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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1033/2023

DCSO/248/2023 du 08.06.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : LP.97.al1; LP.120; LP.125.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1033/2023-CS DCSO/248/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 8 JUIN 2023

 

Plainte 17 LP (A/1033/2023-CS) formée en date du 20 mars 2023 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Luca MINOTTI, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 12 juin 2023 à :

-       A______

c/o Me MINOTTI Luca

PBM Avocats SA

Avenue de Champel 29

Case postale

1211 Genève 12.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______, domicilié au B______ (VS), fait l'objet de diverses poursuites diligentées à son encontre par l'Office des poursuites des districts de K______ et L______ (ci-après : l'OP valaisan).

b. Appelé, dans le cadre de plusieurs de ces poursuites, à procéder à la saisie des biens du débiteur, l'OP valaisan a, en application de l'art. 4 al. 1 LP, requis de l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) qu'il saisisse divers lots de boissons alcoolisées appartenant au poursuivi, entreposés sous douane dans un local sis aux Ports francs de Genève.

c. Donnant suite à ces requêtes, l'Office a procédé le 19 août 2021 à la saisie de 418 bouteilles d'apéritif "C______", pour une valeur estimée à 7'356 fr. 80, de 186 bouteilles de cocktail "D______", pour une valeur estimée à 3'069 fr., de 186 bouteilles de cocktail "E______", pour une valeur estimée à 3'069 fr., de 186 bouteilles de cocktail "F______", pour une valeur estimée à 3'069 fr., de 954 bouteilles de vin "G______", pour une valeur estimée à 7'345 fr. 80, de 1'662 bouteilles de vin "H______", pour une valeur estimée à 17'797 fr. 40, et de 1'104 bouteilles de vin "I______", pour une valeur estimée à 8'500 fr., soit une valeur d'estimation totale de 50'207 fr. 80. Selon les explications de l'Office – contestées par le poursuivi – ces valeurs d'estimation auraient été établies sur la base des indications données par A______, présent lors de l'exécution par délégation de la saisie, relatives au "prix courant" des bouteilles saisies.

Les objets saisis ont été laissés dans le local – non réfrigéré – où ils étaient entreposés jusqu'alors.

d. Les procès-verbaux d'exécution sur délégation de la saisie, mentionnant les valeurs d'estimation retenues par l'Office, ont été adressés à A______ par plis recommandés du 27 août 2021. Ils n'ont fait l'objet d'aucune plainte au sens de l'art. 17 LP.

Il ne résulte par ailleurs pas du dossier – et A______ ne l'allègue pas – qu'une plainte aurait été formée contre le procès-verbal de saisie que ce dernier a dû recevoir de l'OP valaisan, lequel reprenait les valeurs d'estimation retenues par l'Office.

e. Plusieurs créanciers ayant requis la vente des biens saisis, l'OP valaisan, par réquisitions des 24 septembre 2021, 13 janvier 2022 et 10 juin 2022, a délégué à l'Office la réalisation des bouteilles saisies aux Ports francs.

f. La vente aux enchères des biens saisis a été fixée au 16 décembre 2022, soit presque quinze mois après réception des premières délégations reçues de l'OP valaisan. L'Office a expliqué à cet égard avoir dû rattraper en 2021 – en respectant l'ordre chronologique – le retard accumulé dans les ventes aux enchères en raison de la pandémie. Un incendie avait en outre endommagé le bâtiment abritant la salle des ventes en avril 2022, le rendant indisponible jusqu'en juin 2022.

g. Par courriers du 29 novembre 2022, l'Office a informé l'OP valaisan et le poursuivi, qui admet avoir reçu cette communication (plainte du 20 mars 2023, p. 2, ch. 6 et 7), de la date, de l'heure et du lieu de la vente aux enchères.

h. La vente a fait l'objet d'une publication intervenue le ______ 2022, soit neuf jours avant la date fixée, sur le site de l'Office. La publication mentionnait que la vente porterait sur "un très important ______ et ______ de plus de 4'000 bouteilles", décrites par leurs types, et des photos pouvaient être consultées. Il était spécifié que la vente se déroulerait aux Ports francs et que les bouteilles, encore sous douane, seraient adjugées en dix lots.

