Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/571/2022

DCSO/310/2023 du 06.07.2023 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS; PLAINTE REJETEE

Recours TF déposé le 20.07.2023, rendu le 23.01.2024, CONFIRME, 5A_550/2023
Descripteurs : Séquestre; insaisissabilité des biens d'un Etat; affectation des biens à des tâches relevant de la souveraineté étatique; redevances aéronautiques; IATA
Normes : LP.92.al1.ch11; LP.272; LP.274; LP.275
Résumé : Le PV de séquestre est partiellement annulé pour des motifs ne relevant pas de la plainte. Cette dernière est intégralement rejetée. Recours au TF interjeté le 20.07.2023 par la société débitrice (5A_550/2023), rejeté par ATF du 11 décembre 2023.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/571/2022-CS DCSO/310/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 JUILLET 2023

 

Plainte 17 LP (A/571/2022-CS) formée en date du 18 février 2022 par A______ AG, élisant domicile en l'étude de Me Sandrine Giroud, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 7 juillet 2023
à :

- A______ AG

c/o Me GIROUD Sandrine

Lalive SA

Rue de la Mairie 35

Case postale 6569

1211 Genève 6.

- AIRPORT AUTHORITY OF B______

c/o Me GILLIERON Marc

Chabrier Avocats SA

Rue du Rhône 40

Case postale 1363

1211 Genève 1.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Plus de 190 Etats ont signé la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale (ci-après Convention de Chicago). Elle réglemente le droit de survol de leur territoire. Elle prévoit que les Etats signataires s'engagent, dans la mesure où ils le jugent réalisable, à fournir sur leur territoire des aéroports, des services radioélectriques et météorologiques et d'autres installations et services de navigation aérienne afin de faciliter la navigation aérienne internationale (art. 28 let. a). Elle prévoit également la possibilité par l'Etat survolé de percevoir, auprès des compagnies aériennes, des redevances en échange de l'octroi du privilège de survol et en contrepartie de l'usage des services de navigation aérienne et des structures aéroportuaires fournis par l'Etat survolé (art. 15).

b. L'ASSOCIATION DU TRANSPORT AERIEN INTERNATIONAL (ci-après IATA) est un organisme international, réunissant la plupart des compagnies aériennes, offrant notamment aux Etats qui souhaitent la mandater à cette fin, des services de perception et de remise des redevances dues par les compagnies aériennes pour l'utilisation de leur espace aérien, de leurs aéroports et d'autres installations au sol ou de navigation.

Le siège statutaire de IATA est à Montréal, Canada, mais son "siège exécutif" se situe à Genève. Les membres de la haute direction sont domiciliés et exercent leur activité pour l'association dans ce canton. Les bureaux genevois de IATA sont l'adresse de notification pour les actes officiels destinés à l'association.

c. La République de B______ a confié à IATA la perception des redevances suivantes pour l'utilisation de son espace aérien et de ses aéroports ainsi que d'autres installations au sol ou de navigation :

a)    route navigational facility charges – landing (ci-après RNFC-Landing),

b)    route navigational facility charges – overflying (ci-après RNFC-Overflying),

c)    terminal navigational landing charges (ci-après TNLC),

d)   landing and parking fees et

e)    user development fees.

d. AIRPORT AUTHORITY OF B______ (ci-après AA/B______) est une personne morale de droit public, instituée par l'Airports Authority of B______ Act de 1994 (ci-après AA/B______ Act), ayant son siège à C______ [B______].

L'AA/B______ Act lui confie la surveillance de l'espace aérien et la sécurité aérienne en B______.

Elle a également pour tâche d'exploiter les aéroports sur le territoire B______. A ce titre, elle déploie des activités de construction, de développement, d'entretien et d'exploitation des infrastructures aéroportuaires, d'entrepôts, de complexes de fret, ainsi que d'hôtels et restaurants à proximité des aéroports. Elle fournit encore des services au sol pour les compagnies aériennes et aéronefs, ainsi que des services dans les terminaux destinés aux passagers et au fret.

Elle s'est vue octroyer en contrepartie le droit de percevoir directement les redevances aéronautiques fixées par l'Etat de B______.

B. a. A______ AG est une société anonyme de droit allemand, active dans les télécommunications, ayant son siège à D______ en Allemagne.

b. Par deux sentences consécutives des 13 décembre 2017 (principe de la créance) et 27 mai 2020 (quotité de la créance), un Tribunal arbitral, dont le siège était sis à Genève, a condamné la République de B______ à verser à A______ AG un montant de 93'300'000 USD, plus intérêt LIBOR à six mois USD (ou tout autre taux d'intérêt comparable si le LIBOR venait à être abandonné dans le futur), plus 2 % par an, à titre de réparation d'un dommage causé par la violation d'un accord entre la République d'Allemagne et la République de B______ sur la promotion et la protection des investissements, un montant de 732'272,32 EUR à titre de remboursement de frais d'arbitrage, ainsi que 5'250'011,70 GBP, 33'977 EUR et 10'000 USD à titre de dépens.

Le Tribunal de première instance de Genève (ci-après le Tribunal) a émis un certificat de force exécutoire des sentences le 20 août 2020.

c. Par requête déposée le 6 janvier 2022 auprès du Tribunal de première instance de Genève (ci-après le Tribunal), A______ AG a requis et obtenu, le 7 janvier 2022, l'autorisation de faire séquestrer, en mains de IATA, tous avoirs, notamment créances, appartenant à la République de B______ ou à l'un de ses services, organes, entités ou offices, notamment à AA/B______, à concurrence de l'équivalent en francs suisses des sommes susmentionnées.

La requête de séquestre visait concrètement la créance de la République de B______ en remise des redevances perçues par IATA pour son compte.

A l'appui du séquestre, A______ AG a exposé que AA/B______ était une entité hybride publique-privée qui utilisait les redevances aéronautiques en majeure partie pour financer ses activités commerciales et non pas des tâches relevant de la souveraineté étatique de surveillance de l'espace aérien ainsi que de maintien de la sécurité du transport aérien. La créance visée par le séquestre était par conséquent saisissable au regard de l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP.

d. Le Tribunal a ordonné le séquestre requis et confié son exécution à l'Office cantonal des poursuites de Genève (ci-après l'Office) le 7 janvier 2022.

e. L'Office a ouvert un dossier de séquestre sous n° 1______, avisé IATA le 10 janvier 2022 du séquestre et enjoint celle-ci à l'exécuter.

f. Des échanges de courriels et de téléphones s'en sont suivis entre l'Office, IATA et A______ AG.

g. Dans ce cadre, IATA a transmis à l'Office, le 1er février 2022, une note diplomatique du 31 janvier 2022 du Ministère B______ des Affaires étrangères à teneur de laquelle AA/B______ affectait intégralement et exclusivement les redevances aéronautiques perçues par IATA à des tâches de souveraineté, telles que le contrôle de l'espace aérien et le financement des infrastructures de sécurité aérienne. Sur cette base, elle a conclu à ce que les fonds séquestrés soient déclarés insaisissables en application de l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP.

h. Par courrier du 8 février 2022 à l'Office, IATA a encore expliqué que les redevances RNFC-Landing, TNLC, landing and parking fees et user development fees étaient collectées sur un compte bancaire ouvert en B______ par IATA Montréal. Les services indemnisés par ces quatre redevances "impliquaient nécessairement une composante de navigation et de surveillance aérienne".

