Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/448/2024 du 19.09.2024 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/1696/2024-CS DCSO/448/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 19 SEPTEMBRE 2024 |
Plainte 17 LP (A/1696/2024-CS) formée en date du 17 mai 2024 par A______, représenté par Me Guy ZWAHLEN, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 19 septembre 2024
à :
- A______
c/o Me ZWAHLEN Guy
Rue Monnier 1
Case postale 205
1211 Genève 12.
- ETAT DE GENEVE, SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES (SCARPA)
Rue Ardutius-de-Faucigny 2
Case postale 3429
1211 Genève 3.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. Dans le cadre des opérations de saisie relatives à la poursuite n° 1______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a auditionné A______ le 13 février 2024. Selon le protocole d'audition du débiteur, A______ réalisait un revenu mensuel de 2'700 fr. en tant que chauffeur de taxi indépendant.
b. Par avis du 29 février 2024, l'Office a invité A______ à retenir sur ses gains d'indépendant un montant de 126 fr. par mois.
c. Le 19 avril 2024, l'Office a notifié à A______ un procès-verbal de saisie, série N° 2______, à laquelle participent la poursuite précitée et la poursuite n° 3______. Selon le calcul du minimum vital annexé, les gains du débiteur s'élevaient à 2'799 fr. 15 par mois pour des charges mensuelles en 2'726 fr. 15, qui comprenaient l'entretien de base, en 1'200 fr., la prime d'assurance-maladie, en 352 fr. 15, le loyer (800 fr.) et les frais relatifs à l'exercice d'un droit de visite sur les trois enfants, fixés à 374 fr. par mois (160 fr. + 107 fr. + 107 fr.). La quotité mensuelle saisissable s'élevait à 126 fr., selon le procès-verbal de saisie, alors que le résultat de la soustraction (2'799 fr. 15 - 2'726 fr. 15) aboutit à une quotité saisissable de 73 fr.
d. En date du 26 avril 2024, le SCARPA a transmis à l'Office un jugement de divorce, qui réservait à A______ un droit de visite de trois heures par semaine aussi longtemps qu'il ne disposait pas d'un logement adéquat.
e. En date du 30 avril 2024, l'Office a notifié à A______ un nouveau procès-verbal de saisie dans la série N° 2______. La saisie de gains, qui s'élevait à 126 fr. par mois du 29 février au 30 avril 2024, était portée à 447 fr. par mois à compter du 1er mai 2024 et jusqu'au 28 février 2025, au motif que les charges mensuelles du débiteur se montaient à 2'352 fr. 15 à compter de cette date, les frais d'exercice du droit de visite (374 fr.) étant supprimés.
f. Le même jour, l'Office a communiqué à A______ un avis de modification de la saisie de gains d'indépendant, qui s'élevait à 447 fr. par mois à compter du mois de mai 2024.
B. a. Par acte adressé le 17 mai 2024 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de saisie et l'avis de saisie de gains du 30 avril 2024, qu'il a reçus le 8 mai 2024, concluant à leur annulation. Il a contesté le calcul de l'Office en tant qu'il retenait des revenus à hauteur de 2'799 fr. 15 par mois. Ses revenus mensuels se montaient en réalité à 2'234 fr. 15. Dans la mesure où il ne pouvait plus travailler qu'à hauteur de 70%, pour des raisons médicales, il y avait en réalité lieu de retenir des gains mensuels de 1'563 fr. 90 par mois. Il était par conséquent insaisissable.
b. Dans son rapport du 13 juin 2024, établi dans le délai qui lui a été imparti pour répondre à la plainte, l'Office a fait savoir qu'il avait reconsidéré sa décision. Compte tenu du certificat médical produit, daté du 6 mai 2024, l'Office admettait qu'avec un taux d'activité de 70%, les gains mensuels de A______ étaient inférieurs à ses charges, en 2'352 fr. 15. Le débiteur était par conséquence insaisissable à compter du 1er mai 2024. L'Office a en revanche maintenu son calcul pour la période du 29 février au 30 avril 2024. Il a notamment exposé que le débiteur avait un droit de visite de 8 jours par mois sur chacun de ses trois enfants. Toutefois, compte tenu de la taille du logement qu'il occupait, l'Office a admis 8 jours de droit de visite pour deux enfants et 4 jours pour le troisième (soit 160 fr. + 107 fr. + 53 fr.).
c. Le rapport de l'Office a été communiqué à A______ le 17 juin 2024. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP), à savoir un procès-verbal de saisie, et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3;
120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable, étant observé que l'acte attaqué est bien le procès-verbal de saisie et non pas l'avis de saisie de gains du même jour, qui ne fait que l'exécuter.
2. 2.1 A teneur de l'art. 17 al. 4 LP, en cas de plainte, l’office peut, jusqu’à l’envoi de sa réponse, procéder à un nouvel examen de la décision attaquée. S’il prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l’autorité de surveillance.
Si l'office a reconsidéré sa décision alors qu'une plainte était pendante, l'autorité de surveillance doit examiner celle-ci, à moins que la décision de reconsidération n'ait rendu la plainte sans objet (ATF 126 III 85; SJ 2000 I 449; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 66 ad art. 17 LP).
