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Décisions | Tribunal pénal

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P/24517/2022

JTDP/1201/2023 du 19.09.2023 ( OPCTRA ) , JUGE

Normes : LPG11A1; LCR.90
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 9


19 septembre 2023

 

SERVICE DES CONTRAVENTIONS

contre

Madame X______, née le ______1981, domiciliée ______, Roumanie, prévenue, assistée de Me Dina BAZARBACHI


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Par ordonnance pénale n°5216885 du 12 mai 2022 valant acte d'accusation, le Service des contraventions conclut à ce que X______ soit reconnue coupable d'infraction à l'art. 90 al. 1 LCR et condamnée à une amende de CHF 100.- ainsi qu'à des émoluments de CHF 60.-.

Par ordonnances pénales nos 5280164 et 5279992 du 18 juillet 2022 valant acte d'accusation, le Service des contraventions conclut à ce que X______ soit reconnue coupable de mendicité (art. 11A al. 1 let. c LPG) et condamnée, pour chacune desdites ordonnances, à une amende de CHF 100.- et à des émoluments de CHF 60.-.

Par ordonnances pénales nos 5449706 et 5469121 des 27 et 29 mars 2023 valant acte d'accusation, le Service des contraventions conclut à ce que X______ soit reconnue coupable de mendicité (art. 11A al. 1 let. c LPG) et condamnée, pour chacune desdites ordonnances, à une amende de CHF 100.- et à des émoluments de CHF 60.-.

X______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement, subsidiairement à ce qu'elle soit mise au bénéfice de l'état de nécessité (art. 17 CP) ou de l'exemption de peine (art. 51 CP).

*****

Vu l'opposition formée le 17 mai 2022 par X______ à l'ordonnance pénale n°5216885 rendue par le Service des contraventions le 12 mai 2022;

Vu la décision de maintien de ladite ordonnance pénale du Service des contraventions du 18 novembre 2022;

Vu l'opposition formée le 9 août 2022 par le Conseil de X______ aux ordonnances pénales nos 5280164 et 5279992 rendues par le Service des contraventions le 18 juillet 2022;

Vu les décisions de maintien desdites ordonnances pénales du Service des contraventions des 18 novembre 2022;

Vu l'opposition formée le 14 avril 2023 par le Conseil de X______ aux ordonnances pénales nos 5449706 et 5469121 rendues par le Service des contraventions les 27 et 29 mars 2023;

Vu les décisions de maintien des ordonnances pénales du Service des contraventions du 24 avril 2023;

Vu les art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lesquels le tribunal de première instance statue sur la validité de la contravention et de l'opposition;

Attendu que les ordonnances pénales et les oppositions sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables les ordonnances pénales nos 5216885, 5280164, 5279992, 5449706 et 5469121 du Service des contraventions des 12 mai 2022, 18 juillet 2022, 27 et 29 mars 2023 et les oppositions formées contre celle-ci par X______ les 17 mai 2022, 9 août 2022 et 14 avril 2023.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A.a. Par ordonnance pénale du 12 mai 2022 valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, à la rue des Eaux-Vives 19, 1207 Genève, le 27 avril 2023 à 13h25, déambulé sur la chaussée entre les véhicules et de s'être ainsi attardée inutilement sur la chaussée, faits qualifiés de violation simple des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 1 LCR cum art. 49 al. 1 LCR et 46 al. 2 OCR.

A.b. Par ordonnances pénales des 18 juillet 2022, 27 et 29 mars 2023, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir les 2 mai 2022 à 14h37, 18 mai 2022 à 15h, 2 décembre 2022 à 15h et 14 décembre 2022 à 11h10, à la rue des Eaux-Vives 19, 1207 Genève, devant l'entrée du magasin MIGROS commis des actes de mendicité au sens de l'art. 11A al. 1 let. c LPG.