Seules les RNFC-Overflying étaient collectées sur le compte bancaire de IATA à Genève et comptabilisées au nom de AA/B______. Elle précisait que ces dernières redevances étaient également des biens affectés exclusivement à des tâches relevant de l'exercice de la puissance publique (surveillance aérienne).

i. A______ AG expose avoir tenté d'obtenir de l'Office la note diplomatique susmentionnée et le contenu des échanges consécutifs avec IATA, sans succès.

j. L'Office a établi le 10 février 2022 un procès-verbal de non-lieu et de nullité du séquestre n° 1______ que A______ AG a reçu le 11 février 2022.

Il a motivé sa décision de non-lieu de séquestre par son incompétence à raison du lieu pour saisir une partie des créances visées par le séquestre, soit les landing and parking fees et les user development fees, qui n'étaient pas collectées sur le compte bancaire genevois de IATA, mais sur un compte qu'elle détenait en B______. L'Office a retenu ces circonstances sur la base des affirmations contenues dans le courrier de IATA du 8 février 2022.

Pour le surplus, il a constaté la nullité du séquestre en ce qui avait trait aux RNFC-Overflying, RNFC-Landing et TNLC car les redevances perçues par IATA pour le compte de la République de B______ étaient affectées à une tâche relevant de l'exercice de la puissance publique. Il s'est fondé sur la note diplomatique du Ministère B______ des Affaires étrangères du 31 janvier 2022 pour le retenir.

C. a. Par acte déposé le 18 février 2022 au greffe universel du Pouvoir judiciaire, à l'attention de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ AG a formé une plainte contre ce procès-verbal de non-lieu et de nullité du séquestre. Elle a conclu à son annulation, à ce qu'il soit ordonné à l'Office de maintenir le séquestre n° 1______ et d'émettre un nouveau procès-verbal de séquestre, ainsi qu'à ce qu'elle soit dispensée de fournir des sûretés.

A la forme, A______ AG reprochait à l'Office d'avoir violé son droit d'être entendue en ne lui communiquant pas la note diplomatique du Ministère B______ des Affaires étrangères sur laquelle l'Office s'était notamment fondé pour rendre sa décision.

S'agissant de la compétence de l'Office, A______ AG alléguait que IATA avait le centre de ses activités à Genève, de sorte que les créances que détenait la République de B______ envers elle – objet du séquestre – y étaient toutes situées et partant saisissables par les autorités de poursuite de ce canton. Le fait que des fonds détenus par IATA se trouvaient sur un compte en B______ n'était pas pertinent. L'Office ne pouvait donc pas se déclarer incompétent à raison du lieu sur cette base.

Sur le fond, A______ AG soutenait que les redevances aéronautiques récoltées par AA/B______ pour le compte de la République de B______ étaient majoritairement dévolues, par cette dernière, à des activités commerciales de AA/B______, quand bien même cet organisme déployait également, pour le compte de B______, des activités souveraines, comme le contrôle de l'espace aérien, également financées par les redevances aéronautiques. La comptabilité de AA/B______ ne séparait pas les ressources tirées des redevances et les charges liées à la surveillance de l'espace aérien et à la sécurité aérienne, d'une part, de ses autres ressources et charges, d'autre part. Les biens séquestrés n'étaient ainsi pas dévolus à une tâche souveraine et il ne suffisait pas que la République de B______ l'affirme par une note diplomatique adressée à IATA pour que cela doive être admis. Il en découlait que le séquestre des redevances aéronautiques était en l'espèce possible puisque la jurisprudence suisse admettait qu'elles ne relevaient pas automatiquement d'une tâche souveraine, mais que leur affectation par l'Etat bénéficiaire faisait foi pour déterminer leur nature iure gestionis ou iure imperii.


 

b. La plaignante a notamment soutenu sa position au moyen des documents suivants :

b.a Sur la base du Premier rapport de [la commission] Y______ (2020-2021) émis en janvier 2021 par "AA/B______ - Ministère de l'aviation civile", A______ AG prétend que les RFNC sont "l'un des postes principaux de revenus d'AA/B______, toutes catégories comprises".

Il ressort de ce document (p. 12 à 14) qu'en 2018-2019, AA/B______ a réalisé des revenus totaux de 14'132 E______ [monnaie de B______] toutes activités confondues, soit :

 

(a) revenus tirés des services aéronautiques :

(i) revenus tirés des Services de navigation aérienne (ANS) 3'702 E______

RNFC 3'177 E______

TNLC 518 E______

Autres 5 E______

(ii) revenus tirés des Services aéroportuaires 4'491 E______

(soit les landing and parking fees, les taxes de service aux passagers, les user development fees, la fourniture de carburant, les services au sol, les extensions d'horaires de service, …) dont notamment

landing and parking fees 0 E______ *

user development fees 847 E______

(b) revenu tirés des services aéroportuaires non-aéronautiques : 1'842 E______

(locations, services, concessions commerciales, parkings, transport, taxes d'admission, sanitaires, …)

(c) autres sources 4'096 E______

(cargo, locations, …).

 

* aucune landing and parking fees, etc. n'a été comptabilisée en 2018-2019 pour une raison inexpliquée, mais il y en avait lors des exercices précédents et elles se sont élevées à 1'068 E______ en 2017-2018.

 

Pour le même exercice, AA/B______ a assumé des charges totales, toutes activités confondues, de 10'448 E______, ce qui lui a permis de réaliser un bénéfice de 3'683 E______ (14'132 E______ – 10'448 E______).

b.b Sur la base du "Rapport de consultation du 15 janvier 2020 du Ministère de l'aviation civile de B______ concernant la détermination de la philosophie et le tarif pour les services de navigation aérienne pour la période du 1er avril 2020 au 30 mars 2030", p. 26, A______ AG soutient que les revenus des services de navigation aérienne (ANS) exploités par AA/B______, soit 4'235 E______, étaient composés à plus de 85 % des RNFC et des TNLC, pour des dépenses de 3'065 E______ liées aux ANS, soit un bénéfice de 1'169 E______ réalisé par AA/B______ sur les seuls ANS.

b.c A______ AG se fonde encore sur un extrait d'un rapport de 2019 du Comptroller and Auditor General of B______ (organe constitutionnel d'audit de la République de B______) concernant AA/B______ pour soutenir que les redevances aéronautiques représentent 50 % des ressources de AA/B______.

Le texte visé est le suivant : "Aeronautical revenue is the major of revenue for AA/B______ and comprises revenue from RNFC, TNLC, landing, parking and housing charges, passenger service fees and user development fees. Corporate Headquarters of AA/B______ monitors timely realisation of aeronautical revenue which contributed approximately 50 per cent of the total revenue of AA/B______".

b.d A______ AG cite encore une page du site internet de AA/B______, du 17 février 2022, p. 6, rubrique Airport policy financing of Airport infrastructure dont la teneur est la suivante : "… 4. Optimisation des recettes des redevances aéronautiques, par la négociation avec IATA…". Elle en tire la conclusion que AA/B______ finance ses infrastructures au moyen des redevances aéronautiques et ne les affecte pas forcément, ni intégralement, aux tâches de contrôle de l'espace aérien et de sécurité aérienne.

c. A______ AG ayant assorti sa plainte d'une requête en octroi de l'effet suspensif, la Chambre de surveillance l'a octroyé par ordonnance du 22 février 2022, permettant le maintien du séquestre jusqu'à l'issue de la procédure.

