Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/1058/2023

DCSO/285/2023 du 23.06.2023 ( DEM ) , ADMIS

Descripteurs : Administration spéciale; faillite; rémunération; commission de créanciers
Normes : oelp.107; oaof.84
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1058/2023-CS DCSO/285/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU VENDREDI 23 JUIN 2023

 

Plainte 17 LP (A/1058/2023-CS) formée en date du 7 mars 2023 par ADMINISTRATION SPÉCIALE DE LA FAILLITE DE A______ SA.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- ADMINISTRATION SPÉCIALE DE LA FAILLITE DE A______ SA

p. a. N______ AVOCATS SARL

Case postale

______

______.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ SA est une société anonyme de droit suisse ayant son siège à Genève et dont le but est le commerce de bijoux, de pierres précieuses et semi-précieuses, d'objets d'art ainsi que d'articles cadeaux, l'intercession, la souscription ou l'octroi de prêts en faveur de ses actionnaires ou de tiers, le cautionnement ou la garantie d'emprunts souscrits pour la société elle-même, ses actionnaires ou des tiers et le nantissement de ses actifs en fournissant des gages de toute nature, notamment des gages immobiliers.

b. Par jugement du 18 juin 2020, le Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) a prononcé la faillite de A______ SA.

L'Office des faillites (ci-après aussi l'Office) a établi l'inventaire de la faillite entre le 7 juillet et le 31 août 2020 présentant des actifs pour un montant de 20'959'941 fr. 15, notamment constitués d'objets mobiliers pour 20'750'400 fr. (essentiellement des pièces de bijouterie et de joaillerie), de droits et créances pour 165'008 fr. (essentiellement des droits de propriété intellectuelle) et de liquidités pour 44'533 fr. 15.

c. La première assemblée des créanciers, convoquée par l'Office le 18 septembre 2020, a décidé de confier la liquidation de la faillite de A______ SA, EN LIQUIDATION à une administration spéciale composée de B______, expert-comptable, actif au sein de la fiduciaire O______ SA, et C______, avocat, associé au sein de l'Etude N______ AVOCATS SARL (ci-après Etude N______ SARL). Une commission de surveillance a également été instaurée, dont D______, E______ et F______ ont été désignés membres.

d. Sur requête des administrateurs spéciaux du 8 octobre 2020, la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance) a rendu une décision DCSO/477/20, le 14 décembre 2020, fondée sur l'art. 47 al. 1 OELP, fixant le tarif horaire de la rémunération des administrateurs spéciaux et de leurs auxiliaires à 400 fr. pour les administrateurs spéciaux, à 200 fr. pour les auxiliaires avocats-stagiaires et à 150 fr. pour les auxiliaires secrétaires et comptables. Cette tarification spéciale était justifiée par la complexité de la liquidation à venir, notamment en raison de la branche d'activité de la faillie ainsi que du caractère international et exposé de la liquidation.

La rémunération des membres de la commission de surveillance a été fixée à 350 fr. de l'heure pour les mêmes motifs, en application de l'art. 47 al. 2 OELP.

e. L'état de collocation a été déposé une première fois le 20 avril 2021 après avoir été communiqué par circulaire aux créanciers colloqués le 19 avril 2021.

f. L'administration spéciale de la faillite de A______ SA, EN LIQUIDATION (ci-après également l'administration spéciale) a organisé la seconde assemblée des créanciers par voie de circulaire et forum électronique entre le 20 et le 30 avril 2021 en raison des contraintes liées à la pandémie de COVID-19, ce dont les intéressés ont été avisés par publication du 22 mars 2021.

La circulaire remise aux créanciers comportait le rapport d'activité des administrateurs spéciaux ainsi que de la situation financière et juridique de la liquidation (état des actifs et des charges, décisions de collocation, revendications, procès suspendus).

Elle recommandait par ailleurs la vente en bloc des actifs de la faillie (droits de propriété intellectuelle, stock, pièces de rechange, outil de production, accessoires marketing, véhicule, installations informatiques, coffres-forts, participation de 70 % dans A______ France, créances contre des tiers) à un tiers pour le prix de 18'300'000 fr., étant précisé que le potentiel repreneur avait déjà signé un bail portant sur tout ou partie des locaux occupés par la faillie. Cette transaction de gré à gré, considérée comme plus favorable qu'une vente aux enchères, avait été approuvée par la commission des créanciers. Les créanciers souhaitant surenchérir étaient invités à le faire dans un délai de 20 jours.