B. Il ressort de la procédure les faits pertinents suivants:

a.a) Le 27 avril 2022, à la rue des Eaux-Vives 19, 1207 Genève, X______ déambulait inutilement sur la chaussée entre les véhicules.

a.b) Par ordonnance pénale du 12 mai 2022, elle a été condamnée à une amende de CHF 100.- et à des émoluments de CHF 60.-.

a.c) Par courrier du 16 mai 2022, elle a fait opposition à l'ordonnance pénale précitée.

b.a) Les 2 mai 2022 à 14h37, 18 mai 2022 à 15h, 2 décembre 2022 à 15h et 14 décembre 2022 à 11h10, devant l'entrée du magasin MIGROS situé rue des Eaux-Vives 19, à Genève, X______ s'adonnait à la mendicité (rapports de contravention de la police des 21 juin 2022, 23 juin 2022, 7 décembre 2022 et 22 décembre 2022).

b.b) Par ordonnances pénales des 18 juillet 2022, 27 et 29 mars 2023, elle a été condamnée pour mendicité à des amendes de CHF 100.- ainsi qu'à des émoluments de CHF 60.-.

b.c) Par courriers des 9 août 2022 et 14 avril 2023 de la plume de son Conseil, elle a fait opposition aux ordonnances pénales précitées.

C. Lors de l'audience de jugement, X______ ne s'est pas présentée sans avancer de motif à son absence. Elle a néanmoins été autorisée à être représentée par son Conseil.

D. S'agissant de sa situation personnelle, X______, de nationalité roumaine, née le ______ 1981, est domiciliée en Roumanie et est sans emploi.

La prévenue a été condamnée le 22 février 2016 par le Ministère public de Genève à une peine-pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.-, assortie du sursis complet avec un délai d'épreuve de 3 ans, pour entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEtr).

EN DROIT

1.1. L'art. 90 al. 1 LCR stipule que celui qui viole les règles de la circulation prévues par la présente loi ou par les dispositions d'exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l'amende, étant précisé qu'à teneur de l'art. 49 al. 1 LCR, les piétons utiliseront le trottoir. À défaut de trottoir, ils longeront le bord de la chaussée et, si des dangers particuliers l’exigent, ils circuleront à la file. À moins que des circonstances spéciales ne s’y opposent, ils se tiendront sur le bord gauche de la chaussée, notamment de nuit à l’extérieur des localités.

L'art. 46 al.2 OCR dispose que les piétons éviteront de s’attarder inutilement sur la chaussée, notamment aux endroits sans visibilité ou resserrés, aux intersections ainsi que de nuit et par mauvais temps.

1.2. Il ressort du rapport de la police que la contrevenante déambulait inutilement sur la chaussée entre les véhicules lorsqu'elle a été déclarée en contravention le 27 avril 2022, ce qu'elle ne conteste au demeurant pas dès lors qu'elle s'est acquittée du montant de l'amende le 31 mai 2022 et d'une partie des émoluments, soit à hauteur de CHF 50.-, le 3 août 2022.

Son comportement est donc constitutif de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR cum articles 49 al. 1 LCR et 46 al. 2 OCR).

2.1. Au sens de l'art. 11A al. 1 let. c LPG, sera puni de l'amende quiconque aura mendié aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale, notamment les magasins, hôtels, cafés, restaurants, bars et discothèques (ch. 2).

2.2. Il ressort de la procédure, et plus particulièrement des rapports de police, que la contrevenante mendiait lorsqu'elle a été déclarée en contravention par la police en date des 2 et 18 mai 2022, 2 et 14 décembre 2022, ce qu'elle ne conteste au demeurant pas. En outre, elle se trouvait à chacune de ces occasions devant le même magasin MIGROS, à savoir aux abords immédiats de magasins.

Son comportement est donc constitutif d'infraction à l'art. 11A al. 1 let. c LPG.

La contrevenante invoque divers griefs tirés de la violation de ses droits fondamentaux, ceux-ci seront examinés ci-après.

3.1. Concernant la protection de sa liberté personnelle, l'art. 8 § 1 CEDH consacre notamment le droit au respect de la vie privée. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (art. 8 § 2 CEDH).

Selon l'art. 10 al. 2 Cst., tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l'intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement.

Selon le Tribunal fédéral, le fait de mendier, à savoir de demander l'aumône, généralement sous forme d'argent, auprès d'une autre personne dans l'attente de sa générosité, doit être considéré comme une liberté élémentaire, faisant partie de la liberté personnelle garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. (ATF 134 I 214 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 4.2). Ce point de vue est partagé par la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH) qui considère que le droit de s'adresser à autrui pour en obtenir de l'aide relève de l'essence même des droits protégés par l'art. 8 CEDH (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme [CEDH] no 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse § 59).

Toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale, les cas de danger sérieux, direct et imminent étant réservés (art. 36 al. 1 Cst.), justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst.) et être proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.).