Le recours formé au Tribunal fédéral contre cette ordonnance par AA/B______ a été déclaré irrecevable par arrêt du 10 mars 2022.

d. Dans ses observations du 13 avril 2022, AA/B______ a conclu, principalement, à la confirmation du procès-verbal de non-lieu de séquestre et de nullité du séquestre du 10 février 2022 de l'Office. Subsidiairement, elle a conclu à la confirmation de cette décision s'agissant des redevances liées aux RNFC-Landing – au RNFC-Overflying ainsi qu'aux TNLC et à la constatation de la nullité du séquestre s'agissant des redevances de landing and parking fees et user development fees. Plus subsidiairement encore, elle a conclu à la confirmation de la décision de l'Office s'agissant de son incompétence pour exécuter le séquestre sur les redevances de landing and parking fees et user development fees et constater l'incompétence de l'Office pour exécuter un séquestre portant sur les RNFC-Landing, RNFC-Overflying et les TNLC.

En substance, elle contestait affecter les redevances aéronautiques à ses activités commerciales, mais uniquement aux activités souveraines de contrôle de l'espace aérien et de sécurité aérienne. En tout état, la construction, l'entretien, l'amélioration et l'exploitation d'aéroports était une tâche relevant également de la souveraineté étatique. Les créances séquestrées étaient par conséquent insaisissables en application de l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP ainsi que l'avait retenu l'Office, puisqu'affectées à l'ensemble des activités précitées.

Par ailleurs, elle confirmait que certaines redevances (RNFC-Landing, TNLC, landing and parking fees et user development fees) étaient collectées puis reversées à AA/B______ directement en B______ et ne transitaient pas par le compte bancaire genevois de IATA. En outre, la gestion des flux de redevance était effectuée par le département Enhancement and Financing de IATA (ci-après département E&A) situé à Montréal, et non pas à Genève où seule sa direction se trouvait. L'Office était par conséquent territorialement incompétent pour exécuter un séquestre sur ces avoirs situés hors de son ressort.

A cet égard, elle décrivait dans le détail les trois systèmes utilisés par IATA pour la perception et la remise à l'Etat bénéficiaire des redevances, ainsi que leur incidence sur le lieu de situation des redevances au cours de ce processus :

(i) Le premier système, intitulé Billing & Settlement Plan (ci-après système BST), impliquait que la redevance IATA payée par le voyageur à l'achat d'un billet d'avion en lien avec B______ auprès d'un agent de voyage accrédité IATA était immédiatement créditée auprès du bénéficiaire en tant qu'"entité de facturation", et le montant versé par le truchement d'un compte bancaire situé en B______ détenu par une succursale de IATA Montréal inscrite en B______ en 1996. Il n'y avait aucun transfert par le compte de IATA à Genève et le paiement ne présentait aucun lien avec la Suisse. Ce système était utilisé pour les redevances RNFC-Landing, TNLC, landing and parking fees et user development fees, à l'exclusion de la redevance RNFC-Overflying.

(ii) Le second système, intitulé IATA Clearing House (ci-après ICH), prévoyait le règlement par clearing en une seule opération de toutes les créances existantes directement entre les membres de ICH. Ce système ne concernait que les redevances RNFC-Overflying et n'était pas pertinent en l'occurrence, car il n'était pas utilisé dans la perception des redevances aéronautiques pour le compte de B______.

(iii) Le troisième système consistait dans le transfert des redevances perçues par le compte bancaire de IATA auprès de [la banque] F______ à Genève. Ce système ne concernait que les redevance RNFC-Overflying dans les relations entre IATA et [l'État] B______. Seul ce système impliquait la présence de biens séquestrables en Suisse.

A l'appui de sa position, AA/B______ a notamment produit un avis de droit émis par le Dr G______, présenté comme professeur émérite de droit aérien et spatial et Directeur émérite de l'Institute ______ de l'Université de H______ à I______, au bénéfice d'une expérience professionnelle de 40 ans dans le droit, la politique l'économie et le commerce aérien. Il en ressortait en substance que l'Organisation de l'aviation civile internationale (ci-après OACI), fondée par la convention de Chicago de 1944, avait édicté des règlements selon lesquels la construction et la sécurité des installations aéroportuaires faisait partie des activités de souveraineté, voire même des obligations des Etats membres. Ainsi, lorsqu'un Etat investissait ses redevances aéronautiques dans les infrastructures aéroportuaires, il exerçait une activité relevant de sa souveraineté, même si une partie de ces infrastructures étaient exploitées à des fins commerciales, de sorte que les fonds affectés à leur construction, exploitation, sécurité, rénovation et entretien devaient être considérés comme des actifs relevant de la souveraineté étatique.

Dans la partie "EN FAIT" de ses observations, AA/B______ exposait qu'elle disposait de la personnalité juridique et qu'elle était une entité distincte de la République de B______. Elle n'en tirait toutefois, dans la partie "EN DROIT" de ses écritures, aucune conséquence juridique en lien avec le séquestre.

e. Dans ses observations du 15 mars 2022, l'Office a conclu à la confirmation du procès-verbal de non-lieu de séquestre et de nullité du séquestre du 10 février 2022.

f. A______ AG a répliqué par écritures du 3 juin 2022, persistant dans ses conclusions.

Elle a longuement développé la question de la personnalité juridique distincte de AA/B______ et de la République de B______ ainsi que de ses incidences sur le séquestre requis pour garantir le paiement d'une dette de la République de B______.

Elle a contesté que la convention de Chicago ou des normes émanant de l'OACI puissent consacrer une immunité des redevances aéronautiques. Elle a à cet égard déposé un avis de droit émanant du Dr J______, présenté comme expert suisse et international de droit de l'aviation pratiquant depuis 15 ans, et du Prof. K______, présenté comme professeur de droit international public et de droit international économique à l'Université de L______ [Suisse] depuis 20 ans, auteur d'une publication "State Immunity – ______" (ci-après l'avis de droit J______/K______). Ils parvenaient à la conclusion que la construction, l'extension, l'entretien et l'exploitation des infrastructures aéroportuaires ou associées ne sauraient être qualifiées globalement de tâches souveraines. Il fallait en tout état en exclure les activités commerciales exercées dans les aéroports telles que boutiques, restaurants, entrepôts de fret, parkings, hôtels, etc.

A______ AG a rappelé que AA/B______ ne ségrégait pas, dans sa comptabilité, les tâches de surveillance de l'espace aérien et de sécurité aérienne et les redevances versées par IATA aux fins de les financer. Ces dernières pouvaient ainsi financer des activités commerciales déployées par AA/B______. Elle parvenait même à la conclusion que AA/B______ utilisait concrètement ces redevances à cette fin en renvoyant aux développements figurant dans sa plainte, citant de plus larges extraits des pièces produites. Elle citait également à cet égard l'avis de droit J______/K______ qui constataient qu'il n'était pas établi que la totalité des redevances aéronautiques étaient affectées à des tâches relevant de la puissance publique, ce qui impliquait qu'elles ne pouvaient être considérées comme insaisissables en tant que telles.

A______ AG produisait encore un avis de droit d'un avocat [de] B______ du 3 juin 2022, Me M______, allant dans le même sens.

Sur le même objet, elle citait enfin des décisions rendues par les autorités judiciaires belges en lien avec des redevances EUROCONTROL concernant l'Albanie et la Roumanie, dans des situations très similaires à celle de la présente espèce. Les juridictions belges n'acceptaient que ces redevances bénéficient de l'immunité que si le débiteur établissait qu'elles étaient affectées à des tâches relevant exclusivement de la souveraineté étatique.