La circulaire annonçait enfin des collocations en 1ère et 2ème classe de 2'207'392 fr. 83, ainsi que de 48'285'627 fr. 10 en 3ème classe. Le dividende prévu pour les créanciers de 3ème classe était de 28 % compte tenu d'un solde à répartir de 13'316'042 fr. 91, sous réserve de productions tardives.

Les créanciers ont accepté la cession d'actifs recommandée.

g. L'administration spéciale a adressé à la Chambre de surveillance des rapports d'activité les 20 août, 16 décembre 2021, 22 juin, 2 novembre et 28 novembre 2022. Il en ressort en substance les opérations suivantes :

g.a Avant la deuxième assemblée des créanciers, l'activité des administrateurs spéciaux a consisté dans un premier temps à regrouper les actifs de valeur de la faillie afin d'en assurer la gestion sécurisée et centralisée, permettant d'alléger les charges de loyers. Ils se sont ensuite attelés à la réalisation des actifs dont il a été décidé qu'elle se ferait en bloc auprès d'un seul repreneur, dans un délai permettant d'éviter la dépréciation des marques de la faillie.

L'établissement de l'état de collocation a impliqué d'examiner 60 productions de créances salariales et 140 productions de créances autres. Des questions de droit de rétention et des revendications ont dû être résolues. Des problématiques liées aux charges sociales ont notamment nécessité des contacts à haut niveau avec les administrations fédérales concernées.

Les administrateurs spéciaux ont souligné avoir rencontré divers obstacles administratifs dans la conduite de leur tâche. La transmission des dossiers constitués par l'Office des faillites, dont le système informatique ne permettait d'obtenir facilement un transfert et/ou une impression des archives numérisées, avait impliqué un gros travail de reconstitution et de réorganisation de la documentation. Les accès aux serveurs de la faillie ont été compliqués par la désactivation des mots de passe en raison du temps écoulé entre la cessation de l'activité de la faillie et le prononcé de la faillite.

L'Office n'avait procédé à aucun appel des créanciers à l'étranger – soit la majeure partie – à l'ouverture de la faillite, de sorte que l'administration spéciale a dû entreprendre toutes les démarches auprès de cette catégorie de créancier et en reconstituer la liste sur la base d'indices.

La gestion des locaux loués par la faillie s'est révélée délicate, notamment en raison de prétentions en remise en état des locaux élevées par un bailleur.

g.b Suite à la deuxième assemblée des créanciers, l'administration spéciale a procédé, le 16 juillet 2021, à une distribution spéciale et déposé un tableau de distribution provisoire concernant les créanciers gagistes, les collaborateurs, les assureurs sociaux et l'impôt à la source (3'820'858 fr. 87).

g.c Deux créanciers écartés ont élevé des revendications, formé des plaintes à l'autorité de surveillance et déposé des contestations de l'état de collocation, démarches qui ont mis en danger les tractations en vue de la réalisation de l'actif. Leurs plaintes ont été rejetées par l'autorité de surveillance.

L'état de collocation a été redéposé le 16 septembre 2021, écartant une production tardive de 45'158'763 fr. 96.

Les quatre actions en contestation de l'état de collocation introduites par des créanciers écartés, pour un total de 60'000'000 fr., ont fait l'objet de transactions en novembre 2022 (un retrait de contestation, trois admissions de créances à l'état de collocation à concurrence de 7'049'337 fr. 50, 16'448'454 fr. 18 et 300'000 fr.).

Une production tardive de 55'217 fr. 30 a finalement été admise à l'état de collocation qui a été redéposé le 23 janvier 2023.

h. Les administrateurs spéciaux ont déposé le 7 mars 2023 auprès de la Chambre de surveillance un rapport final concluant à ce qu'elle approuve le compte final de liquidation et arrête les honoraires des liquidateurs spéciaux à 770'789 fr. 15. Aucune conclusion n'était prise pour les membres de la commission des créanciers.