3.2. Vu que les amendes infligées à la contrevenante du chef de mendicité doivent être considérées comme une restriction à sa liberté personnelle, il convient d'analyser ces trois conditions afin de déterminer si ladite restriction est justifiée.

3.2.1.1. La contrevenante soutient que cette disposition viole le principe de la légalité, notamment en lien avec l'art. 1 CP au motif que la rédaction de l'art. 11A LPG serait tellement vague que la contrevenante ne pourrait pas comprendre la disposition, ni où la mendicité est interdite et où celle-ci est autorisée, ou encore que la question de la distance serait sujette à appréciation. Dès lors que ce grief se confond avec l'examen de la première condition de la restriction à la liberté personnelle, il sera examiné à ce stade.

En droit pénal, l'art. 1 CP consacre le principe de la légalité, également ancré à l'art. 7 CEDH. Ce principe est violé lorsqu'une personne est poursuivie pénalement en raison d'un comportement qui n'est pas incriminé par une loi valable, ou lorsque l'application du droit pénal à un acte déterminé procède d'une interprétation de la norme pénale excédant ce qui est admissible au regard des principes généraux du droit pénal (ATF 144 I 242 consid. 3.1.2). Le principe s'applique à l'ensemble du droit pénal. Il n'exclut pas dans tous les cas une interprétation extensive de la loi à la charge du prévenu (ATF 138 IV 13 consid. 4.1). La loi doit être formulée de manière telle qu'elle permette au citoyen de s'y conformer et de prévoir les conséquences d'un comportement déterminé avec un certain degré de certitude dépendant des circonstances (ATF 144 I 242 consid. 3.1.2 ; ATF 138 IV 13 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_15/2012 du 13 avril 2012 consid. 4.1.2 et les arrêts cités).

L'exigence de précision (nulla poena sine lege certa) constitue l'une des facettes du principe de la légalité. Selon ce principe, une norme pénale doit être suffisamment précise. Les exigences à cet égard dépendent entre autres de la complexité de la matière réglementée et de la peine encourue. La loi doit être formulée de manière suffisamment précise pour que les citoyens puissent y conformer leur comportement et identifier les conséquences d'un comportement donné avec un degré de certitude correspondant aux circonstances. Le principe de précision ne doit toutefois pas être compris de manière absolue. Le législateur ne peut pas renoncer à utiliser des notions générales dont l'interprétation et l'application doivent être laissées à la pratique. Le degré de précision requis ne peut ainsi pas être fixé de manière abstraite. Il dépend notamment de la diversité des situations à ordonner, de la complexité et de la prévisibilité de la décision nécessaire dans le cas d'espèce, des destinataires de la norme, de la gravité de l'atteinte aux droits constitutionnels et de la décision appropriée qui n'est possible que lors de la concrétisation dans un cas concret d'application (ATF 144 I 126 consid. 6.1 ; ATF 143 I 253 consid. 6.1).

Amenée à trancher la question de la constitutionnalité de la norme objet de la présente procédure, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a considéré que l'emploi de notions générales et abstraites comme "abords immédiats" constituaient des expressions compréhensibles dont la concrétisation relevait de la pratique et que ces notions se préciseraient, au gré des circonstances particulières. La Cour a considéré que le grief tiré du manque de clarté de la loi pouvait être écarté (ACTS/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 8a et 8b).

3.2.1.2. En l'espèce, les faits visés par la loi sont suffisamment compréhensibles et les destinataires de la norme savent où et comment ils peuvent mendier et où et avec quel comportement répréhensible ils ne peuvent pas le faire. De plus, il n'y a pas lieu de s'écarter de ce qui a été retenu par la Cour de justice et il convient de considérer que l'art. 11A LPG constitue une base légale suffisante, le principe de légalité n'étant pas violé.

3.2.2.1. L'interdiction de la mendicité doit ensuite être justifiée par un intérêt public suffisant ou par la protection des droits fondamentaux de tiers (art. 36 al. 2 Cst.). Il s'agit de la sécurité nationale, de la tranquillité et de l'ordre publics, de la défense de cet ordre ainsi que de la protection des droits et des libertés d'autrui (art. 8 § 2 CEDH).