En ce qui a trait à la localisation des créances à séquestrer, A______ AG soutenait qu'elles se situaient bien à Genève. Elle niait toute pertinence aux explications de AA/B______ sur les différentes modalités de perception et de remise des redevances pratiquées par IATA, lesquelles n'avaient aucune incidence puisque tous ces flux étaient administrés depuis le département E&A du siège exécutif de Genève. A______ AG contestait que seule la direction de ce département se trouvait à Genève, le centre opérationnel y étant également implanté. Toute la facturation y était effectuée et le système ICH évoqué par AA/B______ était administré depuis Genève. Les documents produits par la plaignante en lien avec la facturation mentionnaient d'ailleurs l'adresse du siège exécutif genevois de IATA. Pour étayer ses propos, A______ AG produisait des offres d'emploi de IATA et des profils LinkedIn d'employés du département E&A pour justifier de sa présence à Genève. Le fait que IATA dispose d'une succursale en B______ titulaire d'un compte bancaire dans ce pays n'était pas non plus pertinent car tant la succursale que le compte étaient gérés depuis le siège exécutif de Genève; de plus cette succursale [de] B______ ne pratiquait pas la facturation – intégralement centralisée à Genève – car elle ne servait que de point d'ancrage local.

g. AA/B______ a dupliqué le 31 août 2022 et persisté dans ses conclusions.

Cette écriture est essentiellement fondée sur quatre avis de droit produits en annexe. Ils émanent de : Dr N______, présenté comme titulaire d'un doctorat en droit aérien de l'Université de O______ [Suisse], chargé d'enseignement en droit aérien à l'Université de L______ [Suisse], professeur adjoint à l'Institut ______ de l'Université de H______ à I______, ancien membre du comité de direction de P______ [société active dans la surveillance de l'espace aérien] et au bénéfice d'une pratique de 40 ans dans le domaine du droit aérien en qualité de juriste indépendant; Prof. Q______, présentée comme avocate et professeur honoraire à l'Université de R______ [Suisse], spécialisée en droit aérien, ayant occupé des postes et fonctions en lien avec ce domaine, dont responsable au sein du groupe S______ [compagnie aérienne] et présidente d'un organe d'experts de la Commission Européenne (organe d'évaluation des performances du ciel unique européen), rédigé divers ouvrages et articles et participé à des conférences; T______, ancien juge de la Cour suprême de B______; Prof. U______, présentée comme avocate et professeure de droit constitutionnel et comparé à [l'Université] Z______ de V______ en B______, ancienne directrice du Centre de droit constitutionnel, de politique et de gouvernance de la Z______ de C______ [B______], titulaire d'une maîtrise et d'un doctorat en droit de W______ Law School, régulièrement consultée pour des projets législatifs par les autorités B______ et comme amicus curiae par la Haute Cour de C______, auteure de plusieurs publications, citées par la Cour suprême de B______.

AA/B______ a particulièrement développé, dans cette écriture, sur la base de ces avis de droit, la question de la personnalité juridique de AA/B______ distincte de celle de la République de B______ et soutenait, pour la première fois, qu'elle ne saurait être tenue des dettes de cette dernière.

Elle décortiquait ensuite les redevances aéronautiques perçues, la ventilation de ses revenus et leur affectation aux charges, sur la base de deux documents intitulés "Statement showing sources of revenue & expenditure for the financial years 2019-2020, 2020-2021 & 2021-2022" " Statement showing total expenditure and expenditure related to air navigation for the financial years 2019-2020, 2020-2021 & 2021-2022, "préparé pour les besoins de la cause". Le premier document présentait les diverses sources de ses revenus et ses charges par nature pour 2019, 2020, 2021 et 2022; l'autre présentait la répartition de ses charges par nature entre les services de navigation aérienne et les services d'aéroport pour 2019, 2020, 2021 et 2022. Elle en retenait en substance que le montant des redevances aéronautiques ne couvrait pas le montant de ses charges affectées à ses activités relevant de la souveraineté étatique.

A propos des deux décisions belges citées par A______ AG, AA/B______ considérait qu'elles n'étaient pas pertinentes pour l'issue du présent litige car la première concernait la cession des redevances EUROCONTROL par l'Etat albanais à une entité qui ne déployait aucune activité en lien avec la navigation aérienne ou des services aéroportuaire. La seconde n'abordait pas le fond de l'affaire.

AA/B______ revenait également sur les trois modalités de collecte et de versement des redevances aéronautiques, à propos desquelles elle déposait une "déclaration" de IATA expliquant dans le détail ces trois modalités, en des termes très similaires à ceux de AA/B______ dans ses observations du 13 avril 2022. AA/B______ y affirmait notamment que les systèmes BSP et ICH étaient gérés depuis Montréal et partiellement depuis Singapour. Les services opérationnels du département E&A se trouvaient à Montréal. AA/B______ persistait par conséquent à soutenir que les avoirs à séquestrer étaient sans lien avec la Suisse.

Se fondant sur les quatre nouveaux avis de droit, particulièrement sur l'avis de l'expert N______, elle maintenait que la fourniture d'une infrastructure aéronautique en général et, partant, d'une infrastructure aéroportuaire, était une tâche relevant de la puissance publique. Le financement de ces activités par les redevances aéronautiques permettait par conséquent de qualifier ces dernières d'actifs dévolus à une tâche relevant de la puissance publique insaisissables au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP.

h. Les parties ont encore déposé chacune de volumineuses répliques spontanées les 14 et 28 septembre 2022 dont il y a lieu de se limiter à considérer les éléments suivants :

h.a Après avoir procédé à la critique des opinions professées dans les avis de droit déposés par son adverse partie et les qualités de certains de leurs auteurs, A______ AG a complété sa réplique par la production de compléments d'avis de droit émanant de l'avocate M______, de l'avocat J______ et du Prof. K______, soutenant en substance que les redevances aéronautiques n'étaient pas "souveraines" et ne jouissaient d'aucune immunité en tant que telles, de surcroît si elles n'étaient pas exclusivement affectées à une tâche publique. En outre, le développement de structures aéroportuaires ne relevait pas d'une obligation internationale des Etats. Les art. 15 et 28 de la Convention de Chicago n'imposaient en effet pas aux Etats de construire des aéroports ni de prélever des redevances pour les financer.

A______ AG remettait par ailleurs en cause, le contenu de la déclaration de IATA produite par AA/B______, selon laquelle le département E&A ne déploierait pas son activité à Genève. Elle persistait à prétendre que IATA exploitait ce département à Genève et que les créances à séquestrer s'y trouvaient, des actifs pour plus de 36'000'000 USD étant d'ailleurs bloqués dans le cadre du séquestre sur le compte genevois de IATA.

A______ AG s'intéressait encore aux décisions judiciaires belges déjà mentionnées et à des développements législatifs et judiciaires au Québec en lien avec la saisissabilité des redevances aéronautiques.

Finalement A______ AG, soulevait l'incompétence de la Chambre de surveillance pour statuer sur le point de savoir si AA/B______ pouvait répondre des dettes de la République de B______.

h.b AA/B______ a essentiellement répondu aux derniers arguments de A______ AG dans sa réplique spontanée, soit les critiques des auteurs d'avis de droit, le caractère insaisissable des redevances aéronautiques et la portée de la convention de Chicago, la localisation des biens séquestrés, les décisions belges et les développements juridiques au Canada, ainsi que la vocation de AA/B______ à répondre des dettes de la République de B______.