La vente a également fait l'objet d'une annonce, avec photos, sur la page Twitter de l'Office ainsi que sur celle de l'hebdomadaire J______.

Aucun prix minimal n'a été fixé.

i. La vente aux enchères publiques s'est déroulée comme annoncé le ______ 2022 aux Ports francs. Cinq personnes se sont présentées et une seule a enchéri. Les dix lots lui ont été adjugés pour un montant total de 230 fr.

A______ n'était pas présent.

j. Par courriel du 27 janvier 2023, l'Office a informé l'OP valaisan du résultat de la vente, indiquant que le produit de celle-ci ne permettrait pas de couvrir l'intégralité des frais encourus (frais du service des ventes, frais de publicité et facture des Ports-francs).

Dans un courriel subséquent du 7 février 2023, l'Office a remis à l'OP valaisan le procès-verbal de vente, ajoutant que les alcools vendus, d'origine roumaine, étaient demeurés stockés de nombreuses années avant d'être saisis, que certains semblaient "avoir tourné" et que les frais de douane, très élevés, étaient susceptibles de décourager les acquéreurs potentiels.

k. Par courrier adressé le 2 mars 2023 à A______, réputé avoir été reçu le 10 mars 2023 par ce dernier, l'OP valaisan l'a informé du résultat de la vente.

B. a. Par acte adressé le 20 mars 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la vente aux enchères du 16 décembre 2022, concluant à son annulation. A l'appui de cette conclusion, le plaignant a relevé la longue période ayant séparé l'exécution de la saisie de la réalisation et la disproportion "abyssale" entre la valeur d'estimation et le prix de vente des biens saisis.

b. Par ordonnance du 28 mars 2023, la Chambre de surveillance a rejeté la requête d'effet suspensif formée à titre préalable par le plaignant.

c. Dans ses observations du 18 avril 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte, expliquant en substance que la vente s'était déroulée conformément aux dispositions légales applicable.

d. Par réplique du 8 mai 2023, A______ a persisté dans ses conclusions. Il a dénoncé la violation par l'Office de l'art. 97 al. 1 LP, un abus, subsidiairement un excès de son pouvoir d'appréciation dans la préparation et le déroulement de la vente aux enchères intervenue le 16 décembre 2022 et la violation des art. 120, 122 al. 1 et 124 al. 2 LP. Il a pour le surplus indiqué réserver ses prétentions contre l'Etat de Genève au sens de l'art. 5 LP.

e. En l'absence de duplique spontanée de la part de l'Office, la cause a été gardée à juger le 24 mai 2023.

 

EN DROIT

1. 1.1 Lorsque l'exécution d'un acte de poursuite est, en application de l'art. 4 al. 1 LP, déléguée par l'office conduisant la poursuite à l'office territorialement compétent pour procéder à cet acte, c'est l'autorité de surveillance dont dépend l'office délégué qui est compétente pour connaître d'une plainte relative à cette exécution (Möckli, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 11 ad art. 4 LP).

La plainte est en l'espèce dirigée contre une mesure de réalisation des actifs saisis, soit contre l'exécution par l'Office, en qualité d'office délégué au sens de l'art. 4 al. 1 LP, d'une opération à laquelle il avait été requis de procéder en application de cette disposition par l'OP valaisan, en sa qualité d'office conduisant la poursuite. La Chambre de surveillance, autorité de surveillance de l'Office (art. 6 LaLP), est donc bien compétente pour en connaître.

1.2.1 A raison de la matière, la Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

La réalisation d'objets saisis doit être contestée par la voie d'une plainte contre l'adjudication ou l'acte de vente de gré à gré (art. 132a al. 1 LP). Le délai de plainte court alors du jour où le plaignant a eu connaissance de l'acte attaqué et pouvait connaître le motif de la contestation (art. 132a al. 2 LP). Le droit de plainte s'éteint toutefois un an après la réalisation (art. 132a al. 2 LP).

1.2.2 La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés ou, à tout le moins, atteinte dans ses intérêts de fait par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite. Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 139 III 384 consid. 2.1; 138 III 219 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_48/2022 du 10 mai 2022 consid. 4.2.1 et les références).

