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur (art. 177 al. 1 CP). Cette infraction est subsidiaire par rapport à la diffamation (art. 173 CP) ou à la calomnie (art. 174 CP).

Alors que la diffamation (art. 173 CP) ou la calomnie (art. 174 CP) supposent une allégation de fait, un jugement de valeur, adressé à des tiers ou à la victime, peut constituer une injure au sens de l'art. 177 CP.

2.5.2.2. L'injure est une infraction intentionnelle. L'auteur doit vouloir ou accepter que son propos soit attentatoire à l'honneur et qu'il soit communiqué à la personne lésée ou à un tiers. (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 15 ad art. 177).

2.5.3.1. En l'espèce, bien que l'appelant se défende d'avoir dit : " Il faut leur dire d'aller se faire enculer à la B______", il ressort du DVD de son spectacle que celui-ci a prononcé des termes identiques à l'attention d'"associations juives" qui lui faisaient un procès. Cet élément, cumulé aux témoignages des témoins J______ et K______, permettent de tenir ces termes pour établis.

Contrairement à ce qu'allègue l'appelant, rien dans le dossier n'est susceptible d'altérer la crédibilité de ces deux témoins. On ne saurait en particulier tirer un quelconque soupçon d'impartialité du fait que ceux-ci ont assisté au spectacle à la demande de leur employeur afin de vérifier la conformité à la loi des sketchs proposés par l'humoriste. Il apparaît d'ailleurs que l'attestation rédigée par le témoin J______ est en tout point conforme au contenu du spectacle et que son auteur n'a pas essayé d'en rajouter, le surlignage et l'utilisation de majuscules s'apparentant davantage à une mise en exergue des propos incriminés qu'à une emphase. En outre, bien que le témoin K______ ait situé l'injure à la B______ avant le sketch sur les chambres à gaz, en contradiction avec les propos de son collègue et le DVD du spectacle, une telle imprécision peut aisément s'expliquer par le fait que son audition a eu lieu deux ans après les faits.

Il est par ailleurs intéressant de constater que les propos tenus par l'appelant à l'égard des "associations juives" lors de la représentation filmée (ndr : "il faut leur dire d'aller se faire enculer") sont exactement les mêmes que ceux rapportés par les témoins J______ et K______, ce qui accroît encore leur crédibilité et renforce la présomption selon laquelle l'appelant a bel et bien prononcé les propos incriminés.

Les déclarations des témoins X______ et Y______, lesquels ont indiqué ne pas se rappeler d'une quelconque mention à la B______ pendant le spectacle, sont en revanche peu crédibles, dès lors que l'appelant a indiqué avoir probablement prononcé "quelques mots" pendant son spectacle à l'attention de l'association, dont les membres étaient venus manifester et distribuer des tracts devant la salle où il se produisait. La crédibilité du témoin X______ est d'autant plus affaiblie qu'avec le témoin Z______, elle ne se rappelait pas avoir entendu l'appelant évoquer les chambres à gaz, alors qu'il est établi que le sketch de l'avion contenant les propos incriminés faisait partie intégrante du spectacle "H______" joué à cette époque à Genève.

Quant à la lettre par laquelle T______ indique ne pas se rappeler avoir entendu l'appelant tenir des propos injurieux à l'encontre de la B______ pendant la représentation du mois de juin 2019 à laquelle il dit avoir assisté, force est de constater que celle-ci dispose, de par sa nature, d'une force probante limitée puisqu'on ne connaît pas les conditions dans lesquelles cet affidavit a été obtenu, en particulier sous l'angle des garanties procédurales. À tout le moins, il n'est pas de nature à renverser ou affaiblir les témoignages sur lesquels se fonde la CPAR.

Au vu de ce qui précède, la CPAR tient pour établi que l'appelant a tenu les propos incriminés à l'encontre de la B______.

2.5.3.2. Ces propos, qui constituent assurément une injure, ce qui n'est pas contesté, ont manifestement été proférés dans le dessein de dire du mal de l'association en question.

Partant, l'appelant doit être reconnu coupable d'injure et le jugement querellé confirmé.

2.5.4.1. L'art. 173 ch. 1 CP réprime, en tant que diffamation, le comportement de celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.

2.5.4.2. Le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 consid. 2.2 p. 115 ; 118 IV 248 consid. 2b p. 250 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_138/2008 du 22 janvier 2009 consid. 3.1).

2.5.4.3. En vertu de l'art. 173 ch. 2 CP, l'auteur n'encourt cependant aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies ; s'il a usé d'expressions qui comportaient non seulement l'allégation de faits, mais encore des jugements de valeur, il faut en outre que ceux-ci aient été objectivement justifiables au regard des faits allégués (ATF 121 IV 76 consid. 2a/bb p. 82 s.).

