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Décisions | Tribunal pénal

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P/196/2024

JTDP/951/2024 du 25.07.2024 ( OPCTRA ) , JUGE

Normes : LStup.19a
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 10


25 juillet 2024

 

SERVICE DES CONTRAVENTIONS

contre

Monsieur A______, né le ______ 1983, domicilié ______ [GE], prévenu, assisté de Me Raphaël ZOUZOUT


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Service des contraventions conclut au maintien de son ordonnance pénale n°5550262 du 14 avril 2023.

A______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement du chef d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup s'agissant de la consommation de cocaïne et à son acquittement du chef d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup s'agissant de la consommation de cannabis, subsidiairement à ce qu'il soit fait application de l'art. 19a ch. 2 LStup et qu'il soit exempté de peine. Il conclut à l'octroi d'une indemnisation pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure augmentée du temps de l'audience de jugement. Enfin, il conclut à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat.

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale du Service des contraventions (SDC) du 14 avril 2023, il est reproché à A______ d'avoir, le 26 janvier 2023 à 19h45, à la rue B______, 1205 Genève, illicitement et intentionnellement consommé des stupéfiants ayant des effets de type cannabique ainsi que de la cocaïne, faits qualifiés d'infraction à l'art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup ; RS 812.121).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon le rapport de contravention du 28 février 2023, les services de police avaient observé, le 26 janvier 2023 à 19h45 à la rue B______, deux individus effectuant une transaction de stupéfiants avant de se séparer. A______, l'un des protagonistes, avait été contrôlé. Il détenait alors 2 sachets de marijuana pour un total de 5 grammes, achetés pour un montant de CHF 100.- à l'individu dont il venait de se séparer.

b. Le 27 janvier 2023, A______ a été entendu par la police. L'audition a été menée en langue anglaise, la traduction ayant été effectuée par un agent de police avec l'accord de l'auditionné. Le procès-verbal d'audition a été rédigé en français.

A______ a reconnu avoir acheté de la marijuana pour CHF 100.- à un dealer qu'il connaissait depuis un ou deux mois et à qui il avait précédemment acheté 4 fois de la marijuana par transactions de 2 sachets à CHF 100.-, soit environ 5 grammes, et 2 fois de la cocaïne par transactions d'un gramme à CHF 100.-. Il fumait de la marijuana depuis quelques années sur prescription médicale obtenue en Grande-Bretagne et sniffait occasionnellement de la cocaïne depuis quelques mois.

c. Par courrier de son Conseil du 20 juin 2023, A______ a indiqué qu'il ne parlait ni ne comprenait le français.

d. Les pièces pertinentes suivantes ont été versées à la procédure :

¾           Un protocole opératoire du 4 mai 2021 duquel il ressort qu'A______ avait souffert d'une rupture du long extenseur du pouce droit suite à une chute sur son lieu de travail, ayant entraîné l'apparition d'un volumineux kyste et nécessitant une réparation du tendon. A la suite de cette opération, de l'antibioprophylaxie et des antalgiques lui avaient été prescrits ;

¾           Une ordonnance médicale établie le 13 décembre 2021 par le Dr C______ pour A______, lui prescrivant de l'aurora indica et de l'aurora pedanios indica, avec un taux de THC de 20% et un taux de CBD inférieur à 1% ;

¾           Une attestation médicale établie par le Dr C______ le 5 septembre 2023, indiquant qu'A______ l'avait consulté en décembre 2021 en vue d'obtenir une prescription médicale pour du cannabis médicinal du fait de douleurs chroniques post-opératoires à la main. A______ souffrait d'insomnies en raison de l'augmentation desdites douleurs. Ce dernier bénéficiait donc d'une ordonnance médicale de cannabis sous la forme de fleurs séchées, d'un taux de THC de 27% et d'un taux de CBD inférieur à 1% ;

¾           Une attestation médicale établie le 30 novembre 2023 par le Dr D______, médecin traitant d'A______ dans le cadre de conseils et soins en lien avec une chute en 2020, indiquant que celui-ci était en bonne santé, plutôt sportif et ne présentait aucun indice d'addiction à des drogues.