Le rapport était accompagné du décompte final de la liquidation, de la comptabilité de la liquidation, d'un ensemble de pièces justificatives comptables originales et d'un "état de collocation des créanciers de 3ème classe sous la forme d'un tableau de distribution à ces créanciers".

A teneur de ces documents, un dividende de 38,35 % était prévu pour les créanciers de 3ème classe.

Le rapport mentionnait le versement d'honoraires à hauteur de 770'789 fr. 15 aux administrateurs spéciaux et de 51'687 fr. 45 aux membres de la commission des créanciers. Il annonçait qu'une provision de 58'000 fr. avait été constituée pour les frais (8'000 fr.) et honoraires (50'000 fr.) de liquidation jusqu'à la clôture (validation et correction des coordonnées bancaires des créanciers par voie de circulaire, établissement et validation de la liste des paiements, ordres de paiement, gestion des retours, établissement des actes de défaut de biens et envoi, dépôt des archives auprès de l'Office des faillites, dépôt du rapport final au juge de la faillite, traitement des éventuelles productions de créanciers et des demandes de divers intervenants postérieures à la clôture de la faillite). Le montant des honoraires était justifié par un renvoi aux comptes de liquidation, rubriques 6531 et 6534, détaillant les versements effectués aux diverses personnes intervenues. Des factures et time-sheets figuraient parmi l'ensemble des pièces justificatives jointes aux comptes, sans toutefois avoir été mises en évidence.

Les administrateurs spéciaux précisaient s'être adjoints les services de G______, avocate associée à l'Etude N______ SARL, dont les honoraires ont été facturés au tarif horaire de 400 fr. à l'instar des administrateurs spéciaux, dès lors qu'elle était spécialisée en liquidation, ayant déjà participé aux côtés de C______ à de telles opérations.

La lecture des rubriques 6531 et 6534 des comptes de liquidation, ainsi que des pièces comptables, permettent de reconstituer la ventilation suivante des honoraires perçus pour l'administration spéciale et la commission des créanciers :

 

Administration spéciale

Heures

Tarif

Facturé

B______

892.50

400.-

357'000.00

C______

956.42

400.-

382'566.84

G______

52.83

400.-

21'133.33

H______

12.34

400.-

4'934.66

I______

0.17

500.-

83.33

J______

1.50

200.-

299.33

K______

23.58

150.-

3'537.50

TOTAL

1'939.33

 

769'555.00

 

Commission des créanciers

Heures

Tarif

Facturé

E______

46.65

350.-

16'265.35

D______

35.40

350.-

12'654.60

F______

65.25

350.-

22'767.50

TOTAL

147.30

 

51'687.45

 

Il ressort de la lecture des factures et time-sheets produits que G______ a consacré la moitié du temps dévolu à la liquidation de A______ SA, EN LIQUIDATION à des tâches de tenue de comptabilité. H______ et I______ sont, à teneur du site internet de l'Etude N______ SARL, des avocats associés ou collaborateurs. Leur apport à la liquidation est inconnu. J______ est avocate-stagiaire à l'Etude N______ SARL et K______ y est collaboratrice administrative.

i. Les administrateurs spéciaux précisaient que la teneur du rapport du 7 mars 2023 et des pièces annexées avait été approuvée par la commission des créanciers.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur la rémunération des membres de l'administration spéciale et de la commission des créanciers en cas de liquidation complexe (art. 13 LP; art. 47 OELP; art. 125 et 126 LOJ;
art. 6 al. 1 et 7 al. 2 let. c et 3 let. c LALP).

La Chambre de surveillance siège dans sa composition plénière prévue par l’art. 7 al. 3 let. c LaLP lorsqu'elle détermine, préalablement à la liquidation, les tarifs horaires applicables à la rémunération des membres de l'administration spéciale, de la commission des créanciers, ainsi que de leurs auxiliaires. Elle siège dans la composition à trois juges prévue par l’art. 7 al. 2 let. c LaLP pour fixer leur rémunération finale à l'issue de la liquidation.