De pratique constante, la plainte n'est dès lors recevable que si elle permet d'atteindre un but concret sur le plan de l'exécution forcée; L'art. 21 LP prévoit en effet que, lorsqu'une plainte est reconnue fondée, l'autorité annule ou redresse l'acte qui en fait l'objet. La plainte ne peut ainsi, sous peine d'irrecevabilité, avoir seulement un effet déclaratif ou tendre uniquement à faire constater l'irrégularité du procédé de l'office pour fonder éventuellement une action en responsabilité selon l'art. 5 LP (ATF 138 III 265 consid. 3.2; 138 III 219 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_837/2018 du 17 mai 2019 consid. 3.1). C'est pourquoi, la plainte n'est en particulier pas recevable si la mesure critiquée est irrévocable. Une rectification de la mesure n'étant plus possible, l'existence d'un intérêt actuel et concret de la recourante doit, sous réserve de circonstances exceptionnelles, être niée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_696/2008 du 17 avril 2009 consid. 2.1; 7B.20/2005 du 14 septembre 2005 consid. 1, 7B.25/2004 du 19 avril 2004 consid. 2.3 et les références).

1.3 La plainte est en l'espèce dirigée contre la réalisation de biens saisis, qui est une mesure pouvant être contestée par cette voie. Elle respecte les exigences de forme légales et a été déposée dans les dix jours de la réception par le plaignant du courrier de l'OP valaisan l'informant du résultat des enchères, et moins d'un an après la tenue de ces dernières, soit en temps utile. Elle est donc, en tant que telle, recevable.

La recevabilité des griefs invoqués par le plaignant sera, pour sa part, examinée en même temps que ces derniers.

2. Le plaignant dénonce en premier lieu une violation de l'art. 97 al. 1 LP:

2.1 L'art. 97 al. 1 LP impose à l'office des poursuites d'estimer la valeur des biens qu'il saisit, c'est-à-dire de déterminer le montant prévisible du produit qui pourrait être obtenu de leur vente dans le cadre d'enchères forcées. Il s'agit là d'une question d'appréciation, l'Office devant également décider dans chaque cas si le recours à un expert se justifie ou non (Winkler, in KUKO SchKG, N 4 à 6 ad art. 97 LP).

La valeur d'estimation retenue est notamment importante pour déterminer si un bien est ou non saisissable au regard de l'art. 92 al. 2 LP (insaisissabilité des biens pour lesquels il y a lieu d'admettre d'emblée que le produit de leur réalisation excéderait de si peu le montant des frais que leur saisie ne se justifie pas), dans quelle mesure les avoirs du poursuivi peuvent, respectivement doivent être saisis (art. 97 al. 2 et art. 110 al. 1 deuxième phrase LP), ou encore si un acte de défaut de biens provisoire doit être délivré (art. 115 al. 2 LP). En matière de réalisation, l'art. 143b al. 1 LP, applicable à la réalisation forcée des immeubles, prévoit que ceux-ci ne peuvent être vendus de gré à gré – plutôt qu'aux enchères forcées – que lorsque tous les intéressés y consentent et que le prix offert est au moins celui de l'estimation. L'art. 128 LP prescrit par ailleurs que les objets en métaux précieux ne peuvent, quelle que soit leur valeur d'estimation, être adjugés à un prix inférieur à la valeur du métal.

Tant le poursuivi que les créanciers poursuivant peuvent contester par la voie de la plainte l'estimation de l'office.

2.2 L'Office a en l'espèce estimé à 50'207 fr. 80 la valeur d'estimation des bouteilles saisies en se fondant, selon ses explications, sur les indications données sur place par le plaignant lui-même. Sans critiquer ce montant en tant que tel, le plaignant paraît reprocher à l'Office de ne pas avoir pris en considération dans son évaluation que les bouteilles étaient sous douane et que leur acquéreur devrait donc, s'il entendait les écouler sur le marché suisse, acquitter des droits de douane important.

Le caractère plus ou moins exact de l'estimation importe cependant peu à ce stade. Il suffit en effet de constater sur ce point que ni le plaignant ni les créanciers participant à la saisie n'ont contesté le montant de l'estimation au moment où celui-ci leur a été communiqué, soit au plus tard avec le procès-verbal de saisie, avec pour conséquence que les éventuels griefs du plaignant à cet égard sont tardifs et donc irrecevables.