C. a. En marge de l'audience de jugement, A______ a déposé des conclusions en indemnisation pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

b.a. A l'audience de jugement, A______ a maintenu son opposition, portant tant sur la culpabilité et que sur la peine. Il avait déjà acheté du cannabis au dealer en question sur prescription médicale. L'utilisation de cette substance pour des raisons médicales était très largement permise en Grande-Bretagne. Il avait naïvement cru qu'il était autorisé de posséder une certaine quantité de cannabis en Suisse mais était conscient que l'attestation médicale précitée du Dr D______ ne lui permettait pas d'acheter de la drogue à des dealers de rue.

Il n'avait en revanche jamais acheté de cocaïne. Il pensait que la police l'avait interrogé sur ce qui lui avait été proposé à l'achat par le dealer. Il était fermement contre la consommation de cocaïne, sa sœur ayant souffert d'addiction à cette substance et commis deux tentatives de suicide en raison de sa dépendance.

Selon ses déclarations, il n'a pas d'antécédents. Il a exprimé des regrets envers la police et le Tribunal. Il regrettait cette situation.

b.b. E______, ami d'A______, a déclaré que ce dernier était quelqu'un de confiance et de sportif. Ils avaient concouru pour des Ironman ensemble.

D. A______ est né le ______ 1983 en Grande-Bretagne, pays dont il est originaire. Il est au bénéfice d'un permis C. Il est célibataire et vit avec sa compagne dans une maison dont il est propriétaire. Il travaille pour un Family Office et perçoit à ce titre un salaire mensuel net de CHF 10'500.-. Les intérêts et charges en lien avec son bien immobilier s'élèvent à CHF 2'000.- par mois. Ses primes d'assurance maladie sont de CHF 450.-. Il n'a pas de dette ni d'autre fortune que son bien immobilier.

EN DROIT

1.        1.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (RS 0.101 ; CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (RS 101 ; Cst.) et 10 al. 3 du Code de procédure pénale (RS 312.0 ; CPP), concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1, ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, elle signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 et 145 IV 154 consid. 1.1).

1.1.2. A teneur de l'art. 19a ch. 1 LStup, quiconque, sans droit, consomme intentionnellement des stupéfiants ou commet une infraction à l'art. 19 pour assurer sa propre consommation est passible d'une amende.

Selon la jurisprudence, un simple aveu de consommation permet sans arbitraire de retenir l'existence de l'infraction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_446/2019 du 5 juillet 2019 consid. 3).

1.1.3. Le chiffre 2 de cette même disposition dispose que, dans les cas bénins, l'autorité compétente peut suspendre la procédure ou renoncer à prononcer une peine. Une réprimande peut être prononcée.

La jurisprudence bien établie retient que le cas typique d’application de cet article consiste en la consommation d’une quantité minime de stupéfiants dont l’acquisition, la détention et la préparation en vue de la consommation n’est pas punissable au sens de l’art. 19b al. 1 LStup, alors que la consommation elle-même tombe sous le coup de l’art. 19a ch. 1 LStup (ATF 145 IV 320 consid. 1.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1273/2016 du 6 septembre 2017 consid 1.5.2). Pour le surplus, les éléments que le juge doit intégrer à sa réflexion sont essentiellement la nature de l’acte, la durée et l’intensité de ceux-ci, le degré de dépendance, l’âge de l’auteur et les antécédents de celui-ci (ATF 124 IV 184 consid. 34 ; ATF 124 IV 44 consid. 2).

1.2.1. En l'espèce, s'agissant de la consommation de cocaïne, le prévenu a exposé, lors de son audition à la police, avoir acheté à deux reprises cette substance par transactions d'un gramme à CHF 100.-. Il a par ailleurs indiqué en consommer occasionnellement depuis quelques mois. A l'audience de jugement, il est toutefois revenu sur ses déclarations, alléguant une erreur de compréhension. Il a par ailleurs évoqué la dépendance d'un membre de sa famille proche, raison pour laquelle il était fermement opposé à la consommation de cette substance.

Ces dernières déclarations, détaillées et cohérentes, sont crédibles. Elles relèvent en outre de la bonne foi, au vu notamment des circonstances particulières de l'audition à la police, lors de laquelle les propos du prévenu ont été traduits par un agent de police.