Selon la CourEDH dans l'arrêt Lacatus c. Suisse, une interdiction de la mendicité peut poursuivre différents objectifs admissibles, notamment la défense de l'ordre et la protection des droits d'autrui, tout en laissant ouverte la question de savoir si d'autres buts légitimes étaient également poursuivis par la mesure litigieuse (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme [CEDH] no 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse § 96 et 97).

Le Tribunal fédéral a admis l'existence d'un intérêt public à la protection de l'ordre, de la tranquillité et de la sécurité publics en cas de réglementation de la mendicité à proximité immédiate des points de paiement et des distributeurs automatiques de billets, à l'entrée des magasins, dans les gares ou dans d'autres bâtiments publics (arrêt du Tribunal fédéral 1C_537/2021 du 13 mars 2023 consid. 4.6.2).

Dans le cadre de l'analyse abstraite de l'art. 11A LPG, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a considéré que les situations visées notamment par la let. c de l'art. 11A LPG reposaient sur un intérêt public plus large visant à assurer la sécurité et la tranquillité publiques, en réglementant les lieux où la mendicité doit être exclue (ACTS/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 9d).

3.2.2.2. Ici encore, le fait d'interdire à la contrevenante de mendier aux abords de magasins poursuit un intérêt public, à savoir la sécurité et la tranquillité publiques, reconnu comme étant suffisant tant par les juridictions internes qu'internationales, ce dont il n'y a pas lieu de s'écarter.

3.2.3.1. La prévenue soutient également une violation du principe de la proportionnalité, dès lors que la nouvelle mouture de l'art. 11A LPG reviendrait à réintroduire une interdiction totale de la mendicité.

Dans le cas de la loi concernant l'interdiction partielle de la mendicité du canton de Bâle-Ville, laquelle définit des lieux déterminés où la mendicité est interdite (entre autres les arrêts de transports publics, les distributeurs automatiques d'argent, les lieux d'usage publics – cinéma, magasins, banques, offices postaux, etc. –, les hôtels ou restaurants, des stands de vente ou les buvettes), le Tribunal fédéral a considéré que la description des lieux concernait en grande partie ceux où la mendicité était susceptible de porter atteinte à l'ordre, à la tranquillité et à la sécurité publics ou aux intérêts de tiers à protéger, dès lors qu'il s'agissait de l'accès à des bâtiments et installations publics et privés ainsi que de la protection de la sphère privée lors de l'utilisation de ces installations à des fins lucratives ou personnelles. Pour le Tribunal fédéral, la disposition laissait suffisamment de possibilités de mendier sur le territoire cantonal en dehors de la zone d'interdiction, y compris dans le centre-ville (arrêt du Tribunal fédéral 1C_537/2021 du 13 mars 2023 consid. 5.3.1 et 5.3.2).

Amenée à trancher la question de la constitutionnalité de la norme objet de la présente procédure, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a considéré que si certes la liste prévue à la let. c de l'art. 11A al. 1 LPG concerne des lieux nombreux et variés, le fait de mendier est uniquement interdit aux abords immédiats des accès aux endroits concernés. Bien que cette formulation générale mais claire permette d'appréhender de nombreux cas de figure, elle cible la restriction de manière précise en la circonscrivant au strict nécessaire (ACTS/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 10g).

3.2.3.2. En l'espèce, et conformément à l'arrêt Lacatus c. Suisse, il n'y a plus d'interdiction générale de la mendicité dans le canton de Genève. La disposition respecte donc le principe de proportionnalité puisque la contrevenante disposait d'autres lieux où mendier que devant les magasins, dès lors que la mendicité demeure permise dans le canton de Genève en dehors des lieux listés dans la loi. La contrevenante disposait de suffisamment de possibilités sur le territoire cantonal pour ne pas avoir à mendier aux abords des magasins.

Le grief sera donc rejeté.

3.2.4.1. S'agissant du grief selon lequel le fait de sanctionner la mendicité par une amende reviendrait à violer le principe de la liberté personnelle.

A teneur de l'arrêt de la CourEDH Lacatus c. Suisse, la CourEDH n'a pas exclu en soit une sanction pénale à la mendicité, dans le sens que la gravité de ladite sanction doit être examinée dans le cadre d'une pesée des intérêts et à l'aune de solides motifs d'intérêt public.

3.2.4.2. In casu, la CourEDH n'ayant pas interdit d'infliger une amende comme sanction à la mendicité, ce grief sera également rejeté.