3. Le plaignant, si l'on comprend bien son argumentation, paraît considérer que l'Office était "lié" par son estimation et qu'il lui appartenait de prendre les mesures utiles pour que les biens ne soient pas adjugés à "vil prix".

3.1 Selon l'art. 125 al. 1 LP, la réalisation est faite aux enchères publiques. Elle est précédée d'une publication qui en indique le lieu, le jour et l'heure. L'al. 2 de l'art. 125 LP prévoit pour sa part que la publicité à donner à l'avis prévu par l'al. 1, de même que le mode, le lieu et le jour des enchères, sont déterminés par le préposé de la manière qu'il estime la plus favorable pour les intéressés, une insertion dans la feuille officielle (soit à Genève la FAO) n'étant pas de rigueur. L'Office peut en particulier fixer une mise à prix minimale, ce afin de mettre les intéressés à l'abri d'une vente intervenant par surprise à vil prix, telle qu'elle pourrait résulter de l'application du principe de couverture prévu par l'art. 126 LP (arrêt du Tribunal fédéral 5A_500/2017 du 27 septembre 2017 consid. 5.1 ; 5A_244/2016 du 4 octobre 2016 consid.4.2); en règle générale, il n'est cependant pas fait usage de cette faculté lorsque la vente porte sur des biens meubles (Lauber, Les conditions de vente mobilière et immobilière, in JdT 2012 41 ss., 43).

3.2 Dans le cas d'espèce, l'Office a pris des mesures de publicité en publiant l'avis de vente, comportant une description des biens à réaliser, ainsi que des photos sur son site, sur sa page "Twitter" et sur le site de l'hebdomadaire J______, qui jouit d'une diffusion importante auprès de la population genevoise. Ces mesures paraissent suffisantes et adéquates tant au vu des objets à réaliser que du public potentiel et des frais entraînés : l'Office pouvait en effet raisonnablement admettre, au vu des media utilisés, que les personnes susceptibles d'être intéressées par l'acquisition des objets à réaliser auraient connaissance de l'avis de vente, ce qui, à tout le moins dans une certaine mesure, a été le cas puisque cinq acheteurs potentiels se sont présentés. Le reproche formulé par le plaignant, selon lequel l'Office aurait en outre dû informer un public "ciblé", tombe à faux : d'une part, il n'indique pas aujourd'hui – de la même manière qu'il n'a pas indiqué à l'Office à l'époque – quel aurait pu être ce public ciblé; d'autre part, il est à craindre que les mesures prises pour informer ce public auraient entraîné des coûts importants, auxquels l'Office pouvait à juste titre renoncer.

On ne voit pas pour le surplus en quoi le fait d'autoriser des offres écrites – ce qui n'est pas de coutume en matière de ventes mobilières (Lauber, op. cit., p, 42) – aurait permis d'obtenir des offres plus élevées, le plaignant n'alléguant du reste pas que des acheteurs potentiels absents lors de la vente auraient souhaité enchérir par cette voie.

L'Office n'avait enfin aucune raison de fixer un prix minimal. D'une part, il n'avait a priori aucune raison de douter que, conformément aux principes d'une vente aux enchères, le libre jeu de l'offre et de la demande déboucherait sur une adjudication pour un montant correspondant peu ou prou à la valeur vénale des biens saisis. Il pouvait notamment tenir compte à cet égard du fait que, contrairement à un immeuble par exemple, des bouteilles d'alcool peuvent avoir une valeur très fluctuante compte tenu de leur qualité, de leur âge, de leurs conditions de conservation et des goûts du public, avec pour conséquence que la fixation d'un prix minimal – au demeurant difficilement déterminable – pouvait avoir pour conséquence de décourager de potentiels acheteurs. D'autre part, la fixation d'un prix minimal aurait pu entraîner l'échec de la vente, et avec lui une augmentation des frais et le risque qu'une vente ultérieure aboutisse à un résultat encore moins favorable.

Aucun reproche ne peut donc être adressé à l'Office en relation avec les modalités de la vente et leur communication.