2.2 En l'espèce, l'Office a reconsidéré la décision attaquée et retenu que le plaignant était insaisissable à compter du 1er mai 2024. La plainte a ainsi perdu son objet à compter de cette date.
3. L'Office a fixé à 126 fr. par mois la quotité saisissable pour la période allant du 29 février au 30 avril 2024 et n'a pas modifié cette décision, aux termes du procès-verbal de saisie attaqué. Le plaignant n'ayant pas formé plainte dans les dix jours contre le procès-verbal de saisie du 19 avril 2024, la plainte formée le 17 mai 2024 est tardive en tant qu'elle vise cet acte. Elle est donc irrecevable, sous réserve d'une atteinte flagrante au minimum vital, qui entraînerait la nullité de la saisie.
3.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).
Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées par l'autorité de surveillance; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).
3.1.2 Le revenu tiré d'une activité professionnelle indépendante comprend toutes les prestations que le débiteur reçoit en contrepartie de celles qu'il apporte dans le cadre de cette activité, que ces contreparties soient en argent ou en nature (Kren-Kotkiewicz, KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 10 ad art. 93 LP). Pour établir ce revenu brut, l'office doit interroger le débiteur sur le genre d'activité qu'il exerce ainsi que le volume et la nature de ses affaires; il pourra se faire remettre par le débiteur, tenu de fournir les renseignements exigés (art. 91 al. 1 ch. 2 LP), la comptabilité et tous les documents utiles concernant l'exploitation de son activité. Le caractère irrégulier des revenus d'un débiteur indépendant ne fait pas obstacle à la saisie d'un montant mensuel fixe, déterminé sur la base d'un revenu mensuel moyen. L'office, qui encaisse les mensualités fixes, ne pourra toutefois procéder à leur distribution en faveur des créanciers participant à la saisie qu'à la péremption de celle-ci et après détermination du montant effectivement saisissable (ATF 112 III 19 cons. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_328/2013 du 4 novembre 2013 consid. 5.4.1; 5A_16/2011 du 2 mai 2011 consid. 2.2).
3.2 En l'espèce, le plaignant a fait valoir que ses revenus mensuels se montaient à 2'234 fr. 15 et non pas à 2'799 fr. 15. Il s'est référé à un compte de pertes et profits pour l'année 2023. Or, la valeur probante de cette pièce est réduite, s'agissant d'un document qu'il a lui-même établi et qui n'est accompagné d'aucun justificatif. L'Office a fixé les gains mensuels du plaignant pour les mois de mars et avril 2024, en se basant sur un avis de taxation fourni par ce dernier, qui mentionnait un bénéfice annuel net de 33'590 fr. pour l'année 2022. Ce procédé n'est pas critiquable, étant observé que selon le protocole d'audition du plaignant signé par lui, ce dernier a déclaré réaliser un revenu de 2'700 fr., proche du montant annoncé dans la procédure de divorce (2'800 fr. : cf. arrêt de la Cour du 3 juillet 2023 produit par l'Office, page 4).
Le montant des revenus retenu par l'Office pour la période du 29 février au 30 avril 2024 sera ainsi confirmé. Le plaignant ne formule aucun grief à l'encontre de la décision entreprise, en ce qui concerne le montant de ses charges. Toutefois, le calcul de l'Office résultant du procès-verbal de saisie du 19 avril 2024 est erroné, puisqu'il mentionne des frais d'exercice du droit de visite du plaignant sur ses trois enfants de 374 fr. (160 fr. + 107 fr. 107 fr.), de sorte que la quotité saisissable est de 73 fr. pour la période du 29 février au 30 avril 2024, la plainte étant rejetée pour le surplus.
4. Au vu de ce qui précède, la plainte est sans objet en tant qu'elle porte sur la période postérieure au 1er mai 2024, l'Office ayant reconsidéré sa décision et admis que le plaignant est insaisissable à compter de cette date. Toutefois, à la date à laquelle l'instruction de la cause a été close, l'Office n'avait, à teneur du dossier, pas encore notifié au plaignant un nouveau procès-verbal de saisie modifié. Pour plus de clarté, la Chambre de céans prononcera elle-même l'annulation du procès-verbal de saisie attaqué et invitera l'Office à en notifier un nouveau modifié, s'il ne l'a pas déjà fait, qui pourra faire l'objet d'une plainte. Pour la période du 29 février au 30 avril 2024, l'erreur de calcul de l'Office sera rectifiée.
5. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée le 17 mai 2024 par A______ contre le procès-verbal de saisie du 30 avril 2024 dans la série n° 2______.
Au fond :
Constate que la plainte est devenue partiellement sans objet.
Arrête la quotité mensuelle saisissable à 73 fr. pour la période du 29 février au 30 avril 2024.
Annule le procès-verbal de saisie attaqué et invite l'Office cantonal des poursuites, s'il ne l'a pas déjà fait, à notifier à A______ un procès-verbal de saisie dans le sens des considérants de la présente décision.
Rejette la plainte pour le surplus.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Luca MINOTTI et Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
La présidente : La greffière :
Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.