1.2 En revanche, la Chambre de surveillance n'a aucune compétence pour approuver les comptes finaux de liquidation et la requête en ce sens des administrateurs spéciaux est irrecevable.

1.3 Nonobstant l'absence de conclusions, la Chambre de surveillance statuera également sur la rémunération des membres de la commission des créanciers, les éléments pertinents figurant dans le rapport et les pièces jointes.

2. 2.1.1 En application de l'art. 16 LP, le Conseil fédéral a arrêté le tarif des émoluments prévus par la LP (OELP). Les émoluments en matière de faillite sont fixés aux art. 44 à 46 OELP et prévoient notamment la rémunération des actes d'administration de la faillite. Ces tarifs s'appliquent aussi bien à l'administration ordinaire qu'à l'administration spéciale de la faillite (art. 43 OELP).

Une modification de cette tarification peut intervenir, sur décision de l'autorité de surveillance, en application de l'art. 47 al. 1 OELP, en présence d'une procédure de faillite complexe qui nécessite des connaissances spécifiques techniques ou juridiques et qui requièrent des enquêtes particulières aux fins d'établir les faits ou le droit. L'appréciation de la complexité s'effectue selon des critères qualitatifs et non quantitatifs, sur la base du dossier, des documents qui le composent et des renseignements obtenus des intéressés (ATF 138 III 443 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_266/2012 du 12 novembre 2012 consid. 2.1).

2.1.2 Aux termes de l'art. 84 OAOF – applicable aux administrations spéciales par renvoi de l'art. 97 OAOF –, si l'administration de la faillite estime avoir droit à des honoraires spéciaux à teneur de l'art. 48 (recte : 47) OELP, elle doit, avant de procéder à l'établissement du tableau de distribution définitif, soumettre à l'autorité de surveillance, pour en faire fixer le montant, une liste détaillée de toutes ses vacations au sujet desquelles l'ordonnance sur les frais ne prévoit pas d'émolument spécial. En l'absence de liste détaillée conforme aux exigences légales des opérations auxquelles l'administration spéciale a procédé, l'autorité de surveillance peut, sans abuser de son pouvoir d'appréciation, refuser d'approuver les honoraires demandés et ne prendre que partiellement en compte les opérations effectuées (cf. ATF 130 III 176 consid. 2 = JdT 2005 II 19; arrêts du Tribunal fédéral 5A_321/2021 du 24 août 2021, consid. 4.1, 7B.22/2006 du 2 juin 2006 consid. 3).

2.1.3 La taxation des administrateurs spéciaux intervient en deux étapes. Dans une première décision, rendue au début de la procédure de liquidation, l'autorité de surveillance détermine le tarif horaire applicable à leurs activités en fonction de leurs qualifications et de la complexité de la liquidation; elle arrête les divers tarifs horaires, étant précisé que l'autorité peut alors fixer un tarif selon les différentes activités et leur répartition en diverses catégories, par exemple travaux de pure routine, tâches simples et activités exigeantes. Dans une seconde décision, prononcée à la fin de la liquidation, elle arrête définitivement la rémunération des intéressés au vu de l’activité effectivement déployée et conformément au tarif horaire initialement arrêté, selon un décompte détaillé des activités de l'administration (ATF 130 III 611 consid. 3.1 et 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid. 4.1, 5A_321/2021 du 24 août 2021 consid. 4.2).

L'administration de la faillite ne peut appliquer, lorsqu'elle requiert la taxation définitive de sa rémunération à la fin de la liquidation, un autre tarif horaire que celui fixé dans la première décision et ainsi en demander la validation a posteriori (arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid. 4.1).

Tout prélèvement d'acompte doit être approuvé par l'autorité de surveillance par une taxation intermédiaire (ATF 130 III 176; arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid 4.1).

2.1.4 L'art. 47 OELP n'impose pas une méthode particulière pour fixer la rémunération de l'administration d'une faillite complexe; il prescrit cependant de tenir compte, notamment, de la difficulté et de l'importance de l'affaire, du volume de travail fourni et du temps consacré. L'autorité de surveillance jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 130 III 611 consid 1.2; 130 III 176 consid. 1.2 = JdT 2005 II 19; arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid. 2).