Le plaignant ne peut être suivi lorsqu'il déduit le contraire de la "disproportion" entre la valeur estimée des bouteilles (50'207 fr. 80) et le montant pour lequel elles ont été adjugées (230 fr.). Ce faisant, il perd en effet de vue que l'estimation prévue par l'art. 97 al. 1 LP ne constitue qu'une prévision de l'Office fondée sur les informations – parfois partielles voire erronées – dont il dispose au moment où il l'émet, avec pour conséquence qu'elle peut elle-même être erronée. Le simple fait que cette prévision ne se réalise pas ne permet donc pas encore d'affirmer, comme le fait le plaignant, que les biens réalisés l'auraient été à "vil prix" : une telle conclusion supposerait que la véritable valeur de ces biens ait été déterminée avec un certain degré de certitude (et non simplement estimée au moment de leur saisie), ce qui n'est pas le cas en l'espèce. A cela s'ajoute qu'il ne peut être considéré qu'une adjudication pour un montant par hypothèse inférieur à la valeur vénale des biens saisis serait par principe due à un manquement de l'Office.

Il faut enfin relever que le plaignant, dont il est établi qu'il a été informé avec plusieurs jours d'avance de la vente et avait la possibilité de consulter les avis publiés, mentionnant les modalités de la vente, n'a adressé à l'Office aucune remarque ou suggestion sur la manière dont, à son sens, les actifs auraient pu être réalisés plus avantageusement.

4. Le plaignant dénonce ensuite une violation des art. 120, 122 al. 1 et 124 al. 2 LP.

4.1.1 Selon l'art. 120 LP, l'office des poursuites doit informer le débiteur du dépôt d'une réquisition de réalisation dans les trois jours de sa réception. Cet avis – correspondant au formulaire obligatoire n° 28 – doit comporter l'identité du poursuivant ayant requis la réalisation, le numéro de poursuite, le numéro de série et le type de biens (immeubles ou meubles, créances et autres droits) devant être réalisés ainsi que, si elle est déjà connue, la date de la vente. Il doit également attirer l'attention du poursuivi sur la possibilité que lui réserve l'art. 123 LP d'obtenir un sursis à la réalisation s'il rend vraisemblable qu'il peut s'acquitter de la prétention du poursuivant par acomptes et qu'il s'engage à verser à l'office des acomptes réguliers et appropriés.

Le délai prévu par l'art. 120 LP étant un délai d'ordre, un simple retard dans l'avis au débiteur est sans effet sur la validité de la vente. Les conséquences d'une omission totale de cet avis, ou d'une communication viciée ayant eu pour conséquence qu'il ne peut être établi que le poursuivi en ait eu connaissance, dépendent pour leur part de l'examen des circonstances du cas d'espèce. Dans un arrêt déjà ancien relatif à une vente immobilière (ATF 35 I 854, p. 857), le Tribunal fédéral a ainsi admis que la communication viciée de l'avis ayant empêché le débiteur de faire valoir ses droits en temps utile avait pour conséquence l'annulabilité, sur plainte, de la vente, solution reprise sans plus ample examen par plusieurs auteurs de doctrine (Bettschart, in CR LP, 2005, N 8 ad art. 120 LP; Rüetschi, in KUKO SchKG, N 7 ad art. 120 LP; Zondler, in Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], N 6 ad art. 120 LP). Dans un arrêt plus récent relatif à une poursuite en réalisation de gage immobilier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_25/2011 consid. 2.1), le Tribunal fédéral a confirmé que le défaut d'avis était susceptible d'entraîner l'annulabilité de la vente mais a réservé le cas où le poursuivi était informé de celle-ci par l'avis spécial prévu par l'art. 139 LP, sur renvoi de l'art. 156 al. 1 LP. La Chambre de céans, pour sa part, a retenu qu'il incombait au poursuivi n'ayant pas reçu l'avis prévu par l'art. 120 LP, s'il avait néanmoins connaissance de la vente, de se manifester immédiatement auprès de l'office, à défaut de quoi il était abusif de sa part d'invoquer cette absence d'avis, respectivement l'absence de preuve de sa communication, à l'appui d'une conclusion en annulation de la vente (DCSO/304/2012 du 26 juillet 2012 consid. 2.2 à 2.4). De manière similaire, il a été admis en doctrine que l'absence de communication de l'avis prévu par l'art. 120 LP ne pouvait entraîner l'annulabilité de la vente que s'il ne pouvait être établi que le poursuivi avait eu connaissance d'une autre manière des informations nécessaires à la défense de ses droits (Frey/Staible, in BSK SchKG I, 2021, N 10 ad art. 120 LP).