3.3. Partant, au vu de ce qui précède, les trois conditions justifiant une atteinte à la liberté personnelle étant remplies, l'argument consistant à soutenir une atteinte injustifiée à sa liberté personnelle sera rejeté.

4. La contrevenante se plaint d'être victime d'un traitement discriminatoire en raison de sa situation sociale.

4.1.1. D'après l'art. 8 al. 2 Cst., nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique. Cet article réprime aussi bien la discrimination directe que la discrimination indirecte. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une réglementation formulée de manière neutre en soi, désavantage dans ses effets réels les membres d'un groupe de personnes spécifiquement protégé contre la discrimination, sans que cela soit objectivement justifié (ATF 141 I 241 consid. 4.3.2 ; ATF 135 I 49 consid. 4.1). L'atteinte doit néanmoins atteindre une importance significative, d'autant plus que l'interdiction de la discrimination indirecte ne peut servir qu'à corriger les effets négatifs les plus évidents d'une réglementation étatique (ATF 142 V 316 consid. 6.1.2 ; ATF 138 I 205 consid. 5.5 et arrêt du Tribunal fédéral 2C_121/2022 du 24 novembre 2022 consid. 5.1).

4.1.2. Quant à l'art. 14 CEDH, il complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles et n'a pas de portée indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1079/2019 du 23 décembre 2021 consid. 8.1 et les arrêts cités). Toute différence de traitement n'est pas illicite ; on ne peut considérer qu'il y a discrimination contraire à la Convention que si d'autres personnes ou groupes de personnes se trouvant dans une situation comparable sont mieux traités, si les raisons objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi (arrêt de la CEDH no 23040/13 Ryser c. Suisse du 12 janvier 2021, § 46 s ; no 65550/13 Belli et Arquier-Matinez c. Suisse du 11 décembre 2018, § 89 s ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_121/2022 du 24 novembre 2022 consid. 5.2).

La littérature scientifique souligne également un risque de discrimination indirecte par l'interdiction de la mendicité (HERTIG RANDALL/LE FORT, L'interdiction de la mendicité revisitée, in Plädoyer 4/2012, p. 39 ss ; CUENI, CEDH Lacatus c. Suisse du 19 janvier 2021, in Jusletter du 19 janvier 2021, N 37 ss ; MÖCKLI, Bettelverbote : Einige rechtsvergleichende Überlegungen zur Grundrechtskonformität, in ZBI 111/2010, p. 558 ss).

4.1.3. La Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a retenu que le fait d'être pauvre ne donnait pas d'emblée droit à la protection de l'art. 8 al. 2 Cst. Selon elle, même à suivre cette hypothèse, la loi sanctionne certes, à certaines conditions, les personnes qui mendient, mais seulement afin de préserver l'ordre public dans son sens le plus large et de lutter contre l'exploitation humaine, mais non pour les dévaloriser ou les exclure. De plus, le système juridique suisse répond à la détresse des personnes par l'octroi de l'aide sociale au sens de l'art. 12 Cst., de manière à leur éviter de devoir mendier pour satisfaire leurs besoins élémentaires. Le grief tiré d'un traitement discriminatoire sur la base de la pauvreté a donc été écarté (ACTS/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 11c).

4.2. En l'espèce, l'art. 11A LPG ne comporte aucune référence expresse à un caractère discriminatoire et comme l'a souligné la Cour de justice, la pauvreté de la contrevenante ne confère pas d'emblée un droit à la protection de l'art. 8 Cst. En outre, comme évoqué par la Cour, il existe un filet social qui a pour conséquence que la majorité des personnes qui se livrent à la mendicité recherche un revenu d'appoint et l'interdiction de la mendicité ne les prive que de ce seul revenu d'appoint, et non pas de leur minimum nécessaire pour vivre. Il n'y a donc pas de discrimination du fait de la pauvreté.

Ce grief doit donc être rejeté.

5. La contrevenante invoque également sa liberté d'expression.

5.1.1. Conformément à l'art. 16 al. 2 Cst., toute personne a le droit de former, d'exprimer et de répandre librement son opinion en recourant à tous les moyens propres à établir la communication, à savoir la parole, l'écrit ou le geste, sous quelque forme que ce soit.

Selon l'art. 10 § 1 CEDH, la liberté d'expression comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le § 2 dispose que l'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire.