Le Tribunal relève par ailleurs qu'aucun autre élément du dossier ne permet d'établir la consommation de cocaïne du prévenu le 26 janvier 2023, date retenue par l'ordonnance pénale.

Faute d'éléments suffisants et le doute devant profiter au prévenu, ce dernier sera acquitté du chef de consommation de stupéfiants autres que de type cannabique (art. 19a ch. 1 LStup).

1.2.2. S'agissant ensuite de la consommation de cannabis, les faits sont établis par la saisie des sachets en possession du prévenu lors de son interpellation. Ils sont au demeurant reconnus par ce dernier.

Le prévenu sera par conséquent reconnu coupable de consommation de stupéfiants ayant des effets de type cannabique (art. 19a ch. 1 LStup).

1.2.3. Toutefois, le prévenu a expliqué consommer du cannabis à des fins médicales. Cela ressort des divers documents médicaux versés à la procédure, à teneur desquels le prévenu, suite à une chute, souffre de douleurs chroniques à la main. Une prescription médicale lui a ainsi été établie pour du cannabis médicinal et ses souffrances s'en sont trouvées apaisées.

Le prévenu n'a par ailleurs pas d'antécédents en la matière. Sa faute apparaît peu importante et entre donc dans la catégorie des cas bénins. Il sera par conséquent fait application de l'art. 19a ch. 2 LStup et A______ sera exempté de peine.

2. En application des art. 423 al. 1 et 426 al. 1 CPP et compte tenu du verdict partiellement condamnatoire, les frais de la procédure, dont le montant total s'élève à CHF 496.-, seront pour moitié mis à la charge du prévenu et pour moitié laissés à la charge de l'Etat.

3. Les conclusions en indemnisation déposées par le prévenu sur la base de l'art. 429 CPP seront rejetées dans la mesure où, même s'il est partiellement acquitté, la procédure a été ouverte en raison de son comportement fautif pour lequel il est condamné.

4. Vu la demande de motivation écrite du prévenu à l'origine du présent jugement motivé, celui-ci sera en outre condamné à un émolument complémentaire de jugement de CHF 400.- (art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP ; E 4.10.03]).

*****

Vu l'opposition formée le 21 juin 2023 par A______ à l'ordonnance pénale rendue par le Service des contraventions le 14 avril 2023;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Service des contraventions du 3 janvier 2024;

Vu les art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lesquels le tribunal de première instance statue sur la validité de la contravention et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du Service des contraventions du 14 avril 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par A______ le 21 juin 2023;

et statuant à nouveau et contradictoirement :

Acquitte A______ de consommation de stupéfiants autres que de type cannabique (art. 19a ch. 1 LStup).

Déclare A______ coupable de consommation de stupéfiants ayant des effets de type cannabique (art. 19a ch. 1 LStup).

Exempte A______ d'amende (art. 19a ch. 2 LStup).

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure dont le montant total s'élève à CHF 496.- (art. 426 al. 1 CPP). Le surplus des frais de la procédure sera laissé à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Julie COTTIER

La Présidente

Limor DIWAN

 

Vu la demande de motivation écrite formée par A______ par le biais de son Conseil en date du 5 août 2024 (art. 82 al. 2 lit. a CPP) ;

Considérant que selon l'art. 9 al. 2 RTFMP, l’émolument de jugement fixé est en principe triplé en cas de demande de motivation écrite ;

Qu'il se justifie, partant, de mettre à la charge de A______ un émolument complémentaire.

PAR CES MOTIFS,
LE Tribunal de police

 

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 400.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______.

 

La greffière

Julie COTTIER

 

La présidente 

Limor DIWAN

 

 

 

Voies de recours

Le présent jugement est entré en force, le délai d'appel ayant expiré sans avoir été utilisé (art. 437 al. 1 let. a et 438 al. 1 CPP).

Etat de frais

Frais du Service des contraventions

CHF

150.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

75.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

200.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

496.00

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

400.00

==========

Total des frais

CHF

896.00

 

Notification à A______
Par recommandé

Notification au Service des contraventions
Par recommandé

Notification au Ministère public
Par recommandé