4.1.2 Dans le cas d'espèce, il ne résulte effectivement pas du dossier soumis à la Chambre de céans que le plaignant ait été dûment avisé, conformément à l'art. 120 LP, de la réception des diverses réquisitions de vente ayant conduit à la vente aux enchères et à l'adjudication contestées. Au vu des considérations qui suivent, il n'y a pas lieu d'interpeller à cet égard l'OP valaisan auquel, prima facie, incombait la responsabilité de communiquer cette information dans la mesure où c'est auprès de lui que les créanciers devaient requérir la continuation de la poursuite.

Il résulte en effet des pièces que, par plusieurs avis adressés le 29 novembre 2022 au plaignant, l'Office l'a informé de la date, de l'heure et du lieu des enchères, dont il était indiqué qu'elles intervenaient à la suite de réquisitions de vente déposées par des créanciers saisissant. Avec la réception de ces avis, expressément admise par le plaignant, celui-ci ne pouvait donc ignorer qu'un ou plusieurs créanciers avaient requis la réalisation des biens saisis. Il a par ailleurs eu connaissance des informations nécessaires à la défense de ses droits, les avis du 29 novembre 2022 mentionnant notamment la possibilité de formuler une demande de paiement par acomptes. Il lui aurait donc appartenu, s'il avait estimé que la réalisation dans sa forme prévue portait atteinte à ses droits, de prendre contact immédiatement avec l'Office afin d'obtenir que la situation soit régularisée. Ne l'ayant pas fait, il est abusif de sa part de tenter de tirer argument, après l'adjudication et au vu du résultat non conforme à ses attentes de celle-ci, de l'absence de communication de l'avis prévu par l'art. 120 LP. Le moyen doit donc être rejeté.

En tout état, il y a lieu d'admettre que la vente, intervenue il y a quelque six mois et portant sur plusieurs milliers de bouteilles d'alcool alors sous douane, est aujourd'hui irrévocable dans la mesure où, selon toute probabilité, l'acquéreur a d'ores et déjà disposé des bouteilles vendues.

4.2.1 Selon l'art. 122 al. 1 LP, les biens meubles doivent être réalisés dix jours au plus tôt et deux mois au plus tard à compter de la réception de la réquisition de vente. Le délai de deux mois constitue un délai d'ordre dont la violation, qui demeure sans influence sur la validité de la vente aux enchères (Suter/Reinau, in Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], N 1 et 39 ad art. 122 LP), est susceptible sous certaines conditions d'entraîner la responsabilité de l'Etat (art. 5 LP; Bettschart, op. cit., N 11 ad art. 119 LP).

4.2.2 Il n'y a pas lieu en l'espèce d'examiner si l'Office a ou non violé le délai d'ordre fixé par l'art. 122 al. 1 LP, ce grief ne pouvant en tout état pas conduire à l'admission des conclusions en annulation de la vente formulées par le plaignant. La procédure de plainte ne saurait par ailleurs viser uniquement à faire constater que l'Office a – ou n'a pas – tardé de manière injustifiée à accomplir un acte lui incombant.

Le grief doit donc être rejeté, le plaignant conservant la possibilité, s'il s'y estime fondé, d'agir contre l'Etat en réparation du dommage qu'il considérerait avoir subi du fait du délai s'étant écoulé entre la réception de la première réquisition de vente et la vente (art. 5 al. 1 LP).

4.3.1 L'art. 124 al. 2 LP permet à l’Office de procéder en tout temps à la réalisation des objets se dépréciant rapidement, dispendieux à conserver ou dont le dépôt occasionne des frais disproportionnés.

4.3.2 Dans le cas d'espèce, et dans la mesure où les objets saisis ont d'ores et déjà été réalisés, on ne voit pas quel intérêt concret et actuel pourrait invoquer le plaignant en relation avec une éventuelle violation de cette disposition par l'Office.

Le grief est donc irrecevable, le plaignant conservant cependant là encore la possibilité, s'il s'y estime fondé, d'agir contre l'Etat en réparation d'un éventuel dommage (art. 5 al. 1 LP).

5. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 20 mars 2023 par A______ contre la vente aux enchères et l'adjudication intervenues le 16 septembre 2022.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président : La greffière :

 

Patrick CHENAUX Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.