Conformément à la jurisprudence relative à la protection civile de la personnalité - également valable sur ce point en droit pénal -, une allégation n'est inexacte, et viole les droits de la personnalité, que si elle ne correspond pas à la réalité sur des points essentiels et fait apparaître la personne concernée sous un angle si erroné ou en présente une image si faussée qu'elle s'en trouve rabaissée de manière sensible dans la considération de ses concitoyens, et ce en comparaison de l'effet qu'auraient eu les circonstances réelles (ATF 126 III 305 consid. 4a/bb p. 307-308).

Pour échapper à la sanction pénale, l'accusé de bonne foi doit prouver qu'il a cru à la véracité de ses allégations après avoir fait consciencieusement tout ce que l'on pouvait attendre de lui pour s'assurer de leur exactitude. Il faut se fonder exclusivement sur les éléments dont il avait connaissance à l'époque de sa déclaration (ATF 124 IV 149 consid. 3b p. 151/152 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_632/2015 du 9 octobre 2015 consid. 1).

2.5.4.4. L'art. 173 ch. 3 CP prévoit cependant que l'auteur n'est pas admis à faire ces preuves, et qu'il est punissable, si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui, notamment lorsqu'elles ont trait à la vie privée ou familiale du lésé.

En principe, l'auteur doit être admis à apporter les preuves libératoires et ce n'est qu'exceptionnellement que cette possibilité doit lui être refusée. Pour que les preuves libératoires soient exclues, il faut, d'une part, que l'auteur ait tenu les propos attentatoires à l'honneur sans motif suffisant (d'intérêt public ou privé) et, d'autre part, qu'il ait agi principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui. Ces deux conditions sont cumulatives (ATF 132 IV 112 consid. 3.1 p. 116 ; ATF 116 IV 31 consid. 3 p. 38 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_25/2013 du 4 juin 2013 consid. 1.1.1).

2.5.4.5. L'art. 177 al. 2 CP permet au juge d'exempter le délinquant de toute peine si l'injurié a directement provoqué l'injure par une conduite répréhensible. Il s'agit d'une faculté, non d'une obligation (ATF 109 IV 39 consid. 4b in fine). Le juge peut aussi se limiter à atténuer la peine. Il dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_640/2008 du 12 février 2009 consid. 2.1).

Cette faculté n'est donnée que si l'injure a consisté en une réaction immédiate à un comportement répréhensible de l'injurié, lequel peut consister en une provocation ou en tout autre comportement blâmable. La notion d'immédiateté doit être comprise comme une notion temporelle, en ce sens que l'auteur doit avoir agi sous le coup de l'émotion provoquée par la conduite répréhensible de l'injurié, sans avoir eu le temps de réfléchir (ATF 117 IV 270 consid. 2c ; ATF 83 IV 151).

2.5.5. L'appelant ne conteste pas avoir, à l'occasion d'une interview, traité l'intimé de raciste et l'avoir comparé à un "négrier juif", en invoquant notamment la haine que celui-ci nourrissait à l'encontre des Noirs, qu'il considérait comme des animaux.

Dites allégations décrivaient incontestablement l'intimé comme une personne adoptant une conduite contraire à l'honneur. Or, une telle attaque s'avère d'autant plus dommageable que l'intimé œuvre au sein d'une association luttant contre le racisme et toute sorte de discrimination. Cela étant, et contrairement à ce qu'allègue l'appelant, l'intimé a non seulement été sali "dans son engagement", mais il l'a également été en tant qu'Homme, une telle attaque portant sur ses qualités humaines et non exclusivement professionnelles.

Ces accusations ayant été articulées sans égard à l'intérêt public et sans autre motif suffisant, le but poursuivi consistant à dire du mal de l'intimé, l'appelant ne peut prétendre être admis à apporter une preuve libératoire.

En tout état de cause, aucun élément ne permettait à l'appelant de considérer ces allégations comme étant conformes à la vérité et il n'avait pas non plus de raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. L'on notera ici que pour peu heureux qu'ils soient, les propos tenus par l'intimé à la radio trois jours auparavant accusant l'appelant de faire la promotion du terrorisme lors de chacun de ses spectacles et d'alimenter les réseaux conspirationnistes ne suffisent pas encore à faire naître des soupçons de racisme. En effet, c'est sans fondement que l'appelant affirme voir de la haine dans les yeux de l'intimé et être critiqué parce qu'il est noir. Il transparaît au contraire du dossier que les griefs de l'intimé envers l'appelant reposent davantage sur le contenu de ses spectacles que sur sa couleur de peau.