A l'instar des organes ordinaires de l'exécution forcée, comme l'Office des faillites, les administrateurs spéciaux et les membres des commissions de surveillance exercent des charges publiques, au bénéfice de prérogatives de puissance publique. S'il est légitime qu'ils le fassent contre rémunération, leurs activités ne présentent pas un caractère commercial et ne sont pas orientées vers l'obtention d'un profit (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 23 ad art. 241 LP).

Le tarif à fixer dans le cadre de procédures complexes doit rester dans un rapport raisonnable avec celui que fixe l'OELP, vu le caractère social de ce dernier. L'autorité de surveillance peut s'inspirer de tarifs professionnels édictés par une association professionnelle, mais ils ne la lient pas. Il se justifie, eu égard au but social du tarif des frais, de rester en-dessous des tarifs de la Chambre suisse des sociétés fiduciaires et des experts comptables ou du tarif maximal admis par le tarif cantonal des avocats d'office (ATF 130 III 611 consid. 3.1; 120 III 97 consid. 2; 114 III 42 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid. 2.2).

Le Tribunal fédéral a considéré que des tarifs horaires compris entre 120 fr. et 220 fr. étaient de pratique courante en 2004 pour un avocat et que pour un praticien actif à Neuchâtel des tarifs de 200 fr. pour les activités essentielles, de 140 fr. pour les activités spécialisées et de 90 fr. pour les activités d'exécution était admissible (ATF 130 III 611 consid. 4.1). Il a également validé une décision zurichoise de 2004 fixant des tarifs horaires de 280 fr. pour l'administrateur spécial avocat et ses associés, 220 fr. pour les avocats collaborateurs et 90 fr. pour le secrétariat (arrêt du Tribunal fédéral 7B./862005 du 18 juillet 2005). Pour un avocat tessinois, en 2012, le Tribunal fédéral a confirmé les tarifs pratiqués par les autorités de surveillance depuis 2010, soit 150 à 180 fr. pour les indépendants titulaires d'un titre universitaire, 130 à 160 fr. pour les dépendants titulaires d'un titre universitaire, 120 à 150 fr. pour les indépendants sans titre universitaire, 110 à 140 fr. pour les dépendants sans titre universitaire, 60 à 90 fr. pour les dépendants avec fonction de comptable et 40 à 60 fr. pour les dépendants avec fonction de secrétariat (arrêt du Tribunal fédéral 5A_266/2012 du 12 novembre 2012).

Il ressort de la jurisprudence de la Chambre de surveillance que, depuis plusieurs années, les tarifs horaires fixés pour les administrateurs spéciaux de faillites complexes se situent entre 300 et 400 fr. (décisions de la Chambre de surveillance DCSO/403/2011 du 9 novembre 2011; DCSO/432/2011 du 9 novembre 2011; DCSO/8/13 du 15 janvier 2013; DCSO/173/2015 du 6 mai 2015; DCSO/176/2017 du 30 mars 2017; DCSO/377/2017 du 2 août 2017; DCSO/110/2019 du 11 mars 2019). Le tarif moyen de 350 fr. a été appliqué à des liquidations complexes ordinaires (DCSO/176/2017 du 30 mars 2017, DCSO/173/2015 du 6 mai 2015). En 2019, un tarif horaire de 275 fr. de l'heure a été appliqué dans une décision de taxation à l'issue d'une liquidation particulièrement complexe et de longue haleine, mais il est peu représentatif car il avait été fixé en 1998, soit il y a plus de vingt ans (DCSO/110/2019 du 11 mars 2019). Un tarif de 400 fr. de l'heure a été retenu dans deux causes exceptionnelles (DCSO/8/13 du 15 janvier 2013 : liquidation de la faillite de L______; DCSO/332/2007 du 12 juillet 2007 : liquidation de la faillite de M______). Finalement, un tarif de 450 fr. de l'heure a été retenu à une reprise pour un avocat, lequel est toutefois atypique et incomparable car il comprenait forfaitairement la rémunération des auxiliaires qui n'était pas facturée séparément (DCSO/377/2017 du 2 août 2017).