Elle a produit à l'appui quatre compléments d'avis de droit de T______, Prof. U______, Prof. Q______ et Prof. N______.

i. A______ AG a encore déposé le 28 septembre 2022 un ultime avis de droit d'un ancien juge de la Cour suprême de B______, X______, portant sur la vocation de AA/B______ à répondre des dettes de la République de B______.

j. Par courrier du 3 octobre 2022, AA/B______ s'est opposée au dépôt de cet avis de droit au motif qu'il était tardif et ne pouvait constituer une réplique.

k. A______ AG a déposé le 7 octobre une nouvelle réplique spontanée concluant à la recevabilité de l'avis de droit produit le 28 septembre 2022 et rebondissant sur certains objets de la réplique spontanée du 28 septembre 2022, notamment la production de quatre nouveaux avis de droit.

l. Par courrier du 17 octobre 2022, AA/B______ a réagi à la dernière réplique de A______ AG.

m. Par avis du 3 novembre 2022, la Chambre de surveillance a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. AA/B______ conteste pour la première fois dans sa duplique du 31 août 2022 (cf. supra attendu C.g) pouvoir être tenue de répondre de dettes de la République de B______ en tant que personnalité distincte de celle de l'Etat de B______.

2.1.1 Le juge ordonne le séquestre aux conditions prévues à l'art. 272 LP, notamment lorsqu'il est rendu vraisemblable qu'il existe des biens appartenant au débiteur qui peuvent être séquestrés (art. 272 al. 1 ch. 3 LP). Le juge charge l'Office d'exécuter le séquestre et lui remet à cette fin une ordonnance mentionnant notamment les objets à séquestrer (art. 274 al. 1 et 2 ch. 4 LP).

2.1.2 Les griefs concernant les conditions de fond du séquestre, notamment l'existence au for du séquestre de biens appartenant au débiteur à séquestrer, doivent être soulevés dans la procédure d'opposition au séquestre, devant le juge du séquestre, conformément à l'art. 278 LP. Les griefs concernant l'exécution du séquestre doivent être invoqués dans la procédure de plainte devant l'autorité de surveillance conformément à l'art. 17 LP (ATF 129 III 203 consid. 2.2 et 2.3 et les références).

Plus singulièrement, les compétences des offices et des autorités de poursuite portent sur les mesures proprement dites d'exécution, soit celles concernant la saisissabilité des biens (art. 92 ss LP), l'ordre de la saisie (art. 95 ss LP), la sauvegarde des biens saisis (art. 98 ss LP) et la procédure de revendication (art. 106 ss LP). Elles visent aussi le contrôle de la régularité formelle de l'ordonnance de séquestre. Ce pouvoir d'examen entre en effet par définition dans les attributions d'un organe d'exécution qui ne peut donner suite à un ordre lacunaire ou imprécis, ni exécuter un séquestre entaché de nullité, l'exécution d'une ordonnance frappée de nullité étant elle-même nulle au sens de l'art. 22 LP. L'exécution du séquestre ne doit cependant être refusée par l'Office que dans les cas où l'ordonnance de séquestre apparaît indubitablement nulle (notamment lorsqu'elle viole manifestement le droit international public relatif aux immunités) et que l'on ne saurait exiger du plaignant qu'il agisse par la voie de l'opposition selon l'art. 278 LP (ATF 142 III 291 consid. 2.1 et les références; 136 III 379 consid. 3 et 4.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_883/2012 du 18 janvier 2013 consid. 6.1.2).

En revanche, le constat de l'existence de biens séquestrables appartenant au débiteur – qui est une condition d'octroi du séquestre – est de la compétence du juge. Les griefs contre ce constat doivent être soulevés dans la procédure d'opposition devant le juge du séquestre. La question de savoir si le créancier a réussi à rendre vraisemblable que certaines valeurs appartiennent au débiteur malgré l'apparence formelle contraire relève ainsi de la compétence du juge du séquestre (ATF 130 III 579 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_898/2016 du 27 janvier 2017 consid. 6; 5A_730/2016 du 20 décembre 2016 consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, AA/B______ ne peut donc invoquer devant la Chambre de céans, dans le cadre de la présente procédure de plainte, le fait que le juge du séquestre n'aurait pas dû considérer que les redevances aéronautiques qu'elle percevait étaient en réalité des avoirs de la République de B______.

Le débat entre les parties sur cet objet échappant à la compétence de l'autorité de surveillance, elle n'entrera pas en matière.

3. AA/B______ conclut à ce que l'avis de droit déposé le 28 septembre par A______ AG soit déclaré irrecevable pour tardiveté.

Cet avis de droit portait justement sur le fait de savoir si AA/B______ pouvait être tenue des dettes de la République de B______.

En l'absence de compétence de la Chambre de céans pour examiner ce point, la question de la recevabilité de cette pièce est sans objet et ne sera pas abordée.

4. La plaignante fait grief à l'Office de ne pas avoir respecté son droit d'être entendue en ne lui communiquant pas la note diplomatique du Ministère B______ des Affaires étrangères dont elle avait pourtant réclamé copie.

4.1 L'ordonnance de séquestre est prononcée par le juge sur le vu de la requête et des pièces jointes, dans le cadre d'une procédure unilatérale (Stoffel, Chabloz, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 1 et 45 ad art. 272 LP). Il confie l'exécution du séquestre à l'Office qui, en tant qu'organe d'exécution, doit se conformer à l'ordonnance (art. 274 al. 1 LP). L'exécution du séquestre doit réserver un effet de surprise et présente un caractère urgent. Il doit être exécuté immédiatement. Le débiteur n'est en principe pas prévenu de l'exécution du séquestre, l'art. 275 LP ne renvoyant pas à l'art. 90 LP. Quant au créancier, il n'a pas à participer à l'exécution du séquestre ni à la détermination du caractère saisissable des actifs concernés (Ochsner, Exécution du séquestre, in JdT 2006 II 77, p. 93; Stoffel, Chabloz, op. cit., n° 15 et 16 ad art. 275 LP).

L'Office doit, lors de l'exécution du séquestre, en raison du renvoi de l'art. 275 LP à l'art. 92 LP, statuer sur la saisissabilité des biens séquestrés. La voie de la plainte est ouverte au créancier lorsque l'Office refuse de séquestrer des biens qu'il considère insaisissables (Ochsner, op. cit., p. 86).

4.2 Il découle de ce qui précède que la procédure particulière au prononcé et à l'exécution du séquestre, mesure conservatoire destinée à intervenir rapidement et à l'improviste, implique une limitation du droit d'être entendu des parties, même du créancier. C'est dans le cadre de l'opposition au séquestre ou de la plainte contre les mesures d'exécution du séquestre prises par l'Office que les parties et les éventuels tiers peuvent exercer ce droit.

Le grief de la plaignante fondé sur la violation de son droit d'être entendue – qui a du reste exercé ce droit dans la présente procédure – est par conséquent infondé.

5. La plaignante reproche à l'Office d'avoir considéré qu'il n'était pas compétent pour exécuter un séquestre sur des créances ne se situant pas à Genève et d'avoir prononcé le non-lieu de séquestre pour les redevances landing and parking fees et user development fees.