Enfin, une exemption de peine selon l'art. 177 al. 2 CP ne saurait entrer en considération, l'exigence d'immédiateté n'étant pas réalisée, quatre jours s'étant écoulés depuis l'interview de l'intimé, ce qui aurait dû permettre à l'appelant de considérer la portée de ses paroles avant de les exprimer.

3. 3.1. La discrimination et l'incitation à la haine (art. 261bis CP) est punie d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. L'infraction d'injure (art. 177 CP) est punie d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus et celle de diffamation (art. 173 CP) d'une peine pécuniaire.

3.2.1. Au sens de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures.

3.2.2. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

3.3. En l'espèce, l'appelant ne conteste pas, à juste titre, la peine prononcée par le premier juge. En effet, sa faute est conséquente ; il a porté atteinte à la dignité humaine et à la paix publique, heurtant les principes essentiels d'une société fondée sur le respect de l'Homme. Hormis son mépris des victimes de la Shoah et sa volonté de créer la polémique, on ne voit pas ce qui aurait pu l'animer.

La collaboration de l'appelant à la procédure a été mauvaise, dès lors qu'il n'a cessé d'occulter le but recherché par ses attaques et de minimiser la portée de ses propos, dont il a tout d'abord attribué la responsabilité à son co-auteur, avant de se cacher derrière le personnage de son sketch. Refusant toute remise en question, il n'a pas pris conscience de ses conséquences et n'a donc pas fait preuve d'amendement. Par ailleurs, il s'en est pris à l'honneur de l'intimé et d'une association luttant contre les discriminations. Il a agi pour des mobiles égoïstes en utilisant son spectacle pour diffuser un message négationniste à un large public et tourner en dérision les victimes d'un génocide.

Sa situation personnelle ne saurait expliquer ses actes.

Il est considéré que l'infraction de discrimination raciale est la plus grave, ce qui justifie une sanction de 90 unités, qu'il y a lieu d'augmenter de 45 unités (peine hypothétique : 60) pour l'infraction d'injure et de 45 unités à nouveau (peine hypothétique : 60), d'où un total de 180 jours-amende.

L'appelant, qui bénéficie d'une situation financière favorable eu égard aux revenus qu'il dit générer, n'a documenté aucune des charges alléguées et n'a pas contesté l'adéquation de la quotité du jour-amende, arrêtée en première instance à CHF 170.-.

Il sera également renoncé à l'octroi d'un sursis, au vu des très nombreux antécédents - certes anciens - mais spécifiques de l'appelant et de son absence totale de prise de conscience qui justifient le prononcé d'une peine ferme.

Il résulte de ce qui précède que le jugement de première instance sera intégralement confirmé.

4. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), qui comprennent un émolument de jugement de CHF 2'000.-.

L'appel ayant été admis, il ne sera pas perçu de frais (art. 428 CPP a contrario).

5. Vu le verdict de culpabilité prononcé en appel, l'intimé ne peut prétendre au versement d'une indemnité fondée sur l'art. 429 CPP et sera ainsi débouté de ses conclusions relatives aux procédures de première instance et d'appel.

6. 6.1. Aux termes de l'art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b).

Lorsque le prévenu est condamné et que les conclusions civiles de la partie plaignante sont admises, même partiellement, celle-ci obtient gain de cause comme demandeur au pénal, de sorte qu'elle doit être indemnisée pour les frais de défense privée en relation avec la plainte pénale.

6.2. En l'espèce, les intimés, qui ont obtenu gain de cause eu égard au verdict de culpabilité prononcé à l'encontre de l'appelant, ont droit à l'indemnisation de leurs frais de défense.

La note d'honoraires produite, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, apparaît adéquate.

6.3. L'appelant sera dès lors condamné à indemniser les intimés pour leurs frais de défense à hauteur de CHF 2'638.65, TVA incluse.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/924/2021 rendu le 8 juillet 2021 par le Tribunal de police dans la procédure P/14261/2019.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 2'195.-, qui comprennent un émolument de CHF 2'000.-.

Le condamne à payer à la B______ et C______ la somme de CHF 2'638.65 (TVA comprise) à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de leurs droits de procédure en appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de discrimination raciale (art. 261bis al. 4 CP), de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et d'injure (art. 177 al. 1 CP).

Acquitte A______ de diffamation pour les termes malhonnête et menteur (art. 173 ch. 2 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 170.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Déboute la B______ et C______ de leurs conclusions civiles en réparation de leur tort moral (art. 49 CO).

Condamne A______ à verser à la B______ CHF 5'907.10, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ à verser à C______ CHF 5'907.10, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 2'225.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 426 al. 1 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal pénal.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 


 

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

3'225.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'195.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

5'420.00