Dans la plupart des cas qui lui ont été soumis, la Chambre de surveillance a également fixé séparément une rémunération pour les auxiliaires de l'administration spéciale (secrétaires, secrétaires de direction et aides de bureau – entre 60 et 220 fr. de l'heure –, avocats collaborateurs, avocats stagiaires et juristes – entre 100 et 275 fr. de l'heure –, fiscalistes – entre 280 et 350 fr. de l'heure –, comptables et experts-comptables – entre 100 et 400 fr. de l'heure –, économistes – 200 fr. de l'heure –, managers et auxiliaires logistiques – entre 70 et 200 fr. de l'heure –; cf. DCSO/35/2020 du 6 février 2020; DCSO/110/2019 du 11 mars 2019; DCSO/8/2013 du 15 janvier 2013, DCSO/27/2012 du 19 janvier 2012; CSO/432/2011 du 9 novembre 2011; DCSO/423/2009 du 1er octobre 2009; DCSO/495/2007 du 25 octobre 2007; DCSO/507/2006 du 17 août 2006).

2.1.5 Concernant l'ampleur de l'activité déployée, l'examen de la Chambre de surveillance se fonde en premier lieu sur les décomptes établis par les membres de l'administration spéciale, qui sont présumés correspondre à la réalité. Elle ne s'en écartera qu'en présence d'éléments conduisant à douter de leur exactitude, telles des incohérences entre les pièces du dossier ou entre ces pièces et d'autres informations, ou encore en raison d'une disproportion entre l'activité supposée avoir été déployée et celle raisonnablement nécessaire à son accomplissement. La Chambre de céans n'examine qu'avec réserve si une ou plusieurs opérations individuelles étaient ou non utiles en vue de la liquidation de la faillite, un tel jugement a posteriori étant notoirement délicat. En revanche, il faut veiller à ce que, globalement, l'activité déployée soit demeurée adéquate et proportionnée aux problèmes concrètement posés par la liquidation ainsi qu'aux démarches effectuées en vue de les résoudre.

2.2.1 En l'espèce, la Chambre de surveillance a statué au début des opérations de liquidation, le 14 décembre 2020, sur l'admission du caractère complexe de la liquidation de la faillite et la fixation du tarif horaire applicable aux deux administrateurs spéciaux désignés et à leurs auxiliaires annoncés. En revanche, elle n'a pas statué sur le tarif horaire des autres membres de l'Etude N______ SARL – soit Me G______, associée, Me H______ et Me I______ –, n'ayant été informée de leur intervention dans la liquidation qu'à l'issue de celle-ci.

Selon les règles rappelées supra, le cadre tarifaire posé dans la décision rendue au début de la liquidation n'est en principe pas modifiable. La Chambre de céans a toutefois déjà statué à la fin de la liquidation sur les honoraires d'intervenants qui n'avaient pas été annoncés initialement (cf. décision DCSO/122/2022 du 17 mars 2022). Une telle pratique doit rester exceptionnelle, car elle déroge au régime prévu par les art. 46, 47 OELP et 84 OAOF et génère de l'incertitude dans la rémunération de l'administration spéciale. Elle représente également une entorse aux règles fixant une composition différente de la Chambre de céans pour statuer sur le tarif horaire des liquidateurs et de leurs auxiliaires et pour statuer sur la taxation finale des honoraires. Elle sera encore admise en l'espèce, mais la Chambre renvoie à l'avertissement figurant infra (consid. 2.2.5).

Les administrateurs spéciaux demandent que les honoraires de G______ soient admis à raison de 52,83 heures – en bonne partie pour de la tenue de comptabilité – à un tarif horaire similaire à celui des liquidateurs, soit 400 fr.

Si les liquidateurs choisissent de recourir aux services d'un tiers pour effectuer des opérations de liquidation, ce ne peut être qu'à titre d'auxiliaire. Le tiers auquel il est recouru n'est en effet pas désigné liquidateur et n'assume pas la responsabilité de cette fonction. Il n'y a par conséquent aucune raison qu'il bénéficie d'une rémunération équivalente à celle des liquidateurs. En outre, l'activité déployée en l'occurrence a en grande partie consisté en tenue de comptabilité qui ne justifie pas une rémunération similaire à celle des liquidateurs. Compte tenu de sa formation d'avocate, de son statut d'associée de l'Etude N______ SARL et de l'activité déployée, la rémunération de G______ sera arrêtée à 300 fr. de l'heure, ce qui est déjà élevé au vu des tarifs généralement pratiqués et rappelés ci-dessus.