5.1 Le lieu de situation d'une créance en argent non incorporée dans un papier-valeur est au domicile de son titulaire (art. 74 al. 2 chiffre 1 CO). Le juge compétent pour prononcer le séquestre d'une créance est donc celui du lieu de domicile du titulaire de la créance à séquestrer, soit le débiteur de la créance à l'origine du séquestre. Si le créancier de la créance à séquestrer n'est pas domicilié en Suisse, le lieu de situation de la créance est alors au domicile ou au siège de son débiteur en Suisse. Le séquestre doit donc être requis auprès du juge du lieu de domicile ou du siège du débiteur de la créance à séquestrer (ATF 107 III 147; ATF 128 III 473; Stoffel / Chabloz, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, n° 40 ad art. 272 LP et réf. citées).

Une créance peut être localisée dans une succursale du débiteur – ou un établissement non inscrit au registre du commerce mais disposant d'une autonomie similaire à celle d'une succursale –, si un point de rattachement prépondérant existe avec cette succursale ou cet établissement et si les faits justifiant ce rattachement sont rendus vraisemblables. Si tel n'est pas le cas, le séquestre n'est possible qu'au domicile ou au siège du débiteur (arrêts de la Cour de justice de Genève ACJC/932/2008 du 7 août 2008; ACJC/1521/2007 du 13 décembre 2007, in SJ 2008 I 369; ATF 128 III 473).

5.2 En l'espèce, le séquestre porte sur une créance de AA/B______ à l'encontre de IATA en versement des redevances que cette dernière a collectées pour la première. Cette créance se situe, selon les principes rappelés ci-dessus, lorsque le créancier est domicilié à l'étranger, au domicile du débiteur de la créance à séquestrer. En l'occurrence, ce débiteur est IATA. Cette dernière a un siège statutaire à Montréal, mais également un siège exécutif à Genève, où elle déploie une partie importante de son activité. Elle y dispose notamment d'un compte où des redevances sont collectées, de sa haute direction et, à tout le moins, de la direction du département E&A. Il ressort des pièces produites que la facturation est effectuée à Genève. Ces circonstances permettent de retenir que IATA dispose d'un établissement à Genève, lequel est impliqué dans les flux des redevances litigieuses. Les créances à séquestrer sont par conséquent situées à Genève et l'Office était compétent pour l'ensemble des redevances dont le séquestre était requis.

Le fait que les flux financiers au sein de IATA recourent à des processus et des organismes situés à Montréal, en B______ ou à Singapour, voire à d'autres endroits encore, n'y change rien et n'est pas pertinent.

La procès-verbal de séquestre de l'Office entrepris sera par conséquent annulé en tant qu'il prononce le non-lieu de séquestre sur certains avoirs dont le séquestre était ordonné.

Il en découle que l'intégralité des avoirs mentionnés dans l'ordonnance de séquestre doivent être appréhendés par l'Office dans l'exécution du séquestre.

6. La plaignante reproche à l'Office d'avoir déclaré nul le séquestre au motif qu'il visait des avoirs insaisissables en raison de l'immunité d'exécution dont ils jouissaient.

6.1.1 A teneur de l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP, applicable au séquestre par le renvoi de l'art. 275 LP, les biens appartenant à un Etat étranger ou à une banque centrale étrangère qui sont affectés à des tâches leur incombant comme détenteurs de la puissance publique sont insaisissables.

6.1.2 La pratique suisse déduite du droit des gens pose trois conditions cumulatives à l'exécution forcée sur les biens d'un Etat étranger.

Tout d'abord, la prétention du poursuivant doit être liée à l'activité iure gestionis et non iure imperii de l'Etat poursuivi. Il s'agit de savoir si l'acte qui fonde la créance litigieuse relève, non de la puissance publique, mais d'un rapport juridique qui s'inscrit dans une activité économique privée, l'Etat étranger intervenant au même titre qu'un particulier. Le critère déterminant est la nature intrinsèque de l'opération envisagée et non le but poursuivi.

La prétention déduite en poursuite doit ensuite être issue d'un rapport de droit qui présente un rattachement suffisant avec la Suisse (Binnenbeziehung). Ce lien est suffisant lorsque le rapport d'obligation est né en Suisse ou qu'il doit y être exécuté, ou lorsque l'Etat étranger a procédé en Suisse à des actes qui sont propres à créer un lieu d'exécution; il est insuffisant s'il résulte de la seule localisation des biens du débiteur en Suisse ou du seul fait que la créance a été constatée par un tribunal arbitral qui a son siège en Suisse.

Enfin, les biens saisis en Suisse ne doivent pas être affectés à des tâches incombant à l'Etat comme détenteur de la puissance publique. La notion de biens affectés à des tâches relevant de la puissance publique doit être interprétée de façon large. Elle comprend en tous les cas les biens des missions diplomatiques protégés de façon absolue par l'art. 22 al. 3 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques (RS 0.191.01). En revanche, les liquidités, en espèces ou créances contre une banque, ne peuvent être soustraites à la saisie que si elles ont été clairement affectées à des buts concrets d'utilité publique, ce qui suppose leur séparation des autres biens (ATF 134 III 122 consid. 5.2; 130 III 136 consid. 2.1; 111 Ia 62 consid. 7b).

6.1.3 Le Tribunal fédéral a admis que les redevances perçues par IATA pour la surveillance de l'espace aérien, tâche relevant de la puissance publique, rentrent dans la catégorie des biens insaisissables visés à l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP (arrêt du Tribunal fédéral 5A_681/2011 du 23 novembre 2011 consid. 4).

Dans cette décision, qui portait sur une affaire très similaire à la présente espèce, le Tribunal fédéral a considéré qu'une note diplomatique du type de celle figurant dans la présente cause était suffisante pour admettre que les redevances aéronautiques étaient affectées à des tâches relevant de la puissance publique. Il a rejeté le recours du créancier séquestrant – qui reprochait à l'autorité cantonale de ne pas avoir suffisamment examiné ses allégués selon lesquels l'entité bénéficiaire des redevances déployait essentiellement des activités commerciales et non des tâches déléguées de puissance publique – au motif qu'il n'était pas suffisamment motivé. Il ne s'est donc pas prononcé sur le fond de l'argument soulevé par le recourant.

6.1.4 Le Tribunal fédéral ne s'est pas non plus prononcé définitivement sur la question de savoir si des avoirs destinés à des entités indépendantes de l'Etat peuvent également bénéficier des immunités lorsqu'elles assument des tâches de puissance publique déléguées par l'Etat. Il a posé une sorte de présomption, vraisemblablement réfragable, que l'activité étatique déléguée à une entité privée était déployée iure gestionis (arrêt du Tribunal fédéral 1A.94/2001 du 25 juin 2001 consid. 4a).

Un avis de droit du 3 juillet 2009 de la Direction du droit public (ci-après DDC) du Département fédéral des Affaires étrangères sur le "caractère insaisissable des droits de survol au vu de la théorie des immunités" (JAAC 2/2010 du 3 août 2010) prône, s'agissant des redevances aéronautiques versées à une entité privée indépendante de l'Etat, d'appliquer la solution prévue par l'art. 2 al. 1 let. b de la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etat et d'admettre qu'une délégation de tâche relevant de la puissance publique permettait à l'entité délégataire de se prévaloir de l'immunité étatique. Dans le cas d'une entité délégataire déployant des activités mixtes privées-publiques, la DDC propose de suivre l'interprétation de la Convention susvisée suggérée par la Conférence des Nations Unies sur le droit international (Annuaire de la Commission du droit international, 1991, vol. II, chiffre 15) consistant à limiter l'invocation de l'immunité aux biens affectés aux activités relevant de la puissance publique.