5.1.2. Dans son arrêt Lacatus c. Suisse, la CourEDH a laissé cette question ouverte (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme [CEDH] no 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse § 118 ss). Dans son opinion minoritaire, la juge suisse HELIN s'est exprimée, en faisant référence à un arrêt de la Cour constitutionnelle autrichienne du 30 juin 2012 (G155/10-9) ainsi qu'un arrêt de la High Court d'Irlande du 4 décembre 2007 (Dillon v. Director of Public Prosecutions [2008], 11R 383), en ce sens que la CourEDH aurait dû reconnaître expressément une atteinte à la liberté d'expression (opinions HELIN points 3 ss).

5.1.3. Le Tribunal fédéral a jusqu'à présent refusé de juger une interdiction de la mendicité comme étant une atteinte à la liberté d'expression (arrêts du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 6.2 et 6B_530/2014 du 10 septembre 2014 consid. 2). En effet, selon le Tribunal fédéral, le but de la mendicité n'est pas d'exprimer un besoin, mais plutôt d'en obtenir la satisfaction par le biais d'un don très généralement sous la forme d'une prestation en argent. Le simple fait de se poster sur la voie publique pour se faire remettre de l'argent peut être interprété de diverses manières, mais on peut avant tout y voir un geste dépourvu de tout message et simplement destiné à améliorer la situation matérielle de son auteur (arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 6.2). Le comportement consistant à demander de l'argent aux passants en leur tendant un gobelet ne comporte aucune dimension symbolique, ni aucun message, par exemple sur la situation des personnes démunies, mais se limite à la seule expression de son dénuement personnel et de son besoin d'aide. Il s'agit ainsi d'une problématique exclusivement privée, la communication du dénuement apparaissant d'emblée comme un élément secondaire – bien que nécessaire – de l'activité de mendicité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_530/2014 du 10 septembre 2014 consid. 2.7).

5.1.4. Enfin, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a retenu, dans son analyse abstraite de l'art. 11A LPG, que même si l'acte de mendier implique l'expression préalable de sa précarité et de son besoin d'aide, cette information n'est qu'un élément secondaire par rapport à la satisfaction dudit besoin et s'est ainsi rallié à l'opinion du Tribunal fédéral et a considéré qu'il n'y avait pas de violation de la liberté d'expression (ACTS/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 12c).

5.2. En l'espèce, la contrevenante réclamait de l'argent aux passants mais celle-ci n'a pas allégué avoir voulu faire passer un message politique ou une information sur la situation des personnes démunies en Suisse. Partant, il convient d'exclure toute dimension symbolique à ces gestes et de retenir que la contrevenante a simplement exprimé un besoin personnel, ressortant d'un problème, par essence, exclusivement privé.

Ici encore, le grief doit être rejeté.

6. Il résulte de ce qui précède que la contrevenante sera reconnue coupable de mendicité, au sens de l'art. 11A al. 1 let. c LPG.

7.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

7.1.2. L'art. 11A al. 1 LPG prévoit à titre de sanction l'amende. En application de l'art. 106 al. 1 CP, le montant maximal de celle-ci est, en principe, de CHF 10'000.- (art. 106 al. 1 CP).

L'art. 106 al. 2 CP dispose que le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus.

7.2. Eu égard à la faute commise et à sa situation personnelle, une amende de CHF 400.- sera infligée à la contrevenante.

Une peine privative de liberté de substitution de 4 jours sera prononcée.

8. Vu l'issue de la procédure, la contrevenante sera condamnée aux frais de la procédure (art. 426 al. 1 CPP) lesquels seront arrêtés à CHF 50.- afin de tenir compte de la situation personnelle de la condamnée.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR cum art. 49 al. 1 LCR et 46 al. 2 OCR) et de mendicité (art. 11A al. 1 let. c LPG)

Condamne X______ à une amende de CHF 400.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 4 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 648.-, arrêtés à CHF 150.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Silvia ROSSOZ-NIGL

La Présidente

Alexandra JACQUEMET

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Lorsque seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance, l'appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais des ordonnances pénales

du Service des contraventions

 

CHF

 

300.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

60.00

Frais postaux (convocation)

CHF

17.00

Emolument de jugement

CHF

200.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

21.00

Total

CHF

648.00 arrêtés à CHF 150.00

==========

 

Notification par voie postale à X______, soit pour elle son Conseil, Me Dina BAZARBACHI

Notification par voie postale au Service des contraventions et au Ministère public