Les heures effectuées par H______ et I______ ressortant des time-sheets seront quant à elles ignorées, l'intervention de ces personnes n'étant ni annoncée, ni justifiée a priori.

2.2.2 Pour le surplus, la quantité d'heures dévolue à la liquidation de la faillite de A______ SA, EN LIQUIDATION par les administrateurs spéciaux et leurs auxiliaires n'appelle pas de remarque particulière et peut être avalisée, s'agissant d'une liquidation particulièrement complexe. La commission des créanciers, à laquelle les comptes de liquidation et les honoraires envisagés ont été soumis, n'a pas élevé de contestations.

2.2.3 La Chambre de surveillance fixera par conséquent comme suit les honoraires des liquidateurs ainsi que de leurs auxiliaires :

 

Intervenant

Heures

Tarif

Facturé

B______

892.50

400.-

357'000.00

C______

956.42

400.-

382'568.00

G______

52.83

300.-

15'849.00

H______

12.34

0.0

I______

0.17

0.0

J______

1.50

200.-

300.00

K______

23.58

150.-

3'537.00

TOTAL

1'939.33

 

759'254.00

 

Compte tenu du fait que les liquidateurs ont déjà perçu les honoraires taxés, ils sont tenus de restituer 10'301 fr. (769'555 fr. – 759'254 fr.) à la masse en faillite de A______ SA, EN LIQUIDATION.

La provision d'honoraires de 50'000 fr. pour les opérations finales de liquidation apparaît très élevée au vu de l'activité résiduelle, essentiellement administrative (paiement et établissement des actes de défaut de biens) et logistique (archivage et remise à l'Office). Elle sera réduite à 20'000 fr.

2.2.4 La taxation des honoraires des membres de la commission des créanciers ne suscite aucune observation et le montant de 51'687 fr. 45 sera avalisé.

2.2.5 La Chambre de surveillance observe que l'administration spéciale a omis de requérir en temps voulu la fixation de la rémunération d'auxiliaires dont elle n'avait pas annoncé l'intervention au début de la liquidation. Elle s'est par ailleurs versé des honoraires intermédiaires sans approbation par la Chambre de céans. Elle n'a pas non plus présenté à la Chambre de céans de décomptes structurés des honoraires à taxer, renvoyant l'autorité à rechercher les éléments pertinents dans les comptes de liquidation et dans les pièces comptables annexées. Les administrateurs spéciaux, en l'occurrence coutumiers des administrations spéciales, sont avertis que dans la mesure où de telles omissions devaient se répéter, leurs requêtes en taxation d'honoraires pourraient être rejetées à l'avenir.

3. La procédure de taxation ne donne pas lieu à la perception d'un émolument, ni à l'allocation de dépens (art. 61 al. 2 et 62 OELP par analogie; DCSO/35/20 du 6 février 2020 consid. 3).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la requête de taxation formée le 7 mars 2023 par Monsieur B______ et Me C______, administrateurs spéciaux de la faillite de A______ SA, EN LIQUIDATION.

Déclare irrecevable la requête d'approbation des comptes finaux de la liquidation de la faillite de A______ SA, EN LIQUIDATION.

Au fond :

Arrête le tarif horaire de la rémunération de G______ à 300 fr.

Arrête la rémunération des administrateurs spéciaux et de leurs auxiliaires, pour la période du 18 septembre 2020 au 3 mars 2023, à 759'254 fr.

Ordonne la restitution par les liquidateurs à la masse en faillite de A______ SA, EN LIQUIDATION de 10'301 fr.

Réserve la facturation des dernières opérations de liquidation à hauteur d'un montant de l'ordre de 20'000 fr.

Arrête la rémunération des membres de la commission des créanciers à 51'687 fr. 45.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI et Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 


Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.