6.1.5 L'entité publique qui se prévaut de l'immunité étatique ne peut se limiter à des déclarations générales, mais doit fournir des informations spécifiques et les étayer, par exemple au moyen d'extraits certifiés de ses livres de comptes. En tant que titulaire des avoirs, elle est la seule à être en mesure de fournir des informations sur la destination souveraine d'un bien (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2008 du 25 juin 2008 consid. 3.2).

6.2.1 En l'espèce, les parties s'opposent sur la notion de tâches étatiques relevant de la puissance publique en matière d'aviation civile (ci-après 4.2.1.1) et sur le fait de savoir si AA/B______ affecte les redevances aéronautiques qu'elle perçoit à une tâche de souveraineté ou les détournerait de leur destination pour les attribuer partiellement ou intégralement à son activité commerciale, ce qui exclurait leur insaisissabilité (ci-après 6.2.1.2 à 6.2.1.6).

6.2.1.1 AA/B______ estime que les tâches relevant de la puissance publique en matière d'aviation civile ne se limitent pas à la surveillance de l'espace aérien et à la sécurité de la navigation aérienne. Elles englobent également la construction, l'entretien et l'exploitation des structures aéroportuaires, puisque les Etats se sont engagés à établir et exploiter des aéroports en souscrivant à l'art. 28 ch. 1 de la Convention de Chicago.

A l'inverse, la plaignante exclut ces activités des tâches souveraines, considérant notamment que la construction de nouveaux terminaux et d'un nouvel aéroport par AA/B______ sont des projets "commerciaux". Dans le cadre de sa dernière réplique, la plaignante semble même remettre en cause le caractère souverain des tâches de surveillance de l'espace aérien et de sécurité de la navigation aérienne ainsi que des redevances qui leur sont liées, niant toute portée obligatoire pour les Etats de l'art. 28 de la Convention de Chicago, en se fondant sur le second avis de droit J______/K______ qu'elle produit.

L'art. 28 let. a de la Convention de Chicago prévoit que les Etat signataires s'engagent, dans la mesure où ils le jugent réalisable, à fournir sur leur territoire des aéroports, des services radioélectriques et météorologiques et d'autres installations et services de navigation aérienne afin de faciliter la navigation aérienne internationale.

Elle ne distingue pas les prestations de surveillance de l'espace aérien et les prestations assurant la sécurité de la navigation aérienne, d'une part, et la construction d'aéroports, d'autre part. Elle les place sur le même plan et ne crée donc pas un régime différent pour chacune de ces catégories.

L'art. 28 de la Convention de Chicago crée une obligation à la charge des Etats signataires de fournir les prestations susmentionnées, puisqu'ils s'y engagent, certes dans la mesure qu'ils jugent réalisable.

La Convention de Chicago prévoit également un régime de redevance pour financer ces prestations. Il n'est certes pas obligatoire, mais il est en lien étroit avec ces prestations.

La jurisprudence du Tribunal fédéral et l'avis de la DDC retiennent que les "redevances de survol" et les activités qu'elles financent relèvent de la souveraineté étatique et jouissent de l'immunité. Il n'y a aucune raison que ce statut ne s'applique pas à l'ensemble des prestations qu'un Etat est censé fournir sur la base de l'art. 28 let. a de la Convention de Chicago. Les structures aéroportuaires font partie intégrante de la sécurité aérienne au sens large et sont expressément visées par l'art. 28 let. a de la Convention de Chicago, à tout le moins dans leur dimension non commerciales.

Cette interprétation est conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral qui part du principe que la notion de biens affectés à des tâches relevant de la puissance publique doit être interprétée de façon large.

Il serait d'ailleurs pratiquement quasiment impossible de dissocier la fourniture de services de navigation aérienne des infrastructures aéroportuaires, les deux activités étant la plupart du temps intiment imbriquées. Les services de navigation aérienne sont en principe logés dans les aéroports de même que les activités de contrôle de l'espace aérien et de sécurité de la navigation aérienne. Disposer d'infrastructures aéroportuaires participe de la sécurité aérienne et la sécurité aérienne implique la présence d'aéroports sûrs et efficacement organisés.

La plaignante souligne que les infrastructures et activités aéroportuaires sont de plus en plus confiées à des entités distinctes de l'Etat relevant du droit privé ce qui était la preuve qu'elles ne relèveraient pas de tâches de puissance publique. Le fait que l'Etat confie ces tâches à des entités privées ne signifie pas qu'elles ne relèvent pas de la souveraineté. Lorsque l'Etat concède ces activités, il impose un cahier des charges impliquant le respect des obligations de droit international public auxquelles il a souscrit dans le cadre de la Convention de Chicago. Le fait que les Etats concèdent également, en tout ou partie, à des entités privées, la surveillance de l'espace aérien et la sécurité de la navigation aérienne n'a pas empêché la jurisprudence de les qualifier de tâches de souveraineté. Ce critère est par conséquent peu pertinent pour qualifier une activité de iure gestionis ou iure imperii.

En conclusion, la Chambre de surveillance retiendra que tant les services de navigation aérienne que la construction et l'exploitation de structures aéroportuaires sont des tâches de souveraineté, dans la mesure où elles n'impliquent pas une activité purement commerciale totalement détachées des obligations souscrites dans le cadre de la Convention de Chicago (essentiellement l'exploitation d'hôtels, de surfaces commerciales et de toutes autres activités commerciales dans ou aux abords des aéroports).

6.2.1.2 Reste à déterminer si les redevances aéronautiques litigieuses sont bien affectées à ces tâches de puissance publique et, de ce fait, bénéficient de l'insaisissabilité conférée par l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP.

6.2.1.3 La note diplomatique du Ministère B______ des Affaires étrangères du 31 janvier 2022 – qui atteste du fait que les redevances aéronautiques seraient exclusivement et intégralement dévolues à des tâches relevant de la souveraineté, telles que le contrôle de l'espace aérien et le financement des infrastructures de sécurité aérienne – n'est pas suffisamment motivée pour être admise sans autre au vu des arguments développés par la plaignante.

Par ailleurs, ce n'est pas parce que le AA/B______ Act autorise AA/B______ à exploiter des activités commerciales diverses – ce qu'elle admet pratiquer – qu'elle le ferait dans des proportions permettant de soutenir que cela serait devenu "l'essentiel de ses activités" et qu'elle les financerait au moyen des redevances aéronautiques.

6.2.1.4 Contrairement à l'opinion de la plaignante, le seul fait que AA/B______ ne tienne pas une comptabilité séparée des redevances aéronautiques et des activités qu'elles financent n'est pas suffisant pour affirmer que les redevances aéronautiques ne sont pas affectées à des tâches relevant de la souveraineté étatique.

La plaignante soutient que la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 134 III 122, 130 III 136, 111 Ia 62 précités), impose à AA/B______ d'être en mesure de présenter une comptabilité ségréguée pour bénéficier de l'immunité étatique d'exécution. Elle tire la même conclusion de l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2008 qui exige de l'entité qui se prévaut de l'immunité de ses avoirs de ne pas se limiter à des déclarations générales, mais de fournir des informations spécifiques et les étayer, par exemple au moyen d'extraits certifiés de ses livres de comptes puisqu'en tant que titulaire des avoirs, elle est la seule à être en mesure de fournir des informations sur la destination souveraine d'un bien.

Sur le plan pratique, la comptabilité d'une entité telle que AA/B______ est en principe tenue selon les règles comptables en vigueur et englobe l'activité de l'entité dans son ensemble. On ne saurait exiger d'elle qu'elle tienne une comptabilité dissociée dans la seule optique de devoir justifier un jour de l'affectation des redevances aéronautiques. Il suffit donc que des éléments comptables convaincants soient produits permettant de constater qu'à tout le moins schématiquement les redevances aéronautiques remises à une entité telle que AA/B______ sont affectées aux tâches relevant de la souveraineté qui lui ont été confiées, à savoir qu'elles sont globalement en proportion avec les charges engendrées par les tâches de puissance publique qu'elles sont censées financer.

En l'occurrence, la plaignante a produit des éléments comptables permettant de parvenir à la conclusion que AA/B______ utilise les redevances aéronautiques pour les tâches prévues à l'art. 28 let. a de la Convention de Chicago.

Ils permettent en effet de constater que les revenus tirés de l'activité dite "commerciale" sont supérieurs ou, au mieux, égaux à ceux tirés des redevances aéronautiques.

La pièce de la plaignante mentionnée supra EN FAIT, C.b.b permet de constater que les revenus liés aux redevances aéronautiques participeraient pour une proportion de l'ordre de 36 % dans les revenus d'AA/B______ (revenus liés aux redevances aéronautiques : RFNC 3'177 E______ + TNLC 518 E______ + landing and parking fees 1'000 E______ (estimation) + user development fees 847 E______ = 5'542 E______; revenus totaux : 14'132 E______ + landing and parking fees 1'000 E______ (estimation) = 15'132 E______; 5'542 E______ / 15'132 E______ = 36 %). Le document mentionné supra EN FAIT, C.b.c, mentionne quant à lui que les redevances aéronautiques représenteraient 50 % des revenus de AA/B______.

Quant au document partiellement cité supra EN FAIT, C.b.b, il permet, pour le domaine précis des ANS, soit une partie substantielle des redevances aéronautiques, de constater que, dans ses projections décénales, AA/B______ prévoit des redevances de 4'235 E______ et des charges engendrées par les services correspondants de 3'065 E______. Il s'agit du seul document qui mette en rapport direct des redevances aéronautiques avec des charges liées aux prestations qu'elles sont censées financer. Il permet de constater que AA/B______ reconnaît utiliser 72 % des redevances pour financer des charges en lien avec les services qu'elles sont censées financer et disposer d'un surplus de 28 % de redevances qu'elle pourrait attribuer à d'autres activités à l'orientation plus commerciale. Elle n'explique toutefois pas comment elle a déterminé le périmètre des activités qu'elle a qualifiées d'ANS. Il faut également souligner que les ANS ne sont pas le seul domaine dans lequel interviennent les redevances aéronautiques et des tâches que l'on peut rattacher à des actes de souveraineté; il faut y ajouter tout le domaine des services aéroportuaires (cf. le tableau figurant supra C.b.a), ainsi que la construction et l'exploitation des aéroports comme retenu plus haut.

En définitive, compte tenu de l'ampleur des activités que représentent les prestations découlant de l'art. 28 let. a de la Convention de Chicago, telles que définies ci-dessus, parmi celles assumées par AA/B______ et compte tenu de la structure de ses revenus, il n'apparaît pas que les redevances aéronautiques financent plus que ces dernières, l'impression étant au contraire que de revenus commerciaux permettent de financer les activités imposées par l'art. 28 let. a de la Convention de Chicago.

6.2.1.5 La plaignante fait état de l'arrêt 20/7265/A du 23 mars 2022, § 83, du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles qui a posé les principes suivants : "La prétendue insaisissabilité complète des biens ayant une affectation mixte n'est pas fondée. Pour ces biens, il appartient au débiteur saisi de démontrer et d'indiquer la proportion des biens saisis affectée réellement à une activité souveraine et celle qui ne l'est pas, ce que le créancier n'est pas en mesure de faire, n'ayant pas accès à ces informations. En l'absence d'éléments permettant de distinguer l'usage commercial de l'usage prétendument souverain des redevances saisies, le débiteur supporte les conséquences de l'absence de preuve". La lecture des pages 24 à 35 de l'arrêt permettent de constater que le Tribunal belge s'est adonné à une analyse de dispositions procédurales belges précises, ce qui rend impossible l'importation du raisonnement dans un autre ordre juridique. En outre, il semble que le juge ait procédé à une interprétation propre au cas d'espèce de l'art. 1412quinquies du Code judiciaire belge en imposant à l'Etat débiteur de participer très activement à l'administration de la preuve du caractère souverain des avoirs saisis, alors que cette disposition prévoit qu'il appartient au créancier de prouver que les biens de l'Etat qu'il souhaite faire saisir sont de nature commerciale.

6.2.1.6 En conclusion, il est suffisamment établi que AA/B______ consacre les redevances aéronautiques à des activités souveraines et qu'elles bénéficient de l'insaisissabilité prévue à l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP.

6.3 Les parties ont axé toute leur argumentation sur la condition de la destination des biens séquestrés à une tâche souveraine pour déterminer s'ils pouvaient être saisis. En revanche, elles n'ont que peu examiné si les deux autres conditions cumulatives autorisant le séquestre étaient réunies car l'Office ne les avait pas abordées dans la décision entreprise.

Or, il apparaît que la créance dont le recouvrement est poursuivi est selon toute vraisemblance sans lien suffisant avec la Suisse (seules la présence de biens appartenant à la République de B______ et la tenue d'un arbitrage à Genève constituent des liens avec la Suisse). Cette condition au séquestre de biens étatiques n'est donc vraisemblablement pas non plus remplie.

A cet égard, la plaignante se trompe lorsqu'elle soutient qu'il n'appartient ni à l'Office ni à la Chambre de céans d'examiner cette condition, mais au juge du séquestre, en citant Ochsner (op. cit., p. 87) et deux décisions de la Chambre de céans DCSO/690/2006 du 30 novembre 2006 et DCSO/318/2011 du 15 septembre 2011. La plaignante n'a pas invoqué le cas de séquestre figurant à l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP en l'occurrence – qui implique en effet que le juge du séquestre examine, au nombre des conditions de séquestre, que la créance est en lien avec la Suisse – mais le nouvel art. 271 al. 1 ch. 6 LP. La question du lien de la créance en poursuite avec la Suisse n'étant pas examinée par le juge, il appartient à l'Office et à l'autorité de céans de l'examiner au nombre des conditions d'insaisissabilité des biens d'un Etat.

Pour ce motif également, la décision de l'Office de constater l'insaisissabilité des biens de AA/B______ et de déclarer nul le séquestre se justifiait.

S'agissant finalement de la nature iure imperii ou iure gestionis de la créance dont le recouvrement est poursuivi par la plaignante, la question peut rester indécise.

7. En conclusion, le procès-verbal de séquestre sera confirmé en tant qu'il constate la nullité du séquestre. Ce constat devra être étendu à l'ensemble des créances visées par le séquestre puisque la Chambre de céans a constaté que l'Office était compétent pour le faire.

L'Office sera invité à modifier en conséquence le procès-verbal de séquestre attaqué.

8. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte du 18 février 2022 de A______ AG contre le procès-verbal de séquestre n° 1______ du 10 février 2022.

Au fond :

Annule ledit procès-verbal de séquestre en tant qu'il prononce le non-lieu de séquestre sur certains avoirs dont le séquestre était ordonné.

Confirme ledit procès-verbal de séquestre en tant qu'il constate la nullité du séquestre à raison de l'insaisissabilité des biens séquestrés.

Invite l'Office à compléter le procès-verbal de séquestre dans le sens des considérant.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Monsieur Frédéric HENSLER et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.